Travaux de la commission des finances



- Présidence de M. Alain Lambert, président, puis de M. Roland du Luart, vice-président.

Régulation des télécommunications - Audition de M. Jean-Michel Hubert

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Jean-Michel Hubert, président de l'autorité de régulation des télécommunications (ART), qui était accompagné de MM. Roger Chinaud et Christian Bècle, membres du collège de cinq membres qui compose cette autorité.

Dans un exposé liminaire, M. Jean-Michel Hubert a tout d'abord rappelé la composition, les moyens et le rôle de l'autorité, qui considère qu'il relève de sa mission d'éclairer le Parlement sur les dossiers dont elle est chargée. Il a souligné l'importance des directives européennes en tant que sources des principes et des règles applicables dans notre pays en matière de télécommunications. Les décisions prises, généralement à l'unanimité, par le collège de l'autorité tendent au respect de la concurrence et des exigences du service universel dans l'exercice des activités concernées.

Les adaptations, proposées par l'autorité, du cadre législatif et réglementaire de ces activités, doivent tenir compte aussi bien de la rapidité des changements qui les affectent que des capacités des acteurs et du marché à s'y adapter. L'innovation dans les services, la contribution du secteur au développement économique, par l'investissement et la création d'emplois, doivent être favorisés dans le respect des impératifs de l'aménagement du territoire, et en évitant la création d'inégalités nouvelles, désignées par l'expression de " fracture numérique ".

Le président de l'ART a observé que la rapidité de l'évolution des télécommunications est telle que les processus définis il y a deux ans doivent d'ores et déjà être révisés à l'heure actuelle.

L'ouverture à la concurrence des communications régionales et internationales étant dorénavant acquise, la boucle locale, c'est-à-dire l'accès direct à l'abonné, est maintenant l'enjeu essentiel, notamment en ce qui concerne le raccordement à l'internet à haut débit, avec le recours aujourd'hui à la formule du " dégroupage " (la ligne terminale de cuivre doit pouvoir être louée à l'opérateur historique par ses concurrents) et, demain, aux technologies de la " boucle radio " permettant la transmission, sans fil, de la voix et d'autres données numérisées.

Concernant l'attribution de licences pour les téléphones mobiles de troisième génération, M. Jean-Michel Hubert s'est déclaré satisfait du choix de la solution de la soumission comparative, tout en observant qu'il restait au Gouvernement à préciser les modalités financières dont il avait défini le cadrage, de l'attribution des licences, afin que l'appel à candidature puisse être lancé.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a alors interrogé le président de l'ART sur :

- les adaptations nécessaires du cadre législatif et réglementaire des télécommunications ;

- l'harmonisation, qui aurait dû constituer l'un des objectifs du projet de loi sur les nouvelles régulations économiques, entre les statuts des différents régulateurs en France ;

- la conformité à la convention européenne des droits de l'homme des règles de procédure relatives aux décisions de l'autorité de régulation des télécommunications ;

- l'attribution des licences de téléphonie mobile de troisième génération (comment les redevances seront-elles traitées fiscalement ? pourquoi s'être limité à quatre opérateurs au risque de rendre plus difficile l'entrée en lice des candidats étrangers ?...) ;

- la boucle locale (délais de dégroupage concernant les lignes terminales actuelles en cuivre du réseau, utilisation ultérieure de techniques hertziennes dans le cadre de la " boucle radio ") ;

- la généralisation de l'accès à internet, notamment à haut débit, ses liens avec l'aménagement du territoire, l'importance des tarifs pratiqués en la matière.

En réponse à ces questions, M. Jean-Michel Hubert, président de l'ART, a tout d'abord rappelé les analyses relatives aux évolutions du cadre de la régulation des télécommunications, figurant dans le dernier rapport public annuel d'activité de l'autorité, selon lesquelles, notamment :

- le maintien de règles sectorielles est encore indispensable, même s'il est souhaitable, à terme, d'intégrer au droit commun de la concurrence les dispositions relatives au marché des télécommunications ;

- des simplifications apparaissent nécessaires, s'agissant, particulièrement, des dispositions qui régissent les interventions des collectivités territoriales.

Concernant les mobiles de troisième génération, il a expliqué les raisons qui avaient conduit l'ART à préconiser la limitation à quatre du nombre d'opérateurs : stabilisation de la situation actuelle, manque de fréquences disponibles, ouverture suffisante à la concurrence du marché que nul ne conteste, conformité au choix des autres pays européens, hormis l'Allemagne, où la décision d'attribuer une licence à un opérateur supplémentaire sera prise en fonction du résultat des enchères.

Au sujet du dégroupage de la boucle locale, M. Jean-Michel Hubert a estimé que le processus était prêt à être engagé, techniquement et économiquement, et a déclaré qu'il lui paraissait inconcevable que le décret nécessaire ne soit pas pris par le Gouvernement avant la fin de l'année.

S'agissant de l'accès à internet, il a reconnu l'importance de la tarification et le rôle positif joué par l'émulation entre les différentes technologies disponibles (sur le réseau téléphonique, par câble ou par satellite, par voie hertzienne terrestre...).

Il a évoqué les différents moyens d'assurer le financement du service universel, dont il a rappelé l'importance politique majeure.

Concernant le statut de l'autorité et l'évolution de la régulation en France, M. Jean-Michel Hubert a fait état de la totale harmonie de fond et de forme entre les positions de l'ART et celles du conseil de la concurrence ; il a souligné que l'autorité avait adapté son règlement intérieur en fonction des difficultés rencontrées, et avait été la première à interférer dans le fonctionnement d'un marché industriel et commercial.

MM. Bernard Angels, Philippe Adnot, Michel Moreigne et Roland du Luart se sont alors préoccupés de la couverture totale du territoire en matière d'accès aux nouvelles technologies d'information et de communication.

En outre, M. Bernard Angels a souhaité avoir des précisions sur les dates du dégroupage de la boucle locale chez nos partenaires européens.

M. Philippe Adnot s'est interrogé, pour sa part, sur l'opportunité de faire contribuer davantage les opérateurs à l'extension de la couverture territoriale des mobiles de troisième génération, au motif que ces derniers avaient échappé à une mise aux enchères des licences, qui auraient été beaucoup plus coûteuses pour eux que les redevances prévues.

M. Michel Moreigne a évoqué les dégâts causés par la tempête à la boucle locale actuelle tandis que M. Roland du Luart s'interrogeait sur le statut des autorités comparables à l'ART dans les autres pays européens.

En réponse, M. Jean-Michel Hubert, président de l'ART, a rappelé les pourcentages actuels de la population (97 %) et du territoire (environ 80 %) couverts par les réseaux de téléphones mobiles et a indiqué que l'accent allait être mis, par l'autorité, sur une amélioration de ces résultats. L'ampleur et le rythme du déploiement des infrastructures de prochaines générations seront -a-t-il précisé- l'un des critères les plus déterminants de sélection des candidats.

M. Roland du Luart a, enfin, interrogé le président Jean-Michel Hubert sur :

- les inconvénients du versement prévu de la moitié du montant de la redevance par les opérateurs de mobiles de troisième génération durant leurs deux premières années d'exploitation, par rapport à une contribution progressive croissant en même temps que les retours sur investissement ;

- l'offre, par les concurrents de France-Telecom, de services ADSL (Asymetric Digital Subscriber Line : technologie permettant d'augmenter les débits de l'accès à internet sur la partie terminale, desservant chaque abonné, des réseaux téléphoniques traditionnels) ;

- l'attribution des fréquences (harmonie entre les positions de l'ART et de l'Agence nationale des fréquences, rôle du Parlement dans ce domaine).

En réponse, M. Jean-Michel Hubert n'a pas souhaité porter d'appréciation sur la chronologie, en ce qui concerne l'exploitation des réseaux de mobiles de troisième génération ni sur les pouvoirs respectifs de l'exécutif et du Parlement en ce qui concerne les fréquences.

Il a estimé que les concurrents de France-Telecom seraient en mesure de proposer des services ADSL à leurs abonnés avant même la fin de l'année, soit avant le dégroupage de la boucle locale.

Il a fait valoir que les rôles de l'ANF (Agence nationale des fréquences) et de l'ART étaient parfaitement complémentaires, et qu'il n'existait donc pas de conflits entre les deux instances. L'ANF, a-t-il précisé, représente la France dans les conférences internationales sur les radiocommunications mais, au niveau international, l'ART est désormais reconnue et a développé des relations avec ses homologues étrangers.

Enfin, M. Jean-Michel Hubert, président de l'ART, a indiqué que beaucoup de pays connaissaient, en matière de réallocation de fréquences, un problème lié à la part importante qui est réservée à l'usage des armées.

Contrôle budgétaire - Crédits des charges communes : dépenses éventuelles et accidentelles - Communication

M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra, rapporteur, procédant à l'aide d'une vidéo projection, a rappelé que lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2000, il avait attiré l'attention sur l'évolution inhabituelle des crédits inscrits sur les chapitres 37-94 et 37-95 du budget des charges communes, destinés aux dépenses éventuelles et aux dépenses accidentelles, ces dernières progressant de plus de 260 %, et ce, sans la moindre justification. Son homologue à l'Assemblée nationale, M. Thierry Carcenac, avait d'ailleurs fait la même analyse. Le rapporteur avait alors interrogé le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de l'époque, tant en commission qu'en séance publique, qui ne lui avait pas apporté une réponse satisfaisante. C'est pourquoi il avait décidé d'effectuer un contrôle sur l'utilisation et la gestion de ces crédits depuis 1990.

M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra, rapporteur, a rappelé que le régime juridique de ces crédits est déterminé par l'ordonnance portant loi organique du 2 janvier 1959. Son article 7, qui pose le principe de la spécialité des crédits par chapitre, y ménage des exceptions, notamment l'existence de chapitres budgétaires permettant de faire face à des dépenses éventuelles ou à des dépenses accidentelles. L'article 10 de l'ordonnance concerne les dépenses éventuelles. Il prévoit qu'un crédit global pour dépenses éventuelles sert à abonder, le cas échéant, les crédits provisionnels, ces derniers s'appliquant aux dépenses dont le montant ne peut correspondre exactement à la dotation inscrite en loi de finances. Le prélèvement sur les chapitres concernés est opéré par arrêté du ministre des finances. Quant aux dépenses accidentelles, leur régime juridique est fixé par l'article 11 de l'ordonnance précitée de 1959. Ces dépenses constituent une exception au principe du caractère limitatif des crédits, selon lequel une dépense ne peut être décidée que dans la limite des crédits inscrits au chapitre auquel elle se rattache. Ainsi, en cas de calamités ou de dépenses urgentes ou imprévues, le Gouvernement peut recourir aux dépenses accidentelles, par décret pris sur rapport du ministre des finances.

Le rapporteur a indiqué que, selon le ministère des finances, aucune difficulté particulière n'était rencontrée dans l'application des règles fixées par l'ordonnance organique. Toutefois, les modifications qui pourraient lui être apportées auraient très certainement des incidences sur le régime juridique des dépenses éventuelles et accidentelles. Sans vouloir anticiper sur les conclusions de la réflexion menée par le président Alain Lambert sur la réforme de l'ordonnance portant loi organique, il a rappelé que la distinction entre crédits provisionnels et crédits limitatifs était pour le moins, " byzantine ", et que la réforme qui serait proposée devrait à ses yeux concerner les articles 10 et 11 de l'ordonnance de 1959.

M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra, rapporteur, a ensuite abordé la question de la détermination des crédits pour dépenses éventuelles et accidentelles. Il a rappelé que ces crédits étaient inscrits au budget des charges communes, dont il avait par ailleurs souligné le caractère paradoxal et hétéroclite. Ce budget est passé, en crédits bruts, de 429 milliards de francs en 1990, à 702 milliards de francs en 2000, soit une progression de 63,7 % en dix ans. En crédits nets des remboursements et dégrèvements d'impôts, cette progression est de 43 %, passant de 259,3 milliards de francs en 1990 à 370,8 milliards de francs en 2000. Les dépenses éventuelles et accidentelles ne représentent ainsi qu'une très faible part de cette masse considérable de crédits : entre 0,08 % et 0,52 % au cours des dix dernières années. Toutefois, la faiblesse de ces chiffres ne doit pas masquer l'importance des variations de leur montant, soit un écart de 1 à 6,5.

Il a déploré que, depuis deux ans, les crédits inscrits aux chapitres 37-94 et 37-95 du budget des charges communes n'avaient donné lieu à aucune explication. A l'exception de 1996, lorsque le Parlement avait souhaité réaliser des économies supplémentaires par rapport au projet de loi de finances présenté par le Gouvernement, le niveau des crédits alloués aux dépenses éventuelles est resté relativement stable, entre 245 et 300 millions de francs. En revanche, les dépenses accidentelles ont progressé de façon exponentielle depuis deux ans, passant de 260 millions de francs en 1998 à 450 millions de francs en 1999, puis à 1,46 milliard de francs en 2000. Or, il convient de constater que le mode de détermination des crédits inscrits à ces chapitres est volontairement imprécis. En effet, le ministère indique que le niveau des besoins est apprécié en fonction de l'exécution des années passées. Cette affirmation n'a pas paru éclairante au rapporteur. Il lui est en effet apparu pour le moins curieux de constater que le caractère éventuel ou accidentel des crédits en question se reproduisait avec régularité chaque année, ce que semblerait montrer le niveau des crédits inscrits au budget. Par ailleurs, la très forte progression des dépenses accidentelles n'est pas argumentée de façon convaincante, le ministère ayant indiqué au rapporteur que cette augmentation accompagnait la réforme des méthodes de gestion de l'exécution budgétaire, la mise en place des contrats de gestion en particulier. La référence aux contrats de gestion révèle l'évolution de la nature et du rôle des crédits pour dépenses éventuelles accidentelles. En fait, les contrats de gestion, modalité nouvelle du gel des crédits, ne permettent pas de chiffrer avec précision le montant des économies qu'ils sont censés réaliser. Ils visent à constituer une réserve de crédits que le Gouvernement peut utiliser pour faire face aux aléas de la conjoncture.

M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra, rapporteur, a estimé que, si la constitution de réserves budgétaires n'était pas condamnable en soi, puisqu'elle permettait de faire face à d'éventuels retournements de conjoncture, elle ne jouait son véritable rôle qu'en cas d'équilibre ou d'excédent budgétaire. Or, il a rappelé que le Gouvernement constituait des réserves de crédits en situation de déficit budgétaire. S'il existait des sous-consommations tendancielles de crédits, comme le reconnaît d'ailleurs le ministère, il conviendrait logiquement de réduire la dotation inscrite sur le chapitre concerné.

Il a, par ailleurs, considéré que l'utilisation des crédits pour dépenses éventuelles et accidentelles est parfois sans lien avec les dispositions de l'ordonnance portant loi organique de 1959. Il a ainsi constaté que certaines dépenses éventuelles revêtaient un caractère récurrent, telles que celles qui concernent les frais de réception et les voyages officiels financés sur le chapitre 34-03 du budget des affaires étrangères, tandis que d'autres revêtent un caractère bien plus accidentel qu'éventuel : c'est ainsi que les conséquences d'intempéries ou de calamités climatiques sont supportées par les crédits pour dépenses éventuelles. Les dépenses accidentelles, dont une partie parfois importante fait l'objet de mouvements de crédits non publiés au Journal officiel pour des raisons tenant à la défense nationale, sont parfois utilisées pour financer les opérations dont le caractère accidentel ou imprévu est très incertain. Il a ainsi cité le financement du Livre blanc sur les retraites et diverses interventions en faveur de l'action sociale en 1991, le déménagement du ministère de la défense en 1992, le versement d'allocations de recherche en 1994 ou de bourses d'enseignement supérieur en 1995, des études relatives à des opérations de restructuration du secteur public en 1998, ou encore diverses dépenses de fonctionnement qualifiées d'exceptionnelles. Il a ensuite indiqué que 1,74 milliard de francs avaient été mobilisés pour réparer les conséquences des catastrophes intervenues à la fin de l'année 1999 : 202 millions de francs au titre des dépenses éventuelles et 1,54 milliard de francs au titre des dépenses accidentelles, réparties en 570 millions de francs pour les suites de la marée noire et 970 millions de francs pour faire face à celles de la tempête.

Il a conclu en insistant sur la sous-consommation récurrente des crédits pour dépenses éventuelles et accidentelles, notant que cette sous-consommation était plus importante pour les dépenses éventuelles que pour les dépenses accidentelles. Surtout, cette sous-consommation ne joue aucun rôle dans la détermination de la dotation initiale inscrite dans le projet de loi de finances de l'année suivante, en contradiction avec l'affirmation du ministère, selon laquelle " le niveau des besoins est apprécié en fonction de l'exécution des années passées ".

La commission a alors donné acte au rapporteur des conclusions de sa communication et a décidé d'autoriser leur publication sous la forme d'un rapport d'information.

Loi d'orientation sur la forêt - Demande de saisine pour avis et nomination d'un rapporteur

La commission a ensuite décidé de demander à être saisie pour avis du projet de loi n° 408 (1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale, d'orientation sur la forêt et a nommé M. Roland du Luart, rapporteur pour avis.

Nomination d'un rapporteur

Enfin, la commission a nommé M. Denis Badré, rapporteur sur sa proposition de loi n° 416 (1999-2000), tendant à appliquer le taux réduit de TVA au chocolat, à la confiserie et à la margarine.