Table des matières




- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Contrôle budgétaire - Actions de développement et de reconversion industriels -- Audition de Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie et de MM. François Logerot, Premier Président de la Cour des comptes, Bertrand Fragonard, président de la deuxième chambre, et Jean-Loup Arnaud, conseiller-maître



La commission a procédé à l'audition conjointe de Mme Nicole Fontaine ministre déléguée à l'industrie et de MM. François Logerot, Premier Président de la Cour des comptes, Bertrand Fragonard, président de la deuxième chambre, et Jean-Loup Arnaud, conseiller-maître, sur la communication de la Cour des comptes à la commission des finances, relative aux actions de développement et de reconversion industriels menées par le secrétariat d'Etat à l'industrie, transmise en application de l'article 58-2 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

M. Jean Arthuis, président, a indiqué que la communication de la Cour des comptes, demandée par le président Alain Lambert en mars 2002, remise à la commission des finances en décembre 2002, avait fait l'objet d'un référé le 20 janvier 2003 auprès du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Il a rappelé le contexte dans lequel intervenait cette communication, marqué par la mise en place de la cellule de veille interministérielle en charge des plans sociaux, et la survenance de plusieurs plans sociaux particulièrement douloureux. Il a souhaité que le rapport de la Cour des comptes, particulièrement sévère pour le passé, éclaire l'action du gouvernement pour l'avenir. Il a émis le voeu que l'exigence de sincérité budgétaire, qui n'avait visiblement pas été au coeur de la gestion des crédits de reconversion industrielle au cours des dernières années, trouve un écho dans le prochain projet de loi de finances et s'est félicité que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie souhaite réformer son organisation administrative dans un sens qui ne pourra qu'être favorable à une plus grande efficience des actions de restructuration financées. Il a enfin souligné le rôle de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, qui instaurant une exigence d'évaluation, obligera les gestionnaires de crédits publics à proposer au Parlement des objectifs clairs et des indicateurs de performances permettant de juger de la pertinence de la dépense publique.

M. François Logerot, premier président de la Cour des comptes, a présenté le travail de la Cour des comptes qui portait sur la gestion depuis 1995 des trois chapitres budgétaires du secrétariat d'Etat à l'industrie dédiés aux actions de développement et aux restructurations industrielles. Il a mis en avant les quatre idées principales du rapport : ce rapport a observé que les aides aux entreprises reposaient sur une structure administrative complexe demandant à être simplifiée, a regretté le manque de clarté dans la définition des aides aux entreprises et le saupoudrage qui en résultait, a relevé diverses irrégularités et défaillances dans la mise en oeuvre des mesures, en particulier le non-respect dans tous les cas des obligations communautaires et enfin s'est interrogé sur l'efficacité de ces aides.

M. Jean-Loup Arnaud, conseiller maître, adétaillé l'enquête de la Cour des comptes, en précisant que le contrôle n'avait porté que sur les crédits de restructuration du secrétariat d'Etat à l'industrie depuis 1995, soit 167 millions d'euros, qui ne représentaient qu'une petite partie des crédits d'aide aux restructurations gérés, pour la plupart, par le ministère des affaires sociales. Il a justifié la méthode de la Cour des comptes, consistant à regrouper des crédits répartis de manière éclatée au sein du budget du secrétariat d'Etat, par la nécessité d'une vue d'ensemble. Il a noté le manque de lisibilité des crédits de restructuration, de reconversion et de développement industriels et relevé de nombreuses imputations budgétaires contestables. Il a indiqué que le non-respect des obligations communautaires avait pu aller jusqu'à la rétention d'informations et constaté que, dans certains cas, alors que les engagements de l'entreprise n'avaient pas été tenus, les aides avaient tout de même été versées. Sans méconnaître les difficultés inhérentes aux actions menées, il a émis des réserves et des doutes sur certaines d'entre elles, remarquant des effets d'aubaine significatifs. Il a également indiqué que, dans 40 % des cas, les entreprises bénéficiaires avaient cessé leur activité peu après le versement de la subvention du secrétariat d'Etat. Tout en reconnaissant que les aides avaient permis, dans un certain nombre de cas, une pérennisation de l'activité de l'entreprise, il a remarqué que ces succès avaient été obtenus pour un coût très élevé, au prix de mesures dérogatoires, qui posaient des questions d'égalité de traitement.

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, commentant la communication de la Cour des comptes, a souligné que les crédits contrôlés, au titre de la gestion passée, de manière globale, répondaient en réalité à des objectifs différents : d'une part favoriser le développement industriel, d'autre part faciliter les mutations industrielles. Elle a fait observer que ces crédits ne représentaient qu'une part des crédits dont disposait son département ministériel, la majeure partie visant à contribuer au financement de programmes de recherche et de développement industriels ou à la diffusion de technologies innovantes dans le tissu industriel français.

Répondant à certaines analyses générales de la Cour des comptes, elle a montré en premier lieu, en ce qui concernait les compétences respectives du ministère des affaires sociales et du ministère délégué à l'industrie, que l'intervention du ministère de l'industrie permettait de renforcer le dispositif d'accompagnement social, car les dispositions légales d'accompagnement social ne s'appliquaient plus en cas de redressement judiciaire. Elle a attiré l'attention sur le fait que, si ces moyens exceptionnels figuraient dans le budget du ministère des affaires sociales, ils seraient sollicités de façon systématique par les partenaires sociaux, les élus et les administrateurs judiciaires. Elle a considéré que le rôle de l'Etat n'était pas de se substituer à l'entreprise, mais de chercher, avec les collectivités territoriales concernées, la réaction adaptée.

Elle a souscrit, en second lieu, aux analyses de la Cour des comptes relatives à la nécessité de simplifier l'organisation administrative actuelle. Précisant que le projet de loi de finances pour 2004 prévoirait pour son ministère le principe d'un remplacement sur deux départs à la retraite, elle a annoncé que, sur les quatre directions d'administration centrale que comptait son département ministériel, deux directions, la Direction générale de l'industrie, des technologies de l'information et des postes (DIGITIP) et la Direction de l'action régionale et de la petite et moyenne industrie (DARPMI), seraient fusionnées à l'été 2003 et que, dans le cadre de la décentralisation, les aides individuelles aux entreprises seraient transférées aux régions pour gagner en efficacité.

Elle a souligné, en troisième lieu, que le recours aux organismes privés extérieurs à l'administration, pour la mise en oeuvre des politiques d'aides à l'industrie, contesté par la Cour des comptes, avait un caractère exceptionnel et limité, et que désormais, le recours à des organismes-relais ne serait plus systématiquement privilégié. Elle a, de plus, précisé que certains programmes gérés par des organismes-relais pourraient être transférés aux régions en 2004.

Elle a déclaré, en quatrième lieu, ne pas partager l'analyse de la Cour des comptes selon laquelle la situation sociale et économique en Lorraine ne justifiait plus le maintien du dispositif spécifique que constituait le fonds d'industrialisation de la Lorraine (FIL). Elle a, en effet, fait valoir que le déclin des grandes industries traditionnelles de la région se poursuivait et noté les difficultés de certaines activités de reconversion.

En cinquième lieu, Mme Nicole Fontaine a nuancé le constat de la Cour des comptes notant l'insuffisance de la consommation de certains crédits, en indiquant qu'au rythme actuel de consommation des crédits en 2003, les montants initialement prévus ne seraient pas suffisants.

En conclusion, elle a fait part, dans la perspective de la préparation du budget pour 2004, de son recours à un expert indépendant pour permettre de mieux faire correspondre ses priorités d'actions avec les moyens disponibles. Elle a précisé et détaillé les principales priorités de son action ministérielle. Elle a observé que la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances faciliterait la fixation d'objectifs, par grande action prioritaire, et permettrait ainsi une meilleure évaluation des résultats obtenus.

M. Jean Clouet, rapporteur spécial des crédits de l'industrie, se référant au travail de la Cour des comptes, a noté le paradoxe qui consistait à auditionner un ministre sur un rapport portant sur « l'activité d'un ministre qui n'est plus ministre ». Il a appelé de ses voeux l'amélioration de la présentation du budget de l'industrie. Il s'est interrogé sur la possibilité de laisser certaines initiatives de reconversion industrielle à l'action privée. Il s'est étonné que le secrétariat d'Etat à l'industrie n'ait pas, à l'époque, vérifié systématiquement le « service fait » par le passé. Il a jugé le « taux de mortalité » des entreprises aidées particulièrement élevé.

En réponse, Mme Nicole Fontaine a souligné que les réformes en cours, et notamment la décentralisation, allaient profondément modifier la physionomie du budget de l'industrie. En ce qui concernait le taux de survie des entreprises aidées, elle a fait remarquer qu'il fallait distinguer selon les crédits, le financement des activités nouvelles dans les bassins de conversion recueillant, par exemple, un taux de survie des entreprises de 75 % sur cinq ans. Elle a souligné que dans le cas de certaines entreprises aidées, l'intervention de l'Etat avait eu lieu après le dépôt de bilan, ce qui nuançait quelque peu les chiffres de la Cour des comptes. Elle a reconnu qu'en matière de « service fait », les irrégularités devaient disparaître.

Un large débat s'est ensuite engagé.

Répondant à une question de M. Jean Arthuis, président, sur la mise à disposition d'emplois par EDF, M. Bertrand Fragonard a indiqué que ces mises à disposition, qui prévoyaient une prise en charge par EDF de 50 % du salaire, avaient cessé au second semestre 2001.

M. Yves Fréville s'est demandé qui prenait véritablement les décisions dans le circuit administratifdes aides aux restructurations industrielles. Il s'est interrogé sur le processus d'évaluation de ces aides, souhaitant que l'Etat puisse avoir connaissance ex post de l'ensemble des aides versées pour une entreprise donnée. Il a émis le voeu qu'en cas de retour à « meilleure fortune », l'entreprise puisse rembourser les aides dont elle avait bénéficié.

M. François Marc a exprimé sa conviction que les aides versées par le passé avaient eu leur utilité pour permettre la pérennité de certaines entreprises, même si certaines conditions de forme n'avaient pas été respectées.

M. Eric Doligé a souligné l'intérêt de mobiliser les aides économiques au plus près des entreprises et le plus en amont possible. Il a considéré que la décentralisation de ces aides constituait une mesure pertinente en termes d'efficacité.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur l'utilité de ces aides publiques, souvent attribuées sur des bases discriminatoires au regard des règles de la concurrence. Il a suggéré que, dans les cas exceptionnels où elles devraient être maintenues, elles prennent la forme d'avances remboursables lors du retour à « meilleure fortune ».

En réponse à la suggestion de développer des prêts et des avances remboursables, procédure d'ailleurs déjà largement utilisée au ministère de l'industrie avec, par exemple, les aides remboursables de l'Agence nationale de valorisation de la recherche (ANVAR), Mme Nicole Fontaine a reconnu que cette proposition méritait d'être approfondie. Elle a conclu en indiquant que le ministère de l'industrie allait sans nul doute vers un budget plus lisible.

La commission a ensuite décidé de publier sous forme de rapport d'information la communication de la Cour des comptes, accompagnée du procès-verbal de cette audition.

Mercredi 7 Mai 2003

- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Impôts et taxes - Culture - Mécénat, associations et fondations - Examen du rapport

La commission a tout d'abord examiné le rapport de M. Yann Gaillard sur le projet de loi n° 234 (2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, relatif au mécénat, aux associations et aux fondations.

Rappelant le contexte dans lequel s'insérait cette initiative du gouvernement, M. Yann Gaillard, rapporteur, a rappelé les éléments chiffrés constitutifs d'un certain retard français en matière de mécénat : les quelque centaines de fondations reconnues d'utilité publique françaises pesaient peu au regard des 12.000 fondations américaines, des 3.000 « charity trust » britanniques et des 2.000 fondations allemandes.

Puis il a insisté sur les caractéristiques du projet de loi que sont la simplicité et la généralité des mécanismes fiscaux mis en place pour stimuler le mécénat et la générosité publique en général.

D'une part, le champ ouvert par le texte était très vaste, puisqu'il couvrait non seulement les activités à caractère culturel mais également toutes celles présentant le caractère d'oeuvres de bienfaisance, étant précisé que l'organisme bénéficiaire devait avoir un caractère d'intérêt général, c'est-à-dire qu'il ne devait pas agir au bénéfice d'un cercle restreint de personnes et ne comporter aucune contrepartie directe pour le donateur.

D'autre part, le rapporteur a évoqué les grandes lignes des mécanismes fiscaux prévus par le projet de loi tant pour les particuliers que pour les entreprises :

- le taux de la réduction d'impôt sur le revenu, dont bénéficiaient les dons aux organismes d'intérêt général, était porté à 60 % pour toutes les catégories d'organismes quel que soit leur objet social ; le plafond des dons en pourcentage du revenu imposable passait de 10 % à 20 %, tandis que les dépassements étaient reportables sur les quatre exercices suivants, ce qui avait pour conséquence de permettre à une personne de déduire un don égal à son revenu imposable sur une période de cinq ans ;

- le régime du mécénat d'entreprise était profondément transformé par la substitution au système actuel de déduction de charges du résultat imposable, d'un mécanisme de réduction d'impôt de 60 %, soit le même taux que celui applicable aux particuliers. Parallèlement, le plafond des déductibilités était unifié et porté à 5 %o avec une possibilité de report des excédents sur les quatre exercices suivants.

M. Yann Gaillard, rapporteur, a ensuite évoqué les autres sujets abordés par le texte notamment en matière de régime fiscal des fondations et associations reconnues d'utilité publique, ainsi que des organismes d'aide aux personnes en difficulté dont la spécificité ne lui semblait pas suffisamment reconnue dans le droit existant.

Après avoir évoqué les apports de l'Assemblée nationale, notamment pour renforcer tant la sécurité juridique des organismes d'intérêt général que pour assurer un meilleur contrôle de la dépense fiscale, il a présenté les grandes lignes des amendements qu'il avait l'intention de soumettre à la commission. Ceux-ci s'efforçaient de répondre à trois soucis :

- la définition d'un juste équilibre entre la nécessité d'un contrôle de l'emploi des dons et la liberté d'association et de fondation ;

- l'accentuation de la spécificité des régimes fiscaux des fondations reconnues d'utilité publique et des organismes d'aide aux personnes en difficulté ;

- l'assouplissement du régime fiscal des achats d'art contemporain par les entreprises.

Il a conclu son intervention en soulignant l'importance du projet de loi du point de vue de la baisse des prélèvements obligatoires entreprise courageusement par le gouvernement en dépit d'une conjoncture économique et financière difficile.

M. Philippe Marini, rapporteur général, est alors intervenu pour regretter que le projet de loi n'aille pas aussi loin qu'il eût été souhaitable dans la définition d'un cadre législatif de nature à favoriser le développement des fondations ; il s'est inquiété, en outre, du régime fiscal applicable en cas de dons d'un monument historique à l'Etat ou à un organisme d'intérêt général.

Un large débat a alors eu lieu au cours duquel sont intervenus MM. Jean Arthuis, président, Gérard Miquel, François Trucy, Claude Belot, Aymeri de Montesquiou, Paul Loridant, Yves Fréville et Yann Gaillard, rapporteur, et où ont notamment été évoquées les questions de transparence fiscale et de suivi des dons par les organismes de contrôle, de dons d'oeuvres d'art et de monuments historiques, ainsi que du choix entre les systèmes de la réduction ou du crédit d'impôt.

Puis la commission a procédé à l'examen des articles.

A l'article premier, la commission a adopté, sur proposition du rapporteur, trois amendements :

- le premier, à caractère essentiellement rédactionnel, tendant à prévoir que les organismes d'intérêt général pouvaient concourir non seulement à la mise en valeur du patrimoine artistique mais aussi à un encouragement à la création contemporaine ;

- le second disposant que les organismes d'aide aux personnes en difficulté pouvaient bénéficier d'un plafond spécifique de 25 % en pourcentage du revenu imposable ;

- le troisième procédant à une nouvelle rédaction de la procédure de « rescrit » introduite par l'Assemblée nationale pour permettre aux associations qui le désiraient, de savoir si elles rentraient dans le champ d'application de l'article 200 du code général des impôts.

A l'article premier ter, la commission a adopté un amendement prévoyant que certains organismes et notamment ceux bénéficiant de dons ouvrant droit à un avantage fiscal devaient assurer la publicité et la certification de leurs comptes annuels dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, lorsque les dons qu'ils recevaient étaient supérieurs à un montant fixé par décret.

A l'article 2, la commission a adopté un amendement exonérant les fondations reconnues d'utilité publique d'impôt sur les sociétés pour la part de leurs revenus actuellement soumis au taux privilégié de 24 % et de 10 %.

A l'article 3, la commission a adopté deux amendements :

- le premier de nature purement rédactionnelle reprenant la mention de la création contemporaine déjà évoquée au niveau du régime fiscal des entreprises ;

- le second tendant à assouplir les obligations d'exposition au public des oeuvres originales d'artistes vivants en réduisant la durée de cette obligation à la période d'amortissement de l'oeuvre.

A l'article 4, la commission a élargi aux dons en nature, et non plus seulement aux versements en espèces, le bénéfice de l'exonération de droits de mutation dont pouvaient bénéficier les héritiers, donataires ou légataires, donnant à des oeuvres d'intérêt général une fraction des biens qu'ils recevaient en héritage.

A l'article 7, la commission a adopté un amendement prévoyant que les organismes bénéficiaires de dons ouvrant droit à un avantage fiscal étaient soumis au contrôle de l'inspection générale des finances et à l'inspection générale des ministères techniques dans leur champ de compétences respectif.

A l'issue d'un ultime échange de vues, la commission a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

Mission d'information à l'étranger - Compte rendu de la mission en Argentine

La commission a ensuite entendu le compte rendu de la mission effectuée en Argentine du 12 au 18 avril 2003 par une délégation du Bureau de la commission représentant toutes ses composantes politiques.

M. Jean Arthuis, président, a indiqué que la mission avait un triple objet : approfondir les travaux de la commission sur la régulation financière internationale dans un pays caractérisé par un fort endettement extérieur ; étudier la situation économique et politique à la veille de l'élection présidentielle ; apprécier la présence diplomatique et économique française en Argentine.

Il a d'abord rappelé le contexte social et politique argentin, qui a pu être défini comme caractérisé par le déclassement rapide d'une « société à l'européenne ».

Rappelant que le retour à la démocratie datait de l'élection du candidat radical, M. Raul Alfonsin, à la présidence de la République, en 1983, il a précisé que le « miracle économique argentin » qui avait marqué le premier mandat présidentiel du péroniste M. Carlos Menem avait brutalement pris fin à la fin des années 1990 et que les radicaux, revenus au pouvoir en décembre 1999 après l'élection de M. Fernando de la Rua, avaient appliqué des plans d'austérité impopulaires, dans un contexte économique encore dégradé par la dévaluation du real brésilien. Ainsi en décembre 2001, les restrictions aux retraits bancaires avaient catalysé une révolte populaire et le retour des péronistes à la tête de l'Etat. Relevant que l'état actuel de l'économie argentine marquée par l'arrêt de l'hyperinflation, la levée des restrictions bancaires et un accord de rééchelonnement de la dette justifiaient une appréciation relativement optimiste de la situation, qualifiée par les Argentins d'été indien (« veranito»), il a rappelé la « tragédie sociale » qu'avait suscitée la crise. Le PIB par habitant, en termes de parité de pouvoir d'achat, était revenu de 10.000 dollars en 1997 à 2.500 dollars aujourd'hui ; le recul du PIB enregistré en 2002 a été de l'ordre de 15 % , et 60 % de la population disposait de revenus inférieurs au seuil de pauvreté (450 euros par an). Quant au chômage, qui touchait près du quart de la population active, il était particulièrement élevé dans les quartiers populaires, telle la commune de la Matanza dans la banlieue de Buenos Aires dont les membres de la délégation de la commission des finances avaient pu constater que les habitants n'avaient plus accès à l'alimentation de base. De façon générale, il a souligné que l'impopularité du système judiciaire traduisait une perte de confiance dans l'Etat.

M. Jean Arthuis, président, a ensuite abordé la question de la régulation financière dans un pays en crise. Bien que l'Argentine se soit affirmée comme une puissance économique majeure, notamment au début du vingtième siècle, les bases du développement industriel se sont avérées insuffisantes, alors que les détenteurs argentins de capitaux privilégiaient souvent les placements à l'étranger, dont le montant atteignait 140 milliards de dollars, soit un montant presque égal à celui de la dette extérieure du pays. Il a rappelé que des erreurs de politique économique avaient encore fragilisé cette situation, notamment la « financiarisation » excessive de l'appareil de production et surtout le maintien d'une parité artificielle avec le dollar sous la présidence de M. Carlos Menem. La dévaluation du peso, au début de l'année 2002, avait ainsi ruiné de nombreux Argentins, alors que se dégradait la qualité de services publics, reconnus pourtant comme étant de niveau élevé dans les années 1980. A l'avenir, l'assainissement du système bancaire et financier, la réforme de la fiscalité et la simplification des structures fédérales étaient considérés comme autant d'axes de réforme pour assainir l'économie argentine sans toutefois l'affaiblir davantage.

M. Jean Arthuis, président, a souligné que l'élection présidentielle en cours et le renouveau du processus d'intégration économique au sein du Marché commun du cône sud (Mercosur) constituaient des enjeux déterminants d'un scénario de sortie de crise, dont MM. Menem et Kirchner, candidats au second tour de l'élection présidentielle incarnaient toutefois deux stratégies et deux visions politiques différentes. Au plan économique, les objectifs d'élimination des droits de douane et d'établissement d'un tarif extérieur commun au sein du Mercosur devraient être fortifiés en raison du manque actuel de coordination des politiques économiques nationales, d'autant plus que les présidents brésilien et argentin voulaient relancer le processus politique d'intégration en développant une « destinée commune » pour les pays de la zone du cône sud. Un rapprochement avec l'Union européenne était, en outre, envisagé sur les questions agricoles.

Enfin, il a souligné que la voix originale de la France restait très écoutée en Argentine tant par les liens tissés dans le domaine culturel, qu'au plan diplomatique, où le soutien apporté à la politique du Président Jacques Chirac à l'égard de l'Irak s'inscrivait selon les interlocuteurs argentins rencontrés, dans le prolongement d'échanges noués depuis le voyage du général de Gaulle, dans ce pays, en 1964.

Concernant les acteurs du rayonnement de la France, M. Jean Arthuis, président, a rappelé, à cet égard, l'exigence de la « nécessaire appropriation » des enjeux de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances par les postes diplomatiques, qu'il s'agisse de la possibilité de disposer d'une vue d'ensemble des coûts budgétaires du poste, du statut et de la rémunération des agents recrutés localement ou de la mise en place d'indicateurs pertinents de performance. Il a mentionné les outils de cette politique de rayonnement de la présence culturelle française en Argentine, plus particulièrement le lycée français Jean Mermoz, le réseau des Alliances françaises, ou les échanges universitaires. Au plan économique, il a toutefois souligné les difficultés des entreprises françaises concessionnaires de services publics et à l'origine de forts investissements dans les secteurs des hydrocarbures ou de la téléphonie, mais dont les dettes étaient aujourd'hui exprimées en dollars et les recettes en pesos.

En conclusion, il a mis en exergue la situation transitoire où se trouvait l'Argentine, et la tâche qui incomberait à son futur chef de l'Etat dans un pays qui avait « perdu ses classes moyennes » et devait dès lors retrouver confiance dans son propre avenir.

M. Roland du Luart a souligné que lors de son premier mandat M. Carlos Menem avait réussi à stabiliser une situation économique, caractérisée par un taux d'inflation de 8.000 %, mais que la principale erreur économique, au cours du second mandat avait été de différer la dévaluation. Un redressement durable de l'Argentine exigeait aussi, selon lui, l'assainissement de la vie politique.

En réponse à une observation de M. Paul Loridant évoquant le souvenir qu'il avait gardé de l'Argentine, MM. Jean Arthuis, président, et Yann Gaillard ont souligné que les fortes tensions sociales qu'ils avaient été à même d'observer témoignaient d'une préoccupante dégradation économique.