Travaux de la commission des finances



- Présidence de M. Alain Lambert, président.

UNION EUROPÉENNE - FISCALITÉ - MISE EN OEUVRE AU SEIN DE L'UNION EUROPÉENNE DES TAUX RÉDUITS DE TVA - COMMUNICATION

La commission a tout d'abord entendu la communication deM. Denis Badré sur la mise en oeuvre, au sein de l'Union européenne, des taux réduits de TVA.

Après avoir rappelé la mission qui lui avait été confiée au printemps 1999 à la suite de la discussion budgétaire consistant notamment à faire le point sur les possibilités existant en matière de baisse sectorielle de la TVA, M. Denis Badré a indiqué que la proposition de directive n° E 1236 permettant d'appliquer des taux réduits de TVA sur les services à forte intensité de main-d'oeuvre constituait une initiative justifiant cette communication d'étape.

Après avoir rappelé la situation existant au plan communautaire en matière de taux de TVA et détaillé les initiatives de la commission européenne à l'origine de la proposition de directive n  E 1236, il a indiqué que ce texte offrait l'occasion de baisser ponctuellement la TVA, tout en présentant un caractère dérogatoire, et cela à un triple point de vue.

En effet, seuls étaient concernés les services à haute intensité de main-d'oeuvre, sans liste limitative, aucun secteur n'était donc a priori exclu. Les seules indications ponctuelles qui étaient données par cette proposition de directive concernant ces secteurs figuraient dans l'exposé des motifs, qui n'avait pas de valeur normative.

Il a rappelé que le texte communautaire assignait le respect de trois critères aux services éligibles : être à forte intensité de main-d'oeuvre ; être fournis directement aux consommateurs finals ; et être principalement locaux et non susceptibles de créer des distorsions de concurrence.

Puis il a relevé que ce texte prévoyait une procédure dérogatoire au plan juridique. Il s'agissait de compléter l'article 28 de la directive de 1977, qui concerne les dispositions transitoires, et non l'annexe H, qui fixait de façon pérenne la liste des biens et des services éligibles à l'un des taux réduits prévus par la directive communautaire.

Enfin, il a souligné qu'il s'agissait d'une application limitée dans le temps : la mesure avait un caractère expérimental sur trois ans, du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2002.

Aussi avant le terme de cette expérience, soit d'ici le 1er octobre 2002, les Etats membres devraient établir un rapport détaillé précisant notamment les effets de ces baisses de TVA en termes de création d'emplois, ce qui permettrait éventuellement, sans qu'il y ait cependant d'obligation juridique, de rendre pérennes ces mesures.

Puis M. Denis Badré a indiqué que cette initiative répondait à un double objectif : lutter contre le chômage et l'économie souterraine. Il convenait cependant de rappeler que la lutte contre le chômage pouvait certes résulter d'une baisse ciblée de la TVA dans certains secteurs, mais qu'elle devait être complétée par des mesures pérennes d'allégement des charges sur les bas salaires, mesures auxquelles le Sénat avait toujours été favorable.

D'autre part, il lui semblait que l'effet sur l'économie souterraine restait très difficile à mesurer : non seulement l'ampleur réelle de l'économie souterraine n'était pas connue, mais il s'interrogeait sur l'effet de cette mesure quant à la résorption effective du travail au noir.

Il a toutefois estimé que cette disposition allait dans le bon sens pour deux raisons. Il s'agissait en effet d'une mesure de " bonne politique européenne ", qui consistait à définir un cadre en laissant aux Etats membres le choix de décider, dans le respect de certaines contraintes. Par ailleurs, cette mesure devrait permettre de baisser les prélèvements obligatoires en diminuant la TVA sectoriellement. Il convenait donc de s'assurer que cette baisse ne serait pas compensée par le relèvement d'autres impôts ou la suppression d'avantages fiscaux existants.

Puis il a précisé qu'il s'agissait d'une option irrévocable pour les Etats et qu'ils devaient en conséquence en informer la Commission, avant le 1er septembre 1999et lui communiquer toutes les données utiles concernant le champ, le coût et les effets prévus sur l'emploi de la mesure, pour qu'elle puisse veiller à ce que cela n'entraîne pas de distorsions de concurrence. De ce fait, les Etats devraient mettre en oeuvre au plan interne les dispositions nécessaires pour se conformer à cette proposition de directive au plus tard avant le 31 décembre 1999.

Il appartiendrait alors à la Commission en fonction des éléments qui lui seraient ainsi communiqués de proposer au Conseil statuant à l'unanimité d'autoriser un Etat à appliquer les taux réduits de TVA prévus par l'article 12 de la directive de 1977. Par ailleurs, la Commission devait veiller, en cours d'application, à ce que de telles mesures n'entraînent pas de distorsions de concurrence, soit entre Etats membres, soit au sein d'un même Etat. Le cas échéant, elle proposerait au Conseil qui statuerait, en ce cas, à la majorité qualifiée, d'adopter les " mesures appropriées ".

M. Denis Badré s'est alors interrogé sur les intentions du Gouvernement français en ce domaine.

Celles-ci restaient en effet, volontairement ou non, floues. Que ce soit lors des auditions réalisées ou d'échanges de courrier, il n'avait pas obtenu de réponse officielle de sa part. De plus, les travaux de l'Assemblée nationale avaient plus souligné les points de divergence existant au sein de la majorité que les points d'accord.

Dans ce contexte, il a tout d'abord tenu à faire état d'une première incertitude concernant les " marges de manoeuvre budgétaires " réelles dont disposait le Gouvernement. Dans ses travaux préparatoires, la Commission européenne indiquait en effet que chaque Etat pouvait y consacrer l'équivalent des recettes correspondant à un point de TVA, soit une somme de l'ordre de 30 milliards de francs. Or, le Gouvernement français n'avait jamais fait connaître précisément ses intentions, bien que d'aucuns aient évalué sa marge de manoeuvre " technique " à 15 milliards de francs.

Par ailleurs, il s'est interrogé sur la nature des services à haute intensité de main-d'oeuvre qui seraient concernés par une telle application d'un taux réduit de TVA.

La proposition de directive fixait en effet des critères et ne donnait pas de liste limitative. Aucun service à forte intensité de main-d'oeuvre ne pouvait donc être exclu a priori.

Or il lui apparaissait que trois domaines pourraient principalement être concernés : la restauration, les services de proximité et d'aide à la personne ainsi que les travaux dans le logement. Ces trois secteurs offraient en effet des potentialités, certes variables, mais néanmoins très réelles, de créations d'emplois. Cette liste n'était cependant pas exclusive.

S'agissant des services d'aide à la personne, il a souligné qu'il convenait d'en donner une définition juridique claire au risque de susciter de nombreux contentieux, à l'image par ailleurs de ce que préconisait la commission des finances de l'Assemblée nationale.

De même pour les travaux dans le logement, il s'est interrogé sur la nature précise des travaux auxquels cette baisse s'appliquerait. Il a évoqué la demande faite par la commission des finances de l'Assemblé nationale d'une expertise sur ce point qui devrait être réalisée par un organisme indépendant et remise avant le 30 juin. Celle-ci devrait contribuer à renforcer les éléments d'information permettant au législateur de se prononcer en toute connaissance de cause.

Enfin, il a souhaité obtenir des précisions concernant le secteur de la restauration, où une baisse était certes souhaitable, mais où il convenait de prendre en compte tous les aspects du problème, qu'il s'agisse des aspects juridiques ou des aspects sociaux.

Il a donc insisté sur la nécessité de dissiper rapidement ce flou puisque le calendrier de la directive fixait au 1er septembre 1999 la date butoir : la mise en place effective de ces mesures devrait figurer, concrètement, s'agissant de la France, au nombre des orientations contenues dans la prochaine loi de finances, celle pour l'an 2000. Compte tenu des contraintes de calendrier, il faudrait donc que le Gouvernement fasse connaître ses choix d'ici la fin du mois de juin.

Aussi M. Denis Badré a-t-il indiqué qu'un rapport d'information serait présenté en ce sens par la commission des finances dès que les intentions du Gouvernement auront été connues de façon claire.

En conclusion, et dans l'attente de ce rapport d'information, il a précisé qu'il importait que la potentialité ainsi offerte soit largement et le plus efficacement utilisée par le Gouvernement français. A ce titre, il a émis les préconisations suivantes.

Il a tout d'abord souhaité que des mesures lisibles soient prises. Il convenait de prendre des mesures générales et claires pour les particuliers afin d'éviter les effets d'annonce, les effets de seuil ou la mise en place de mesures homéopathiques à l'image des baisses ciblées de TVA votées dans la loi de finances pour 1999.

Il s'est ensuite prononcé pour que le champ des secteurs bénéficiaires soit le plus large possible : plus les expériences seraient diverses, meilleurs en seront les enseignements et grandes les chances, à terme, de se traduire par une modification pérenne du champ de la TVA à taux réduit, au moyen de la révision de l'annexe H.

Par ailleurs, il a souhaité que cette baisse de la TVA puisse s'inscrire dans un mouvement plus vaste de diminution des prélèvements obligatoires. Il a rappelé que la baisse de TVA ne devait pas être compensée par la suppression d'autres dispositions fiscales favorables ou le relèvement d'autres impôts.

Il a enfin préconisé que ces baisses soient réalisées rapidement et dans la transparence, le Gouvernement devant faire connaître rapidement et clairement ses intentions pour que le Parlement puisse effectivement se prononcer lors de la prochaine loi de finances.

A ce titre, il a souhaité que soient communiquées les données utiles d'appréciation qui seraient transmises à la Commission européenne.

M. Jean-Philippe Lachenaud a estimé que, pour des raisons tenant à des contraintes de calendrier tant au niveau interne qu'européen, cette proposition de directive avait peu de chance d'être adoptée rapidement. De façon plus générale, il s'est interrogé sur le contenu, la portée et l'efficacité réelle de ces mesures, telles qu'elles pouvaient être connues actuellement. Il a souligné qu'elles ne pouvaient être analysées en dehors d'une vue d'ensemble de la baisse des prélèvements obligatoires, qu'il conviendrait de dégager des priorités et que la réflexion de la commission devait porter tant sur l'article 28 que sur l'état H.

Mme Marie-Claude Beaudeau s'est déclarée favorable à des mesures de baisse de la TVA, mais s'est interrogée tant sur les contraintes existant en termes de calendrier, que sur les marges de manoeuvre dont disposait le Gouvernement. Aussi a-t-elle estimé que, en l'état actuel, il s'agissait plutôt d'une " proposition d'irrésolution ". Elle a enfin demandé à ce que soit maintenue en matière fiscale la règle de l'unanimité existant lors des votes du Conseil.

M. Jacques Oudin s'est interrogé sur la pertinence de la notion de " marge de manoeuvre budgétaire " compte tenu du poids des déficits publics. Il a souhaité que le Gouvernement inscrive son action dans le cadre d'une baisse durable des prélèvements obligatoires. Il s'est en outre interrogé sur l'ordre des priorités en matière d'allégement de la pression fiscale, ainsi que sur la nature des services à forte intensité de main-d'oeuvre qui pourraient être éligibles à de telles baisses de la TVA.

M. André Vallet a souligné l'intérêt de telles mesures de diminutions ciblées de la TVA et souhaité à ce titre que le Gouvernement précise les secteurs qu'il entendait rendre éligibles à de telles baisses. Il a par ailleurs rappelé son attachement à la règle de l'unanimité en matière fiscale.

M. Michel Moreigne a tenu à relever le caractère très complet de la communication qui avait été présentée. Après avoir évoqué les mesures de baisses sectorielles de la TVA déjà intervenues, il a souhaité que la commission puisse auditionner le Gouvernement afin d'obtenir des précisions complémentaires en ce domaine.

M. Denis Badré a tout d'abord indiqué que cette proposition de directive devrait être examinée par le " Conseil Ecofin " du 25 mai 1999. Il a également souligné les contraintes pesant sur le Gouvernement, ainsi que la volonté de la commission de clarifier la situation en fournissant un panorama complet des enjeux et des perspectives ainsi ouvertes.

En réponse à M. Jean-Philippe Lachenaud, il a tenu à lui préciser l'articulation existant entre la présente communication et le rapport d'information qui serait présenté d'ici le mois de juillet et concernerait, de façon générale, les perspectives et possibilités d'évolution en matière de taux réduit de TVA. Il a indiqué que la préparation de ce rapport permettrait de mener, au sein de la commission, un large débat sur ces questions.

Il a fait part à MM. Jacques Oudin et André Vallet de sa volonté de contribuer à la diminution des prélèvements obligatoires et confirmé les incertitudes existant actuellement quant aux secteurs éventuellement éligibles à ces baisses ciblées.

Puis il a précisé à M. Michel Moreigne les effets résultant pour les " micro-entreprises " du relèvement du seuil d'exonération, disposition qui avait été votée lors de la dernière loi de finances. Il a également détaillé les conséquences pour le secteur du bâtiment d'une éventuelle baisse de la TVA, tout en relevant de façon générale l'importance de l'écart existant actuellement entre le taux normal (20,6 %) et le taux réduit (5,5 %).

La commission a alors donné acte à M. Denis Badré de sa communication.

DÉBAT D'ORIENTATION BUDGÉTAIRE - COMMUNICATION

M. Alain Lambert, président, a alors indiqué que le prochain débat d'orientation budgétaire permettrait de connaître plus précisément les intentions du Gouvernement en ce domaine, et, partant, à la commission, de compléter utilement son information et ainsi d'affiner ses préconisations.

DÉSIGNATION D'UN CANDIDAT PROPOSÉ À LA NOMINATION DU SÉNAT POUR SIÉGER AU SEIN DU COMITÉ DE SURVEILLANCE DE LA CAISSE D'AMORTISSEMENT DE LA DETTE SOCIALE.

Puis la commission a proposé M. Jacques Oudin à la nomination du Sénat pour siéger au sein du Comité de surveillance de la caisse d'amortissement de la dette sociale.

NOMINATION DE RAPPORTEUR

Enfin, la commission a nommé M. Joël Bourdin, rapporteur sur la proposition deloi n° 340 (1998-1999) qu'il a cosignée avec M. Jean-Philippe Lachenaud, relative à la vente d'une partie des avoirs en or de l'Etat détenus etgérés par la Banque de France