Table des matières




- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

I. FINANCES PUBLIQUES - AUDITION DE M. ALAIN LAMBERT, MINISTRE DÉLÉGUÉ AU BUDGET ET À LA RÉFORME BUDGÉTAIRE



La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, sur le programme pluriannuel des finances publiques 2004-2006 et sur la gestion des crédits budgétaires pour 2003.

Le président Jean Arthuis
a souhaité la bienvenue au ministre, indiquant que la commission des finances souhaitait l'entendre au sujet du programme de stabilité pour 2004-2006, et de l'exécution budgétaire des années 2002 et 2003.

S'agissant du programme de stabilité de la France, le président a rappelé qu'il s'agissait du document transmis, à la fin de chaque année, à la Commission européenne, et retraçant les scenarii d'évolution à moyen terme des finances publiques, conformément à ce que stipulent les traités communautaires.

Il a semblé nécessaire, a-t-il poursuivi, de permettre au Parlement de s'exprimer « plus tôt » sur ces orientations à moyen terme. Aussi bien l'article 50 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances dispose-t-il qu'est annexé au rapport économique, social et financier un document retraçant les scenarii à moyen terme d'évolution des finances publiques, plus connu sous le nom de « programmation pluriannuelle des finances publiques ». Il a déclaré que pour la première fois, cette année, ce document a été annexé au projet de loi de finances initiale, et a donc été disponible fin septembre-début octobre. Il a précisé qu'il s'agissait d'un document distinct de celui transmis à la Commission européenne, mais que le fond en était identique, se réjouissant à ce propos de la qualité du document transmis dès septembre au Parlement, et estimant qu'il s'agissait là d'un précédent très encourageant, qui contribuera à faire vivre une disposition importante de la loi organique.

Le second point qu'a souhaité aborder le président est celui de l'exécution budgétaire de l'année 2002 et du début de l'année 2003, qui constitue le « socle » de cette programmation pour les années 2004 à 2006.

Il a ainsi souhaité disposer des évaluations concernant le déficit budgétaire et les déficits publics de l'année 2002.

Par ailleurs, il s'est interrogé sur les modalités de la régulation budgétaire prévue pour 2003.

Le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire a précisé qu'il se réjouissait de réserver au Parlement la primeur des résultats de 2002 et des perspectives d'évolution pour l'année 2003, rappelant que les résultats des années 2000 et 2001 avaient, eux, été annoncés par voie de simple communiqué de presse. Il a déclaré son intention de procéder de même l'année prochaine. Il a ajouté que pour la première fois également, des mesures de mise en réserve étaient présentées aux parlementaires le jour même de leur mise en oeuvre, à la fois dans l'esprit de la loi organique du 1er août 2001 et également en raison d'un engagement pris par lui-même le 23 novembre dernier devant le Sénat.

Il a annoncé que le déficit budgétaire de l'Etat s'établissait, pour l'exercice 2002, à 49,3 milliards d'euros : ce solde a été stabilisé en début de semaine dernière, l'Agence comptable centrale du Trésor ayant clôturé ses opérations le vendredi 24 janvier 2003 à minuit. Il a précisé qu'il s'agit d'un solde hors opérations avec le FMI, et que le solde en loi de règlement serait légèrement différent, dans la mesure où il intégrerait les opérations avec le FMI et différentes opérations de nature patrimoniale, qui n'apparaissent pas en exécution budgétaire. Le solde budgétaire, y compris les opérations avec le FMI, s'établit en effet à 48,7 milliards d'euros.

Evoquant brièvement le besoin de financement « toutes administrations publiques », il a indiqué que le déficit public devrait s'établir aux alentours de 3 % du produit intérieur brut, mais qu'il n'existait encore aucune donnée fiable pour permettre d'avoir un chiffre plus précis, les incertitudes étant nombreuses concernant notamment le niveau des rentrées de TVA. Il a indiqué qu'en tout état de cause, le gouvernement ne pourrait notifier à Bruxelles le déficit public qu'au début du mois de mars 2003.

Abordant l'exécution de l'année 2002, il a déclaré que le déficit budgétaire prévisionnel s'établissait à 47 milliards d'euros dans le collectif de fin d'année, et non à 46,8 milliards comme en a fait état la presse, les crédits ayant été majorés au titre de la « prime de Noël ». Il a souhaité s'expliquer sur le passage du montant du déficit budgétaire de 47 milliards d'euros à 49,3 milliards d'euros, en invoquant trois facteurs.

D'une part, les recettes ont été inférieures d'un milliard d'euros aux prévisions de novembre 2002, inscrites dans le collectif, revenant à 223,4 milliards d'euros, contre 224,4 milliards d'euros en collectif. D'autre part, les dépenses réelles du budget général sont supérieures de 2 milliards d'euros aux crédits prévus en collectif, s'établissant à 273,4 milliards d'euros contre 271,4 milliards d'euros en collectif. Ce phénomène s'explique essentiellement par les consommations de crédits reportés de l'exercice 2001.

Enfin, le résultat final des comptes spéciaux du Trésor est en amélioration de 0,7 milliard d'euros par rapport au collectif.

Après avoir détaillé les causes des évolutions ayant affecté les recettes, les dépenses et le résultat des comptes spéciaux du Trésor, le ministre a détaillé l'évolution du solde budgétaire.

Il a rappelé que le déficit budgétaire s'établissait à 58,6 milliards d'euros à la fin du mois de novembre 2002, le solde final s'élevant à 49,3 milliards d'euros. Il a expliqué l'écart favorable, de plus de 9 milliards d'euros, d'une part par un accroissement des recettes perçues en décembre 2002 par rapport à décembre 2001, et, d'autre part, par l'amélioration du solde des comptes spéciaux du Trésor, en raison des recettes de privatisation notamment. A contrario, a-t-il poursuivi, les dépenses ont été supérieures de 2 milliards d'euros aux prévisions, l'administration ayant payé une grande partie des ouvertures du collectif de fin d'année dès la période complémentaire.

Ayant achevé l'exposé du bilan de la gestion 2002, le ministre délégué au budget a estimé nécessaire d'en tirer des leçons pour la gestion du budget en 2003, puisque « le principe de précaution » s'imposait à la gestion des finances publiques. Il a rappelé l'objectif des mises en réserve de crédits, qui est de répondre à l'aléa inhérent à toute exécution budgétaire. Il a ajouté que la mise en réserve de crédits consacrait l'autorisation parlementaire, en ce qu'elle vise à permettre le respect en exécution de l'équilibre de la loi de finances.

Il a évoqué le caractère novateur d'une telle mise en réserve précoce, et a souligné que la méthode choisie par son gouvernement se caractérisait par sa transparence et son souci d'efficacité.

Après avoir détaillé les risques et aléas de gestion susceptibles d'influer sur l'exécution budgétaire en 2003, il a expliqué comment le gouvernement entendait appliquer « le principe de précaution ». Les mises en réserve ayant été arrêtées par le Premier ministre à 3,975 milliards d'euros se répartissent entre dépenses obligatoires, et autres dépenses. Des taux forfaitaires, identiques pour tous les ministères, ont permis de leur appliquer un traitement homogène. Par ailleurs, les ministères disposent de la faculté de redéployer les mises en réserve, pourvu que les redéploiements n'affectent pas les dépenses dites obligatoires.

Les finalités de ces mises en réserve sont doubles, a-t-il indiqué : finalité d'innovation, d'une part, qui est l'objet de la « réserve d'innovation », et d'autre part, finalité de précaution précédemment évoquée.

Il a par ailleurs indiqué que les mises en réserve feraient l'objet d'un réexamen en juin, en fonction de l'évolution de la situation budgétaire.

Il a conclu en évoquant le cas des priorités du gouvernement, qui se voient appliquer un « principe d'auto-assurance » signifiant que leurs éventuels aléas de gestion concernant les dépenses nouvelles doivent être financés par redéploiement. Il a réaffirmé que la dépense exécutée pourra être égale à celle votée, les aléas devant être financés dans le respect de l'enveloppe ainsi définie.

M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est alors interrogé sur plusieurs points. Pourrait-on imaginer d'annuler tous les reports de crédits avant d'étudier l'opportunité d'en rétablir une partie ? Quel sera le taux de prélèvements obligatoires à la fin de l'année 2002 ? L'analyse de la situation économique par le gouvernement a-t-elle évolué depuis la discussion de la loi de finances initiale pour 2003 ?

En réponse, M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, a indiqué que les reports des crédits de dépenses ordinaires ne seraient plus effectués systématiquement à compter de la présente gestion. Par ailleurs, le montant du produit intérieur brut de l'année 2002 n'étant pas encore connu, il n'est pas aujourd'hui possible de calculer le taux de prélèvements obligatoires de 2002. En outre, les prévisions économiques du gouvernement seront actualisées au mois de mars 2003, à l'occasion de la réunion de la commission des comptes de la nation.

M. Jean-Philippe Lachenaud s'est interrogé sur la signification du principe d' « auto-assurance » évoqué par le ministre.

M. Aymeri de Montesquiou a souligné que le montant du déficit du budget de l'Etat, soit 49,3 milliards d'euros, représentait 17 % des recettes de l'Etat. Il s'est en outre demandé si les dépenses non obligatoires, qui s'élèvent à 20 milliards d'euros, pouvaient être progressivement réduites afin de résorber le déficit du budget de l'Etat.

M. Gérard Miquel s'est interrogé sur la possibilité de financer certaines réformes pressenties par le gouvernement, comme le renforcement de la décentralisation ou les baisses d'impôt, alors que la croissance en 2003 semble devoir être plus faible que prévu.

M. Yves Fréville a souhaité savoir si la norme de croissance des dépenses devait être considérée comme « infranchissable », et si le gouvernement entendait faire jouer les « stabilisateurs automatiques » en 2003, au risque de dépasser la limite de 3 % du PIB fixée par le pacte de stabilité et de croissance.

M. Joël Bourdin a demandé quelle était la part des crédits de fonctionnement et des crédits d'investissement dans les crédits mis en réserve, et quel avait été le niveau des recettes de TVA au mois de janvier 2003.

M. Michel Charasse a fait plusieurs suggestions : réviser la liste des chapitres reportables ou pouvant être engagés par anticipation, avancer la date limite des engagements de crédits, étudier la pertinence de certaines autorisations de programme. Il a en outre demandé quel serait le coût des embauches récemment annoncées par le ministre de l'éducation nationale et quelles avaient été les recettes des fonds de concours en 2002. Il a en outre demandé des précisions relatives aux modalités de la retenue à la source sur les rémunérations des élus locaux.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que si les crédits mis en réserve s'élevaient à moins de 4 milliards d'euros, c'était pour partie grâce aux réductions de crédits votées par le Sénat, d'un montant de 30,9 millions d'euros, et a estimé que la charge de la dette pourrait s'accroître si l'une des grandes agences de notation internationale notait la dette publique française de manière moins favorable. Il a posé deux questions : comment l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) sera-t-elle financée ? Les prochaines auditions de ministres pourront-elles être l'occasion de les interroger sur les reports de crédits effectués de l'année 2002 vers l'année 2003 ?

En réponse à M. Jean Arthuis, président, M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, a considéré que la question du financement de l'APA devait être abordée sous l'angle de la maîtrise de la dépense. En ce qui concerne les reports de crédits, ceux de dépenses ordinaires ne seront à l'avenir plus effectués systématiquement. En réponse à M. Jean-Philippe Lachenaud, M. Alain Lambert a indiqué que le principe d' « auto-assurance » désignait la faculté, pour certains ministères, d'utiliser les crédits « gelés » en cas d'apparition d'une charge supplémentaire. A M. Aymeri de Montesquiou, il a indiqué que les dépenses « non obligatoires » de l'Etat, évaluées à 20 milliards d'euros, étaient peu importantes, au regard du montant global des crédits et que, par conséquent, pour réduire le déficit budgétaire il était nécessaire de réduire également progressivement les dépenses dites « rigides ». En réponse à M. Gérard Miquel, il a indiqué que le renforcement de la décentralisation s'accompagnerait du transfert des ressources correspondantes aux collectivités locales, et a affirmé la nécessité de réduire les impôts pour améliorer l'attractivité de la France. En réponse à M. Yves Fréville, il a précisé que la norme de progression des dépenses était impérative, sauf événement très grave. A M. Joël Bourdin, il a indiqué que les crédits mis en réserve portaient principalement sur les dépenses ordinaires, et que le montant des recettes de taxe sur la valeur ajoutée collectées au mois de janvier 2003 n'était pas encore connu. Enfin, répondant à M.  Michel Charasse, il s'est déclaré intéressé par ses suggestions relatives aux reports ou aux engagements par anticipation de crédits, et a indiqué que les embauches annoncées par le ministre de l'éducation nationale n'auraient un coût qu'à partir de l'année 2004, et que les fonds de concours avaient rapporté en 2002 500 millions d'euros de moins que prévu. Il s'est engagé à fournir à la commission des finances une note relative au régime de la retenue à la source applicable aux rémunérations des élus locaux.

M. Alain Lambert a indiqué que le programme de stabilité 2004-2006 ne comprenait aucune modification par rapport à la « programmation pluriannuelle des finances publiques 2004-2006 » figurant dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances initiale pour 2003. Il a donc proposé de revenir devant la commission des finances pour une nouvelle audition, à l'occasion de l'actualisation des prévisions économiques du gouvernement, prévue pour le mois de mars de l'année 2003, démarche à laquelle M. Jean Arthuis, président, a pleinement souscrit.

II. TRANSPORT AÉRIEN - DEMANDE DE SAISINE POUR AVIS ET NOMINATION DE RAPPORTEUR POUR AVIS



La commission a ensuite décidé de se saisir pour avis sur le projet de loi n° 108 (2002-2003) relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France.

Elle a ensuite nommé M. Yves Fréville, rapporteur pour avis sur ledit projet de loi.

III. NOMINATIONS DE RAPPORTEUR

Puis la commission a nommé M. Jacques Chaumont, rapporteur sur le projet de loi n° 94 (2002-2003) autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de laRépublique française et le Gouvernement du Sultanat d'Oman en vue d'éviter les doubles impositions (ensemble un protocole).

Elle a également nommé M. Jacques Chaumont, rapporteur sur le projet de loi n° 136 (2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la République française et la République fédérale d'Allemagne en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, ainsi qu'en matière de contributions des patentes et de contributions foncières, du 21 juillet 1959, modifiée par l'avenant du 9 juin 1969 et par l'avenant du 28 septembre 1989, signé à Paris le 20 décembre 2001.

IV. PROGRAMME DE TRAVAIL DE LA COMMISSION



La commission a alors procédé à l'examen de son programme de travail pour le premier semestre 2003 ainsi que du programme de contrôle des rapporteurs spéciaux.

Elle a tout d'abord fait le point sur le programme de travail législatif, évoquant les différents textes dont la commission pourrait être saisie au cours du premier semestre 2003.

Ensuite, M. Jean Arthuis, président, a indiqué que le bureau de la commission avait décidé d'organiser une réunion de présentation des enjeux de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

A cette occasion, la commission devra préciser le contenu de la « mission d'assistance » au Parlement dont la Cour des Comptes est désormais chargée par l'article 58 de la loi organique du 1er août 2001. A cet égard, il a rappelé que la Cour des Comptes avait déjà adressé à la commission quatre rapports pour l'année 2002, concernant l'organisation et la gestion des services déconcentrés du ministère de la culture, l'activité internationale d'EDF, le contrôle de la gestion du CNFPT et les actions de développement, de restructuration et de reconversion du secrétariat d'État à l'industrie. Ces rapports feront l'objet d'une communication devant la commission. S'agissant des thèmes pour 2003, la commission, sur proposition de son président, a décidé d'en retenir cinq  : le CNASEA (centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles), le FNSE (fonds national de solidarité sur l'eau), le réseau des succursales de la Banque de France, les personnels de la recherche et la gestion des effectifs du ministère de la culture.

Par ailleurs, la commission a souhaité auditionner certains ministres dépensiers sur l'exécution de leur budget, et en particulier sur le recours aux reports de crédits.

S'agissant des travaux de réflexion prospective, le président a indiqué que, dans le prolongement du rapport présenté en 1994 sur l'Etat actionnaire, un groupe de travail sera constitué sur ce thème.

En outre, la commission entend publier différents rapports portant sur la fiscalité, et notamment une étude sur les réformes fiscales menées en Europe, réalisée conjointement avec la délégation pour la planification ainsi que le compte rendu des auditions, menées à l'automne dernier, sur la fiscalité locale dans la perspective de « l'acte II » de la décentralisation.

Outre une réflexion sur la TVA, la commission entend également procéder à un examen du régime de la fiscalité agricole et des biocarburants, ainsi qu'à une étude sur le régime de la fiscalité écologique.

Au titre des activités internationales, la commission a décidé de réactiver une « structure légère » sur le thème de la régulation monétaire et financière et de prévoir un déplacement à l'étranger d'une délégation du bureau.

Présentant le programme de contrôle des rapporteurs spéciaux, M. Jean Arthuis, président, a rappelé que, dans l'esprit de la nouvelle « constitution budgétaire », et conformément à la politique menée depuis plusieurs années par la commission, le contrôle budgétaire devait devenir une « seconde nature ». Il a ainsi souligné que sur les 29 contrôles prévus pour 2002, 21 avaient déjà été réalisés, soit plus des deux tiers : 10 ont fait l'objet de déplacement, auditions et/ou communications en commission ; 5 rapports d'information ont déjà été publiés et 6 autres rapports devraient l'être dans les prochaines semaines. A ce sujet, M. Jean Arthuis, président, a estimé qu'il s'agissait d'un « excellent score », attestant de la crédibilité de la commission. En outre, en réponse aux demandes émanant des rapporteurs spéciaux, 14 nouveaux contrôles seront engagés au cours de l'année 2003.

S'agissant plus spécifiquement du contrôle portant sur les rythmes de travail dans les services de la sécurité publique, la commission a décidé de recourir à une expertise extérieure, sur la base d'un projet de cahier des charges qu'elle a approuvé.

MERCREDI 5 FÉVRIER 2003

- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

I. TRANSPORT AÉRIEN - AIR FRANCE - EXAMEN DU RAPPORT POUR AVIS



La commission a procédé à l'examen du rapport pour avis sur le projet de loi n° 108 (2002-2003) relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France.

M. Yves Fréville, rapporteur pour avis, a indiqué à titre préalable que le projet de loi « entreprise de transport aérien et société Air France » n'était pas à proprement parler un projet de privatisation d'Air France, car la compagnie figurait sur la liste des entreprises privatisables en 1993 et pourrait donc être privatisée en l'absence de projet de loi spécifique.

Par ailleurs, plusieurs dispositions de ce projet sont applicables à toutes les sociétés de transport aérien françaises qui pourraient être cotées, même si ce n'est que le cas d'Air France aujourd'hui. Enfin, la date de privatisation d'Air France dépendra de l'évolution du secteur du transport aérien et des marchés financiers.

Il a ensuite souhaité répondre à deux questions préalables :

- pourquoi privatiser Air France ?

- pourquoi une loi est-elle nécessaire pour ce faire ?

Il a souligné que l'évolution du transport aérien en Europe et la consolidation annoncée de ce secteur pourraient conduire les compagnies à conclure des alliances capitalistiques, ce qui nécessitait un transfert au secteur privé de la majorité du capital d'Air France. Il a considéré qu'il n'y avait pas de raison de maintenir la compagnie dans le secteur public en l'absence de monopole naturel, s'agissant d'un secteur hautement concurrentiel, notant par ailleurs que les missions de service public assurées par Air France peuvent l'être quel que soit le statut de la société. Enfin, il a rappelé qu'après une importante crise financière de la compagnie, ayant nécessité une recapitalisation de 20 milliards de francs de l'Etat entre 1994 et 1996, Air France connaissait actuellement une situation assainie, et résistait mieux à la crise mondiale du secteur que la quasi-totalité des compagnies aériennes internationales, ce qui permettait d'envisager une privatisation dans de bonnes conditions pour l'Etat et pour la compagnie.

M. Yves Fréville, rapporteur pour avis, a indiqué que la loi de 1948 qui a créé Air France prévoyait une ouverture de capital que l'Etat n'a jamais mise en oeuvre. En 1986, la société ne figurait pas sur la liste des entreprises privatisables, bien qu'en 1987, une ouverture du capital ait été envisagée, puis annulée à la suite du « krach boursier ». En 1993, la société Air France figurait sur la liste des entreprises privatisables, et une opération d'échange « salaire-contre actions » était proposée aux pilotes de la compagnie.

Cette opération a été renouvelée en 1999, lors de l'ouverture du capital engagée par le gouvernement de M. Lionel Jospin, au terme de laquelle l'Etat a conservé 54 % du capital.

M. Yves Fréville a indiqué que l'opération de transfert de la majorité du capital d'Air France du secteur public vers le secteur privé organisée par le présent projet de loi devait conduire à une réduction de la part du capital détenu par l'Etat à un peu moins de 20 %, soit l'équivalent du capital qui devrait être détenu par les salariés de l'entreprise à l'issue du processus.

M. Yves Fréville, rapporteur pour avis, a considéré qu'une loi était nécessaire afin de prévoir les mécanismes tendant à préserver la nationalité ou le caractère communautaire de la compagnie. Il a rappelé que pour assurer des liaisons aériennes intra-communautaires, une compagnie aérienne doit être majoritairement détenue et effectivement contrôlée par des intérêts communautaires, tandis que pour les liaisons aériennes vers des pays tiers, elle doit avoir un actionnariat majoritairement français.

Il a toutefois souligné que des arrêts de la Cour de justice des communautés européennes du 5 novembre 2002 remettaient en cause les accords bilatéraux accordant des droits de trafic aux compagnies aériennes, en prévoyant que ces droits relèveraient désormais d'une compétence partagée entre les Etats membres et les institutions communautaires.

Il a ensuite présenté le dispositif proposé par le projet de loi afin de garantir le maintien de la nationalité d'Air France. Il a indiqué qu'un suivi de l'actionnariat était rendu possible grâce à des possibilités élargies d'identification des actionnaires, ainsi que d'agrément pour les cessions d'actions. En cas de risque pesant sur la nationalité de leur compagnie, celle-ci peut enjoindre les derniers actionnaires étrangers entrés dans son capital de vendre leurs titres. Enfin, en cas de refus de la part de ces derniers, la société peut saisir le tribunal de grande instance de Paris afin de faire procéder à la vente forcée des titres.

Il a souligné que ce dispositif était dissuasif, et qu'il ne devrait pas y avoir lieu d'y recourir. En effet, une compagnie détenue majoritairement par des actionnaires étrangers perdrait le bénéfice de ses droits de trafic, qui constituent l'essentiel de sa valeur, dès lors, les investisseurs étrangers n'auraient aucun intérêt à acquérir des titres conduisant à une telle situation.

L'information du public et du marché devrait s'avérer suffisante pour éviter de recourir aux mécanismes d'injonction et de vente forcée prévus par le projet de loi.

M. Yves Fréville, rapporteur pour avis, a ensuite présenté les dispositions relatives au développement de l'actionnariat salarié. Il a indiqué que la privatisation s'accompagnerait d'une offre préférentielle réservée aux salariés, mais également d'une offre d'échange « salaire contre actions » portant sur 6 % du capital, soit la part de l'offre similaire qui n'avait pas été souscrite par les pilotes en 1998. Il a indiqué que l'offre d'échange s'adressait cette fois à l'ensemble des salariés de la société.

La réduction de la masse salariale résultant de la mise en oeuvre de cet échange augmentera la valeur de la société et des titres émis sur le marché. A la différence de 1998, cette création de valeur ne bénéficiera pas intégralement à l'Etat, et la société devra rembourser la différence entre la valeur des actions gratuites accordées aux salariés et la création de valeur revenant à l'Etat résultant des abandons de salaires correspondants.

M. Yves Fréville a indiqué qu'un dispositif fiscal avantageux, identique à celui retenu en 1998, serait appliqué à cette offre, afin d'inciter les salariés à y participer. En effet, la valeur des actions ne sera pas retenue pour le calcul des impôts et taxes assis sur les revenus, mais uniquement pour le calcul de l'impôt sur la fortune, des droits de succession et de l'imposition sur les plus-values.

M. Yves Fréville, rapporteur pour avis, a indiqué que le projet de loi comportait d'autres dispositions relatives notamment à la composition du conseil d'administration et au statut des salariés.

Sur ce dernier point, il a indiqué que les statuts des salariés seraient maintenus pendant une durée maximale de deux ans afin de permettre la négociation d'accords d'entreprises entre les syndicats et la direction.

En conclusion, M. Yves Fréville a rappelé qu'une modification des statuts de la société Air France constituait un préalable indispensable à sa privatisation. Il a fait part de ses incertitudes quant à la date de cette opération, celle-ci dépendant de l'évolution du secteur du transport aérien et des marchés boursiers.

Un large débat s'est alors ouvert.

M. Jacques Oudin a souhaité connaître les raisons pour lesquelles il importait, à l'avenir, que la nationalité française de la compagnie soit préservée à tout prix, et ce qui justifiait le maintien d'une part significative du capital par l'Etat à l'issue du processus. Il a également voulu connaître les conditions d'emploi des personnels qui seraient embauchés après la privatisation, mais avant la conclusion des accords d'entreprise prévus par le projet de loi.

M. Maurice Blin s'est interrogé sur les mécanismes tendant à préserver la nationalité des compagnies aériennes en vigueur dans les autres pays. Il a souhaité connaître le montant des recettes escomptées par l'Etat lors de la mise sur le marché des titres Air France. Enfin, il a voulu connaître la position des syndicats de la compagnie sur cette opération.

M. François Marc s'est interrogé sur les motivations conduisant le gouvernement à privatiser Air France, compte tenu notamment de la modicité des recettes attendues pour l'Etat, et de la conjoncture stratégique et commerciale favorable que connaît Air France. Il a également émis des doutes sur l'efficacité des mécanismes de suivi de l'évolution de l'actionnariat. Il s'est enfin interrogé sur l'exercice des missions de service public par la société Air France une fois que celle-ci sera détenue par des capitaux privés.

M. Michel Moreigne a émis des doutes sur l'efficacité du mécanisme d'injonction de vente des titres détenus par des actionnaires étrangers pouvant être mis en oeuvre par des sociétés françaises cotées de transport aérien.

M. René Trégouët a souhaité connaître les obligations applicables aux compagnies aériennes des autres Etats en matière de préservation de leur nationalité. Il a souligné que la complexité du transport aérien et les contraintes particulières qui s'y appliquent en matière de sécurité en faisaient un secteur à part, ce qui justifiait que le processus de privatisation mis en oeuvre diffère du droit commun.

M. Auguste Cazalet a déploré l'absence de concurrence sur certaines lignes intérieures de transport aérien en France et ses conséquences négatives en matière de prix et de capacité.

En réponse à M. Jacques Oudin, M. Yves Fréville, rapporteur pour avis, a indiqué que tous les salariés seraient embauchés selon les conditions du statut public actuellement en vigueur, puis, après la conclusion des accords d'entreprise négociés entre les syndicats et la direction, selon un régime de droit privé. Il a rappelé que le maintien de la nationalité d'Air France était nécessaire, même si à l'avenir, la préservation des droits de trafic pourrait être conditionnée à un actionnariat et un contrôle effectif communautaires compte tenu de l'évolution engagée suite aux arrêts de la Cour de justice des communautés européennes du 5 novembre 2002. S'agissant du maintien d'une participation importante de l'Etat au capital d'Air France, il a estimé que celle-ci permettait d'assurer une base stable à l'actionnariat de la compagnie, avec la part détenue par les salariés, mais pourrait être supprimée ultérieurement.

En réponse à M. Maurice Blin, il a exposé les différents mécanismes tendant à préserver la nationalité des compagnies aériennes dans les pays européens, notant par exemple que l'Etat néerlandais disposait d'une action préférentielle vis-à-vis de la compagnie aérienne KLM.

Il a indiqué qu'il était impossible de connaître avec précision le montant des recettes qui pourrait être tiré de la privatisation d'Air France par l'Etat, mais que celui-ci pourrait être de l'ordre d'un milliard d'euros.

Enfin, il a indiqué que la majorité des syndicats d'Air France était opposée à la privatisation de la compagnie, sans toutefois en contester de manière importante les modalités techniques.

En réponse à M. François Marc, M. Yves Fréville, rapporteur pour avis, a considéré que la principale motivation de la privatisation d'Air France n'était pas liée au patrimoine de l'Etat, mais à l'intérêt propre de la société, qui bénéficiera d'une plus grande réactivité et d'un meilleur accès aux marchés de capitaux, et pourra conclure des alliances capitalistiques avec d'autres compagnies. Il a indiqué que les mécanismes de contrôle de l'évolution de l'actionnariat étaient efficaces et a rappelé que leur objet était essentiellement dissuasif.

A titre d'exemple, il a indiqué que British Airways avait été confrontée à un risque de contrôle majoritaire par des actionnaires étrangers, qui avait été écarté rapidement suite à une information du marché faisant part de cette situation et des mesures que pourrait être amenée à prendre la compagnie pour y faire face.

S'agissant de l'exercice des missions de service public par Air France, il a considéré que le statut de la société était sans influence sur leur réalisation, compte tenu des mécanismes actuels recourant à des appels d'offre.

En réponse à M. Michel Moreigne, M. Yves Fréville, rapporteur pour avis, a estimé que la procédure d'injonction prévue par le projet de loi était d'autant plus efficace qu'elle conduisait à une vente forcée des titres en cas de refus par les actionnaires étrangers concernés d'y accéder.

En réponse à M. René Trégouët, il a indiqué que le contrôle de l'évolution de leur actionnariat était une obligation pour toutes les compagnies de transport aérien.

La commission a alors décidé d'émettre un avis favorable à l'adoption du projet de loi.