Table des matières




- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Audition de M. Jean-Claude Trichet, Gouverneur de la Banque de France

La commission a tout d'abord entendu M. Jean-Claude Trichet, Gouverneur de la Banque de France.

Evoquant en premier lieu la conjoncture économique mondiale, le Gouverneur de la Banque de France a souligné que l'on était en face d'une situation complexe marquée par une certaine perte de confiance tenant à la conjonction de trois facteurs : l'éclatement d'une bulle spéculative, le ralentissement de l'activité économique dans le monde et de très mauvaises pratiques de certaines entreprises.

Le moteur quasi exclusif de la croissance en Europe, comme aux Etats-Unis, était la consommation, l'investissement restant atone. Le consensus des experts s'accordait pour pronostiquer une croissance ralentie pendant plusieurs mois, la réaccélération de la croissance se faisant jour dans le courant du premier semestre de 2003.

M. Jean-Claude Trichet a signalé à cet égard que, tandis que la croissance potentielle américaine se situerait aux alentours de 3,5 %, elle pourrait être en Europe plus proche de 2,5 %, cette différence s'expliquant par les écarts entre les dynamismes démographiques et les progrès annuels de productivité du travail.

Il a fait état de l'opinion des économistes à l'échelle mondiale, telle qu'elle s'est exprimée lors des réunions conjointes du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, pour indiquer que l'on n'excluait pas une croissance de l'ordre de 3 % aux Etats-Unis et de 2 à 2,5 % en Europe en 2003, à condition que la reprise de l'investissement ait bien lieu dans le courant du premier semestre 2003.

Bien entendu, il s'agissait d'une prévision moyenne réalisée dans un avenir incertain comprenant beaucoup de chances et aussi de risques de toutes natures.

Abordant ensuite la conjoncture française, M. Jean-Claude Trichet a rappelé que la Banque de France avait, avec 0,5 %, correctement anticipé la croissance au deuxième trimestre de cette année, soit un niveau sensiblement inférieur à celui prévu alors par l'INSEE ; la différence entre les deux organismes a tendance à se réduire en ce qui concerne les deux derniers trimestres, pour lesquels le taux de croissance attendu serait égal à 0,4 % ou légèrement inférieur à ce chiffre. Il a conclu que la croissance française atteindrait, en fin d'année, de l'ordre de 1,7 % à 1,8 % en glissement sur 12 mois et, sans doute, environ 1 % en moyenne annuelle, ce qui représente une croissance décevante, bien que toujours significativement supérieure à celle des autres grandes économies de la zone euro.

Abordant en second lieu la politique monétaire, le Gouverneur de la Banque de France a précisé qu'en fixant le niveau de ses taux directeurs à 3,25 %, la Banque Centrale Européenne plaçait l'Europe à un niveau intermédiaire, entre les Etats-Unis où ils sont de 1,75 %, et la Grande-Bretagne où ils atteignent 4 %.

Il a commenté la situation monétaire en indiquant qu'il fallait tenir compte de deux facteurs de sens différent : d'une part, la pression inflationniste a tendance à diminuer du fait de la médiocrité de la conjoncture ; d'autre part, la forte croissance de l'agrégat M3, + 7,1 %, reflète une grande abondance de liquidités.

En ce qui concerne l'évolution des prix, le Gouverneur de la Banque de France a fait état du sentiment des consommateurs d'une forte inflation, alors que celle-ci n'est pas confirmée par l'INSEE, qui estime à 0,2 % l'impact inflationniste de l'introduction de l'euro. S'interrogeant sur le décalage entre la réalité statistique et les impressions subjectives, M. Jean-Claude Trichet a souligné son impact en ce qui concerne la conjoncture : l'érosion de la confiance des consommateurs dans la stabilité des prix a pour conséquence une consommation moindre, et c'est le phénomène auquel on assiste en Allemagne et en Italie, la France étant, pour l'instant du moins, moins sensible à ce phénomène.

Pour conclure ces développements consacrés à la situation conjoncturelle, le Gouverneur de la Banque de France a commenté deux chiffres. Il a indiqué que le montant des investissements industriels directs français à l'étranger s'était élevé à 360 milliards d'euros pendant les trois années 1999, 2000 et 2001, ce qui correspond à environ le quart du PIB, et représente à peu près un quadruplement par rapport aux années précédentes. Même si à ces sorties de capitaux correspondent des entrées de capitaux industriels directs d'un montant d'environ 130 milliards d'euros, il a mis l'accent sur le fait que la politique monétaire avait permis de financer ces formidables investissements à l'étranger, tant bruts que nets. Ce qui manquait en Europe, ce n'étaient pas les moyens de financement mais l'attractivité de l'économie européenne : les investissements mondiaux vont dans les pays les plus compétitifs et il est essentiel de faire les réformes de structure appropriées si on ne veut pas en subir les conséquences en termes de défaut d'investissement et donc de création d'emplois.

Dans un second temps, M. Jean-Claude Trichet a abordé la question du devenir de la Banque de France. Il a, tout d'abord, rappelé qu'il y avait une seule monnaie et donc une seule politique monétaire dans la zone euro et que, dans le même temps, la mise en oeuvre de cette politique monétaire était décentralisée, puisque ce sont les banques centrales nationales qui assurent l'exécution des opérations de politique monétaire, et notamment des opérations de refinancement des banques commerciales. Poursuivant son analyse, il a affirmé que si la Banque de France doit se réformer, ce n'est pas à cause de l'euro, mais simplement parce qu'elle doit, plus généralement, s'efforcer de rendre les meilleurs services au meilleur coût. C'est ce souci qui l'a amenée à procéder, en neuf ans, à une diminution de 2.500 du nombre des agents titulaires à temps plein employés par la Banque de France, ce qui a abaissé le nombre total de ce type d'emploi à la Banque de France d'environ 16.500 à environ 14.000. Il a conclu qu'il restait encore certainement beaucoup de chemin à faire dans cette voie.

Au sujet du conseil de la politique monétaire, M. Jean-Claude Trichet a affirmé qu'il gardait un rôle extrêmement important, même après le passage à l'euro. Il est important en effet, selon lui, que le Gouverneur de la Banque de France puisse discuter de la conduite de la politique monétaire avec des personnes d'expérience et de sagesse, totalement indépendantes, avec lesquelles pouvaient être partagés les « secrets monétaires », et qui pouvaient à la fois répercuter les analyses économiques des régions françaises et expliquer, sur le terrain, les décisions du système européen des banques centrales.

Par ailleurs, les membres du Conseil de la politique monétaire devaient adapter la politique monétaire unique en ce qui concerne les garanties éligibles en France, et avaient enfin la tâche très importante d'être les administrateurs indépendants de la Banque de France. Signalant que la Bundesbank avait un conseil équivalent à celui de la Banque de France de huit membres, le Gouverneur de la Banque de France a déclaré que le Conseil de la politique monétaire cherchait à améliorer encore son efficacité.

En dernier lieu, M. Jean-Claude Trichet a traité de la situation des finances publiques pour déplorer que notre pays se trouve dans une situation dégradée.

Il a insisté sur la nécessité de réduire la dépense publique, considérant que si les frais généraux de notre pays étaient trop lourds, l'investissement se détournerait de notre pays, au détriment de la croissance. Il a conclu en affirmant que la situation actuelle était anormale et qu'elle plaçait la France en décalage vis-à-vis des principes qu'elle avait elle-même fait adopter dans le Pacte de stabilité, ainsi que du concept qu'elle avait inlassablement prôné de « gouvernement économique ».

Un large débat s'est alors ouvert.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a relevé le décalage entre le taux de croissance potentiel de l'Union européenne et des Etats-Unis, la France connaissant notamment un rythme inférieur de progression de sa productivité. Il a demandé au Gouverneur de la Banque de France quel pouvait être l'impact de la réduction du temps de travail à 35 heures dans la diminution relative de l'attractivité de la France pour les investissements étrangers, quelles initiatives pouvaient être prises par le Gouvernement, en matière de fiscalité du patrimoine, et enfin ce qu'il pensait du régime des taux administrés, singularité française.

M. Jean-Claude Trichet a répondu que les facteurs d'attractivité d'un territoire étaient multiples et comprenaient aussi bien l'environnement économique, particulièrement le niveau des coûts de production et l'environnement réglementaire et législatif, et notamment le droit du travail. La France a de très bons résultats en termes de compétitivité « coût » pour l'industrie à valeur ajoutée moyenne, mais elle souffre d'une faible compétitivité pour les activités à très forte valeur ajoutée. Alors que la croissance à venir des grands pays industrialisés se joue sur leur aptitude à produire une recherche-développement de haut niveau, à être accueillant vis-à-vis des quartiers généraux d'entreprise, de la consultance de haut niveau, des services financiers, etc, la France présente encore une imposition des revenus du capital et du travail très lourde par rapport à ses concurrents européens. Le Gouverneur a mentionné, à titre d'exemple, le fait que les contributions sociales employeurs sont très peu plafonnées, en France, parce qu'elles obéissent à une logique de redistribution, contrairement à ce qui est observé dans tous les autres pays européens.

S'agissant de l'impact de la réduction du temps de travail sur la compétitivité de l'économie française, le Gouverneur n'a pas voulu commenter longuement la réforme entreprise par le précédent Gouvernement, mais il a souligné que la Banque de France avait dit publiquement, il y a cinq ans, que toute réforme devait, à ses yeux, respecter les principes suivants : ne pas augmenter les coûts unitaires de production, faute de quoi on détruirait des emplois au lieu d'en créer, préserver la possibilité pour les cadres d'être aussi actifs que possible, proposer un système aussi souple que possible pour les heures supplémentaires, présenter un coût additionnel faible pour toute heure supplémentaire, enfin annualiser le temps de travail.

S'agissant de la fiscalité du patrimoine, M. Jean-Claude Trichet a regretté que la France dispose d'un système fiscal qui n'attire pas les capitaux étrangers et a tendance à repousser les capitaux nationaux vers les autres pays européens et qu'elle manque d'ambition internationale alors que, dans les périodes les plus brillantes de son histoire, elle a su attirer les talents et les capitaux internationaux.

Concernant les taux administrés, le Gouverneur a reconnu qu'il s'agissait d'une anomalie française, puisqu'aucun système comparable n'existe dans les autres pays de l'Union européenne. Il a ajouté que la responsabilité de fixer les taux de l'épargne administrée ne pouvait plus raisonnablement être assurée par l'exécutif dans aucun pays et que l'idée formulée par le Sénat de confier cette tâche au Conseil de la politique monétaire pouvait être envisagée. Cependant, à terme, il a considéré que le système actuel était voué à disparaître.

M. François Trucy a demandé au Gouverneur de la Banque de France si, dans la perspective de l'élargissement de l'Union européenne, en 2004, des négociations étaient déjà entamées pour l'entrée à terme des nouveaux Etats membres dans la zone euro.

M. Aymeri de Montesquiou a demandé où étaient localisés les investissements français et européens à l'étranger. Il a également interrogé M. Jean-Claude Trichet sur son sentiment à l'égard de la position du Gouvernement français qui a récemment fait savoir à ses partenaires européens que la réduction du déficit budgétaire n'était pas sa priorité.

M. Eric Doligé a fait remarquer que la France disposait de règles législatives et réglementaires contraignantes et coûteuses, notamment en matière environnementale, et il s'est demandé si ces contraintes n'étaient pas des explications de la faible attractivité de la France. Concernant la législation relative aux 35 heures, il a demandé au Gouverneur de la Banque de France pour quelles raisons ses sages préconisations n'avaient pas été entendues.

M. Maurice Blin a demandé à M. Jean-Claude Trichet si la crise boursière en cours pouvait être, d'une manière ou d'une autre, comparée à la crise de 1987 ou à celle de 1929. Il lui a également demandé pourquoi l'Allemagne qui, au temps de la République Fédérale Allemande (RFA), était considérée comme la locomotive de l'Europe, connaissait aujourd'hui des taux de croissance beaucoup plus faibles que le reste de l'Union européenne.

M. Claude Belot a fait remarquer qu'au-delà de la chute des indices boursiers, qui pouvait être temporaire, existait une crise de confiance des épargnants et des investisseurs quant à la sincérité des comptes des entreprises. Il a demandé si la Banque de France avait les moyens d'améliorer le système de certification des comptes. S'agissant de la position relative de la France par rapport aux autres pays de l'Union européenne, il a souligné que la France connaissait une croissance forte et une balance commerciale excédentaire depuis plusieurs années, ce qui témoignait de performances satisfaisantes dans l'Union européenne. Il a ajouté que la France avait des dépenses de souveraineté incompressibles, pour la défense nationale ou encore l'entretien de son réseau diplomatique et culturel à l'étranger, et que son niveau de dépenses publiques ne pouvait donc être comparé à celui d'autres pays européens.

Mme Marie-Claude Beaudeau a interrogé le Gouverneur de la Banque de France sur l'externalisation des activités de son établissement, sur les modalités d'impression des billets de banque, sur les moyens consacrés aux dossiers de surendettement, sur les résultats financiers de la Banque de France et sur les perspectives de restructuration des succursales de la Banque.

M. Yves Fréville a fait observer que la Banque centrale européenne était responsable de l'évolution des prix à la consommation, mais qu'elle avait peu d'emprise sur l'évolution des prix des actifs immobiliers ou boursiers. Il a ensuite interrogé le Gouverneur sur son sentiment quant à la solidité du système bancaire français.

M. Paul Girod a demandé à M. Jean-Claude Trichet si la France disposait de liquidités abondantes, comme l'ensemble de l'Union européenne. Puis, s'agissant des investissements français à l'étranger ces trois dernières années, il a demandé si une part significative de ces investissements n'était pas des acquisitions réalisées par des entreprises publiques, comme France Télécom ou Electricité de France (EDF), qui pourraient être aujourd'hui fortement dévalorisées.

M. Jacques Oudin a interrogé le Gouverneur de la Banque de France sur l'effort national en faveur des infrastructures de transport et sur son appréciation quant à la nécessité de créer un véritable réseau transeuropéen des transports.

M. Jean Arthuis, président, a demandé à M. Jean-Claude Trichet quelle était l'appréciation de la commission bancaire quant à la situation prudentielle des banques françaises, quelle pourrait être l'esquisse d'un contrôle européen du système bancaire, et quelle part prenait le secteur public dans les investissements français à l'étranger.

M. Jean-Claude Trichet a répondu à M. François Trucy qu'il existait un calendrier pour l'entrée des nouveaux Etats membres dans l'Union européenne mais pas pour leur entrée dans la zone euro. L'important pour eux sera de respecter les critères de Maastricht, c'est-à-dire de réaliser une convergence durable sur moyen terme, dans la mesure où toute entrée dans la zone euro est évidemment irréversible, sauf à porter atteinte à la crédibilité de l'euro.

En réponse à M. Aymeri de Montesquiou, il a indiqué qu'une fraction substantielle des investissements français à l'étranger était réalisée dans l'Union européenne, ainsi qu'aux Etats-Unis et en Asie, où la Chine attire une part croissante des investissements étrangers français. Il n'a pas souhaité commenter la politique budgétaire du Gouvernement français, mais il a rappelé que l'intérêt supérieur de l'économie française était de réduire le plus rapidement possible le poids de ses dépenses publiques en deçà de 50 % de son produit intérieur brut (PIB), dans la mesure où les réductions d'impôts ne pouvaient être économiquement efficaces et crédibles que si la France parvenait en même temps à réduire sa dépense et à revenir à l'équilibre des finances publiques.

En réponse à M. Eric Doligé, il a expliqué qu'au-delà des positions politiques des différents gouvernements européens et quelles que soient les sensibilités au pouvoir, tous les pays de l'Union européenne cherchaient à accroître leur attractivité pour favoriser l'implantation des entreprises et des capitaux étrangers.

En réponse à M. Maurice Blin, il a rappelé que la crise boursière de 1987 n'avait pas eu l'impact dramatique que l'on avait redouté à l'époque. L'essentiel résidait dans le degré de confiance de l'ensemble des acteurs économiques et dans leur capacité de conserver leur sang-froid dans des circonstances imprévues.

En réponse à M. Claude Belot, M. Jean-Claude Trichet a souligné que la France avait enregistré de bons résultats par rapport à ses grands voisins européens de la zone euro ces dernières années -en particulier en matière de croissance et de comptes extérieurs- et que les entreprises françaises manifestaient une vitalité incontestable, mais que notre pays avait le défaut d'enregistrer tout à la fois des résultats brillants dans beaucoup de secteurs économiques -grâce en particulier à sa stratégie multipartisane de « désinflation compétitive »- et des résultats mauvais dans d'autres, notamment certaines activités de haute et très haute valeur ajoutée, à cause des défauts structurels qu'elle n'avait pas encore corrigés.

En réponse à Mme Marie-Claude Beaudeau, le Gouverneur de la Banque de France a expliqué que la loi elle-même n'autorisait pas la Banque de France à conserver des activités non monétaires qui ne seraient pas équilibrées. Il s'est félicité que la Banque de France ait réussi le passage à l'euro dans d'excellentes conditions. Il a rappelé que la Banque de France avait raccourci les délais de traitement des dossiers de surendettement, même si l'Etat contribuait financièrement moins que souhaité à cette mission de service public. Il n'a pas souhaité donner de précision sur l'évolution nécessaire du nombre de succursales de la Banque de France, tout en soulignant que les autres pays européens avaient réduit la taille de leurs réseaux de banque centrale et que le réseau de la Banque de France était le plus dense d'Europe. Enfin, il a expliqué qu'après avoir contribué à hauteur de 24 milliards d'euros sur vingt ans au budget de l'Etat, sous forme d'impôts et de dividendes, la Banque de France se trouvait actuellement dans une situation toute différente, ses résultats probables, dépendant de l'évolution des taux d'intérêt, étant extrêmement dégradés du fait du niveau exceptionnellement bas de ces taux aux Etats-Unis et en Europe.

En réponse à M. Yves Fréville, le Gouverneur de la Banque de France a expliqué que le système bancaire français était plus solide qu'au début des années 1990, même s'il restait beaucoup d'efforts à accomplir.

En réponse à M. Paul Girod, il a expliqué que les investissements des entreprises publiques avaient effectivement représenté une fraction des investissements à l'étranger ces dernières années, à un moment où la valeur des actifs était élevée, mais qu'ils ne constituaient pas une part substantielle de ces investissements.

En réponse à M. Jacques Oudin, il a relevé que la France disposait déjà d'un réseau de transport public de très bonne qualité, et que la nécessité de réaliser une interconnexion des réseaux de transport en Europe était incontestable.

En réponse au président, le Gouverneur de la Banque de France s'est dit confiant dans la qualité du contrôle prudentiel des banques françaises, mais il a souligné qu'il existait en France une concurrence exagérée du fait de la multiplicité anormale des réseaux bancaires. S'agissant de l'harmonisation européenne du contrôle bancaire, il a indiqué que les projets actuels visaient à renforcer encore la coordination des contrôleurs bancaires en écartant l'idée d'un contrôleur unique, dans la mesure où il fallait maintenir un contrôle proche des banques. Les projets visaient également à moderniser les méthodes de contrôle et à unifier les concepts prudentiels, les méthodes de vérification et les documents fournis par les réseaux bancaires. Enfin, M. Jean-Claude Trichet a indiqué, qu'en trois ans et demi, l'économie française s'était plus transformée dans le sens de l'internationalisation qu'au cours des quinze années passées, ce qui comportait des chances et des risques : il fallait savoir saisir celles-là et déjouer ceux-ci.

Cour des comptes - Communication du Président

M. Jean Arthuis, président, a brièvement rendu compte à la commission d'un entretien avec le premier président de la Cour des comptes, M. François Logerot. Il a indiqué à la commission les modalités pratiques d'application des deux premiers paragraphes de l'article 58 de la loi organique du 1er août 2001 relatifs aux relations entre la Cour des comptes et la commission des finances. M. Jean Arthuis, président, a ainsi souhaité que les propositions de demandes d'enquête à la Cour des comptes pour 2003 lui soient transmises sous huitaine, et que, de même, les demandes d'assistance, qui pourront être formulées à l'occasion de missions d'évaluation ou de contrôle, soient centralisées auprès de lui pour un démarrage de la procédure début 2003. Il a ajouté que, d'une façon générale, la commission ne s'autoriserait pas à solliciter des informations de fond concernant les travaux inachevés de la Cour des comptes.

Règlement définitif du budget de 2001 - Examen du rapport

La commission a ensuite procédé à l'examen du projet de loi n° 8 (2002-2003) portant règlement définitif du budget de 2001, sur le rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général,
a tout d'abord précisé que l'adoption de la loi de règlement définitif d'un budget ne constitue qu'un quitus comptable. Il s'est félicité de ce que la « mission d'assistance au Parlement » confiée à la Cour des comptes soit désormais définie concrètement par la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, et, par ailleurs, du chaînage vertueux qu'elle instaure entre la loi de règlement pour l'année qui précède, et la loi de finances pour l'année suivante.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite donné les raisons du décalage entre le taux de croissance de 3,3%, qui avait servi d'hypothèse pour la construction du budget de 2001, et le taux de croissance réalisé, qui s'est élevé à 1,8%. Pour une part, ce décalage provenait d'une dégradation de l'environnement international plus marquée que prévue, résultant de l'augmentation du prix du pétrole, du fort ralentissement de l'économie américaine, et d'une décélération dans la zone euro. Pour une autre part, il s'expliquait par un optimisme excessif du précédent gouvernement. Finalement, les recettes fiscales ayant été globalement surévaluées, le gouvernement avait dû recourir à hauteur de 31,2 milliards d'euros à des recettes non fiscales, qui ne sont pas des ressources pérennes. Dans le même temps, les transferts de recettes fiscales vers la sécurité sociale avaient fortement augmenté, et la dépense publique, marquée par une forte rigidité, avait inexorablement progressé.

Compte tenu de l'importance des transferts vers la sécurité sociale, M. Philippe Marini, rapporteur général, a souligné l'intérêt du futur débat consolidé sur les prélèvements obligatoires. Puis il a indiqué que le respect apparent de la norme de progression de la dépense publique, fixée à 0,3% en volume, s'expliquait par une présentation à périmètre constant, ainsi que la Cour des comptes avait pu le montrer. Il a également évoqué le problème du montant des reports de crédit, qui avaient doublé en dix ans, créant un décalage fâcheux entre le montant de l'autorisation parlementaire et les possibilités réelles de dépense.

Au total, le déficit d'exécution s'était élevé à 32,04 milliards d'euros, montant proche du déficit prévisionnel que le collectif budgétaire pour 2001 avait porté à 32,40 milliards d'euros. M. Philippe Marini, rapporteur général, a alors précisé que pour la première fois depuis 1997, le résultat en exécution s'était trouvé dégradé tant par rapport à la prévision initiale (pour 3,59 milliards d'euros) que par rapport à l'exercice précédent (pour 2,9 milliards d'euros). Au total, sur la durée de la législature, l'Etat ne s'était pas désendetté malgré la forte croissance observée entre 1998 et 2000, alors même que son patrimoine avait diminué.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a conclu que les germes des déséquilibres à venir avaient été à l'oeuvre dès 2001, malgré l'affichage de chiffres encore acceptables, et il a appelé à un accroissement du contrôle de l'exécution, que faciliteront grandement les dispositions la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001. Il a cependant pris acte, sur la forme, de ce projet.

M. Yves Fréville est alors intervenu pour évoquer le problème du traitement budgétaire des dégrèvements d'impôts locaux, qui aboutit à une contraction abusive à ses yeux entre dépenses et recettes.

A l'issue de cet examen, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter sans modification les articles et l'ensemble du projet de loi de règlement.

PJLF pour 2003 - Examen du rapport sur les crédits des services du Premier ministre : IV - Plan

Puis la commission a procédé, sur le projet de loi de finances pour 2003, à l'examen des crédits des services du Premier ministre : IV - Plan, sur le rapport de M. Claude Haut, rapporteur spécial.

M. Claude Haut, rapporteur spécial, a indiqué que les crédits demandés pour le Plan et les organismes qui lui sont associés en 2003 s'élevaient à 24,82 millions d'euros, en diminution de 7 % par rapport à 2002. Cette baisse concerne en particulier les dépenses ordinaires, qui reculent de 7,7 %, pour s'établir à 24,04 millions d'euros, tandis que les dépenses en capital augmentent : les crédits de paiement progressent de 19,4 % et les autorisations de programme, de 18,6 %. La diminution des dotations du Plan en 2003 ne fait toutefois que refléter les résultats de l'exécution des gestions passées. En effet, alors que, en 2001, les crédits initiaux alloués au Plan s'étaient établis à 26 millions d'euros et les crédits ouverts à 31 millions, seuls 24 millions d'euros ont été effectivement consommés. Les dépenses ordinaires constituent 96,8 % des crédits du Plan en 2003. Le titre III voit diminuer de 7,3 % ses crédits, qui correspondent à des dépenses de rémunérations, de charges sociales et de fonctionnement des services du Commissariat général du Plan et de divers organismes.

Il a noté la forte diminution des crédits alloués à l'évaluation, en particulier au Conseil national de l'évaluation (CNE) et au Fonds national pour le développement de l'évaluation (FNDE), et s'est interrogé sur la pertinence de cette évolution, compte tenu de l'importance croissante que va prendre l'évaluation avec la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, qui fera obligation aux administrations de présenter les résultats de leurs activités sur la base d'indicateurs. Il a toutefois fait remarquer qu'ici encore, cette révision à la baisse des dépenses d'évaluation rapprochait la budgétisation initiale des crédits de leur consommation effective, en particulier pour le FNDE. En effet, en 2001, celui-ci était doté en fin de gestion de 3,30 millions d'euros, alors que les contrats d'études conclus n'ont permis d'en consommer que 16,2 % ! Ce taux de consommation devrait cependant nettement s'améliorer en 2002 - 74,6 % - et en 2003 - 78,3 %. Quant aux crédits du titre IV, ils atteignent 8,45 millions d'euros, en diminution de 8,3 % par rapport à 2002. Ils comprennent des subventions accordées à divers organismes de recherches, qui, soit sont en recul, soit sont globalement stabilisées. Enfin, les dépenses en capital sont inscrites sur le seul titre VI, et sont destinées à la recherche en socio-économie.

Il a indiqué que les effectifs du Commissariat général devraient diminuer à hauteur d'un emploi en 2003 et s'établir à 205 personnes, dont 4 seulement sont consacrées à l'évaluation des politiques publiques. Depuis 1998, le Plan a perdu 7 emplois. L'exercice 2003 sera marqué par la transformation de 67 emplois en autant d'emplois de contractuels « non indiciés » à durée déterminée. Le Commissariat général du Plan a en effet été choisi par la direction du budget pour expérimenter la nouvelle présentation des emplois budgétaires résultant de la loi organique du 1er août 2001 : il s'agit de faire ressortir la masse salariale allouée à la rémunération des agents contractuels à durée déterminée et ainsi de mieux identifier les personnels non titulaires.

M. Claude Haut, rapporteur spécial, a ensuite présenté les quatre principales observations que lui inspiraient les crédits du Plan pour 2003. Il a d'abord noté que le Commissariat général du Plan avait vu ses missions profondément évoluer sous la précédente législature. L'abandon de la planification « à la française » a conduit à une véritable transformation du Plan, désormais chargé de l'animation de l'analyse prospective et stratégique et de la coordination de l'évaluation des politiques publiques. Les nouvelles missions du Plan sont mises en oeuvre sur la base de programmes de travail, dont le dernier date du 27 novembre 2000. Ces nouvelles orientations devraient être confirmées au cours de la nouvelle législature, comme l'a annoncé le Premier ministre dans son discours de politique générale du 3 juillet dernier. Il conviendra de traduire cette ambition politique dans un nouveau programme de travail. Au-delà de ses programmes de travail, le Commissariat général du Plan conduit également des études spécifiques qui apportent des contributions essentielles aux grands débats traversant la société française, ainsi que l'ont montré le rapport Charpin sur les retraites ou le rapport sur les perspectives de la France, qui devrait être actualisé tous les trois ans.

Il a ensuite considéré que l'évaluation des politiques publiques avait reçu une nouvelle impulsion, mais restait encore à rationaliser. Le décret du 18 novembre 1998 a en effet renforcé le rôle du Commissariat général du Plan dans le dispositif interministériel d'évaluation des politiques publiques. Le Commissariat assure le secrétariat du Conseil national d'évaluation et, à ce titre, met en place les instances d'évaluation, suit les études lancées par ces instances et gère les crédits du FNDE. Par ailleurs, il est chargé de proposer au Premier ministre les suites à donner aux évaluations réalisées. Le décret de 1998 visait notamment à multiplier le nombre d'évaluations réalisées et à raccourcir leurs délais de réalisation. Le rapporteur spécial a estimé que le premier objectif avait été atteint. Au total, ce sont en effet quinze études d'évaluation qui ont été décidées en trois ans, cinq en 1999, trois en 2000 et sept en 2001, soit davantage que les évaluations réalisées en huit ans dans le cadre du dispositif antérieur, régi par le décret du 22 janvier 1990. Le second objectif, en revanche, ne semble pas avoir été atteint.Ainsi, sur ces 15 évaluations, seules trois ont été achevées, et une a été purement et simplement abandonnée. Cet abandon est intervenu en janvier 2002, alors que l'instance d'évaluation avait été installée en mai 2000.

Il a souligné que le Plan avait indiqué par ailleurs que « le programme du 12 octobre 2000 avait connu des retards, mais déboucherait au début de l'année 2003 ». Ainsi, l'évaluation portant sur la politique de lutte contre le SIDA aurait dû être achevée fin 2001 ou début 2002. En fait, les travaux de cette instance d'évaluation seraient terminés depuis le mois de juillet, mais la publication de ses conclusions n'est annoncée que pour le mois de novembre prochain. Les délais de production des études d'évaluation sont donc encore trop longs : il a fallu environ deux ans et demi, voire davantage pour publier les trois premiers rapports d'évaluation. Entre cinq et six mois s'écoulent généralement entre la décision d'entreprendre une évaluation et l'installation de l'instance qui la conduit. Il semble donc que les procédures d'évaluation restent perfectibles, d'autant plus que le coût de chacune des évaluations ainsi entreprises n'est pas chiffré. Enfin, il existe très peu d'informations sur le suivi des évaluations et le devenir de leurs recommandations.

M. Claude Haut, rapporteur spécial, a ensuite observé que le Plan participait à de très nombreux travaux de réflexion, dont la traduction concrète devrait être mieux mise en évidence. D'une manière générale, le Plan conduit lui-même, ou participe, à des travaux de recherche, sans même évoquer ceux réalisés par ses organismes associés ou subventionnés. Le service des études et de la recherche du Commissariat général établit un rapport d'activité des études effectuées. Le rapporteur spécial a ainsi comptabilisé, entre le 1er janvier 2000 et le 31 mars 2002, 31 études achevées, et 16 études en cours, et a considéré que c'est parce que les travaux du Commissariat général du Plan étaient toujours marqués par une grande rigueur intellectuelle et par le souci de l'intérêt général, qu'il conviendrait d'accorder plus d'attention aux suites qui leur sont données, concluant qu'il était indispensable que le Commissariat s'engage dans cette voie.

Enfin, il a souligné le rôle important joué par le Plan dans l'évaluation des contrats de plan Etat-régions. Les modalités d'évaluation des contrats de plan Etat-région ont été réformées par une circulaire du Premier ministre en date du 25 août 2000. La caractéristique essentielle du nouveau dispositif est le rôle prépondérant du niveau régional. Au niveau national, le Commissariat général du Plan a pour mission d'examiner les projets d'évaluation transmis par les comités régionaux d'évaluation, et de proposer de procéder aux délégations des crédits demandées par les préfets de région. En effet, le Commissariat général du Plan s'est vu confier, dans la nouvelle procédure ainsi définie, la responsabilité des délégations de crédits et une fonction de soutien technique et méthodologique. Dans ce cadre, une centaine d'études sont déjà programmées au titre de l'évaluation des contrats de plan Etat-régions 2000-2006. Ici encore, leurs conclusions devront être clairement présentées.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a jugé que le dispositif d'évaluation des politiques publiques devait se traduire, non par une augmentation des crédits du Commissariat général du Plan, mais par un redéploiement de ses effectifs. Il a également fait part de son scepticisme quant à l'intérêt de certaines études cofinancées par le Plan. Rappelant que le précédent Gouvernement avait créé le Conseil d'analyse économique, il s'est interrogé sur la manière dont le fonctionnement de celui-ci pouvait être articulé avec celui du service des études économiques du Plan.

M. Jacques Oudin a rappelé que le Commissariat général du Plan avait été créé au cours de la période de reconstruction du pays après la Seconde Guerre mondiale, alors qu'aujourd'hui sont conclus des contrats de plan Etat-régions qui permettent à l'Etat et aux collectivités territoriales de cofinancer certaines politiques publiques. Il a, dès lors, considéré que le Plan devrait se consacrer à une évaluation approfondie des processus de développement. Il a jugé que le Plan, dans un contexte d'économie mondialisée, n'apportait plus guère de valeur ajoutée et qu'il était nécessaire de redéfinir ses missions, notamment en relation avec celles de la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR).

M. Adrien Gouteyron s'est demandé s'il n'était pas possible au Commissariat général du Plan de changer de nom afin de tirer les conséquences des évolutions qui l'ont affecté.

Mme Marie-Claude Beaudeau s'est inquiétée du devenir des agents contractuels du Commissariat général.

M. Yves Fréville a rappelé que les subventions versées par le Plan à divers organismes avaient pour but de favoriser le pluralisme des opinions en matière de recherche économique, cette politique ayant été engagée par M. Raymond Barre.

M. Jean Arthuis, président, a considéré que le Commissariat général du Plan demeurait un lieu de confrontation d'opinions différentes, mais a jugé que les conclusions auxquelles il parvenait n'étaient pas souvent prises en considération, notant du reste que la multiplication des rapports avait souvent pour but de différer la prise des décisions politiques. Il a évoqué la possibilité que le Parlement demande au Commissariat général du Plan de réaliser des évaluations pour son compte. Enfin, il a interrogé le rapporteur spécial sur la réalité des effectifs du Commissariat général.

En réponse aux différents intervenants, M. Claude Haut, rapporteur spécial, a rappelé qu'il n'avait pas exprimé le souhait d'une augmentation des crédits du Plan et qu'il estimait, lui aussi, qu'un redéploiement de ses activités pouvait être effectué à budget constant. Il a indiqué que le nouveau programme de travail qui devrait prochainement être fixé au Commissariat général permettrait peut-être d'entamer un tel redéploiement.

La commission a alors décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits du Plan pour 2003.

Mercredi 9 octobre 2002

- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Fiscalité locale - Audition de M. Dominique Bur, directeur général des collectivités locales

La commission, dans le cadre de ses auditions relatives à la fiscalité locale, a procédé à l'audition de M. Dominique Bur, directeur général des collectivités locales.

En introduction, M. Dominique Bur, directeur général des collectivités locales, a rappelé que les questions de la responsabilisation fiscale et de l'autonomie financière des collectivités locales étaient au coeur des préoccupations de l'actuel gouvernement.

Dans un premier temps, M. Dominique Bur, a présenté le projet de loi de révision constitutionnelle, dont l'actuel article 6 traite de l'autonomie financière et fiscale des collectivités locales. Il a particulièrement insisté sur la possibilité, qui serait ouverte aux collectivités, d'agir tant sur les taux que sur les assiettes de leurs impôts locaux. Il a également souligné que la compensation financière des transferts de compétences serait constitutionnalisée, ainsi que le principe de la péréquation.

Dans un second temps, M. Dominique Bur, directeur général des collectivités locales, a évoqué plusieurs pistes de rénovation du système fiscal local : l'augmentation des marges de manoeuvre des collectivités locales en matière de taux (comme le prévoit le projet de loi de finances pour 2003) ; la possibilité, pour les collectivités locales,

de procéder à des révisions locales des bases dans un cadre fixé par la loi ; le partage d'impôts d'Etat ; le transfert d'un impôt dont la collectivité deviendrait responsable, comme par exemple la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) ; la création de fiscalités locales nouvelles, sur l'énergie ou les télécommunications.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite fait part de l'inquiétude de la plupart des élus locaux face aux possibles transferts de charges étatiques sur les budgets locaux.

M. Dominique Bur, directeur général des collectivités locales, a affirmé qu'il n'était pas question d'opérer de tels transferts, mais plutôt de rechercher un nouvel équilibre des pouvoirs entre l'Etat et les collectivités locales.

M. Michel Mercier, rapporteur spécial des crédits de la décentralisation, a rappelé l'urgence d'une réforme, estimant que le dynamisme des dépenses, notamment de l'aide personnalisée à l'autonomie (APA) et des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) pour les départements, allait prochainement conduire à une situation de blocage. S'agissant du projet de loi de révision constitutionnelle, il a émis quelques réserves sur la possibilité octroyée aux collectivités de modifier l'assiette de leurs impôts. Il a également souhaité que les charges des collectivités soient mieux prises en compte dans les calculs de péréquation. Il s'est enfin interrogé sur la notion de « part déterminante » des ressources des collectivités locales qui devront, selon le texte du projet de loi, provenir de leurs recettes fiscales, de leurs recettes propres et de dotations en provenance d'autres collectivités.

En réponse, M. Dominique Bur, directeur général des collectivités locales, a reconnu que les finances départementales connaissaient un classique « effet de ciseaux ». Il a par ailleurs estimé que la péréquation reposait sur le principe d'égalité et a rappelé que les dotations de l'Etat reposaient pour 30 % sur des critères de péréquation. Il a aussi rappelé que la péréquation fiscale existait, par le biais de fonds spécifiques comme le fonds de compensation de la taxe professionnelle.

M. François Marc a dit craindre que les transferts de charge ne soient pas systématiquement compensés par des transferts de ressources équivalents.

M. Michel Sergent a estimé qu'une redéfinition des tâches entre l'Etat et les collectivités locales était indispensable, par exemple pour le financement des SDIS.

M. Joël Bourdin a émis quelques réserves sur l'idée de réévaluer les bases d'imposition par collectivité et de façon étalée dans le temps. Cette méthode lui a paru porteuse d'iniquités.

M. Yves Fréville s'est interrogé sur la volonté des collectivités de développer un impôt sur le revenu des ménages ou de conserver un impôt sur les entreprises. Il a également dénoncé le caractère contre-péréquateur des dégrèvements opérés par l'Etat, qui profitent principalement aux collectivités les plus riches.

M. Jacques Oudin a souhaité qu'un système d'observation soit mis en place afin de permettre de suivre l'application du nouveau principe constitutionnel d'autonomie fiscale des collectivités locales. Il a également rappelé qu'il était désormais impératif d'évaluer les actions engagées et notamment les transferts de compétences et de ressources opérés en faveur des collectivités locales.

M. Paul Girod a estimé que le débat sur les finances locales était perturbé par deux questions : celle des bases d'imposition et celle des dépenses de l'APA et des SDIS. Il a souhaité que ces deux obstacles soient levés et, en particulier, a estimé que l'APA ne constituait plus une dépense sociale, mais un risque social, qui devait être assumé par la collectivité nationale.

M. Yann Gaillard a estimé que les impôts locaux étaient peu rentables et que des révisions locales des bases étaient peu probables. Il a considéré que le retour à des centimes additionnels aux impôts d'Etat constituait aussi une piste de réforme.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur l'opportunité de conserver un impôt pesant sur la valeur ajoutée des entreprises. Il a aussi souhaité que M. Dominique Bur apporte des précisions à la commission sur les modalités de mise en oeuvre d'un transfert de la TIPP aux collectivités locales.

En réponse à l'ensemble des intervenants, M. Dominique Bur, directeur général des collectivités locales, a rappelé que l'obsolescence des bases comportait deux effets pervers : les impôts ne correspondent plus aux écarts de richesse des contribuables, et la répartition de la dotation de l'Etat aux collectivités s'effectue sur des critères erronés. Il a néanmoins reconnu qu'une révision des bases, collectivité par collectivité, pouvait entraîner d'autres effets pervers. S'agissant de la définition de la notion de «  part déterminante », il a estimé que c'est le Conseil constitutionnel qui en serait juge. Il a aussi rappelé que certains pays européens avaient conservé une imposition sur les entreprises mais dont les principales modalités étaient fixées au niveau national afin de limiter les effets pervers d'implantation.

S'agissant de la TIPP, M. Dominique Bur, directeur général des collectivités locales, a considéré que son transfert aux collectivités locales était difficile, mais possible. Il a indiqué que le niveau régional lui paraissait le plus approprié pour limiter les effets de détournement. Quant à la contestation des critères de répartition de la dotation globale de fonctionnement, il a indiqué qu'une réflexion était en cours, mais que les pistes d'évolution étaient peu nombreuses et qu'en particulier le choix de critères physiques présentait de nombreux effets pervers.

Fiscalité locale - Audition de Mme Carol Sirou, directeur du secteur public, et de Mme Alexandra Dimitrijevic, responsable des critères du secteur public de Standard and Poor's

La commission a procédé à l'audition de Mme Carol Sirou, directeur du secteur public, et de Mme Alexandra Dimitrijevic, responsable des critères du secteur public de Standard and Poor's.

M. Jean Arthuis, président, a introduit l'audition en rappelant que nombreux étaient encore ceux à croire que la régulation des finances locales relevait avant tout du contrôle de légalité préfectoral, mais qu'en réalité l'accès aux marchés financiers et l'appréciation de l'endettement des différents échelons de collectivités locales étaient avant tout le fait d'organisations multi-nationales.

Mme Carol Sirou a tout d'abord présenté l'activité de la société Standard and Poor's dans le secteur public local. La société fut créée en 1860, s'est implantée en France en 1990 et y a démarré son activité de notation en 1991. Elle note aujourd'hui 21 collectivités locales en France et plus de 150 en Europe.

L'activité de Standard and Poor's consiste en un « rating » des collectivités locales, qui est une opinion donnée par un organisme indépendant et spécialisé de la capacité d'un émetteur à rembourser sa dette en temps et en heure. Cette notation est établie selon une analyse financière quantitative de la collectivité, et également en fonction de critères qualitatifs tels que la situation économique et démographique (utile en particulier pour déterminer le potentiel fiscal), l'organisation interne et les relations avec les pouvoirs publics, la flexibilité financière et les performances budgétaires, la situation d'endettement et le niveau du service de la dette, et enfin les engagements hors bilan.

Mme Carol Sirou a également évoqué les principales caractéristiques de la fiscalité française dans son environnement européen : une part comparativement importante de ressources propres (fiscalité directe et indirecte) ; des ressources fiscales diversifiées et offrant un bon équilibre, à la différence de la Suède par exemple, permettant ainsi de faire face aux variations des cycles économiques ; une forte corrélation entre les taux de fiscalité et la richesse des bases fiscales ; et une péréquation très limitée.

Elle a ensuite précisé les avantages nés d'une part importante de ressources propres. Cette situation offre aux collectivités locales une plus grande responsabilisation dans la gestion et une meilleure position pour réagir à l'évolution de leur environnement, adapter leurs structures selon les choix d'intervention, et investir dans le développement du tissu local.

Mme Carol Sirou a également résumé les principales tendances récentes en France et en Europe. On constate ainsi en France une réduction progressive des ressources propres et une capacité plus réduite pour agir. Au niveau européen, la situation en termes d'endettement (élevé dans les Länder allemands par exemple) demeure contrastée, mais les mécanismes de péréquation tendent à être bien établis et des réformes récentes ont accru les compétences et accordé davantage d'autonomie fiscale aux collectivités territoriales, notamment en Belgique, en Italie et en Espagne.

Mme Carol Sirou a, en outre, insisté sur l'importance de l'appréciation des marges de manoeuvre financières des collectivités locales, en particulier afin d'évaluer la capacité de la collectivité à faire face aux aléas. Ces marges de manoeuvre doivent cependant être appréciées à l'aune de divers critères, tels que la couverture par des recettes pérennes de transferts de compétences, la nature de ces recettes et leur diversité afin d'apprécier leur volatilité et le lien avec le tissu économique, ou l'existence de mécanismes de péréquation atténuant les écarts de richesse.

Elle s'est enfin interrogée sur l'opportunité d'une augmentation du pouvoir fiscal des collectivités territoriales. Une telle évolution serait sans doute positive, mais devrait être nuancée par le risque d'une trop grande spécialisation de l'impôt (comme c'est le cas avec la taxe professionnelle des communautés urbaines) et par le constat empirique de possibilités limitées de mobiliser de nouvelles ressources fiscales.

La présentation de Mme Carol Sirou a été suivie d'un débat.

M. Joël Bourdin s'est interrogé sur la méthode appliquée par Standard and Poor's pour mesurer la capacité d'endettement réel des collectivités locales, ainsi que sur les ratios habituellement utilisés dans la profession et les critiques éventuelles dont ils pourraient faire l'objet.

Mme Carol Sirou a indiqué que sa société n'utilisait jamais le ratio de dette par habitant, du fait des différences de potentiel de richesse entre collectivités. Elle a précisé que Standard and Poor's tendait à croiser plusieurs critères relatifs tant au niveau qu'à la structure de l'endettement. Le niveau est notamment évalué par l'endettement rapporté aux recettes de fonctionnement, la prise en compte des recettes d'investissement selon leur pérennité, ou la dette rapportée à la marge. Les modalités d'appréciation de la structure de l'endettement, explicitées par Mme Alexandra Dimitrijevic, incluent entre autres la capacité de paiement conjoint des salaires et de la dette, une modulation selon le niveau de responsabilité de la collectivité, et la nature de ses dépenses (les Länder allemands sont ainsi logiquement plus endettés) et le système de péréquation en vigueur, les normes comptables locales et leur incidence sur le calcul de la marge, la dynamique des recettes et le potentiel fiscal.

En réponse à M. François Marc, qui souhaitait connaître l'influence du niveau réel d'autonomie des collectivités locales sur les paramètres de notation de l'endettement, Mme Alexandra Dimitrijevic a indiqué qu'il ne s'agissait que d'un facteur parmi d'autres, mais que l'on pouvait établir, en particulier en France, une corrélation entre le degré d'autonomie fiscale et l'éventail de notation constaté.

Mme Carol Sirou a également insisté sur la nécessité d'un cadre temporel restrictif dans l'appréciation de l'endettement. Si la faillite d'une collectivité locale peut en effet être considérée comme impossible sur le long terme, c'est bien la capacité de remboursement selon l'échéancier prévu qu'il importe d'analyser. Elle a également rappelé, en réponse à une observation de M. Jean Arthuis, président, sur le caractère centralisé des recettes et décentralisé des dépenses dans le système fiscal allemand, que la différence entre une dotation d'Etat et une recette redistribuée résidait dans leur plus ou moins grande stabilité et in fineleur impact sur l'endettement.

M. Philippe Adnot a exprimé son attachement au critère de la dette par habitant, qui permet d'établir des comparaisons entre collectivités et de se livrer à un « benchmarking », à l'image de ce que font les entreprises privées. Il a également regretté que Standard and Poor's ne prête pas une plus grande attention à la qualité et à la finalité de l'endettement. Il a enfin considéré qu'il n'existait pas en France de bonne péréquation et qu'il serait souhaitable d'établir des plafonds hauts et des plafonds bas, ces derniers devant permettre d'éviter les pratiques de dumping fiscal.

Mme Carol Sirou a reconnu la nécessité d'une plus grande réflexion sur la péréquation, qui demeure une caractéristique et une faiblesse françaises, alors que d'autres pays disposent d'une meilleure capacité de lissage des ressources. Mme Alexandra Dimitrijevic a également admis que la possibilité d'établir des comparaisons constituait une information fondamentale, mais que le critère de dette par habitant devait être affiné selon le niveau de richesse et de pression fiscale par habitant, données parfois difficiles à recueillir, et qu'il était donc pertinent d'utiliser un ratio significatif et homogène tel que la dette rapportée aux recettes de fonctionnement.

En réponse à une question de M. Yann Gaillard portant sur le mode de rémunération de l'agence, Mme Carol Sirou a expliqué que les études étaient commandées et payées par les collectivités locales émettrices, notamment en raison des exigences des prêteurs et de l'utilité des notations en tant que vecteur de communication.

M. Jean Arthuis, président, a alors rappelé que les trois principales agences de notation, et notamment Standard and Poor's, n'étaient pas le fruit d'une quelconque législation, mais s'étaient de facto aujourd'hui imposées.

Revenant sur la question de la péréquation en France, M. Yves Fréville a considéré que son faible niveau ne suffisait pas à compenser des inégalités de ressources très amples et en tout état de cause supérieures à celles des besoins. Il a également relevé une contradiction dans le projet de loi constitutionnelle sur la décentralisation, qui tend à requérir à la fois une augmentation de la part des recettes fiscales et un accroissement de la péréquation. Il s'est enfin interrogé sur le niveau des inégalités de ressources dans les autres pays européens.

Mme Carol Sirou a alors indiqué que des pays tels que la Belgique et l'Italie présentaient une typologie comparable, et Mme Alexandra Dimitrijevic a fait remarquer que la composition des recettes pouvait refléter la plus ou moins grande amplitude des inégalités.

En réponse à une question de M. Yann Gaillard sur l'homogénéité des notations des différentes agences, Mme Carol Sirou a évoqué l'exemple de la ville de Naples, notée BBB par Standard and Poor's et AA par les autres agences.

Fiscalité locale - Audition de M. Philippe Laurent, président-directeur général de Philippe Laurent Consultants



A titre liminaire, M. Philippe Laurent, président-directeur général de Philippe Laurent Consultants, a estimé que le système français de financement des collectivités locales n'était pas si mauvais que cela et qu'il avait même eu certains atouts, du moins avant la réforme de la taxe professionnelle et la suppression de la vignette, qu'il a qualifiées d'erreurs.

Puis il a présenté les réponses aux questions qui lui avaient été préalablement transmises par la commission des finances.

En premier lieu, il a ainsi jugé que le financement par ressources fiscales des budgets locaux était un facteur indéniable de responsabilité des élus qui freinait le développement des dépenses publiques non indispensables ou ne recueillant pas un consensus suffisant ; et qui permettait une « prise de risques » raisonnée en matière de développement territorial, par exemple le lancement d'investissements d'infrastructures importants, dont le financement était susceptible d'être assuré par les ressources générées en cas de succès. Il a ajouté que ce dernier argument légitimait d'ailleurs la taxation des entreprises, donc des facteurs de production, c'est-à-dire des salaires et des investissements.

En second lieu, il a estimé que les citoyens ressentaient aujourd'hui le lien entre le niveau de la pression fiscale locale et le service rendu par les collectivités locales au niveau communal, mais pas aux niveaux départemental et régional, et que ce lien était de surcroît souvent atténué au niveau communal par la difficulté pour les citoyens de percevoir le coût des prestations qui leur étaient proposées, par leur relative incapacité à comprendre que tout a un coût, enfin par l'absence de participation aux charges de l'impôt local d'un nombre croissant de foyers, en application des systèmes d'exonération et de dégrèvement.

Il a exposé que l'on ne pouvait parvenir à une plus grande responsabilisation politique que par une liberté plus importante pour la fixation des taux et que par une certaine spécialisation de l'impôt local, même s'il n'était toutefois pas souhaitable de pousser celle-ci à l'extrême.

Il a jugé que l'autonomie fiscale semblait aujourd'hui moins nécessaire aux communes et aux départements, dès lors que ceux-ci avaient à gérer des services et des prestations de « type quotidien » nécessitant surtout des ressources stables et pérennes. En revanche, il a indiqué que les groupements intercommunaux et les régions, engagés dans des compétences « stratégiques » ou d'infrastructures, avaient besoin de la capacité de prendre des risques, ce qui supposait une plus grande flexibilité des ressources.

En réponse à des questions relatives à l'assiette et au produit des impôts locaux, il a tout d'abord indiqué que les réformes étaient difficiles parce que les contribuables étaient moins sensibles à l'équité des bases d'imposition qu'à la variation de leur impôt d'une année sur l'autre. Puis il a estimé que l'application de la révision des bases de taxes foncières de 1990 n'entraînerait aucune amélioration sensible en matière d'équité, car le découpage des secteurs locatifs avait été insuffisamment travaillé, notamment dans les agglomérations. En matière de taxes foncières, il lui a donc semblé préférable de s'orienter vers la prise en compte de la valeur vénale des propriétés, sur la base des prix de vente ou d'achat et d'un système déclaratif. S'agissant de la taxe d'habitation, il s'est déclaré partisan d'une approche corrélant la base de l'impôt positivement avec les revenus comme avec le nombre de personnes du foyer.

Il a ensuite exposé les conséquences du passage à la valeur ajoutée pour l'assiette de la taxe professionnelle, en soulignant que cela conduirait à taxer de nouveau les salaires, de manière plus importante même qu'ils ne l'étaient avant la réforme de 1999, ce à quoi il s'est d'ailleurs déclaré favorable ; en indiquant que l'assiette de la taxe professionnelle serait alors dépendante des politiques fiscales de l'Etat en matière d'amortissement, de provisions et d'impôt sur les sociétés ; enfin, en rappelant que le passage à la valeur ajoutée posait un problème de localisation, pour conclure qu'une assiette valeur ajoutée ne se distinguerait pas de l'assiette de la taxe professionnelle antérieure à 1999 et que de nombreuses grandes entreprises étaient d'ores et déjà taxées au prorata de leur valeur ajoutée.

De manière plus générale, il a indiqué que l'impôt direct local idéal devait être facilement localisable, équitable pour l'ensemble des contribuables, proportionné à leurs facultés contributrices, suffisamment dépendant de la conjoncture pour sensibiliser les élus locaux aux difficultés de tous, mais suffisamment stable pour assurer un niveau et une qualité de services constants (donc reposer sur des flux mais aussi sur des stocks), avoir une dynamique certaine afin d'assurer le financement de compétences sans cesse plus lourdes, être simple à comprendre pour le contribuable, être simple à recouvrer, et à contrôler, enfin, pouvoir faire l'objet d'adaptions locales afin de tenir compte des diversités du territoire. Il a alors jugé que les impôts les plus proches de cette définition étaient l'impôt foncier et l'ancienne taxe professionnelle.

Par ailleurs, M. Philippe Laurent a suggéré que l'impôt local pouvait et devait être considéré, de même que l'impôt national, comme le partage des charges publiques entre les contribuables en fonction de leurs capacités contributives, et non comme la rémunération de services rendus à la population, dès lors que l'on estimait que les assemblées locales étaient des assemblées politiques, et non pas des comités d'administration d'établissements publics.

Parmi les impôts d'Etat dont le produit était susceptible d'être transféré aux collectivités locales, figuraient selon lui prioritairement l'impôt sur le revenu des personnes physiques, sous la forme d'un taux additionnel au niveau régional, ainsi que la taxe intérieure sur les produits pétroliers, sous réserve pour cette dernière d'un prélèvement à la pompe et non à la production. Il a ajouté que les impôts récemment supprimés ou réformés comme la vignette automobile et la taxe professionnelle étaient également de bons impôts locaux.

En conclusion, il a fait part de sa préférence pour une péréquation à double niveau : par l'Etat entre les régions en fonction de leurs ressources, d'une part ; par les régions entre les collectivités infrarégionales en fonction de leurs besoins, d'autre part.

Un vif débat s'est alors engagé.

M. Philippe Adnot a tout d'abord contesté le fait que le contribuable départemental ou régional ne se sente pas concerné par le taux des impôts locaux, et que la responsabilisation des décideurs locaux requière la spécialisation de l'impôt. En outre, il a estimé que la création d'un impôt local assis sur les revenus conduirait à des mouvements de relocalisation des contribuables.

M. Yves Fréville a observé que le bon impôt pour un élu local était celui qui rapportait beaucoup et qui n'était pas payé par ses électeurs, et que ce n'était qu'à cette aune que la taxe professionnelle était un bon impôt. Il a précisé que la taxe professionnelle ne permettait en effet aucunement de proportionner l'impôt aux externalités négatives liées à la présence d'une entreprise, les activités de services implantés dans les centres villes étant ainsi sous-taxées. Par ailleurs, il s'est déclaré opposé à l'idée consistant à asseoir les taxes foncières sur la valeur vénale des propriétés, dès lors que cela conduirait à surtaxer les propriétaires de zones constructibles.

M. Joël Bourdin a souligné le caractère distorsif des modalités actuelles d'incitation à l'intercommunalité ; il a relevé que les redevances pour services rendus prenaient une part croissance dans les ressources des collectivités locales et il s'est interrogé sur les conséquences de ces phénomènes.

M. Denis Badré a rappelé l'importance du consentement à l'impôt, y compris au niveau local, et estimé que l'impôt le meilleur n'était pas toujours le plus juste mais le plus lisible. En outre, il s'est demandé dans quelle mesure l'impôt foncier devait être préservé dans le cadre de la réforme d'ensemble de la fiscalité du patrimoine qu'il a appelée de ses voeux.

En réponse, M. Philippe Laurent, président-directeur général de Philippe Laurent Consultants, a réitéré son opposition à une assiette des taxes foncières basée sur les valeurs locatives, précisant qu'il n'y avait aucune raison de taxer les locataires en fonction du pourcentage de leurs revenus qu'ils consacraient à leur loyer. Il a notamment indiqué que l'écart entre les incitations aux regroupements en communautés de communes et les incitations aux regroupements en communauté d'agglomérations était le fruit de l'histoire et n'était pas justifié. Enfin, il a relevé que le montant du versement transports était aujourd'hui plus élevé pour certaines entreprises que celui de la taxe professionnelle et que la part croissante des redevances dans les ressources des collectivités locales posait un problème, dès lors qu'elle les conduisait à être de plus en plus des gestionnaires de services et de moins en moins des organes de représentation et de délibération politiques.

Fiscalité locale - Audition de MM. Guy Gilbert, professeur à l'école normale supérieure de Cachan, François Vaillancourt, professeur à l'université de Montréal, et Bernard Dafflon, professeur à l'université de Fribourg



Puis, la commission a procédé à l'audition de MM. Guy Gilbert, professeur à l'école normale supérieure de Cachan, François Vaillancourt, professeur à l'université de Montréal, et Bernard Dafflon, professeur à l'université de Fribourg.

M. Guy Gilbert a tout d'abord souligné que les finances locales de la France étaient singulières au sein de l'Union européenne et se distinguaient par une forte proportion de ressources fiscales dans les budgets locaux, la prise en charge par l'Etat d'environ le tiers des recettes fiscales locales, un faible poids macroéconomique des collectivités locales, un quadrillage territorial très serré et de fortes inégalités de richesse fiscale compensées en partie par un système complexe de transferts. Il a illustré son propos en présentant deux graphiques montrant d'une part que la France était le seul pays européen dans lequel la part des recettes fiscales dans les budgets locaux était forte, tandis que la part des dépenses locales dans le produit intérieur brut était faible et, d'autre part, que la France était le seul pays européen dans lequel étaient constatées à la fois une forte fragmentation institutionnelle des collectivités locales et une forte part de recettes fiscales dans les budgets locaux.

M. Guy Gilbert a jugé que, sans réforme de la fiscalité locale, une recentralisation financière interviendrait inéluctablement, cette dernière n'étant pas souhaitable car elle serait, politiquement, contraire au principe de décentralisation et, économiquement, source d'irresponsabilité, de gaspillage de ressources et de concurrence inefficace entre les collectivités locales.

Il a considéré que les évolutions récentes n'allaient pas dans le bon sens, car la part de la fiscalité locale dans les ressources locales diminuait, la réforme des bases avait lieu « en creux », les taux des impôts locaux subissaient des pressions à la hausse en raison de transferts de charges non compensés, la modification de la carte institutionnelle résultant du développement de la taxe professionnelle unique était surtout constatée en milieu urbain et l'encadrement macroéconomique des finances locales se durcissait.

M. Guy Gilbert a insisté sur le caractère essentiel de la question des ressources des collectivités locales. Il a rappelé que, il y a quelques dizaines d'années, les budgets locaux étaient construits en prenant comme point de départ les dépenses d'investissement, tandis qu'aujourd'hui les dépenses d'investissement constituent la variable d'ajustement, le point de départ étant l'évolution des taux de la fiscalité locale. Il en a conclu que les ressources fiscales étaient désormais au coeur de la stratégie budgétaire des collectivités, le niveau des dépenses dépendant pour les deux tiers de celui des recettes. Il a indiqué que la solvabilité des collectivités était appréciée par les établissements de crédit en fonction de leur rendement fiscal.

Il a précisé que la question des ressources des collectivités locales était également posée en Allemagne, où le système de financement local est aujourd'hui congestionné, en Italie, où les réformes engagées dans les années récentes ont été interrompues, en Espagne et en Angleterre.

M. Guy Gilbert s'est demandé s'il était préférable de réformer la fiscalité locale ou de mettre en place un système comparable à celui de la Grande Bretagne, où les collectivités reçoivent de l'Etat des dotations par habitant identiques, les collectivités étant incitées à dégager des marges de manoeuvre en réalisant des gains de productivité. Il a jugé un tel système simpliste, car reposant sur une légitimité politique limitée et peu susceptible de favoriser l'exploitation de services collectifs de bonne qualité.

M. Guy Gilbert a évoqué deux voies pour la réforme de la fiscalité locale, l'une centrée sur la réforme des impôts eux-mêmes, l'autre axée sur la révision des « territoires fiscaux ». S'agissant de la première voie, il a estimé que les critères de « bons » impôts locaux étaient la congruence entre le territoire de prélèvement et l'aire de desserte du service collectif, la proportionnalité entre le produit et le coût des compétences, l'expression des « préférences fiscales » des collectivités, des bases localisables, des bases peu mobiles, l'autonomie fiscale et une répartition géographiquement homogène des bases.

Il a considéré que les redevances payées par les usagers et les impôts fonciers et immobiliers assis sur les valeurs vénales correspondaient plutôt à ces critères, de même qu'un impôt sur le revenu à taux proportionnel et à base large, qu'un impôt assis sur la valeur ajoutée calculée au coût des facteurs de production, tel que pourrait l'être une taxe professionnelle restaurée, ainsi que des impôts assis sur les biens et services dont la demande est peu élastique par rapport aux prix et dont la répartition géographique des bases est homogène.

M. Guy Gilbert a estimé que cette réforme était « au milieu » du gué. D'une part, il a indiqué que la taxe professionnelle s'approchait de l'assiette reposant sur la valeur ajoutée en raison du jeu du plafond mais s'en éloignait depuis la suppression de la part salariale de son assiette, que la taxe d'habitation, compte tenu du jeu des dégrèvements et des exonérations, était un impôt partiellement assis sur le revenu, que le régime de la taxe professionnelle marquait l'esquisse de la mise en place d'un tunnel de taux et que la répartition géographique des bases de taxe professionnelle était améliorée par le développement de la taxe professionnelle unique. D'autre part, il a regretté qu'aucune réforme des bases foncières et immobilières ne soit engagée, que les taux soient surévalués d'un tiers, que leur structure et leur évolution soient déformées et que les différents niveaux de collectivité continuent à percevoir des impôts assis sur les mêmes assiettes.

S'agissant de la réforme de la carte des « territoires fiscaux », M. Guy Gilbert s'est félicité du développement de la taxe professionnelle unique qui « internalise » les effets de la concurrence fiscale horizontale et favorise la congruence entre les territoires de perception et les aires de services collectifs de proximité. Il a déploré que le monde rural reste à l'écart de ce mouvement.

Traçant quelques pistes de réforme fiscale locale, M. Guy Gilbert a mis en avant plusieurs principes. Il a estimé qu'il ne pouvait y avoir de décentralisation sans pouvoir fiscal autonome reposant sur des impôts diversifiés. Il a considéré qu'il était indispensable de faire bénéficier les collectivités locales de la totalité des évolutions, à la hausse ou à la baisse, des bases situées sur leur territoire et dont l'évolution peut être attribuée à l'action publique locale. Il a souligné qu'une augmentation du pouvoir fiscal des collectivités locales devait s'accompagner d'une responsabilité fiscale accrue.

Il a expliqué qu'une bonne stratégie de réforme consisterait premièrement à élargir les bases d'imposition en asseyant l'impôt local sur le revenu sur l'assiette de la cotisation sociale généralisée plutôt que sur celle de l'impôt sur le revenu, en asseyant la taxe professionnelle sur la valeur ajoutée et en évaluant les valeurs cadastrales à la valeur vénale, deuxièmement à mettre les taux des impôts locaux en « tunnel » et en particulier à fixer un taux minimal pour encadrer la concurrence fiscale et, troisièmement, à découpler la réforme de la fiscalité des communes et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de celle des départements et des régions.

M. Guy Gilbert a insisté sur les conséquences d'une réforme éventuelle de la fiscalité locale sur les concours financiers de l'Etat aux collectivités locales. Il a indiqué que la réforme des « territoires fiscaux », et en particulier le développement de la taxe professionnelle unique, réduirait mécaniquement les besoins de péréquation en corrigeant la principale source d'inégalité de potentiel fiscal entre communes. Il a précisé que la taxe professionnelle unique impliquait cependant une correction des disparités intra-communautaires par le biais des dotations de solidarité communautaires. Il a ajouté que, dans un système où les collectivités auraient un pouvoir fiscal accru, le système de péréquation devrait être organisé de manière plus importante autour de la péréquation entre collectivités plutôt qu'autour de la péréquation obligatoire et « verticale ». 

Pour finir, M. Guy Gilbert a souligné qu'environ 20 milliards d'euros par an servaient aujourd'hui à réduire les inégalités de potentiel fiscal entre les communes, mais que certains concours financiers réduisaient peu les inégalités au regard des sommes engagées, tandis que d'autres étaient plus « intensivement » péréquateurs.

M. François Vaillancourt, professeur à l'université de Montréal, a indiqué qu'au Canada, les communes n'avaient pas d'existence constitutionnelle et que les provinces étaient libres de modifier leur statut. Il a fait état d'un récent mouvement de fusion autoritaire de communes en Ontario et au Québec, se traduisant par exemple à Montréal par la fusion de 28 communes. Il a ajouté que les problèmes de péréquation au sein d'une agglomération entre la ville centre et les communes environnantes existaient aussi au Canada.

M. François Vaillancourt a expliqué que l'impôt foncier était la principale ressource des communes canadiennes, qui en fixent les taux et en assurent le recouvrement, l'assiette étant déterminée au niveau provincial et la vérification étant confiée à des entreprises privées. Il a indiqué que chaque niveau d'organisation territoriale disposait de ses propres services fiscaux.

Il a jugé que l'impôt foncier était un impôt d'avenir car il était stable, dans un monde de plus en plus mobile.

M. Bernard Dafflon, professeur à l'université de Fribourg, a souligné que les communes suisses jouissaient d'une grande indépendance et que leur statut était protégé constitutionnellement. Il a indiqué que les communes suisses percevaient neuf impôts différents, dont elles votaient les taux pour certains et dont elles votaient des centimes additionnels aux impôts perçus par les cantons ou la confédération pour d'autres, et cinq catégories de redevances. Il a estimé que, parmi les impôts perçus par les communes et qui sont assis sur le revenu, les droits de mutation, les plus-values ou les résultats des entreprises, seul ce dernier était contesté.

Répondant à M. Joël Bourdin, M. Guy Gilbert a estimé que les données les plus récentes sur lesquelles il était possible de travailler aujourd'hui en matière de péréquation étaient celles relatives à l'année 1997 mais, depuis cette date, son sentiment était que le pouvoir péréquateur de la dotation forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement avait diminué tandis que celui de la dotation d'aménagement et des mécanismes de péréquation horizontale s'était accru. Il a considéré que peu d'informations étaient disponibles sur les comportements des structures intercommunales en matière de dotation de solidarité communautaire.

M. Yves Fréville s'est interrogé sur la stratégie de réforme évoquée par M. Guy Gilbert. Il a jugé peu probable la création d'un impôt local sur le revenu à assiette large puisque la place était prise par la contribution sociale généralisée (CSG). Il a demandé s'il était possible de localiser la valeur ajoutée à un niveau suffisamment fin pour pouvoir en faire l'assiette de la taxe professionnelle. Il a regretté que l'impact contre-péréquateur des dégrèvements n'ait pas été évoqué. Il a indiqué que les comportements des structures intercommunales en matière de dotation de solidarité communautaire étaient très variés, tout en précisant que les règles législatives relatives au mode de calcul des attributions de dotation globale de fonctionnement (DGF) aux structures intercommunales n'incitaient pas à développer la péréquation.

M. Guy Gilbert a mis en avant qu'il serait politiquement très délicat de proposer d'affecter aux collectivités locales une partie d'un impôt servant à financer la sécurité sociale. S'agissant de l'assiette de la taxe professionnelle sur la valeur ajoutée, il a jugé que le principal problème était celui des amortissements, mais que cette difficulté était en partie réglée par le système de tunnel de taux. Il a considéré qu'il devrait être possible d'asseoir la taxe professionnelle sur la valeur ajoutée à partir du moment où elle est plafonnée en fonction de la valeur ajoutée.

M. Jean Arthuis, président, a estimé que la valeur ajoutée était une solution à laquelle il était difficile de souscrire compte tenu du caractère fortement délocalisable des salaires.

M. Guy Gilbert a indiqué que la contrepartie d'impôts modernes et de bases évolutives était nécessairement une réduction des marges de manoeuvre des élus sur les taux.

M. François Marc a considéré que la France avait moins besoin d'un renforcement de l'autonomie fiscale des collectivités locales que d'une mise à niveau technique des impôts locaux. Il a demandé si, du point de vue économique et pour chaque compétence exercée par des collectivités publiques, il existait un degré de décentralisation permettant de maximiser la productivité et l'efficacité.

M. Guy Gilbert a indiqué qu'il n'existait pas d'éléments permettant de déterminer si une compétence transférée coûtait plus cher au contribuable qu'une compétence exercée au niveau central. Il a ajouté que l'intérêt de la décentralisation était de rapprocher l'autorité qui fournit les services des citoyens qui consomment ces services, permettant ainsi à ces derniers de mettre en rapport la qualité et le coût du service. De ce point de vue, la décentralisation et l'exercice d'un pouvoir fiscal par les collectivités sont liés.

Jeudi 10 octobre 2002

- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

PJLF pour 2003 - Crédits du budget annexe des prestations sociales agricoles - Examen du rapport



Au cours de sa présentation du projet de budget annexe des prestations sociales agricoles pour 2003, M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, a souhaité rappeler dans un premier temps que l'examen de ce budget prenait cette année une dimension particulière, puisqu'il s'inscrivait dans un contexte de « crise » du financement de la protection sociale des non-salariés agricoles.

Il a notamment fait allusion aux dispositions de la loi de finances rectificative pour 2002 instituant, pour combler le déficit d'exécution du budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA) en 2002, d'une part, des prélèvements sur trois organismes agricoles (la société UNIGRAINS, le Fonds national de garantie des calamités agricoles ainsi que les caisses de mutualité sociale agricole (MSA)), à hauteur de 456 millions d'euros, d'autre part un doublement de la subvention d'équilibre du budget général (+ 290 millions d'euros). Il a insisté sur le fait que ce financement exceptionnel avait suscité l'émoi de grand nombre de sénateurs puis la compréhension et l'acceptation, sous réserve de trouver des sources de financement pérennes au BAPSA et de faire reposer le BAPSA sur des prévisions de dépenses et de recettes réalistes, afin de garantir à terme l'équilibre du budget annexe sans avoir recours à de tels prélèvements exceptionnels.

Puis M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, a procédé à la présentation des crédits du BAPSA pour 2003 en indiquant qu'ils s'élèveraient, hors restitutions de TVA, à 14,625 milliards d'euros, en hausse de 2,56 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2002.

Il a précisé que les sources externes de financement du projet de BAPSA pour 2003 restaient majoritaires, dans la mesure où le niveau des contributions professionnelles versées par les exploitants agricoles ne permettait pas de couvrir intégralement les besoins de financement de la protection sociale des agriculteurs.

Pour 2003, il a constaté que les principales caractéristiques des recettes du BAPSA seraient les suivantes :

- une quasi-stabilité du montant des contributions professionnelles par rapport aux dotations de la loi de finances initiale pour 2002 ;

-  une faible progression du montant des taxes affectées, toujours caractérisées par la prévalence des recettes de TVA nette (près de 4,5 milliards d'euros) et par une montée en puissance du prélèvement sur la C3S (+ 25 % par rapport à 2002) ;

- une faible diminution du montant des transferts de compensation démographique (- 1 %) ;

- un quasi-doublement, par rapport à la loi de finances initiale pour 2002, de la participation de l'Etat au titre de la subvention budgétaire d'équilibre, marquant l'engagement de l'actuel gouvernement d'assurer la solvabilité du régime de protection sociale des agriculteurs ;

- enfin un montant de la ligne « recettes diverses » fixé à 43,2 millions d'euros, soit une augmentation de 31 millions d'euros par rapport au montant inscrit en loi de finances initiale pour 2002, augmentation correspondant au nouveau prélèvement institué sur les caisses de Mutualité sociale agricole par le projet de loi de finances pour 2003.

S'agissant des dépenses prévisionnelles pour 2003, M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, a indiqué qu'elles s'élevaient à 14,625 milliards d'euros, hors restitutions de TVA, en augmentation de 2,6 % par rapport au montant des dépenses votées en loi de finances initiale pour 2002.

Il a toutefois tenu à souligner que la loi de finances rectificative pour 2002 avait modifié ce montant des dépenses en fonction de prévisions de réalisation plus importantes et avait porté les dépenses du BAPSA en 2002 à 14,75 milliards d'euros, contre 14,26 milliards d'euros en loi de finances initiale, soit + 490 millions d'euros.

In fine, il a donc noté une diminution de 0,84 % entre les dépenses prévisionnelles du projet de BAPSA pour 2003 et les dépenses votées en loi de finances rectificative pour 2002.

Puis M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, a présenté les différents postes de dépenses du BAPSA.

S'agissant des prestations d'assurance vieillesse, il a indiqué qu'elles représentaient, avec un montant de 8,024 milliards d'euros, le principal poste de dépenses du BASPA en 2003, soit près de 55 % du total des dépenses, en augmentation de 1 % par rapport aux dépenses prévues en loi de finances initiale pour 2002. Il a également rappelé que les dépenses d'assurance-vieillesse avaient été largement sous-évaluées en loi de finances initiale pour 2002. Il a enfin souligné que la participation de l'Etat au financement du nouveau régime de retraite complémentaire obligatoire des agriculteurs, à hauteur de 28 millions d'euros, était incluse cette année dans ce poste de dépenses.

S'agissant des dépenses d'assurance-maladie, maternité et invalidité, il a indiqué qu'elles constituaient le deuxième poste de dépenses du BAPSA et qu'elles s'établiraient pour 2003 à 5,759 milliards d'euros en augmentation de 5,4 % par rapport au montant inscrit en loi de finances initiale pour 2002.

A cet égard, il a toutefois tenu à souligner que la loi de finances rectificative pour 2002 avait révisé les perspectives de dépenses pour 2002 et majoré le montant des dépenses d'assurance-maladie du BAPSA 2002 de 372 millions d'euros, soit une augmentation de 6,8 % par rapport à la dotation initiale.

Dès lors, il a fait remarquer que les prévisions de dépenses pour 2003 étaient inférieures aux prévisions d'exécution pour 2002 de près de 1,3 %. Il s'est interrogé sur le point de savoir si les dépenses d'assurance-maladie du BAPSA pour 2003 n'avaient pas été sous-évaluées, ce qui pourrait aboutir à une situation de déséquilibre financier du BAPSA d'ici la fin de l'année 2003 et contraindrait le gouvernement à avoir recours, de nouveau, à des sources de financement exceptionnelles et dérogatoires.

S'agissant des dépenses de prestations familiales, il a précisé qu'elles étaient évaluées à 581 millions d'euros en 2003, soit une baisse de 1,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2002.

Enfin, il a indiqué que les dépenses liées à l'étalement et à la prise en charge des agriculteurs en difficulté étaient en constante diminution et qu'en 2003 aucun crédit n'était inscrit à ce chapitre budgétaire, en raison de l'ajustement aux besoins par suite de l'évolution des dépenses et des effectifs.

Il s'est dès lors interrogé sur l'opportunité de cette réduction drastique des dépenses relatives à l'étalement et à la prise en charge des cotisations des agriculteurs en difficulté, dans un contexte agricole encore incertain.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, a ensuite fait part des principales observations que lui avait inspirées l'examen de ce budget.

Il a d'abord relevé, alors que l'avenir de la protection sociale des agriculteurs se trouvait aujourd'hui confronté à de nouveaux défis, notamment la mise en place d'un régime de retraite complémentaire obligatoire et la réforme de la couverture accidents du travail et maladies professionnelles, que la question du cadre financier de cette protection sociale se posait avec acuité.

Il a ensuite rappelé que depuis 1997, tous les exercices du budget annexe des prestations sociales agricoles s'étaient soldés par un déficit d'exécution mettant en évidence les difficultés d'une réelle gestion budgétaire de ce budget annexe. Il a également indiqué que les déficits constatés depuis 1997 avaient eu pour origine une sous-estimation récurrente des dépenses prévisionnelles du BAPSA, notamment des dépenses d'assurance-maladie, ainsi qu'une constante sur-estimation des recettes de cotisations sociales.

Il a précisé qu'en 2001 les évolutions de dépenses, plus importantes que prévues en loi de finances initiale, et la moindre dynamique des recettes, avaient provoqué un besoin de financement estimé à 452 millions d'euros, qu'en 2002, la loi de finances rectificative pour 2002 avait fait apparaître un besoin de financement du BAPSA de 746 millions d'euros et qu'enfin, les perspectives financières du BAPSA en 2003 avaient conduit à prévoir non seulement un doublement de la subvention d'équilibre du budget général par rapport à la loi de finances initiale pour 2002, mais aussi une nouvelle contribution des caisses de MSA à hauteur de 31 millions d'euros.

Puis M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, a fait valoir que ce contexte financier du régime de protection sociale des agriculteurs était d'autant plus inquiétant que de nouveaux défis devaient être relevés, parmi lesquels la mise en place du régime de retraite complémentaire obligatoire créé par la loi du 4 mars 2002, ainsi que l'entrée en vigueur de la réforme de la couverture des accidents du travail et des maladies professionnelles des exploitants agricoles.

S'agissant du nouveau régime de retraite complémentaire obligatoire, il a indiqué que les bénéficiaires en étaient les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole et qu'étaient exclus du bénéfice de ce nouveau régime les conjoints collaborateurs et aides familiaux en raison de l'importance de la charge financière qui en résulterait pour les cotisants.

Il a indiqué que ce régime d'assurance-vieillesse complémentaire obligatoire était financé par le produit des cotisations dues par les chefs d'exploitation ou d'entreprise au titre de ce régime ainsi que par une participation financière de l'Etat, fixée à 28 millions d'euros en 2003.

Il a affirmé que la mise en place de ce nouveau régime devait permettre aux chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole de percevoir, après une carrière complète, une pension globale (retraite de base majorée de la retraite complémentaire) équivalente à 75 % du SMIC annuel net de prélèvement social. Il a indiqué que le montant minimal de la retraite complémentaire devait s'élever à 1.143 euros par an pour une carrière complète.

S'agissant de la réforme de l'AAEXA (accidents du travail et maladies professionnelles des exploitants agricoles), il a précisé que la loi du 30 novembre 2001 était entrée en vigueur le 1er avril 2002. Il a rappelé que cette loi visait à la restauration de l'obligation d'assurance en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles des non-salariés agricoles, au relèvement du niveau des prestations ainsi qu'à la mise en place d'une politique de prévention des risques professionnels.

Il a considéré que cette réforme avait profondément modifié l'esprit de cette couverture en transformant un régime assuranciel et basé sur des règles de concurrence en un véritable régime de sécurité sociale.

Enfin, il a évoqué l'avenir du BAPSA en rappelant que, dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 2001, la Cour des comptes avait appelé à sa suppression.

Il a indiqué que le BAPSA serait en effet amené à disparaître au plus tard d'ici le premier exercice d'entrée en vigueur des dispositions budgétaires de la nouvelle loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, à savoir d'ici 2006.

Il a dès lors estimé que la suppression à terme du BAPSA devait entraîner son intégration dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

En conclusion, il a émis un avis favorable quant à l'adoption du budget annexe des prestations sociales agricoles pour 2003.

Lors de la discussion qui a suivi cette présentation, M. François Trucy a souligné que le BAPSA constituait une « usine à gaz », cependant indispensable au monde agricole. Il a fait remarquer que ce budget se caractérisait par une multitude de sources de financement croisées. S'agissant de la faiblesse du niveau des contributions professionnelles (17,7 % du BAPSA en 2003), il a souhaité savoir si d'autres régimes spéciaux de sécurité sociale étaient confrontés à la même configuration financière. Enfin, il s'est interrogé sur le mode de financement de la protection sociale agricole des autres pays européens.

M. Aymeri de Montesquiou s'est interrogé sur la quasi-stabilité du montant des cotisations professionnelles du BAPSA en 2003 dans un contexte de baisse du nombre des cotisants. Il a souhaité savoir si le taux de ces cotisations avait augmenté.

Mme Marie-Claude Beaudeau a fait part de son inquiétude quant à la réduction à néant des crédits dévolus à l'étalement et à la prise en charge des cotisations sociales des agriculteurs en difficultés. Elle a également fait part de sa rencontre avec la présidente de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole et s'est interrogée sur les conséquences, pour les caisses de MSA, des prélèvements institués par la loi de finances rectificative pour 2002 ainsi que par le projet de loi de finances pour 2003. Enfin, s'agissant de l'avenir du BAPSA, elle a souhaité connaître ses modalités d'intégration éventuelle dans la loi de financement de la sécurité sociale.

M. Jean Arthuis, président, a tenu à exprimer son inquiétude quant aux prévisions de dépenses retenues dans le projet de BAPSA pour 2003, remarquant que ces prévisions de dépenses étaient de près de 125 millions d'euros inférieures aux chiffres de l'exécution pour 2002. Il a également souhaité interroger M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, sur l'ampleur de la dette du BAPSA et sur les raisons du poids de cette dette.

En réponse à M. François Trucy, M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, a précisé que d'autres régimes de sécurité sociale connaissaient également un contexte démographique dégradé ne permettant pas aux seules cotisations professionnelles d'assurer l'équilibre financier du régime et nécessitant donc de faire appel à des mécanismes de solidarité nationale (subvention de l'Etat ou reversements d'autres régimes). A ce titre, il a cité l'exemple du régime des marins ou encore celui des mineurs.

En réponse à M. Aymeri de Montesquiou, M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, a précisé que le taux des cotisations sociales des non-salariés agricoles n'avait pas particulièrement augmenté mais il a cité le cas cette année du régime des cotisations de solidarité modifié par le projet de loi de finances pour 2003 augmentant le rendement attendu de ces cotisations pour 2003.

En réponse à Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, a tout d'abord précisé qu'une partie des crédits inscrits en 2002 au chapitre de l'étalement et de la prise en charge des cotisations sociales des agriculteurs en difficulté serait sans doute reportée sur l'année 2003. Il a toutefois insisté sur le fait qu'il interrogerait le ministre à ce sujet. En outre, s'agissant du prélèvement sur les caisses de MSA, il a supposé qu'il servirait en partie à financer la mise en place du nouveau régime de retraite complémentaire obligatoire. Enfin, s'agissant de l'avenir du BAPSA, il a précisé que le régime des non-salariés agricoles pourrait sans difficulté être intégré dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale au même titre que d'autres régimes de non-salariés.

Enfin, en réponse à M. Jean Arthuis, président, M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, a confirmé son inquiétude quant aux prévisions de dépenses pour 2003 et a estimé que la prudence aurait dû s'imposer au moment de l'établissement de ces prévisions. S'agissant du poids de la dette supportée par le BAPSA, il a indiqué que le recours croissant à l'emprunt avait été induit, notamment, par la réduction à néant du fonds de roulement qui n'était plus que de 7 millions d'euros en 2002, soit moins d'un jour de dépenses, contre plus de 330 millions d'euros en 1996.

Enfin, M. Jean Arthuis, président, a ajouté que, dans ce contexte financier et compte tenu de l'existence de réserves excédentaires des caisses de MSA, la question de leur participation au financement des besoins de financement du BAPSA se posait.

La commission a alors décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits du BAPSA pour 2003.

PJLF pour 2003 - Crédits de l'économie, des finances et de l'industrie : commerce extérieur - Examen du rapport

Puis la commission a procédé à l'examen des crédits consacrés au commerce extérieur.

M. Marc Massion, rapporteur spécial des crédits du commerce extérieur, a indiqué qu'après un léger déficit en 2000, le solde commercial de la France avait dégagé un excédent en 2001, qui s'était élevé à 3,3 milliards d'euros. Au cours du premier semestre 2002, il est encore excédentaire de 6,2 milliards d'euros. Il a précisé que les exportations étaient à peu près stables par rapport au deuxième semestre de l'année 2001, tandis que les importations se réduisaient de 1,8 %, compte tenu notamment du ralentissement des investissements. Il a souhaité se garder de faire des prévisions sur l'évolution de ce solde pour les mois à venir, compte tenu des incertitudes concernant la situation internationale, et leur impact éventuel sur l'évolution du prix du pétrole.

Il a souligné que la France continuait à se classer au 3e rang mondial pour l'exportation de services et au 4e rang pour les marchandises, ce qui montre que les entreprises françaises avaient bien résisté au ralentissement de la croissance aux Etats-Unis.

M. Marc Massion, rapporteur spécial, a considéré que le projet de budget du commerce extérieur pour 2003 était particulièrement stable par rapport à l'année précédente, et en a indiqué les raisons.

D'abord, les grandes entreprises sont de moins en moins consommatrices de financements bilatéraux, jugés trop lourds, et de nombreuses procédures gérées par la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (COFACE) ou Natexis ne sont pas consommatrices de crédits : il s'agit soit de fonds dont la dotation initiale n'est pas épuisée, soit de procédures d'assurance et de garantie qui dégagent des excédents.

Ensuite, les crédits de fonctionnement des missions économiques et des directions régionales du commerce extérieur sont inscrits dans une dotation globale contractuelle, dans le cadre d'un contrat d'objectifs et de moyens conclu avec la direction du budget. Ce contrat prévoit l'absorption de la dérive des dépenses des services (y compris le glissement vieillesse technicité et la revalorisation du point « fonction publique ») en échange de l'exonération de toute régulation budgétaire. En vertu de cette contractualisation, les crédits de fonctionnement sont donc d'une grande stabilité.

M. Marc Massion, rapporteur spécial, a enfin évoqué un dernier point : la stagnation des subventions versées aux organismes de soutien au commerce extérieur.

Il a donc considéré qu'il y avait dans l'explication de la grande stabilité des crédits du commerce extérieur des facteurs positifs et d'autres moins satisfaisants.

Il a insisté sur la modernisation constante de la Direction des relations économiques extérieures (DREE) pour adapter son offre de produits d'une part, et sa gestion, d'autre part.

Il a noté que la DREE avait mis pleinement à profit les nouvelles technologies de l'information et de la communication pour faciliter l'accès des entreprises à l'information économique. Les sites internet des missions économiques sont très complets, ils sont réactualisés en temps réel et permettent d'accéder gratuitement à un beaucoup plus grand nombre d'études que par le passé. Le réseau internet est également utilisé en interne, afin de relier les missions économiques, de mutualiser leurs informations sur un thème ou un secteur donné, et d'impliquer les personnels dans la vie de la direction.

M. Marc Massion, rapporteur spécial, a considéré que la gestion de la DREE faisait également preuve d'une grande volonté d'aller de l'avant. Il a noté que les dispositions du contrat d'objectifs et de moyens avaient permis de réaliser d'importantes économies et de stabiliser les dépenses de fonctionnement, tout en responsabilisant les chefs de mission sur leur gestion. Il a indiqué que cette démarche se poursuivait et cherchait désormais à préfigurer les dispositions de la loi organique relative aux lois de finances : définition d'objectifs et d'indicateurs, mise en oeuvre progressive d'un suivi analytique des coûts, développement du contrôle de gestion. Il a estimé que tout n'était pas parfait, s'agissant de la définition des objectifs et des indicateurs ou de la lisibilité des informations contenues dans le bleu budgétaire, y compris dans l'agrégat « relations économiques extérieures », mais que ces éléments soulignaient l'importance et la difficulté des travaux que devront conduire les ministères pour s'approprier les dispositions de la loi organique relative aux lois de finances. Il a considéré que le processus de tâtonnement de la DREE devrait lui permettre d'être prête en 2006. Enfin, il a rappelé que la modernisation de la DREE était caractérisée par l'obtention, en juillet 2002, du label de qualité ISO 9001 pour l'ensemble des services apportés aux entreprises.

M. Marc Massion, rapporteur spécial, a ensuite abordé les aspects, moins satisfaisants à ses yeux, concernant le soutien à l'internationalisation des petites et moyennes entreprises (PME) et, en particulier, les dotations proposées pour les établissements publics en charge du commerce extérieur, principalement le Centre français du commerce extérieur -CFCE- et UBIFRANCE, l'agence française pour le développement international des entreprises (anciennement CFME-ACTIM). Il n'a pas souhaité dresser un tableau trop sombre de l'appui public apporté aux PME, indiquant que de nombreuses initiatives avaient été engagées à leur attention, et que la réforme de l'assurance-prospection mise en oeuvre à la fin de l'exercice 2000 pour rendre ce dispositif plus accessible aux PME était une réussite. Il a rappelé que ces deux organismes connaissaient tous les deux une situation budgétaire difficile :

- pour le CFCE, elle résulte de la baisse de ses recettes commerciales issues de la vente de produits et de prestations aux entreprises ;

- pour UBIFRANCE, il s'agit des conséquences de la suppression du service national et de son remplacement par la procédure du volontariat international en entreprise (VIE).

M. Marc Massion, rapporteur spécial, a souligné que ces deux organismes, qui devraient être réunis sur un même site à l'horizon 2005, développaient des synergies et avaient engagé des efforts importants afin de maîtriser leurs dépenses de fonctionnement et de resserrer leur offre de produits et de services. Ils sont néanmoins confrontés à une gestion très tendue, la baisse de leurs ressources propres n'étant pas compensée par une croissance de leur subvention.

Or, s'agissant d'UBIFRANCE, M. Marc Massion, rapporteur spécial, a rappelé que l'une de ses missions est l'organisation de la présence des entreprises françaises dans les salons professionnels à l'étranger. Il a insisté sur le fait que les efforts de la France étaient largement inférieurs à ceux des autres pays de l'Union européenne, en faisant part de quelques chiffres significatifs : l'Espagne, la Grande-Bretagne et l'Allemagne consacrent aux salons internationaux entre 7 et 8 fois plus de subventions publiques que la France ; la Grande-Bretagne appuie 6 fois plus de salons que la France ; la subvention moyenne accordée par opération par l'Espagne, l'Allemagne et l'Italie est 3 fois supérieure à celle de la France ; enfin, le nombre d'entreprises aidées est 3 fois plus important en Grande-Bretagne et 2 fois en Allemagne. Il a considéré que de tels écarts étaient difficilement justifiables, lorsque l'on sait l'importance de ces salons pour une PME qui souhaite se développer à l'international.

Il a ajouté qu'il était dommage, alors qu'une autre procédure destinée aux PME, le « FASEP-Garantie », est largement sous-utilisée compte tenu de son coût et de sa complexité, que l'Etat décide de prélever 16 millions d'euros sur ce fonds, mais est incapable en revanche d'abonder les crédits destinés à la participation des PME aux salons professionnels à l'étranger.

Pour conclure au sujet du CFCE et d'UBIFRANCE, il a indiqué que le ministre délégué au commerce extérieur avait annoncé de nouvelles mesures en faveur des PME ainsi qu'un audit des deux organismes, afin d'évaluer les forces et les faiblesses du dispositif français de soutien à l'exportation.

Il a souhaité que ce dispositif évolue sans cesse de manière à répondre le plus efficacement aux demandes des entreprises, et notamment, de celles qui sont les moins bien armées pour se développer à l'international. Pour cela, il a estimé qu'il convenait notamment d'être en mesure d'identifier régulièrement les raisons qui conduisent les entreprises à se détourner de certaines procédures, généralement du fait de leur coût élevé, de leur complexité et des délais trop importants. En la matière, il a considéré que la simplicité était un impératif pour viser la clientèle-cible de notre dispositif de soutien public au commerce extérieur, c'est-à-dire pour l'essentiel, les PME indépendantes.

En conclusion, M. Marc Massion, rapporteur spécial,a estimé que ce budget s'inscrivait dans la continuité des années précédentes, avec les mêmes insuffisances, s'agissant notamment du soutien à la participation des entreprises dans les salons professionnels à l'étranger.

Un large débat s'est alors ouvert auquel ont participé MM. François Trucy, Maurice Blin, Aymeri de Montesquiou, Gérard Braun, Jean Arthuis, président, et Roland du Luart.

En réponse à M. François Trucy, M. Marc Massion, rapporteur spécial, a indiqué que l'année 2001 avait connu la plus forte contraction du commerce international depuis 20 ans. Au cours des dix dernières années, il a précisé que les exportations françaises avaient augmenté de 6 % par an en moyenne, et les importations de 5 %.

En réponse à M. Maurice Blin, M. Marc Massion, rapporteur spécial, a considéré que la réussite des entreprises françaises était liée à leur spécialisation dans des secteurs dynamiques de l'économie, ainsi qu'à leur compétitivité-prix et hors-prix. Il a indiqué que les exportations en direction de l'Union européenne représentaient plus de la moitié du total, mais connaissaient une légère baisse depuis le début des années 1990, tandis que celles en direction des Etats-Unis, de l'Europe de l'est et de l'Asie émergente étaient en légère progression.

En réponse à M. Aymeri de Montesquiou, il a indiqué que la France était au quatrième rang mondial pour l'exportation de marchandises, et a confirmé que la présence de PME françaises dans les salons professionnels à l'étranger était faible au regard de leurs homologues de l'Union européenne.

En réponse à M. Gérard Braun, M. Marc Massion, rapporteur spécial, a confirmé que le rôle des régions en matière de soutien au commerce extérieur était de plus en plus important, compte tenu notamment de l'augmentation des crédits consacrés au commerce extérieur dans les contrats de plan Etat-régions. Il a estimé que le rôle des directions régionales du commerce extérieur devait être réexaminé et que, dans le cadre du processus de décentralisation, des expérimentations concernant le soutien au commerce extérieur pourraient être envisagées dans certaines régions.

En réponse à M. Jean Arthuis, président, M. Marc Massion, rapporteur spécial, a indiqué que le redéploiement des effectifs dans les missions économiques à l'étranger était constant, mais concernait des effectifs limités. Il a confirmé son impression selon laquelle le statut des conseillers du commerce extérieur ne leur permettait pas de jouer le rôle qui leur convient au service des entreprises françaises.

Sur ce point, M. Maurice Blin a indiqué que la Suède rémunérait des dirigeants de grandes entreprises privées pour devenir les représentants du commerce extérieur suédois à l'étranger, dans le cadre de contrats à durée déterminée. Soulignant les résultats remarquables de ce dispositif, il a également insisté sur l'inadaptation du statut de conseiller du commerce extérieur en France.

Enfin, en réponse à M. Roland du Luart qui estimait dommageable, pour l'image de la France, les désaccords fréquents entre les ambassadeurs et les chefs des missions économiques à l'étranger, il a considéré que ces problèmes demeuraient ponctuels, mais qu'il convenait de renforcer la coordination des services français à l'étranger.

A l'issue de ce débat, la commission a décidé de réserver son vote jusqu'à l'examen des crédits de l'industrie le 30 octobre 2002.

Règlement définitif du budget de 2001 - Examen des amendements

Enfin, la commission a procédé à l'examen des amendements sur le projet de loi n° 8 (2002-2003) de règlement définitif du budget de 2001.

M. Yves Fréville est intervenu pour présenter son amendement n° 1 dont l'objet est de modifier le traitement budgétaire des dégrèvements d'impôts locaux, afin de mettre un terme à la contraction entre dépenses et recettes qui en résulte. Selon lui, cette contraction ne trouve aucune justification au niveau local.

Sur proposition du rapporteur général, la commission a décidé de demander son avis au Gouvernement et a proposé à M. Yves Fréville de retirer ensuite son amendement.

Nomination de rapporteur

Puis la commission a désigné M. Philippe Marini, rapporteur sur la proposition de loi n° 162 (2001-2002) relative à certaines adaptations du droit boursier.