Travaux de la commission des finances



- Présidence de M. Alain Lambert, président.

Contrôle budgétaire - Aspects fiscaux et budgétaires d'une politique de relance du marché de l'art en France - Communication

La commission à tout d'abord entendu la communication de M. Yann Gaillard, rapporteur spécial des crédits de la culture, sur les aspects fiscaux et budgétaires d'une politique de relance du marché de l'art en France.

Après avoir rappelé qu'il avait procédé à l'audition de nombreuses personnalités du monde de l'art, conservateurs, marchands, experts, commissaires-priseurs, artistes, ainsi que de représentants des administrations compétentes, M. Yann Gaillard a souhaité poser d'emblée une question fondamentale : quels sont les enjeux pour la France d'une relance du marché de l'art ?

Indiquant que, pour lui, l'importance sans doute faible sur le plan quantitatif -environ 20 milliards de francs de chiffres d'affaires pour l'ensemble du secteur - ventes publiques et commerce - était néanmoins significative au regard des ambitions de notre pays en matière de culture ou dans le domaine des produits et des services de luxe, M. Yann Gaillard a décrit, chiffres à l'appui, le déclin du marché de l'art français : ainsi, en dépit de chiffres globaux relativement rassurants - les commissaires-priseurs représentant à peu près le même chiffre d'affaires que chaque grande maison de vente aux enchères anglo-saxonne -, la France ne représente que 5,6 % du marché mondial des tableaux et dessins en 1998.

Il a souligné ensuite qu'une telle situation peut s'interpréter, soit comme la conséquence d'un statut tellement protecteur qu'il en est sclérosant, soit comme celle d'une infériorité structurelle par rapport à des maisons de ventes anglo-saxonnes, naturellement tournées vers l'international et qui ont fait preuve d'un pragmatisme et d'un esprit d'innovation exceptionnels.

Il a ensuite attiré l'attention sur les facteurs structurels macro-économiques à l'origine de cette situation, et qui expliquent l'ascension de New-York et le déclin relatif de Londres comme pôle majeur du marché de l'art, désormais mondial.

Enfin, il lui a paru important d'évoquer les transformations structurelles en cours sur un marché en voie de globalisation : extension des activités des grandes maisons de ventes à l'art contemporain, investissements importants sur Internet, soulignant au passage les liens toujours plus étroits entre marchands et vendeurs aux enchères.

Abordant ensuite les aspects fiscaux d'une relance du marché de l'art et renvoyant au rapport écrit pour les autres aspects de son analyse, M. Yann Gaillard a mis l'accent sur l'étroitesse de la marge de manoeuvre en la matière, compte tenu des contraintes communautaires et de l'état d'esprit de l'administration fiscale, plus sensible à des considérations de principe qu'aux exigences propres du marché de l'art. Il a également estimé que beaucoup d'obstacles étaient plus psychologiques que réels, même si cela pouvait entraîner des conséquences non négligeables sur le comportement des acteurs - acheteurs ou vendeurs - spontanément allergiques aux contraintes administratives et fiscales.

En matière de TVA, il a souhaité que, à défaut de pouvoir la supprimer à l'importation, on ne laisse pas se perpétuer un différentiel de taux avec Londres, évoquant à cet égard l'attention portée par les pouvoirs publics britanniques à la question, comme il avait pu le mesurer lors de son voyage à Londres. Il a aussi noté les effets pervers du mécanisme de la TVA, qui freine les importations des collectionneurs et pousse à l'exportation pour les marchands.

En ce qui concerne le droit de suite, M. Yann Gaillard a estimé qu'il était difficile de revenir sur un droit d'auteur que la France avait inventé, et qui était actuellement perçu dans huit pays de l'Union européenne sur quinze, et qu'il fallait appuyer le projet de directive en cours d'élaboration à Bruxelles, assorti de la variante proposée par la présidence allemande comportant une tranche à 0,5 % pour les oeuvres d'un prix de plus de 500.000 euros.

Puis il a examiné les perpectives d'adaptations ponctuelles tant de la taxe forfaitaire sur les objets d'art (actualisation du seuil de 20.000 F ; alignement du taux applicable aux ventes en galeries et aux enchères publiques) que des droits de mutation à titre gratuit, pour s'efforcer de retenir sur le territoire national les " trésors nationaux ", soulignant une fois de plus à ce sujet l'efficacité du pragmatisme anglo-saxon.

En dernier lieu, il a évoqué la situation des galeries d'art contemporain, aussi sinistrées économiquement que moralement après l'euphorie des années 80, en souhaitant que l'on mette en place, non des dispositifs fiscaux d'aide à l'achat des particuliers, mais des dispositifs de financement de stocks fournissant des débouchés aux jeunes artistes travaillant en France.

Un débat s'est ensuite engagé. M. Philippe Marini, rapporteur général, a souhaité connaître les instruments permettant de contrôler la sortie du territoire français des oeuvres classées. S'agissant, par ailleurs, des acquisitions d'oeuvres d'art par les musées publics, il s'est interrogé sur les mesures qui permettraient de faciliter les apports de fonds de concours des entreprises ou de personnes privées.

M. Jacques Chaumont et M. François Trucy ont tenu à souligner qu'il existait un marché de l'art souterrain, dit " en chambre ", dont il paraissait difficile de prendre la mesure.

M. Alain Lambert, président, a estimé que l'art devrait constituer pour la France un des moyens de maintenir son rayonnement dans le monde. Il s'est également demandé si l'aspect fiscal constituait un outil efficace pour attirer un marché actif ou si la solution ne résidait pas en une réelle volonté politique vis-à-vis du marché de l'art.

M. Yann Gaillard a tout d'abord précisé qu'il existait des mécanismes de protection des oeuvres classées et a évoqué d'autres prérogatives régaliennes, comme la retenue à l'exportation et l'exercice du droit de préemption par l'Etat.

Il a ensuite indiqué que le système anglais de contrôle des trésors nationaux, à la fois plus souple et plus efficace que le système français, ferait l'objet d'un développement dans le rapport d'information.

Il a reconnu que le marché de l'art, de gré à gré, constituait un secteur important mais que la France se trouvait dans une ignorance de la réalité et des chiffres de ce marché, alors même que l'on trouvait des antiquaires dans toutes les villes de France, phénomène qui n'existait, à cette échelle, dans aucun autre pays d'Europe. Évoquant, par ailleurs, les secteurs porteurs du marché qui expliquaient l'installation à Paris des maisons de vente anglo-saxonnes, il a indiqué qu'il existait encore en France des réserves d'oeuvres très importantes.

Enfin, s'agissant des obstacles fiscaux au développement du marché de l'art français, il s'est déclaré sceptique sur notre capacité à les lever, tout en rappelant qu'il ne fallait pas en majorer l'importance.

Il a toutefois souligné que des mesures d'accompagnement pourraient permettre aux pouvoirs publics de témoigner de l'importance du marché de l'art en France. Il a regretté, à cet égard, le retard pris dans l'examen du projet de loi sur le statut des commissaires-priseurs.

La commission a alors donné acte au rapporteur spécial de sa communication et décidé de publier, sous forme d'un rapport d'information, le rapport qui en était l'objet.

Ventes aux enchères - Réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques - Examen du rapport pour avis

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Yann Gaillard sur le projet de loi n° 555  (1997-1998) portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (articles 35 à 43).

. Le rapporteur pour avis a tout d'abord procédé à un bref historique de la réforme des ventes publiques, en indiquant qu'elle trouvait son origine dans une mise en demeure de la Commission de Bruxelles de 1995 où celle-ci critiquait, notamment du point de vue de la libre prestation de service, l'exigence d'un diplôme de commissaire-priseur, la nécessité d'actes authentiques, alors que les ventes de gré à gré des mêmes biens ne sont soumises à aucune formalité particulière, l'obligation de participation à une compagnie et à un système de garantie collective, exigences disproportionnées par rapport aux enjeux en matière de protection des consommateurs, ainsi que, enfin, l'interdiction d'exercice dans le cadre de sociétés commerciales, qui ne lui semblait en aucune façon justifiée.

Puis, M. Yann Gaillard, rapporteur pour avis, a signalé que le présent projet de loi faisait suite à celui déposé en avril 1997, devenu caduc par suite de la dissolution de l'Assemblée nationale, et s'en distinguait essentiellement au niveau de l'indemnisation, désormais réduite de 2,3 milliards de francs à 450 millions de francs par suite de la substitution au " produit demi-net " d'une valeur calculée à partir d'agrégats comptables et de l'application d'une réfaction de 50 %.

Puis le rapporteur pour avis a présenté les grandes lignes des projets d'amendements élaborés en liaison étroite avec les rapporteurs de la commission des lois saisie au fond et de la commission des affaires culturelles saisie pour avis.

En ce qui concerne l'indemnisation, M. Yann Gaillard, rapporteur pour avis, a proposé :

- de modifier l'article définissant l'objet de l'indemnisation pour bien insister sur le fait qu'il s'agit de compenser, non la dépréciation d'un droit maintenu dans son principe -le droit de présentation du successeur est maintenu pour le secteur des ventes judiciaires-, mais la perte d'un droit qui s'analyse comme une expropriation partielle et relève, à ce titre, de la juste et préalable indemnité, prévue à l'article 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen ;

- de mettre en place un système d'indemnisation, plus souple et plus juste, laissant le choix au commissaire-priseur entre une indemnisation " au forfait ", égale à 50 % de la valeur de l'office de nature à être payée plus rapidement, et une indemnisation " au réel ", établie par la commission d'indemnisation, en tenant compte des éléments d'actifs restant la propriété du titulaire de l'office, comme le nom ou la clientèle, et susceptibles d'être cédés par lui.

Le rapporteur pour avis a également exposé le contenu du volet fiscal de ses propositions, qui comporte à la fois des mesures destinées à accompagner les restructurations imposées par la loi, en assurant la neutralité fiscale des changements de statut, et une clarification de régime d'imposition des indemnités, avec toujours le même souci de favoriser les commissaires-priseurs qui ont investi récemment ou qui vont réinvestir leurs indemnités dans les nouvelles sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères.

A l'issue de cette présentation et après l'intervention de Mme Marie-Claude Beaudeau sur la situation des employés des commissaires-priseurs, la commission a procédé à l'examen des articles.

A l'article 35, la commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis précisant que l'objet de l'indemnité est de compenser la perte d'un droit et relève de l'expropriation.

A l'article 37, la commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis mettant en place un régime indemnisant les commissaires-priseurs de leur préjudice réel, compte tenu des éléments d'actifs incorporels restant leur propriété, sauf, pour les intéressés, à demander le bénéfice d'une indemnité forfaitaire, égale à 50 % de la valeur de l'office telle que calculée à l'article 36.

Ces deux articles ont donné lieu à une série d'interventions. M. Alain Lambert, président, est intervenu pour souligner que le droit de présentation existait, que certaines personnes s'étaient endettées, parfois lourdement, pour l'acquérir et qu'il fallait donc ménager leur indemnisation conformément aux principes constitutionnels.M. Philippe Marini, rapporteur général, a attiré l'attention sur la situation des jeunes commissaires-priseurs exerçant leur activité en province, tandis que Mme Marie-Claude Beaudeau est intervenue pour affirmer que l'indemnisation prévue lui paraissait suffisante et M. François Trucy pour signaler que le monopole des commissaires-priseurs était parfois battu en brèche.

A l'article 40, la commission a, sur proposition du rapporteur pour avis, après un débat où sont notamment intervenus MM. François Trucy et Philippe Marini, rapporteur général, adopté un amendement supprimant la taxe sur les ventes, qui est apparue comme alourdissant les charges pesant sur le marché de l'art, tout en étant d'un faible rendement au regard de son coût de perception.

A l'article 43, la commission a adopté, après les interventions de M. Alain Lambert, président, et de M. Philippe Marini, rapporteur général, un amendement du rapporteur pour avis faisant entrer des professionnels dans la composition de la commission d'indemnisation et la faisant présider par un magistrat de l'ordre judiciaire.

Puis M. Yann Gaillard, a soumis à la commission une série d'amendements destinés à constituer, après l'article 43, un chapitre additionnel sur les dispositions fiscales :

- un premier article additionnel prévoit des mesures d'accompagnement des restructurations et notamment de report des plus-values en cas de scission et d'apport par les commissaires-priseurs de leurs actifs aux sociétés de ventes aux enchères ;

- un second article additionnel propose des mesures de neutralisation fiscale pour l'Hôtel Drouot : il s'agit de permettre aux commissaires-priseurs parisiens d'apporter aux nouvelles structures les actifs qu'ils détiennent dans le cadre de Drouot SA sans devoir payer des impôts prohibitifs ;

- un troisième article additionnel tend à clarifier et à aménager le régime fiscal de l'indemnité versée aux commissaires-priseurs : il s'agit de confirmer que l'indemnité est soumise au taux des plus-values à long terme, soit 16 %, et de prévoir un report d'imposition en cas de réinvestissement dans des sociétés de ventes aux enchères et une exonération lorsque l'indemnité est affectée au remboursement de la dette contractée pour l'achat de l'office, ce qui aidera les jeunes commissaires-priseurs.

Résolutions européennes - Fiscalité - Minimum d'imposition effective des revenus de l'épargne - Communication

L'examen du rapport de M. Bernard Angels sur sa proposition de résolution n° 271 (1998-1999), présentée en application de l'article 73 bis du règlement sur la proposition de directive du Conseil visant à garantir un minimum d'imposition effective des revenus de l'épargne sous forme d'intérêts à l'intérieur de la Communauté (n° E-1105), a été reporté au mardi 11 mai prochain