Travaux de la commission des finances



- Présidence de M. Alain Lambert, président.

ENTREPRISES PUBLIQUES - SNCF - AUDITION DE M. LOUIS GALLOIS, PRÉSIDENT DE LA SNCF

La commission a procédé à l'audition de M. Louis Gallois, président de la SNCF.

M. Alain Lambert, président, a rappelé, à titre liminaire, l'intérêt porté par la commission au contrôle des entreprises publiques. Il a ensuite présenté quelques défis et perspectives pour l'avenir de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), tandis que l'année 1999 est annoncée comme l'année du retour à l'équilibre des comptes. Il a ainsi évoqué les négociations sur les 35 heures et les gisements de productivité existant à la SNCF, et l'avenir du fret à l'heure où les contraintes de sécurité et d'environnement favorisent un équilibre nouveau entre la route et le rail. Il s'est également interrogé sur l'impact de la concurrence communautaire pour la SNCF et sur le paiement des jours de grève dans l'entreprise.

M. Louis Gallois s'est réjoui de cette occasion de dialogue avec la commission des finances, en insistant sur l'osmose nécessaire de la SNCF avec la collectivité nationale et ses représentants.

Il a tout d'abord souhaité présenter les comptes de l'entreprise en 1998 et les perspectives pour l'année en cours. Les résultats pour 1998 se sont avérés légèrement moins bons que prévus, avec une perte de 649 millions de francs, contre 500 millions de francs.

M. Louis Gallois a cependant précisé que l'examen des comptes dans le détail révèle des aspects positifs. Ainsi, le chiffre d'affaires a progressé de 2,5 milliards de francs, les recettes issues du trafic augmentant pour la deuxième année consécutive de plus de 5 %, soit la plus forte hausse depuis 15 ans. Si la progression est principalement imputable aux lignes à grande vitesse et aux grandes lignes en général qui sont en hausse de 9,6 %, il a également insisté sur l'augmentation des recettes de 2 % sur les lignes des trains express régionaux (TER) et en Ile-de-France ainsi que sur la stabilité du fret et du SERNAM, aucune ligne ne voyant ses recettes diminuer.

Il a précisé que les grèves à la fin de l'année ont eu un coût de 450 millions de francs, soit 1 % des recettes liées au trafic.

M. Louis Gallois s'est ensuite félicité que la SNCF dégage, pour la première fois depuis plus de 15 ans, un résultat courant positif s'élevant à 458 millions de francs. Il a expliqué que le décalage avec le résultat net est dû à des éléments financiers et à la passation d'une provision de 650 millions de francs pour l'avenir du SERNAM. Il a précisé que les pertes de ce dernier s'élèvent à 556 millions de francs en 1998, pour un chiffre d'affaires d'environ 4 milliards de francs.

M. Louis Gallois a ensuite présenté le résultat net consolidé du groupe SNCF, déficitaire de 300 millions de francs en 1998, après 600 millions de francs en 1997. Il a souligné que cette perte est désormais uniquement imputable à la maison-mère, puisque les filiales de la SNCF sont bénéficiaires de 500 millions de francs en 1998. Il s'est félicité de la maîtrise de l'endettement qui se monte à 48 milliards de francs, soit légèrement supérieur aux recettes issues du trafic s'élevant à 45 milliards de francs. Le désendettement de la SNCF s'explique par la reprise de 130 milliards de francs de dette par Réseau ferré de France (RFF) et un abondement de 20 milliards de francs du service d'amortissement de la dette.

Il a enfin indiqué que la capacité d'autofinancement de la SNCF a progressé de 5,5 milliards de francs en 1997 à 7,7 milliards de francs en 1998 ou 6,5 milliards de francs hors éléments exceptionnels.

M. Louis Gallois a présenté les problèmes en suspens, en indiquant que l'amélioration du résultat ne provient pas d'un abaissement des coûts. Il a insisté sur la nécessité de maîtriser les consommations intermédiaires et la masse salariale, qui représente 45,5 milliards de francs, soit une somme supérieure aux recettes commerciales. Il a ensuite déploré la stagnation anormale du trafic fret en 1998 liée à des problèmes de saturation du réseau et aux grèves durant l'été et le mois de novembre 1998.

M. Louis Gallois a rappelé le profond déséquilibre du SERNAM dont la perte est supérieure à 15 % du chiffre d'affaires, et fait état de l'objectif d'augmentation des recettes du fret. Il a cependant estimé que la conjoncture économique moins porteuse et la grève des agents de conduite au mois de mai, dont le coût peut être évalué entre 300 et 400 millions de francs, rendaient cet objectif difficile à atteindre.

Il a annoncé que les pertes du SERNAM prévues pour l'année 1999 seront légèrement supérieures à celles de 1998 et qu'une solution à cette situation devrait être trouvée avant la fin de l'année.

M. Louis Gallois a confirmé l'objectif d'équilibre des comptes dès cette année malgré l'augmentation des péages dus à Réseau Ferré de France de 400 millions de francs en 1999, 2000 et 2001. Il a estimé que l'objectif d'équilibre des comptes doit imposer une discipline générale au sein de l'entreprise pour maîtriser les dépenses. Il a ensuite noté les bons résultats du trafic sur les premiers mois de l'année 1999 avec une hausse de 7 % des recettes sur les lignes du TGV depuis le 1er janvier et de 3,7 % en Ile-de-France par rapport à l'an dernier. Il a évoqué une situation moins favorable pour les grandes lignes et annoncé le lancement d'une campagne de promotion sur ce secteur cet été.

M. Louis Gallois a enfin rappelé les grands sujets d'actualité pour la SNCF avec la négociation sur les 35 heures, la mise en oeuvre d'une stratégie de conquête pour le fret et la dynamique créée par l'Europe. Il a ajouté que le bilan de la régionalisation, la préparation de la contractualisation en Ile-de-France et des contrats de plan Etat-Régions constituent d'autres étapes importantes dans les prochains mois.

M. Alain Lambert, président, a remercié M. Louis Gallois pour sa présentation et a donné la parole à M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial des crédits des transports terrestres.

M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial, a souhaité connaître l'état des négociations sur le passage aux 35 heures et son financement. Il s'est également interrogé sur les perspectives du transport de marchandises, avec la concurrence de la route et l'influence négative des grèves sur la clientèle de la SNCF. Il a souligné la réussite de la régionalisation en insistant sur son coût pour l'Etat, et a demandé une plus grande transparence des comptes des trains express régionaux (TER). Il a enfin souhaité connaître l'état d'avancement des projets de franchissement ferroviaire des Pyrénées.

M. Louis Gallois a fait valoir l'enjeu décisif des négociations sur les 35 heures pour la SNCF, puisqu'elles permettent d'aborder les problèmes de l'organisation du travail et du dialogue social au sein de l'entreprise.

Il s'est félicité de l'accord conclu au début du mois de juin, en soulignant son caractère équilibré. Il a rappelé que cet accord prévoyait le recrutement sur 3 ans de 25.000 personnes à statut cheminot en prenant en compte les agents à temps partiel ainsi que l'élévation au statut de personnels auparavant contractuels.

Il a souligné que, pour la première fois depuis 1995, des créations d'emplois étaient programmées pour les trois prochaines années au lieu d'une perte de 1.500 emplois par an.

M. Louis Gallois a ensuite indiqué que le passage aux 35 heures conférait davantage de souplesse à l'entreprise, qui a donné une priorité aux jours de repos. Désormais, la durée du travail sera calculée sur 6 mois, et la gestion des jours de repos par l'entreprise lui permettra de mieux s'adapter aux pointes et aux creux du trafic. Le personnel à temps partiel permettra également une meilleure gestion de l'évolution quotidienne du trafic.

M. Louis Gallois a rappelé que, pour la première fois depuis 1937, un accord important était signé par les syndicats majoritaires à la SNCF. Il s'est félicité des progrès de la négociation et de la recherche d'un compromis entre les syndicats et la direction.

Il a ensuite précisé que des concertations difficiles devaient désormais s'engager au sein des établissements sur l'organisation du travail afin de prolonger la dynamique créée au niveau national.

M. Louis Gallois a précisé que le coût mécanique du passage aux 35 heures est évalué entre 1,3 et 1,5 milliard de francs sur 3 ans. Il a mis en évidence les sources de financements que constituent les gains de productivité issus de la réorganisation du travail, la maîtrise des coûts salariaux et le développement du trafic, en soulignant qu'il compte bénéficier du soutien du Gouvernement pour développer le trafic ferroviaire, notamment en matière de transport combiné.

Il a rappelé la situation préoccupante du fret et a constaté que la diminution des recettes est moins importante que la baisse du trafic en soulignant que le transport combiné, dont le produit moyen est plus faible, constitue l'essentiel de cette diminution. Il a fait état de son intention d'organiser des réunions avec le personnel, la direction de la SNCF et des clients afin de rechercher les moyens de faire fonctionner le réseau de manière plus efficace.

M. Louis Gallois a ensuite insisté sur le fait que le service régional ne sera jamais rentable et a précisé que le voyageur ne paye que 35 à 40 % du coût réel du billet, étant donné que le service est assuré toute la journée malgré des taux de remplissage insuffisants. Il a cependant affirmé que le transport régional se situait au coeur de la mission de service public de la SNCF.

Il a estimé que la contractualisation a permis de préciser le partage des responsabilités entre les collectivités locales et l'entreprise et permis l'offre d'un meilleur service aux citoyens avec un matériel et des gares rénovés et l'amélioration de la qualité des dessertes.

Le président de la SNCF a indiqué que la transparence des comptes de tous les grands services de la SNCF est une nécessité mais constitue une opération complexe, notamment pour le TER. Il a jugé que cette transparence pourrait conduire les conseils régionaux à ne vouloir financer le service qu'à hauteur du coût marginal et rappelé la nécessité pour toutes les collectivités de prendre en charge une partie des coûts de structure.

Un large débat s'est alors ouvert.

M. Roland du Luart a souhaité savoir combien d'agents travaillent réellement 35 heures et connaître les solutions envisagées pour résorber la saturation du réseau ferré dans l'ouest de la France. Il s'est également interrogé sur la possibilité d'une privatisation du SERNAM.

M. Jean Clouet a souhaité connaître l'impact financier de la création de Réseau ferré de France (RFF) pour la SNCF. Il s'est interrogé sur l'avenir du régime des retraites de la SNCF et a souhaité avoir confirmation du fait que le personnel de la SNCF, qui représente 1 % des actifs occupés, est à l'origine de 40 % des jours de grève en France en 1998.

M. Jean-Pierre Demerliat a souhaité connaître l'état d'avancement du projet de train pendulaire sur la ligne Paris-Limoges-Toulouse.

Mme Marie-Claude Beaudeau s'est interrogée sur les moyens de favoriser le fret ferroviaire et le financement du développement du transport combiné, et a souhaité connaître le bilan du corridor de fret entre les villes d'Anvers et de Lyon. Elle a également voulu connaître les réactions de la SNCF à la future introduction de la concurrence dans le transport ferroviaire.

M. Jacques Oudin est revenu sur les comptes de l'entreprise en s'étonnant de l'objectif d'équilibre des comptes alors que la SNCF a des coûts de main d'oeuvre supérieurs aux recettes commerciales. Il a souligné que le montant des contributions de l'Etat au transport ferroviaire s'est élevé à 62 milliards de francs en 1998 contre 58 milliards de francs en 1997.

Il a ensuite rappelé que la part de marché de la SNCF dans le transport de marchandises avait été réduite de 32,4 % en 1985 à 22,4 % en 1997.

Il s'est enfin interrogé sur la possibilité d'obtenir des comptes équilibrés sans effectuer des manipulations financières et sur l'existence d'une comptabilité analytique permettant de connaître la situation financière d'une ligne précise.

Il a souligné la nécessité d'une grande clarté dans les comptes et a demandé une meilleure information sur les comptes des entreprises publiques.

M. Gérard Braun a souhaité connaître la date de généralisation de la régionalisation ainsi que le calendrier prévu pour la réalisation du TGV Est.

M. François Trucy a demandé une récapitulation des flux financiers entre RFF et la SNCF et a souhaité savoir si ce système permettait un amortissement de la dette issue de la SNCF.

M. Roger Besse s'est interrogé sur le devenir des friches ferroviaires et des gares SNCF abandonnées et a demandé si la SNCF participe aux travaux de réfection des anciennes lignes.

M. Michel Charasse a souhaité connaître le poids du service de la dette pour la SNCF ainsi que le détail des services fournis par l'entreprise pour lesquels les tarifs sont anormaux. Il s'est également interrogé sur l'existence d'instructions en provenance des tutelles de la SNCF pour les négociations sur le passage aux 35 heures, et sur le paiement des jours de grève.

M. Yann Gaillard a remarqué que des gares étaient fermées le soir avant la fin du passage des trains et a souligné la nécessité de conserver une présence humaine fin d'y préserver la sécurité.

M. René Ballayer s'est interrogé sur la politique de la SNCF en matière de passages à niveau, qui occasionnent de nombreux accidents mortels, et sur l'avenir de la ligne TGV vers la Bretagne.

En réponse, M. Louis Gallois a précisé que 44.000 cheminots sont d'ores et déjà à 35 heures de travail hebdomadaires contre 130.000 à 39 heures. Il a indiqué que la direction de la SNCF a proposé l'allongement de la durée journalière du travail en contrepartie de repos supplémentaires, ce qui a d'ailleurs provoqué un mouvement de grève.

Concernant les problèmes de saturation du trafic, il a indiqué que des travaux d'étude sont engagés pour le contournement du Mans en maintenant les conditions de la desserte actuelle. Il a également fait état de la saturation du tronçon Massy-Orly et indiqué que les travaux de doublement de la voie sont prévus par RFF afin d'améliorer la régularité des trains, des solutions plus importantes étant envisagées à long terme.

M. Louis Gallois a constaté que le SERNAM doit rechercher des coopérations pour acquérir une dimension européenne, mais a souligné l'existence de coûts de main-d'oeuvre supérieurs aux autres entreprises de messagerie.

Il a ensuite précisé les flux financiers entre la SNCF et RFF. RFF reçoit 12 milliards de francs d'aide à l'investissement ainsi que des frais de péage de 6,5 milliards de francs en 1998.

Par ailleurs, RFF verse 17 milliards de francs par an à la SNCF pour l'entretien des voies. Il a souligné les effets vertueux de ce système.

M. Louis Gallois a évoqué ensuite la situation des retraites, dont le montant des cotisations est de 7 milliards de francs pour une dépense de 27 milliards de francs, l'écart étant compensé par l'Etat à hauteur de 14 milliards de francs et les contributions des autres régimes de retraite pour 6 milliards. Il a souligné l'absence de dégradation financière du régime pour l'avenir eu égard à la démographie des retraités de la SNCF.

M. Louis Gallois a confirmé le fait que le personnel de la SNCF est à l'origine de 40 % des jours de grève en France en 1998 en précisant que ce chiffre est davantage proche de 25 % les autres années. Il a considéré que tous les membres de l'entreprise sont responsables de cette situation qui s'explique par les faiblesses du dialogue social. Il a ensuite insisté sur les progrès effectués sur de nombreuses grandes lignes et a précisé que la mise en oeuvre d'un train pendulaire sur la ligne Paris-Limoges-Toulouse fait actuellement l'objet d'un appel d'offre pour le matériel roulant. Il a cependant observé que le coût de cette amélioration ne pourrait pas être entièrement à la charge de l'entreprise.

M. Louis Gallois a noté que la part du transport ferroviaire dans le fret en France est largement supérieure à la moyenne européenne et s'est accrue entre 1996 et 1998. Il a cependant noté que l'amélioration du trafic de fret implique souvent une dégradation de la performance pour les voyageurs. Or, les arbitrages, à la SNCF et dans les collectivités locales, privilégient généralement l'investissement pour les voyageurs.

M. Louis Gallois a ensuite précisé que les directives européennes sur les infrastructures doivent être discutées le 17 juin et que, même en cas d'opposition de la France, la SNCF ne bénéficierait que d'un sursis car la pression en faveur de la libéralisation des trafics est très forte. Il a insisté sur la nécessité de se préparer à la concurrence et rappelé que celle-ci existe déjà pour le transport combiné international, en soulignant que la SNCF privilégie le choix de la coopération internationale.

Il a rappelé que le transport combiné bénéficie d'une subvention de 270 millions de francs de l'Etat et d'aides à RFF pour la construction de plates-formes, et a souhaité une augmentation de ces subventions afin de compenser les coûts élevés des transferts de charges.

Il a ensuite déclaré que le corridor de transport de fret Anvers-Lyon a accueilli son millième train au mois de mars et constitue un succès. Il a cependant souhaité développer une politique commerciale plus forte sur cette ligne.

M. Louis Gallois a remarqué que la participation de l'Etat dans le transport ferroviaire a augmenté avec la dotation en capital de RFF, et que l'octroi de nombreuses subventions permet de compenser les tarifs spéciaux accordés aux voyageurs. Il a exposé la réforme de la comptabilité engagée au sein de l'entreprise.

Il a indiqué que la généralisation de la régionalisation dépend du Gouvernement qui présentera sans doute un projet de loi au Parlement à ce sujet dès l'année prochaine. Concernant le TGV Est, il a noté que le calendrier des travaux est fixé et que la plupart des financements des collectivités locales ont été votés.

M. Louis Gallois a ensuite jugé que la concurrence de la route est partiellement inéquitable pour le fret puisque la SNCF paie des péages particulièrement élevés en Ile-de-France, alors que les autoroutes y sont essentiellement gratuites. Il a précisé que le transport ferroviaire n'est pas toujours pertinent du point de vue des coûts, mais sera nécessaire à terme afin d'éviter la saturation des autoroutes.

Il a constaté que les friches ferroviaires n'appartiennent plus à la SNCF mais à RFF et a envisagé une déclassification des lignes désaffectées afin de procéder à leur vente.

M. Louis Gallois a indiqué que le poids annuel du service de la dette de la SNCF est d'environ 2,2 milliards de francs. Il a précisé que les tarifs différents des prix du marché sont nombreux et incluent l'ensemble du transport régional mais également des grandes lignes transversales comme Lyon-Nantes ou Lyon-Bordeaux. Il a souligné que ces tarifs découlent des demandes de péréquation de l'Etat pour de nombreuses lignes.

M. Louis Gallois a annoncé que les jours de grève ne sont généralement pas payés, hormis une ou deux journées, la répartition de la perte de revenu pour les agents pouvant être étalée sur deux mois après de longues grèves.

Il a noté que les 17.000 passages à niveau en France constituent des croisements routiers et que leur suppression coûte 10 à 15 millions de francs par passage au minimum. Celle-ci implique donc un programme important auquel doivent s'associer l'Etat et les collectivités locales.

Il a ensuite estimé que le prolongement du TGV Atlantique souffre de problèmes de financement mais que la ligne à grande vitesse vers Rennes sera construite. Il a ajouté que l'électrification de la ligne Paris-Bâle serait bientôt engagée, mais ne provoquera pas d'amélioration du service, qui est limité par la saturation de l'entrée dans Paris.

Enfin, il a estimé que la fermeture des gares le soir se justifie par des problèmes de coûts élevés et que le maintien d'une ouverture tardive est peu compatible avec la recherche de l'équilibre des comptes.

MERCREDI 16 JUIN 1999

- Présidence de M. Alain Lambert, président.

BUDGET - DÉBAT D'ORIENTATION BUDGÉTAIRE POUR 2000 - EXAMEN DU RAPPORT D'INFORMATION

La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur le débat d'orientation budgétaire pour 2000.
Tout en se réjouissant de constater que le Gouvernement accepte, cette année encore, de se soumettre à la règle du débat d'orientation budgétaire, M. Philippe Marini, rapporteur général, a regretté que les objectifs annoncés soient flous et généraux, se réduisant à trois éléments : une baisse du déficit budgétaire de 20 milliards de francs, une progression des dépenses nulle en volume, une stabilisation des prélèvements obligatoires. Il a observé que le Gouvernement n'avait arrêté aucune priorité, ni en matière de dépenses, ni en matière fiscale.

Le rapporteur général a estimé que ces intentions vertueuses étaient en ligne avec le programme de stabilité de la France élaboré en décembre 1998, et qu'il était possible d'en partager les orientations, notamment la réduction des déficits publics à 1 % du produit intérieur brut (PIB), et la diminution de la dette publique en pourcentage du PIB (mais non en valeur absolue), sans pour autant savoir si des décisions concrètes permettraient de faire respecter ces objectifs.

Souhaitant ne pas livrer de procès d'intention, M. Philippe Marini, rapporteur général, a déclaré juger les faits, c'est-à-dire les résultats obtenus par le Gouvernement, par rapport aux intentions qu'il avait déjà affichées. Rappelant le débat d'orientation budgétaire pour 1999 et le programme de stabilité, qui comprenaient tous deux un objectif de réduction des prélèvements obligatoires et d'allégement des dépenses publiques, il a fait observer que ces annonces n'avaient eu, pour l'instant, aucun début d'application. Tout en prenant acte de la bonne conjoncture économique, qui a permis de réduire les déficits publics, et de la qualification pour l'euro, M. Philippe Marini, rapporteur général, a observé qu'aucun résultat n'avait été obtenu concernant les prélèvements et les dépenses, l'action réelle du Gouvernement ayant seulement consisté à tenter de relancer l'emploi par la dépense publique.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a alors évoqué le cadrage macro-économique du débat d'orientation budgétaire. Rappelant que la commission des finances n'avait pas souhaité remettre en cause l'hypothèse de croissance économique associée au projet de loi de finances pour 1999 (2,7 %), il a néanmoins pu constater que le Gouvernement ne s'était pas privé, dès le mois de décembre 1998, d'infirmer sa propre prévision, le programme de stabilité ne retenant plus qu'une croissance de 2,4 % du PIB. Toutefois, il a observé que le Gouvernement ne remettait pas en cause son objectif de déficit public pour 1999 (2,3 % du PIB) même s'il était question, au début du mois de juin, d'une révision à la baisse, compte tenu du dynamisme des recettes fiscales (+ 9,3 % fin avril 1999).

Le rapporteur général a ensuite rappelé que, contrairement aux prévisions de croissance, la commission avait mis en doute l'inflation prévue pour 1999 (1,3 %), et que le Gouvernement avait effectivement procédé à une révision significative, à 0,5 %, révision susceptible d'affecter les recettes budgétaires.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a également rappelé que certains membres de la commission des finances avaient estimé que le Gouvernement opérerait alors des gels de crédits, ce que celui-ci avait alors démenti. Or, il a fait observer que des " contrats de gestion " avaient été conclus entre le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et les ministères dépensiers, ces contrats prévoyant, aux dires du ministère lui-même, " la constitution d'une réserve de crédits ", pour un montant total de quatorze milliards de francs.

Le rapporteur général a enfin indiqué que, pour l'an 2000, le Gouvernement n'affichait plus des hypothèses de croissance nominale aussi ambitieuses que pour 1999 (de 3,4 % à 3,9 % en 2000, contre 4 % pour 1999), ce qui pourrait avoir des incidences à la baisse sur les recettes et, a contrario, un effet d'augmentation du poids des dépenses publiques dans le PIB, sans que l'objectif de réduction des déficits soit, pour le moment, modifié.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite abordé la question des prélèvements obligatoires.

Il a rappelé que depuis 1998, le Gouvernement promettait de diminuer ces prélèvements, faisant d'ailleurs le reproche au précédent gouvernement de les avoir augmentés et d'avoir ainsi " cassé la croissance ", alors même que la conjoncture économique et le programme de qualification pour l'euro étaient particulièrement contraignants.

Cependant, il a estimé que le Gouvernement ne semblait pas souhaiter réellement baisser les prélèvements obligatoires, pour deux raisons.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a d'abord rappelé l'absence totale de résultats depuis juin 1997. Il a d'ailleurs noté que si les impôts locaux n'avaient pas diminué depuis 1997 (de 7,2 % à 6,9 % du PIB), les prélèvements auraient continué à augmenter. Il a fait observer que la première mesure prise par le Gouvernement fut de faire adopter la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier à l'automne 1997, qui alourdit les prélèvements obligatoires de 0,28 point de PIB. Sans cette mesure, les prélèvements auraient atteint 45,8 % du PIB (au lieu de 46,1 %). Il en a donc conclu que le Gouvernement n'avait pas stabilisé les prélèvements obligatoires depuis 1997, mais qu'il les avait augmentés et maintenus à un niveau jamais atteint.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite évoqué l'attitude récente du Gouvernement, consistant désormais à s'accommoder d'une " stabilisation " des prélèvements obligatoires. Reprenant les chiffres figurant dans le document présentant les comptes prévisionnels de la Nation pour 1999 et les principales hypothèses économiques pour 2000, publié au mois d'avril, le rapporteur général a fait observer que l'objectif de réduction des prélèvements obligatoires était repoussé à l'an 2000, rendant déjà caducs les objectifs du programme de stabilité pour 2002.

Enfin, le rapporteur général a mentionné deux signes spectaculaires du renoncement du Gouvernement à baisser les prélèvements obligatoires : la création d'une " écotaxe " pour financer les réductions de charges sur les bas salaires, et la création d'une contribution additionnelle sur les bénéfices des entreprises de plus de 50 millions de chiffre d'affaires, alors même que le produit de l'impôt sur les sociétés est en hausse de 38 % en avril 1999, par rapport à l'an passé. Il a rappelé la préférence du Sénat pour une réduction réelle des charges pesant sur le travail, et que la commission ne pouvait souscrire au remplacement d'un impôt par un autre.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite abordé la question de la maîtrise des dépenses publiques.

Il a fait observer que depuis 1998, le Gouvernement ne parvenait à afficher des progressions raisonnables de la dépense publique que grâce à la baisse des taux d'intérêt, réduisant d'autant l'augmentation de la charge de la dette publique, le Gouvernement n'engrangeant ainsi que des économies de constatation, alors même que les postes de dépenses les plus importants, la fonction publique et les retraites, ne cessaient de croître.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué, sur la foi des lettres de cadrage du premier ministre, que le Gouvernement s'était fixé pour l'an 2000 l'objectif de ne pas augmenter les dépenses en francs constants, afin de respecter l'objectif ambitieux de croissance des dépenses de l'Etat limitée à 1 % en volume sur trois ans, issu du programme de stabilité. Cet objectif correspondrait à une augmentation des dépenses budgétaires de 14,6 milliards de francs en l'an 2000 (environ 17,2 milliards de francs pour les dépenses primaires, minorés par 2,6 milliards de francs d'allégement des charges de la dette).

Or, le rapporteur général, retraçant les différentes " priorités " du Gouvernement (emplois-jeunes, lutte contre les exclusions, réduction du temps de travail à 35 heures, couverture maladie universelle, accord salarial dans la fonction publique et mesures catégorielles, pensions de la fonction publique), en a estimé le surcoût à 38 milliards de francs dès l'an 2000, sans compter la deuxième loi sur l'application des trente-cinq heures, dont le coût en année pleine serait de 8 milliards de francs. Il en a conclu que près de 25 milliards de francs de dépenses ne seraient ainsi pas financés.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite abordé la question de l'équilibre des finances publiques, en stigmatisant l'impasse de " l'exception française ".

Tout en reconnaissant l'amélioration générale des déficits publics depuis 1994 (le déficit public revenant de 5,75 % à 2,9 % en 1998, puis à 0,8 % ou 1,2 % du PIB en 2002), le rapporteur général a remarqué que cette amélioration s'était accompagnée d'un étatisme accru, avec le maintien d'un niveau élevé de dépenses et de prélèvements, et que cet étatisme était confirmé par le choix du Gouvernement de créer un fonds de réserve pour les retraites plutôt que de réduire la dette publique.

Or, il a fait remarquer que l'étatisme ne mettait pas la France à l'abri des difficultés, le pays continuant de souffrir d'un excès permanent de dépenses par rapport à ses recettes (le déficit structurel s'élève à 140 milliards de francs) et d'un déficit de fonctionnement de l'Etat (68 milliards de francs en 1999). La précaire stabilisation de la dette proposée par le Gouvernement ne permet pas de faire face aux chocs de l'avenir, alors même que dès 2005, la France sera au coeur du problème du financement des retraites. Il a rappelé à cette occasion que l'OCDE évaluait l'impasse financière des retraites d'ici à 2070 à environ 100 % du produit intérieur brut de 1994. Il a ajouté que le fonds de réserve pour les retraites, créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 et rattaché au fonds de solidarité vieillesse devrait recueillir des actifs représentant de 0,7 % à 1,5 % du PIB à l'horizon 2002 d'après la direction de la prévision, ce qui était très loin des sommes nécessaires.

En conclusion, le rapporteur général a indiqué que ses propos, reprenant les positions constantes de la commission des finances du Sénat, et consistant à mettre l'accent sur la diminution de la dépense publique et la réduction des déficits, afin de réduire les prélèvements et préparer les chocs démographiques, étaient partagés tant par les grandes institutions internationales que par la Cour des comptes, et même, par d'actuels soutiens du Gouvernement, tel le président de l'Assemblée nationale, Laurent Fabius, ayant écrit récemment : " Aujourd'hui, les prélèvements obligatoires atteignent un niveau record : 46 % du PIB, soit quatre points au-dessus de la moyenne européenne. Comment moins prélever ? - en enrayant la progression de la dépense budgétaire ".

BUDGET - DÉBAT D'ORIENTATION BUDGÉTAIRE POUR 2000 - COMMUNICATION

La commission a ensuite entendu une communication complémentaire, sur la situation des dépenses sociales dans le cadre du débat d'orientation budgétaire, présentée parM. Jacques Oudin.

M. Jacques Oudin a fait observer qu'en matière de finances sociales, force était de constater un accroissement des dépenses parallèlement à un accroissement des prélèvements et des déficits, pour un montant total de plus de 2.000 milliards de francs en recettes et dépenses.

Il a rappelé que les dépenses sociales, notamment les dépenses du régime général, continueraient à augmenter en 1999 à un rythme plus rapide (+ 3,2 %) que l'inflation (+ 0,5 %), les dépenses de l'Etat (+ 1,5 %), la croissance économique (+ 2,2/2,5 %) ou la consommation des ménages (+ 2,7 %).

Prenant l'exemple de l'assurance-maladie, il a fait observer que les prévisions de l'objectif national des dépenses d'assurance-maladie (ONDAM), qui affichaient déjà une progression de la dépense, n'étaient pas respectées depuis 1998 : une progression de 2,4 % était prévue pour 1998, + 3,7 % seront réalisés, les chiffres pour 1999 étant respectivement de 2,6 % et 3,8 %. M. Jacques Oudin a cité l'avant-propos du rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de mai 1999 selon lequel il serait probable que la France soit en face d'une " reprise de fond " de la dépense de santé. Il a déploré que les mécanismes de régulation prévus par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 aient, dans le même temps, disparu, rendant impossible la régulation des soins de ville.

M. Jacques Oudin a alors dénoncé la dérive des prélèvements sociaux depuis 1997, les recettes ayant progressé de plus de 4 % par an depuis cette date, augmentant d'autant le poids des prélèvements. Il a pris l'exemple du dernier impôt décidé par le Gouvernement, la taxe de 1,75 % sur le chiffre d'affaires santé des mutuelles et sociétés d'assurances destinée à financer la couverture maladie universelle.

Malgré les fortes recettes, M. Jacques Oudin a constaté la persistance des déficits. Il a indiqué que le solde du régime général de sécurité sociale devrait atteindre 17 milliards de francs pour 1998, provenant pour 16,2 milliards de francs du déficit de l'assurance-maladie, alors que la branche vieillesse connaîtra un excédent de 5,4 milliards de francs. Il a donc fait observer que le déficit pour 1999 cachait des situations très diverses entre les branches. Il a rappelé qu'en 1996, le stock de déficit de la sécurité sociale avait été transféré à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES), soit 137 milliards de francs puis 87 milliards de francs, qui devront être remboursés en 2014. Il a estimé que tout déficit actuel posait le problème de son transfert à la CADES entraînant soit le relèvement de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) soit l'allongement de la durée de vie de la CADES, et donc l'effort sur les générations futures.

En conclusion, M. Jacques Oudin a estimé que, contrairement aux annonces du Gouvernement, il était douteux que les années à venir voient apparaître un excédent des régimes sociaux, sans réelle maîtrise de la dépense.

Un large débat s'est alors ouvert.

En réponse à M. Alain Lambert, président, le rapporteur général a estimé qu'il serait effectivement judicieux d'évaluer les conséquences, pour nos finances publiques, d'un retournement de la conjoncture économique, comme cela eut lieu en 1992, après la période de croissance 1988-1991. Il a également approuvé la réflexion selon laquelle le raisonnement en niveau de dépenses, de recettes ou de dette par rapport au PIB était insuffisant, même si cette présentation permettait d'établir des comparaisons internationales. Il a observé que cette présentation donnait une certaine illusion de confort en période de croissance, alors même qu'un raisonnement en valeur absolue pourrait être préférable, comme le font d'ailleurs les Etats-Unis, qui ont un programme de réduction de leur dette de plus de 1.000 milliards de dollars sur dix ans, alors que la dette publique française, même stabilisée en proportion du PIB, continuerait d'augmenter fortement en valeur.

MM . Marc Massion et Bernard Angels ayant remarqué que le précédent Gouvernement avait beaucoup plus fortement augmenté les prélèvements obligatoires que l'actuel, M. Philippe Marini, rapporteur général, a rappelé que la conjoncture était difficile et que la qualification pour l'euro l'exigeait. Il a estimé que le Gouvernement actuel était dans une situation qui lui permettrait de réduire les prélèvements, à condition toutefois de s'attaquer aux dépenses.

M. Bernard Angels a alors fait observer que la croissance économique était plus forte en France que chez ses partenaires, et que le Gouvernement pouvait se prévaloir de cette différence.

En réponse à M. Maurice Blin, le rapporteur général a confirmé que l'évolution des rentrées fiscales en 1999 permettait de s'interroger sur la nécessité de créer de nouveaux impôts sur les entreprises. Il a réaffirmé que l'effort de réduction de la charge de la dette était insuffisant, d'autant qu'il était obtenu grâce à la diminution des taux d'intérêt, la dette continuant de toute manière à progresser en valeur absolue (4.698 milliards de francs en 1998, 4.919 milliards de francs en 1999). S'agissant des investissements militaires, il a fait état d'une sous-consommation des crédits, alors même que ces crédits correspondent aux objectifs de la loi de programmation militaire. Enfin, concernant le financement des retraites, il a rappelé qu'à droit constant, l'impasse financière pour le prochain siècle se chiffrait en milliers de milliards de francs.

Enfin, en réponse à M. Jacques Oudin, le rapporteur général a confirmé que le rapport relaierait ses préoccupations en matière de finances sociales. Il a également indiqué qu'un développement serait consacré au poids croissant des charges de fonctionnement par rapport à l'investissement public.

A l'issue de ce débat, la commission a donné acte au rapporteur général de sa communication et décidé d'en publier les conclusions sous la forme d'un rapport d'information.

BUDGET - RÈGLEMENT DÉFINITIF DU BUDGET DE 1997 - EXAMEN DU RAPPORT

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur le projet de loi portant règlement définitif du budget de 1997.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a tout d'abord rappelé que la loi de règlement pour 1997 fournissait l'occasion de revenir sur une année particulière, à un triple point de vue.

D'une part, c'était l'année où se jugeaient les finances publiques des pays candidats à la monnaie unique. D'autre part, un changement de gouvernement était intervenu en cours d'année. Enfin, une amélioration sensible de la conjoncture était survenue en cours d'année, qui avait modifié l'orientation des finances publiques. Alors que depuis 1992, la gestion des finances publiques avait été marquée par les effets des difficultés économiques, l'année 1997 s'était caractérisée par le retour d'une relative facilité. Ainsi a-t-il estimé que si le Gouvernement s'en était ensuite attribué la paternité, l'audit des finances publiques qu'il avait commandé à l'époque ne prévoyait cependant pas ce retournement.

Il a relevé que l'année 1997 était intéressante car elle était révélatrice de la politique budgétaire du Gouvernement : sous couvert d'amélioration des déficits, il avait en fait choisi d'augmenter les dépenses et les prélèvements. Puis, il a rappelé que le cadrage macro-économique en 1997 s'était traduit par une sensible modification de la conjoncture.

L'année 1997 avait en effet vu la reprise amorcée dès 1996 s'ancrer à partir du deuxième trimestre : entre 1996 et 1997, le PIB a augmenté de 3,4 % en valeur et de 2,3 % en volume contre une expansion limitée à 1,2 % en 1996.

Ce supplément d'activité était venu pour l'essentiel de l'extérieur, la demande intérieure restant, quant à elle, peu dynamique en moyenne.

Ainsi, la consommation des ménages s'était révélée en moyenne très peu dynamique au regard de la progression de leur revenu qui avait atteint 3,4 % en valeur et 2,3 % en pouvoir d'achat, même si elle avait connu un rebond en fin d'année.

En effet, les ménages avaient profité de la baisse de l'impôt sur le revenu décidée par le Gouvernement précédent qui leur avait fait gagner environ 20 milliards de francs, mais ils avaient subi en contrepartie l'accroissement de la contribution sociale généralisée.

M. Bernard Angels a tenu à souligner que ce regain de consommation était lié, selon lui, au retour de la confiance à partir du second semestre de 1997, traduisant ainsi un changement notable par rapport à la situation antérieure au mois de mai 1997.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que la reprise s'était soldée par un taux de croissance moyen de 2,3 % qui n'avait pas permis d'éviter une progression du taux de chômage : il était passé de 12,3 % à 12,5 % en un an, même si l'accélération de l'activité en cours d'année avait permis un léger recul du taux en glissement qui, de 12,5 % en décembre 1996, s'était établi à 12,2 % en fin d'année, baissant ainsi pour la première fois depuis 1994.

Puis il a relevé que les recettes avaient été augmentées par la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier (MUFF).

Il a rappelé qu'en juin 1997, le nouveau Gouvernement avait commandé un audit sur la situation des finances publiques, réalisé par MM. Nasse et Bonnet. Ceux-ci avaient mis en exergue l'insuffisance des recettes fiscales qui conduisait à un creusement du déficit budgétaire compris entre 15 et 17 milliards de francs. Ce rapport évaluait pour 1997 le déficit des administrations publiques au sens de Maastricht dans une fourchette allant de 3,5 à 3,7 % du PIB.

Ainsi, le projet de loi " MUFF " présenté par le Gouvernement à l'automne 1997 avait eu pour objet de faire face à cette difficulté. Il créait ainsi une surtaxe temporaire sur le taux de l'impôt sur les sociétés pour les entreprises qui réalisaient plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires, fixée à 15 % en 1997, et élargissait l'assiette de l'impôt sur les sociétés en y incluant les plus-values à long terme (hors titres de participation). Enfin, le régime des acomptes était modifié en conséquence pour assurer le rendement de ces mesures dès 1997.

Ces dispositions devaient rapporter respectivement 14,4 et 6,7 milliards de francs de recettes supplémentaires au budget de l'Etat, soit un total de 21 milliards de francs en 1997.

Il a toutefois souligné que cette majoration, dramatisée à l'époque, ne s'était pas révélée nécessaire puisque le solde d'exécution des recettes avait été en 1997 très proche des prévisions de la loi de finances initiale, à l'exception de la taxe à la valeur ajoutée (TVA). Au total, sans la loi " MUFF " du 10 novembre 1997, les recettes fiscales n'auraient été que très légèrement inférieures aux prévisions de la loi de finances, de l'ordre de 1,5 milliard de francs.

Ce constat était bien différent de celui fait par l'audit des finances publiques du 21 juillet 1997.

L'exécution du budget de 1997 avait confirmé le diagnostic alors posé par la commission des finances, selon lequel les prélèvements supplémentaires décidés par le Gouvernement avaient été, de loin, supérieurs à ce que nécessitaient les moins-values de recettes.

Il a enfin tenu à relever que les dépenses avaient été stabilisées en francs constants.

La loi de finances initiale s'était fixée pour objectif de stabiliser les dépenses en francs constants. Pour y parvenir, le précédent Gouvernement avait décidé un gel de crédits d'une dizaine de milliards de francs. Au contraire, le Gouvernement actuel avait décidé d'augmenter les dépenses en loi de finances rectificative de fin d'année.

Aussi ce collectif présentait un intérêt certain car il illustrait une double orientation budgétaire : d'une part, l'absence d'une maîtrise volontariste de la dépense publique et d'autre part, le recours à des prélèvements fiscaux supplémentaires, expliquant au total l'amélioration de 14,1 milliards de francs du solde budgétaire.

Par ailleurs, le décret d'avances du 9 juillet 1997 avait ouvert 9,9 milliards de francs de crédits supplémentaires correspondant pour l'essentiel à des engagements pris par le nouveau Gouvernement. Les principaux postes de dépenses étaient les suivants : 6,43 milliards de francs pour la revalorisation de l'allocation de rentrée scolaire, 2 milliards de francs pour la mise en place des emplois-jeunes et 0,6 milliard de francs pour la revalorisation du barème de l'aide personnelle au logement.

En contrepartie, un arrêté du même jour avait annulé 9,9 milliards de francs, que le précédent Gouvernement entendait supprimer définitivement en s'appuyant sur une régulation budgétaire opérée en mars 1997, négociée ministère par ministère dont votre rapporteur général avait alors estimé qu'elle constituait le " véritable exercice de maîtrise des dépenses ".

Au total, le solde d'exécution des lois de finances en 1997 avait permis à la France de se qualifier pour l'euro.

Le déficit budgétaire exécuté en 1997 s'était en effet établi à 267,7 milliards de francs soit 6 % au-dessous de ce que prévoyait la loi de finances initiale (284,8 milliards de francs). Cet écart était le premier de cette nature depuis 1987, le début des années 1990 ayant été marqué par des écarts en général très négatifs. Une telle amélioration avait été obtenue en majorant volontairement les dépenses d'une dizaine de milliards de francs, et les impôts de 23 milliards de francs.

Le déficit d'exécution, en amélioration de 27,7 milliards de francs par rapport à celui de 1996, représentait 3,29 % du PIB. Le résultat nettement positif des administrations publiques locales (+ 17,4 milliards de francs) et des organismes divers d'administrations centrales (+ 52,7 milliards de francs) avait permis à la France d'atteindre le ratio de 3 % du PIB en termes de besoin de financement des administrations publiques, malgré la persistance d'une situation dégradée pour les comptes sociaux (- 47,8 milliards de francs).

Il a relevé que, même si la France avait ainsi pu se qualifier pour la monnaie unique lors du Conseil européen des 2 et 3 mai 1998, sa dette publique avait toutefois continué à se dégrader rapidement, atteignant 57,2 % du PIB fin 1997 contre 55,7 % fin 1996.

En conclusion, il a rappelé que la loi de règlement était un exercice comptable qui n'appelait pas de commentaire particulier, son adoption ne valant pas pour autant approbation de la politique budgétaire du Gouvernement.

Aussi, M. Philippe Marini, rapporteur général, a-t-il proposé l'adoption sans modification de l'ensemble du projet de loi, après avoir souligné les contraintes pesant en terme de calendrier sur l'examen de ce texte.

La commission en a pris acte. Elle a approuvé, sous ces réserves, sans modification l'ensemble des articles du projet de loi de règlement du budget de 1997.

RÉSOLUTIONS EUROPÉENNES - PROPOSITION DE TREIZIÈME DIRECTIVE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL EN MATIÈRE DE DROIT DES SOCIÉTÉS CONCERNANT LES OFFRES PUBLIQUES D'ACQUISITION - EXAMEN DU RAPPORT

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur sa proposition de résolution n° 405 (1998-1999), présentée en application de l'article 73 bis du règlement, sur la proposition de treizième directive du Parlement européen et du Conseil en matière de droit des sociétés concernant les offres publiques d'acquisition (n° E-598).

M. Philippe Marini, rapporteur, a tout d'abord rappelé que cette proposition de directive vise à harmoniser les réglementations nationales relatives aux offres publiques d'acquisition dans l'Union européenne, dans le but d'offrir une meilleure sécurité juridique à ces opérations et de protéger les actionnaires minoritaires. Il a indiqué que cette harmonisation était minimale, laissant une large place à la subsidiarité.

Après avoir détaillé les principales dispositions de cette proposition de directive, et en particulier l'obligation de lancer une offre publique d'acquisition sur la totalité des titres de capital avec droit de vote dès qu'une personne acquiert le contrôle de la société visée, M. Philippe Marini, rapporteur, a souligné la nécessité d'harmoniser les réglementations relatives aux offres publiques d'acquisition. Il a estimé que le choix d'une directive-cadre était un choix raisonnable, établissant un équilibre complexe mais satisfaisant entre des principes généraux et un renvoi aux réglementations nationales et il a souhaité que le Gouvernement poursuive ses efforts en vue de l'adoption de cette proposition de directive dans les plus brefs délais.

M. Philippe Marini, rapporteur, a toutefois tenu à faire plusieurs remarques précises sur le texte de la proposition de directive.

Tout d'abord, concernant la procédure de l'offre obligatoire, il a souligné que l'assouplissement de l'obligation d'une possibilité de paiement en espèces, qui avait été initialement prévue, favoriserait les sociétés les plus importantes qui disposent aujourd'hui du pouvoir de " battre monnaie " en émettant des titres de capital qu'elles échangent contre les titres de la société visée. Il a également regretté que la détermination du pourcentage des droits de vote correspondant au seuil de " contrôle " de la société visée soit entièrement laissée au libre-choix des Etats-membres : il a souhaité qu'un seuil maximum soit fixé au niveau de la moitié des droits de vote.

Il a ensuite indiqué que la reconnaissance de " moyens supplémentaires " de protection des actionnaires minoritaires reconnus aux Etats-membres, en sus des dispositions minimales sur l'offre obligatoire prévues dans la proposition de directive, ne devait pas aboutir à entraver le libre jeu des offres et d'une façon plus générale la libre circulation des capitaux.

Puis, M. Philippe Marini, rapporteur, a souhaité que la procédure de reconnaissance, pendant une période transitoire de deux ans, de " moyens équivalents " à une offre obligatoire, soit clairement encadrée et précisée, afin que cette disposition ne conduise pas à vider la directive de son sens, en retardant la généralisation de la procédure de l'offre publique obligatoire.

Enfin, il a affirmé la nécessité de s'acheminer vers une plus grande coopération des systèmes de supervision à l'échelle européenne et d'envisager, à moyen terme, l'instauration d'institutions communes.

La commission ayant adopté la proposition de résolution présentée par le rapporteur général, M. Alain Lambert, président, a indiqué que le délai-limite pour le dépôt auprès du secrétariat des amendements à la proposition de résolution adoptée par la commission, était fixé au mardi 22 juin 1999 à dix-sept heures.

NOMINATION D'UN RAPPORTEUR

La commission a enfin nommé M. Jacques Pelletier comme rapporteur sur la proposition de loi n° 360 (1998-1999) présentée par M. Patrick Lassourd et plusieurs de ses collègues, tendant à éviter la double imposition des bailleurs pour l'exercice 1999.