Table des matières




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Mercredi 14 janvier 2004

- Présidence de M. André Dulait, président -

Traités et conventions - Accord France-Afrique du Sud concernant la navigation de commerce - Examen du rapport

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé, sur le rapport de M. André Boyer, à l'examen du projet de loi n° 423 (2002-2003) autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud concernant la navigation de commerce et autres matières maritimes connexes.

M. André Boyer, rapporteur, a tout d'abord rappelé que les premières élections libres et multiraciales en Afrique du Sud s'étaient tenues en 1994. Depuis la fin du régime de l'apartheid et sa sortie de l'isolement, l'Afrique du Sud s'est imposée comme un acteur africain de premier plan.

La signature de l'accord relatif à la navigation de commerce, le 26 juin 1998, revêt principalement une dimension politique en manifestant la volonté de l'Afrique du Sud d'une réelle insertion dans les échanges mondiaux.

Cet accord reprend l'essentiel des règles internationales en matière d'ouverture commerciale et de sécurité maritime. Le potentiel de développement des activités de navigation de commerce, compte tenu de la situation géographique du pays, est important. L'accord devrait permettre de faciliter l'activité des entreprises françaises en Afrique du Sud en leur garantissant la stabilité du cadre juridique et l'ouverture du marché.

M. André Boyer, rapporteur, a indiqué que l'accord prévoyait le bénéfice du traitement national aux navires d'un des deux pays dans les ports de l'autre pays et qu'il garantissait aux opérateurs de transport maritime de chaque partie la possibilité d'établir les filiales et agences nécessaires à leur activité. Au titre des simplifications introduites par l'accord, il a souligné la reconnaissance mutuelle des documents techniques et professionnels.

Le rapporteur a souligné que l'activité des navires battant pavillon sud-africain dans les ports français était restreinte, l'armement sud-africain restant modeste.

Les opérateurs français, a poursuivi M. André Boyer, rapporteur, sont présents en Afrique du Sud sous la forme de sociétés de navigation et de transit, mais ils sont, pour l'essentiel, dans une position d'attente, ne desservant pas, en direct, l'Afrique du Sud depuis l'Europe. Les principales difficultés auxquelles sont confrontées ces sociétés résultent de l'insuffisance des équipements portuaires avec des prestations relativement médiocres en regard des coûts exposés. M. André Boyer, rapporteur, a indiqué que les autorités portuaires avaient augmenté les tarifs de façon significative afin de financer les investissements nécessaires. Les projets de libéralisation des services portuaires, actuellement assurés par une administration et qui sont susceptibles d'intéresser des sociétés françaises, n'ont pas totalement abouti.

M. André Boyer, rapporteur, a précisé que les exportations de la France vers l'Afrique du Sud représentaient 1,15 milliard d'euros et que les importations s'élevaient à 800 millions d'euros, ces échanges étant amenés à se développer.

M. André Boyer, rapporteur, a ensuite abordé les dispositions de l'accord réglant les conditions de transit et de séjour des équipages et le statut territorial du navire en escale.

L'accord met en place la reconnaissance mutuelle des documents concernant la sécurité des navires et l'identité des marins. Il comporte une clause de réadmission des clandestins ressortissant de l'autre partie.

L'accord organise un régime spécifique pour les infractions commises à bord d'un navire en escale, qui relèvent théoriquement de la législation de l'Etat du port. Conformément à la jurisprudence française, le texte limite l'intervention des autorités aux seuls cas où elle est sollicitée par le capitaine, en cas de trouble à l'ordre public ou si la victime n'appartient pas à l'équipage. Les dispositions douanières et sanitaires existantes ainsi que celles relatives à la sécurité des navires et des ports, à l'accès des étrangers et à l'environnement restent applicables.

M. André Boyer, rapporteur, a indiqué que l'accord prévoyait la possibilité de coopération en matière de formation professionnelle des marins, de sécurité maritime et de lutte contre les pollutions.

Après avoir souligné que l'Afrique du Sud avait approuvé l'accord, le 1er février 2001, M. André Boyer, rapporteur, a considéré que la France gagnerait à intensifier ses relations avec ce pays qui constitue désormais un pôle de stabilité essentiel en Afrique et un Etat à même d'assurer un véritable leadership. Il a estimé que l'accord contribuerait aux relations entre les parties dans un domaine, la navigation de commerce, dans lequel la France recherche un second souffle et qui représente un fort potentiel pour l'Afrique du Sud. Il a recommandé l'adoption du projet de loi.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Louis Moinard s'est interrogé sur l'objectif de l'augmentation de tarif réalisée par la partie sud-africaine, évoquée par le rapporteur.

M. André Boyer, rapporteur, a précisé que cette augmentation de 30 % touchait les tarifs des prestations portuaires et non les tarifs douaniers. Il s'agit, pour l'Afrique du Sud, de moderniser des installations inadaptées et saturées, en particulier dans le port de Durban, par l'augmentation considérable des volumes.

M. André Dulait, président, a interrogé le rapporteur sur les clauses de réadmission des clandestins.

M. André Boyer, rapporteur, a indiqué que l'accord réglait les cas des clandestins, détenteurs de la nationalité française en Afrique du Sud et sud-africaine en France, dont la réadmission par leur pays d'origine est inscrite dans l'accord.

M. Jean-Guy Branger a souhaité obtenir des précisions sur l'activité des opérateurs français de navigation de commerce en Afrique du Sud.

M. André Boyer, rapporteur, a indiqué que cette activité était, pour le moment, relativement restreinte dans la mesure où les opérateurs français ne desservent pas directement l'Afrique du Sud depuis l'Europe. Ainsi la société Delmas emploie 38 personnes sur place, dont 4 expatriés français. Elle effectue une rotation avec six navires, avec une escale tous les 14 jours à Durban.

La commission a ensuite adopté le projet de loi.

Présidence de M. André Dulait, président, et de M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne -

Sécurité et défense - Audition de M. Armand de Decker, président de l'Assemblée de l'UEO

A l'issue de l'examen de l'accord France-Afrique du Sud, la commission a procédé, conjointement avec la délégation pour l'Union européenne, à l'audition de M. Armand de Decker, président de l'Assemblée de l'UEO (assemblée interparlementaire européenne de sécurité et de défense), président du Sénat de Belgique.

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne, s'est déclaré heureux d'accueillir M. Armand de Decker, en rappelant les relations étroites entre le Sénat français et le Sénat de Belgique. Il a souligné la grande expérience acquise par M. Armand de Decker sur les questions de défense européenne, et a insisté sur l'importance des enjeux liés aux dispositions sur la défense et la sécurité que contiendra la future constitution européenne ainsi que sur le rôle fondamental des parlements nationaux dans le contrôle de la politique européenne de sécurité et de défense.

M. Armand de Decker a exprimé sa satisfaction de pouvoir effectuer au Sénat français la première étape d'une tournée qui le conduira à évoquer, dans plusieurs parlements d'Europe, les enjeux de la défense européenne. Il a souligné la proximité, en ce domaine, des positions de la France et de la Belgique, qui partagent une même vision ambitieuse de la politique européenne de sécurité et de défense. Il a déclaré qu'actuellement, faute de capacités militaires suffisantes, l'Europe était dépourvue de la dimension politique qui lui était nécessaire pour accéder au statut de puissance globale.

M. Armand de Decker a rappelé que la dimension militaire avait fortement influencé les premières ébauches de la construction européenne, après la seconde guerre mondiale, avant que l'échec du projet de communauté européenne de défense, en 1954, ne conduise à s'en remettre à l'Alliance atlantique. Ce n'est qu'à partir de 1990 qu'a été relancé le processus de la défense européenne, dès lors qu'il est apparu, avec la guerre du Golfe et le conflit yougoslave, que les Européens ne disposaient que d'une très faible capacité de projection de forces et n'étaient pas en mesure de régler une crise se déclarant à leurs frontières mêmes. Depuis lors, de réels progrès ont été enregistrés. L'UEO a été dotée d'organes politico-militaires (état-major, cellule de planification, cellule de renseignement, centre satellitaire) qui ont été par la suite transférés à l'Union européenne. Pour autant, le cheminement vers une défense européenne reste difficile. Les conceptions de la souveraineté intègrent encore insuffisamment la dimension européenne. Les budgets de défense demeurent construits sur des bases essentiellement nationales. Additionnés, ils représentent environ 150 milliards de dollars, pour 400 milliards de dollars consacrés à la défense aux Etats-Unis, mais les capacités militaires européennes ne représentent que 15 % des capacités américaines.

Abordant les travaux de la conférence intergouvernementale, M. Armand de Decker s'est félicité de l'accord intervenu sur la création d'une agence européenne dans le domaine de la défense, tout en soulignant, compte tenu des précédents tels que le Groupe armement de l'Europe occidentale (GAEO) ou l'Organisme conjoint de coopération en matière d'armement (OCCAR), qu'il faudrait juger cette instance sur ses réalisations concrètes.

Evoquant le projet de Constitution européenne, M. Armand de Decker a souligné que la seule base juridique fondant une autonomie européenne dans le domaine de la sécurité était actuellement l'article V du Traité de l'UEO disposant qu'au cas où l'un des pays membres serait l'objet d'une attaque, ceux-ci lui porteraient aide et assistance par tous moyens, militaires et autres. Si cette terminologie, marquée par le contexte de la guerre froide, peut aujourd'hui prêter à discussion, il n'en demeure pas moins nécessaire de faire figurer dans la future constitution européenne une disposition de même nature, dont la rédaction pourrait être plus souple, mais qui reprendrait fondamentalement le principe de l'assistance mutuelle. Il a rappelé que, tant que la nouvelle constitution n'aura pas été adoptée, le Traité de Nice sert de base juridique à la PESD, mais que celui-ci exclut explicitement des coopérations renforcées en matière de sécurité et de défense.

M. Armand de Decker a précisé que le Traité de Bruxelles modifié relatif à l'UEO, adopté en 1954, atteignait son cinquantième anniversaire, période à l'issue de laquelle les Etats parties disposent d'une faculté de retrait. Il a estimé qu'il serait prématuré, pour certains Etats, de songer à user de cette faculté de retrait tant que des dispositions analogues à celles du Traité de Bruxelles n'auront pas été introduites dans une future constitution européenne. Il a en effet jugé indispensable de préserver le Traité de l'UEO, qui contient cette clause d'assistance mutuelle et peut de surcroît servir de cadre à des coopérations renforcées dans le domaine de la défense, tant que l'Union européenne ne disposera pas d'une constitution incluant des dispositions solides en matière de défense. Dans l'hypothèse où une telle constitution verrait le jour, il resterait alors à régler de façon satisfaisante la question de contrôle démocratique de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD).

M. Armand de Decker a souligné que le Parlement européen ne pouvait exercer le contrôle d'une politique qui échappe au domaine communautaire et continuera durablement de relever du niveau intergouvernemental. Il a ajouté que ce sont les parlements nationaux qui votent les budgets militaires finançant les opérations de l'Union européenne, qui décident avec les gouvernements nationaux du déploiement des troupes dans le cadre de la PESD, et qui se chargent de la responsabilité de réconforter les familles des soldats qui ont perdu leur vie dans les interventions européennes. Par ailleurs, il n'est pas satisfaisant de limiter l'exercice de ce contrôle au seul cadre de chacun des Parlements nationaux. Aussi est-il absolument nécessaire de maintenir une enceinte interparlementaire au sein de laquelle les représentants des différents Parlement de l'Union européenne pourront confronter leurs points de vue et discuter des décisions prises par l'exécutif européen en matière de PESD. L'Assemblée parlementaire de l'UEO avait été créée à cet effet, dans un contexte de guerre froide au cours duquel, en pratique, la politique européenne de sécurité n'avait pu se développer. Il serait pour le moins paradoxal que cette forme de contrôle parlementaire disparaisse au moment où la PESD prend son essor et entre dans la phase des opérations concrètes.

M. Armand de Decker a souhaité que la future constitution européenne comporte des dispositions sur le contrôle parlementaire. L'une des solutions envisageables serait de réunir au sein d'une assemblée interparlementaire des représentants des parlements nationaux pour débattre des questions relevant du domaine intergouvernemental : politique étrangère et de sécurité commune, PESD, justice et sécurité intérieure. Cette assemblée comporterait des commissions spécialisées dans ces différents domaines. Les membres des commissions compétentes du Parlement européen seraient également associés à ces travaux.

En conclusion, M. Armand de Decker a estimé nécessaire que dans chaque pays de l'Union, les parlementaires nationaux insistent auprès de leur gouvernement pour que le contrôle parlementaire de la PESD ne soit pas négligé dans la future constitution.

Au terme de l'exposé de M. Armand de Decker, M. Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, s'est félicité que l'ensemble de la problématique des enjeux de la défense européenne ait été présenté avec une telle clarté. Il a évoqué la prise de conscience, au sein de l'opinion publique européenne, du caractère indispensable d'une capacité militaire commune que les crises successives qui ont affecté la Yougoslavie, le Kosovo, puis la Macédoine ont suscitée. Il a, en revanche, rappelé les difficultés rencontrées au sein de la Convention européenne sur un nécessaire contrôle parlementaire sur ce sujet. Il a évoqué l'intérêt d'un Congrès des peuples qui serait constitué par les représentants des parlements nationaux pour aborder les questions de justice ou de défense. Il a exprimé la nécessité d'affirmer clairement la conviction du Sénat du caractère indispensable d'un « label » européen en matière de défense, surtout au cas où l'UEO viendrait à disparaître.

Puis un débat s'est instauré au sein de la commission.

M. André Dulait, président de la commission des affaires étrangères, a estimé que la position de la Grande-Bretagne sur la défense européenne était ambiguë : ce pays a, certes, permis des avancées décisives en la matière, mais sa position est aussi en retrait sur certains points, comme les coopérations renforcées.

M. Armand de Decker a estimé qu'il convenait de distinguer entre la position du Premier ministre Tony Blair, qui affiche son volontarisme sur la politique européenne de défense, et celle de l'administration diplomatico-militaire britannique qui, elle, y est très réticente. Cette contradiction interne est regrettable, car la Grande-Bretagne a un rôle potentiel très important à jouer en Europe, et les parlementaires britanniques sont eux-mêmes très favorables à un contrôle parlementaire sur ces questions.

Evoquant ensuite le projet d'un état-major européen de planification et de conduite des opérations, M. Armand de Decker a rappelé qu'une suggestion en ce sens avait été formulée par le Premier ministre belge, avec la France, l'Allemagne et le Luxembourg. Cependant, a-t-il fait remarquer, cette proposition a peut-être semblé trop directive, alors même qu'il existe déjà au sein de l'Union européenne une cellule de planification et un état-major. Les Britanniques ont finalement donné leur accord au renforcement de cet Etat-major dès lors que l'idée d'un site spécifique a été abandonnée.

S'agissant, plus généralement, de l'attitude britannique, M. Armand de Decker a estimé qu'il convenait d'être optimiste tant que M. Tony Blair serait au pouvoir. En revanche, les conservateurs britanniques sont traversés par un antagonisme interne entre leur aspiration à diriger un pays dont le poids en Europe est indéniable, et leur fort penchant euro-sceptique. M. Armand de Decker a néanmoins estimé que les Britanniques étaient pragmatiques et soucieux d'avancées concrètes qui pourraient les amener à s'insérer dans le processus.

M. Xavier de Villepin a souligné que l'intérêt commun des Européens résidait dans une clarification des relations existant entre l'Alliance atlantique, d'une part, et l'Europe de la défense, d'autre part, face aux risques nouveaux et notamment au terrorisme. Il s'est ensuite interrogé sur la vocation de l'OTAN à agir comme aujourd'hui en Afghanistan, voire peut-être demain en Irak, et sur l'éventuelle capacité de l'Europe de la défense à s'impliquer sur de tels terrains de conflits.

M. Armand de Decker a estimé qu'une clarification s'imposait en effet entre l'OTAN et l'Europe de la défense, mais a rappelé qu'il existait d'ores et déjà un lien institutionnel entre l'UEO et l'Alliance atlantique, mentionné dans le Traité de Bruxelles modifié. La conclusion de ce traité, le 23 octobre 1954, s'était effectuée, a-t-il rappelé, en présence du Secrétaire d'Etat américain John Foster Dulles. Cela démontrait à quel point, au temps de la guerre froide, les Etats-Unis étaient favorables à l'émergence d'une Europe unie, ce qui les avait d'ailleurs conduits à soutenir le projet, avorté, de Communauté européenne de défense (CED).

La situation actuelle est tout autre car, depuis la disparition de la menace soviétique, les Etats-Unis s'inquiètent de voir l'Union européenne prendre la stature d'un acteur global. Dans cette perspective, il conviendrait, à tout le moins, que la future constitution de l'Union européenne mentionne le principe d'un lien avec l'OTAN. C'est d'ailleurs logique car les missions de Petersberg sont insuffisantes pour défendre le territoire des pays membres de l'Union ou de l'Alliance dont le rôle reste donc central.

Le lien entre l'OTAN et l'Union européenne a considérablement évolué ces dernières années et aujourd'hui les deux organismes coopèrent. Mais l'OTAN demeure indispensable à la fois pour défendre l'intégrité du territoire de l'Union européenne, mais aussi pour entreprendre des missions d'envergure comme en Afghanistan ou, éventuellement, dans le futur, après une résolution de l'ONU, en Irak. M. Armand de Decker a souligné une contradiction interne à la position américaine qui s'oppose à la mise en place d'un état-major renforcé au sein de l'Union européenne, alors que les Etats-Unis, bien que membre éminent de l'OTAN, disposent de nombreux états-majors nationaux. La réintégration de la France au sein de l'organisation militaire intégrée décrisperait considérablement les réactions et les suspicions britanniques et américaines alors même que la France participe très activement aux missions de l'OTAN dans les crises.

M. Pierre Biarnès a fait part de ses doutes quant à la volonté réelle des pays de l'Union, y compris la France et l'Allemagne, d'aller plus loin dans l'abandon de certaines parts de leur souveraineté, notamment dans le domaine de la défense, même pour permettre à l'Europe de devenir un acteur global dans le monde. Il s'est dit opposé au retour de la France au sein des structures intégrées de l'OTAN. Le Général de Gaulle avait décidé d'en retirer la France en raison de la clause d'automaticité d'engagement que cette participation entraînait. C'est avec raison que la France a choisi de ne s'impliquer qu'au cas par cas dans les crises et non à chaque fois que les Etats-Unis le décideraient. Enfin, M. Pierre Biarnès s'est dit confiant quant à l'implication future de la Grande-Bretagne dans l'Europe de la défense, en particulier à travers le domaine crucial du renforcement des industries européennes d'armement.

M. Daniel Goulet a souhaité un rapprochement entre les assemblées parlementaires de l'UEO et du Conseil de l'Europe et que des contacts entre les bureaux de ces deux instances permettent une meilleure cohérence dans leurs actions respectives.

M. Robert Del Picchia a estimé que l'inclusion d'une clause de défense mutuelle dans la constitution de l'Union devrait être rédigée d'une façon qui ne heurte pas les pays neutres de l'Union. Il s'est interrogé par ailleurs sur la nécessité de redéfinir ou d'élargir les missions de Petersberg. Enfin, s'agissant d'un contrôle parlementaire des questions de défense, il a indiqué que la future assemblée euro-méditerranéenne récemment créée à Naples était parvenue à un équilibre satisfaisant entre représentants du Parlement européen, d'une part, et des parlements nationaux, d'autre part.

En réponse, M. Armand de Decker a apporté les précisions suivantes :

- les missions de Petersberg couvrent un vaste domaine incluant toutes les missions militaires, y compris les gestions de crises de haute intensité, à l'exception de la défense du territoire européen. Une redéfinition de ces missions est cependant en cours, notamment à la lumière du document élaboré par M. Javier Solana, sur la stratégie européenne de sécurité et de défense ;

- des contacts réguliers existent entre les assemblées de l'UEO et du Conseil de l'Europe mais leurs missions respectives sont différentes. C'est ainsi que le Conseil de l'Europe joue un rôle très important, au-delà des Etats-membres de l'Union, pour la défense des valeurs communes aux Européens ; le Parlement européen et l'Union européenne ont vocation également à défendre ces valeurs, mais aussi les intérêts des citoyens de l'Europe. Au surplus, l'Assemblée parlementaire de l'UEO a, pour sa part, vocation à devenir un organe de l'Union européenne ;

- l'industrie européenne de l'armement est marquée par des coopérations croissantes, comme en témoignent les exemples d'EADS et de British Aerospace ; elles contribuent à créer de véritables intérêts européens communs et pourront faire reculer le « nationalisme » qui perdure dans ce domaine de la défense. Il est néanmoins regrettable que les règles européennes de la concurrence ne s'appliquent pas à l'industrie de l'armement, à tout le moins pour les armements classiques, un traitement spécifique pour ce qui relève des armes stratégiques demeurant nécessaire ;

- s'il vivait aujourd'hui, le Général de Gaulle ne manquerait pas d'appliquer à l'Europe les principes d'indépendance et d'autonomie qu'il a voulus pour la France et de préconiser une armée européenne intégrée ;

- la réintégration de la France au sein du commandement militaire de l'OTAN n'entraînerait pas forcément l'automaticité des décisions évoquées par M. Pierre Biarnès. Ainsi, lors des préparatifs de la guerre en Irak, au moment de la demande turque d'implication de l'OTAN dans sa défense territoriale, à laquelle s'opposait, en l'absence de résolution de l'ONU, la France, l'Allemagne et la Belgique, cette dernière a su convaincre les Etats-Unis, au sein du Comité des plans de défense, où la France ne siège pas, d'accepter un certain nombre de concessions aux Nations unies ;

- il serait utile que les Européens se concertent préalablement aux réunions de l'Alliance atlantique pour arrêter des positions communes. A cet égard, la division manifestée par les pays européens face à l'intervention américaine en Irak a été un désastre, dont les premiers ministres Tony Blair et José-Maria Aznar ont d'ailleurs subi les conséquences politiques face à des parlements majoritairement hostiles à l'intervention. Une concertation préalable des chefs de gouvernements européens sur cette question aurait été nécessaire avant toute initiative en ce domaine ;

- dans le cas de l'Afghanistan, le régime des talibans rendait une intervention nécessaire. L'OTAN y est aujourd'hui présente et il n'est pas exclu que, à terme, un engagement puisse s'opérer dans le cadre de l'Union européenne, même si une telle hypothèse est encore prématurée aujourd'hui.

Nomination de rapporteur

Puis la commission a nommé M. Jean-Marie Poirier rapporteur du projet de loi n° 139 (2003-2004) relatif au contrat de volontariat de solidarité internationale.

Sécurité et défense - Dispositions du Traité constitutionnel relatif à la politique commune de sécurité et de défense - Communication

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission, conjointement avec la Délégation pour l'Union européenne, a entendu une communication de M. Hubert Haenel sur lesdispositions du Traité constitutionnel relatif à la politique commune de sécurité et de défense.

M. Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne,
a tout d'abord rappelé la dynamique européenne, autour de réalisations concrètes portant sur la politique de sécurité et de défense. Il a notamment mentionné les opérations menées en Macédoine et au Congo, la création d'une agence européenne de l'armement, une cellule de planification européenne autonome, enfin l'adoption, par le Conseil européen de Bruxelles, d'un document sur la stratégie européenne de sécurité.

Il a ensuite rappelé les principales dispositions du projet de traité adopté par la Convention concernant la défense. Le champ couvert par la politique de sécurité et de défense est élargi : aux missions de Petersberg s'ajouteraient des actions conjointes en matière de désarmement, des missions de prévention de conflits et de maintien de la paix et des opérations de stabilisation post-conflit. Le projet de la Convention intégrait également une clause de solidarité permettant de mobiliser l'ensemble des moyens disponibles, y compris militaires, si un Etat était victime d'une attaque terroriste ou d'une catastrophe naturelle. Les Etats s'engagent par ailleurs à améliorer leurs capacités et à instituer une agence européenne de l'armement. Le Conseil aurait aussi la capacité de confier une mission de gestion de crise à un groupe d'Etats-membres. Le projet prévoyait également de mettre en place une coopération structurée entre les Etats qui remplissent des critères de capacités militaires plus élevés et qui souscrivent entre eux des engagements plus contraignants. Cette coopération portant sur les moyens serait créée par le traité lui-même, la liste des Etats y participant et les critères à remplir étant fixés par un protocole annexé. Enfin, ce texte prévoyait une coopération plus étroite en matière de défense mutuelle dans le cas où l'un des Etats participants serait l'objet d'une agression armée sur son territoire, les autres Etats lui portant aide et assistance par tous les moyens, y compris militaires, à leur disposition. Cette clause a été interprétée comme se substituant à l'engagement d'une défense mutuelle contractée au sein de l'UEO.

Abordant ensuite le texte élaboré par la présidence italienne, M. Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, a indiqué qu'il apportait des modifications sensibles sur deux points essentiels du projet de la Convention. Il a précisé que le lancement d'une coopération structurée serait désormais subordonné à une décision du Conseil, statuant à la majorité qualifiée, et établissant la liste des Etats participants. Il sera donc plus difficile de lancer une telle coopération structurée mais il sera plus aisé de la rejoindre, l'admission d'un nouvel Etat apparaissant comme étant de droit dès lors qu'il le souhaite, qu'il en respecte les critères et en accepte les engagements. Un Etat participant pourra quitter cette coopération quand il le souhaitera. De plus, l'ensemble des Etats membres de l'Union pourront assister aux délibérations. Par ailleurs, le protocole définissant les critères de participation ne devrait plus imposer d'engagements quantitatifs précis. M. Hubert Haenel a estimé qu'il s'agissait là d'un recul par rapport à l'esprit des travaux de la Convention où l'idée d'un pourcentage minimum du PIB avait été retenue.

Au sujet de la coopération « plus étroite » en matière de défense mutuelle, il a souligné que les modifications étaient encore plus sensibles, le Royaume-Uni étant par principe opposé à une clause susceptible de « faire doublon » avec l'article 5 du Traité de Washington instituant l'Alliance atlantique. De ce fait, le texte retenu par la présidence italienne ne se présente plus comme une coopération entre certains Etats-membres mais comme une clause valable pour tous. Sa rédaction est beaucoup moins contraignante et ne mentionne plus, explicitement, les moyens « militaires ». Cette rédaction apparaît donc désormais davantage comme une pétition de principe que comme une clause de défense mutuelle se substituant à des engagements antérieurs. Enfin, elle est subordonnée aux engagements pris au sein de l'OTAN.

M. Hubert Haenel s'est enfin interrogé sur le caractère définitif du compromis ainsi obtenu. Certains pays, l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Italie et la France l'ont accepté, mais le projet de Constitution devra faire l'objet d'un accord global de tous les Etats-membres. De plus, il ne paraît pas acquis que la rédaction de la clause de défense mutuelle ait reçu l'approbation des quatre pays neutres membres de l'Union qui ont déposé une nouvelle rédaction moins contraignante.

Ainsi, lors des négociations de la CIG, les avancées de la Convention ont été progressivement réduites dans l'espoir de favoriser la participation de tous les Etats-membres mais ne permettant pas la constitution, dans le cadre du traité, d'une avant-garde en matière de défense. Ces avancées ont aussi mis en évidence une opposition résolue à ce qui pourrait constituer une défense mutuelle dans le cadre du traité. Il paraît donc difficile pour la présidence irlandaise de déterminer l'étendue exacte des zones d'accord en matière de défense après le Conseil européen de décembre.

A la suite de la communication de M. Hubert Haenel, un débat s'est engagé avec les commissaires et M. Armand de Decker, président de l'Assemblée parlementaire de l'UEO. Celui-ci a souligné que la clause d'assistance mutuelle posait effectivement des difficultés et qu'il fallait rechercher une formulation acceptable par tous, les Etats neutres étant par ailleurs prêts à participer pleinement aux missions de Petersberg. Il a rappelé qu'il avait lui-même proposé la rédaction suivante : « les Etats-membres se doivent mutuellement assistance par tous les moyens civils ou militaires », sans préciser « en cas d'agression armée ». Par ailleurs, il a insisté sur le fait que le Traité de Bruxelles modifié devait être préservé, aussi longtemps qu'une constitution européenne, à même de le remplacer, n'était pas ratifiée, car ce traité est le fondement juridique de l'autonomie de l'Europe en matière de défense. Enfin, il a souligné que la politique étrangère et de défense commune devait faire l'objet d'un contrôle parlementaire au moins égal à celui existant dans le cadre de l'UEO. Or, le Parlement européen n'a pas nécessairement vocation à exercer ce rôle, dans un domaine où les politiques sont essentiellement intergouvernementales.

M. Didier Boulaud a souhaité obtenir des précisions sur les différences entre les notions de coopération renforcée, de coopération structurée et de « noyau dur ». Il s'est inquiété des conséquences d'un éventuel retrait d'un Etat d'une coopération structurée en matière de défense.

M. Xavier de Villepin a estimé qu'il était essentiel d'aboutir à la rédaction d'un traité constitutionnel le plus tôt possible. Pour ce faire, il est souhaitable d'adopter des dispositions simples à même de réunir l'assentiment des nouveaux membres plutôt que de promouvoir des dispositifs complexes leur faisant craindre d'être exclus de certaines évolutions conduites par d'autres.

M. Jean-Guy Branger s'est interrogé sur la manière dont l'Europe pourrait trouver un point d'accord avec les Etats-Unis en matière de défense européenne.

M. Armand de Decker a alors estimé qu'il était inutile de chercher à savoir ce que les Etats-Unis désiraient que l'Europe devienne : au contraire l'Europe sera ce qu'elle voudra devenir. Elle est en effet aujourd'hui la première puissance économique et commerciale, dispose d'une monnaie forte et doit désormais structurer sa politique étrangère et de défense pour devenir une puissance globale. Cette évolution est nécessaire car, s'il n'y a plus de risque d'invasion de l'Europe, les Européens auraient tort de sous-estimer le risque de conflits majeurs dans le monde. Il faut en outre que l'Europe puisse discuter, à égalité, avec les autres grands ensembles mondiaux que sont la Chine ou l'Inde.

M. Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, a indiqué que la notion de coopération structurée avait été proposée dans le cadre de la Convention par le groupe de travail présidé par le commissaire Michel Barnier, afin de permettre à la fois le bon fonctionnement de l'Europe élargie et des avancées sensibles en matière de défense, sans toutefois exclure les « petits » Etats ou les neutres. La possibilité de quitter une coopération structurée correspond à la volonté de souplesse souhaitée pour les mécanismes de l'Union. Enfin, il a précisé que la coopération structurée était spécifique au domaine de la défense.

M. Jean-Pierre Plancade a estimé que les termes de « niveaux plus élevés » pouvaient faire craindre une discrimination portant sur les moyens matériels d'une coopération future et non sur la volonté politique d'y participer.

M. Xavier de Villepin a souligné qu'il fallait faire preuve de pragmatisme, les évolutions de chacun en la matière étant nécessairement lentes pour converger vers les niveaux de forces compatibles. Ainsi l'Allemagne n'en est-elle qu'au début de la phase de professionnalisation de son armée.

Sécurité et défense - Création d'une Agence européenne de l'armement - Communication

La commission a ensuite entendu la communication de M. Xavier de Villepin, en remplacement de M. Serge Vinçon, sur la création d'une Agence européenne de l'armement.

Rappelant le contexte de la création d'une Agence européenne de l'armement, M. Xavier de Villepin a indiqué que le secteur de l'armement avait été, dès l'origine, placé en dehors des règles communautaires (article 296 du traité sur l'Union européenne). Dès 1958, une liste des produits soustraits aux règles de concurrence a été établie qui ne peut être modifiée que sur proposition de la Commission. Durant une trentaine d'années, aucune évolution significative n'est ainsi intervenue, les divergences étant trop profondes entre les nouveaux membres. Cependant, la fin de la Guerre froide ayant bouleversé l'environnement stratégique, la fragmentation du marché de l'armement européen est apparue comme un obstacle au maintien du potentiel de défense dans un contexte de restriction budgétaire et d'augmentation du coût des matériels militaires, de telle sorte que plusieurs initiatives ont été prises dans les années 1990. Ces efforts de coopération se sont tout d'abord développés en dehors de l'Union européenne. M. Xavier de Villepin a notamment mentionné le Groupe armement de l'Europe occidentale (GAEO), l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) et la Lettre d'intention (LoI). Le GAEO, créé en 1992 et rattaché à l'UEO, regroupe 19 pays et a pour objectif d'accroître la coopération entre les pays-membres dans le domaine de l'acquisition d'armements. Instance informelle, sans organe exécutif et fonctionnant par consensus, le GAEO est peu susceptible de parvenir à des résultats concrets, alors que l'essentiel de l'industrie de défense et de recherche militaire en Europe est concentré dans six pays, représentant 90 % de la capacité industrielle, 85 % des dépenses militaires, et 98 % des investissements en matière de recherche. L'OCCAR a été créée en 1998 pour gérer, sur une base pragmatique, les programmes menés en coopération dont, notamment, l'hélicoptère Tigre et l'avion A 400 M. Enfin, l'accord-cadre signé en juillet 2000 et communément appelé la Lettre d'intention réunit les six pays producteurs d'armement de l'Union européenne afin de favoriser la restructuration des industries de défense, les Etats signataires acceptant une dépendance mutuelle ; son processus de ratification vient de s'achever.

Au sein de l'Union européenne, quelques initiatives ont été lancées : la création d'un groupe consacré à la politique de l'armement au sein du COREPER (1995), la rédaction d'un code de conduite en matière d'exportation d'armement (1998), et le plan d'action européen pour les capacités, adopté par le Conseil européen de Laeken en 2001.

Abordant ensuite les travaux de la Convention et la création d'une agence européenne de l'armement, M. Xavier de Villepin a expliqué que la Convention avait marqué une évolution importante en permettant l'émergence d'un consensus sur la proposition franco-allemande de création d'une agence européenne de l'armement. Le texte adopté retient la nécessité d'améliorer les capacités militaires, grâce à une nouvelle structure qui identifierait les besoins opérationnels, favoriserait le renforcement de la base industrielle et technologique, participerait à la définition de la politique européenne en la matière et assisterait le Conseil des ministres dans l'évaluation de l'amélioration des capacités militaires. Le Conseil européen de Thessalonique (juin 2003) a décidé de lancer sans attendre le processus de création de l'agence de l'armement, rien n'empêchant sa création sur la base des traités actuels. Cette agence sera placée sous l'autorité du Conseil et ouverte à tous les Etats-membres afin de développer les capacités de gestion de crise et de renforcer la coopération européenne en matière d'armement. Elle aura aussi pour objectif de créer un marché européen concurrentiel des équipements de défense et de favoriser la recherche. L'Agence sera placée sous la responsabilité des ministres de la défense et les décisions la concernant seront prises par le Conseil « affaires générales » réuni en formation des ministres de la défense. Le Comité directeur de l'agence sera présidé par le haut-représentant pour la PESC. Elle sera dotée de la personnalité juridique. En revanche, l'accord conclu par le Conseil ne dit rien de son budget ni de ses procédures de décision qui seront définies prochainement.

En conclusion, M. Xavier de Villepin s'est interrogé sur la capacité de cette Agence à être finalement plus efficace que les initiatives précédentes. Il a souligné l'importance de cette question pour la crédibilité de l'Europe de la défense. Il sera néanmoins difficile de surmonter les divergences entre les Etats qui souhaitent préserver leur base nationale et ceux qui souhaitent une ouverture des marchés, vraisemblablement aux matériels américains. Il est donc important que l'agence favorise des acquisitions communes pour répondre aux besoins qu'elle aura définis et permette d'amplifier l'effort de recherche.

A la suite de la communication de M. Xavier de Villepin, un débat s'est engagé avec les commissaires et M. Armand de Decker,président de l'Assemblée parlementaire de l'UEO. Celui-ci a souligné l'intérêt de rapprocher les problématiques actuelles des débats du début des années 50 sur la Communauté européenne de défense. En effet, dès cette époque, dans le cadre de ce projet, les pères fondateurs de l'Europe avaient distingué les compétences devant revenir respectivement au niveau communautaire et au niveau intergouvernemental. Un commissariat européen aurait eu la responsabilité de la recherche, de l'industrie et des acquisitions dans le secteur de l'armement. Le déclenchement des opérations et la direction des forces auraient été du ressort d'une autorité intergouvernementale. Ce projet était donc extrêmement ambitieux et visionnaire puisqu'il aurait conduit à la création d'une véritable armée européenne. La comparaison de ce projet avec la situation actuelle en matière d'armement doit inciter à l'ambition et notamment à la remise en cause de l'article 296 du traité de l'Union européenne afin d'ouvrir le marché européen à la concurrence, tout en maintenant une exception pour les armes stratégiques.

M. André Dulait, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, a relevé les avancées permises par l'Agence notamment sur le rôle politique des ministres de la défense ou sur l'importance de la recherche et technologie (R et T) mais il a souligné que l'un des enjeux de la coopération européenne en la matière résidait également dans sa capacité à exporter.

M. Didier Boulaud s'est inquiété du retard pris par rapport à l'industrie américaine qui bénéficie d'un considérable effort de recherche et qui a déjà pris de nombreuses participations dans des entreprises européennes de défense.

M. Xavier de Villepin a alors estimé que si l'avance des Etats-Unis était effectivement considérable, il n'était pourtant pas certain que les Européens doivent être pessimistes. En effet, la conjonction de la volonté politique et du savoir-faire technologique et industriel que l'on constate dans les entreprises comme EADS ou Thalès, ou à travers des projets comme l'A 400 M et Galileo, témoigne de la capacité de rebond de l'Europe, alors que la dérive des coûts du programme aéronautique JSF-F35 montre les limites du système américain.

M. Lucien Lanier a souhaité que l'Europe de l'armement se construise dans un esprit de complémentarité plus que de compétition avec l'industrie américaine. Il a souligné que les technologies les plus modernes pouvaient être mises en échec par des menaces imprévisibles ou asymétriques comme le terrorisme.

Sécurité et défense - Mécanisme de financement des coûts communs des opérations militaires de l'Union - Communication

La commission a enfin entendu une communication de M. Hubert Haenel sur le mécanisme de financement des coûts communs des opérations militaires de l'Union.

M. Hubert Haenel a indiqué que, conformément à l'article 28 du Traité sur l'Union européenne, les opérations militaires devaient être financées par les Etats-membres en dehors du budget communautaire. Or, jusqu'à présent, l'Union ne disposait pas d'un mécanisme permanent de financement pour les coûts communs liés à ces opérations. C'est pourquoi le programme Athéna (proposition E 2412) a pour objet d'en fixer les modalités. Un comité spécial sera ainsi constitué par les représentants des Etats-membres participant à une opération. Il aura pour tâche d'en arrêter le budget et la répartition des contributions s'effectuera en fonction du produit national brut. M. Hubert Haenel a enfin indiqué que la France faisait partie des pays qui demandaient la mise en place d'un tel mécanisme et a donc estimé qu'il n'y avait pas lieu que la Délégation intervienne sur ce texte, au titre de l'article 88-4 de la constitution.

Mme Danielle Bidard-Reydet a alors souhaité que la réflexion militaire sur la manière de faire face aux conflits n'occulte pas une réflexion plus large sur leurs causes et sur les moyens de les prévenir. Elle s'est en effet déclarée convaincue que la course aux armements n'était pas une option positive pour le futur.