Table des matières




- Présidence de M. Jean Arthuis, président, et de M. Joël Bourdin, président de la Délégation du Sénat pour la planification.

Fiscalité - Union européenne - Réformes fiscales intervenues dans les pays européens dans les années 90 - Communication

A l'occasion d'une réunion commune, la commission et la délégation pour la planification ont entendu une communication de M. Joël Bourdin, président de la délégation pour la planification, et de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, sur les réformes fiscales intervenues dans les Etats européens au cours des années 90.

M. Jean Arthuis, président
, a souligné que, pour la première fois, la commission des finances et la délégation pour la planification se réunissaient de manière conjointe. Il a précisé que la commission des finances avait déjà publié deux rapports d'information sur la fiscalité en Europe, respectivement en 1990 et en 1999, s'appuyant chacun sur une étude de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Il a ajouté que la présente étude, sur les réformes fiscales intervenues dans les Etats européens au cours des années 90, que l'OFCE venait de remettre à la commission et à la délégation pour la planification, était donc la troisième réalisée sur ce thème pour le Sénat, et s'est félicité de la qualité de cette collaboration.

A titre liminaire, après avoir souligné l'imprécision de la notion de prélèvements obligatoires, M. Joël Bourdin, président de la délégation pour la planification, a indiqué que ce taux s'était accru, en Europe, de 1,8 point de PIB, seuls, deux Etats - l'Irlande et les Pays-Bas - l'ayant diminué. Il a estimé que ce phénomène provenait du fait que certains Etats du sud de l'Europe, en retard de développement, avaient considérablement augmenté leur pression fiscale, et que les Etats européens avaient dû réduire leurs déficits publics afin de satisfaire aux critères de convergence fixés par le traité sur l'Union européenne. Il a ajouté que la France était, avec la Belgique, l'Etat dont le taux de prélèvements obligatoires était le plus élevé, à l'exception des Etats scandinaves.

M. Joël Bourdin, président de la délégation pour la planification, a également considéré qu'aucun Etat européen n'avait réalisé de réforme importante de sa fiscalité, si l'on définissait l'expression « réforme » comme recouvrant un ensemble de mesures destinées à modifier sensiblement soit le niveau, soit l'architecture des prélèvements obligatoires, dans le cadre de la poursuite d'objectifs clairement énoncés.

Il a ajouté qu'un paradoxe était que l'augmentation du poids des prélèvements obligatoires dans le PIB des Etats de l'Union européenne s'était accompagnée d'une diminution des taux légaux de prélèvement, aussi bien dans le cas de l'impôt sur les sociétés que dans ceux de l'impôt sur le revenu, voire de la taxe sur la valeur ajoutée, qui n'entrait pas dans le champ de l'étude. Il a estimé que ce phénomène provenait, d'une part, de la structure de la croissance économique, et, d'autre part, de l'élargissement des bases d'imposition.

Enfin, M. Joël Bourdin, président de la délégation pour la planification, a estimé que les réductions de cotisations sociales avaient, en France, pour objectif, moins de réduire le coût du travail que de compenser la hausse de celui-ci, suscitée par la réduction du temps de travail et les augmentations du SMIC. 

M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que la « globalisation » de l'économie rendait d'autant plus nécessaire pour la France de pouvoir faire face, dans des conditions favorables, à la concurrence fiscale de ses partenaires. Il a jugé que le « benchmarking », ou « étalonnage », réalisé par l'OFCE, suggérait que la situation n'était pas favorable à la France, que l'on considère le taux de prélèvements obligatoires, la fiscalité du revenu, celle de l'épargne, celle des entreprises ou celle du travail.

Il a indiqué que la France avait l'une des fiscalités les plus lourdes de l'Union européenne, avec un taux de prélèvements obligatoires de 45,5 % du PIB en 1999 et de 45 % du PIB en 2001. Il a rappelé que, selon les simulations du Centre d'observation économique (COE) de la chambre de commerce et d'industrie de Paris réalisées pour la commission à l'occasion du débat d'orientation budgétaire pour 2001, il avait été établi qu'une diminution des prélèvements obligatoires, compensée par une diminution équivalente des dépenses publiques, pourrait être bénéfique à la croissance, en particulier si cette diminution concernait l'impôt sur le revenu et les cotisations sociales. Il a indiqué qu'une telle réforme avait été mise en oeuvre aux Pays-Bas, où le taux de prélèvements obligatoires avait baissé de 2,6 points de 1991 à 2001, revenant de 41,8 % à 39,2 % du PIB, essentiellement du fait d'une baisse des impôts directs sur les ménages (moins 4,8 points de PIB) et des cotisations sociales (moins 0,8 point de PIB), la réduction supérieure des dépenses publiques ayant permis, globalement, une amélioration du solde public structurel.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a considéré que la fiscalité française était également mal conçue. Il a affirmé que, sur la base du critère du taux implicite de taxation des entreprises, la France apparaissait comme le deuxième Etat le moins bien placé en Europe. Il a également estimé que l'impôt sur le revenu était, en France, à la fois parmi les moins productifs, et les plus désincitatifs, son taux maximum figurant parmi les plus élevés, et parmi ceux concernant la plus grande proportion de ménages. Il a considéré que la fiscalité française était également parmi les plus inadaptées en ce qui concernait l'épargne, la surtaxation des revenus des actions par rapport à ceux des obligations, qui existait dans la plupart des Etats européens, étant, en France, particulièrement marquée. Enfin, il a jugé qu'en France une part importante des allégements spécifiques de cotisations sociales pouvait être imputée, moins à un objectif de réduction du coût du travail des actifs les moins qualifiés, qu'à la nécessité de compenser le surcoût salarial occasionné par la diminution de la durée du travail.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a considéré que l'harmonisation des fiscalités des Etats de l'Union européenne était nécessaire, mais que, la politique fiscale pouvant être considérée comme l'expression de la souveraineté fiscale des Etats, la vitesse de cette harmonisation en était nécessairement affectée. Il a rappelé que, lors de son audition par la commission le 27 mai 2003, M. Pedro Solbes, commissaire européen chargé des affaires économiques et monétaires, avait indiqué que les mesures en matière d'harmonisation fiscale ne devraient, selon lui, être prises à la majorité qualifiée que dans le cas des impositions indirectes affectant le marché intérieur. Il a estimé que les aspects institutionnels de l'harmonisation fiscale n'avaient pas été suffisamment abordés par la convention sur l'avenir de l'Europe. Il a néanmoins salué l'adoption par le Conseil « Ecofin », le 3 juin dernier, d'un « paquet fiscal », comportant notamment une directive sur la fiscalité de l'épargne, prévoyant d'instaurer un échange d'informations entre administrations fiscales.

En conclusion, M. Philippe Marini, rapporteur général, a souligné l'intérêt de travaux tel celui réalisé par l'OFCE, et la nécessité, pour la France, de réformer sa fiscalité afin que la concurrence fiscale ne joue pas en sa défaveur.

Un large débat s'est alors engagé.

M. Jean Arthuis, président, a estimé que l'harmonisation fiscale européenne était insuffisante. Il a en particulier évoqué la récente suppression, par l'Italie, de ses droits de mutation.

M. Jacques Oudin a considéré que la réduction du taux de prélèvements obligatoires était difficile pour les grands Etats, que certains prélèvements obligatoires pourraient être utilement transformés en redevances, que l'efficacité des administrations publiques devait être améliorée, et que certaines dépenses publiques, comme celles en matière d'infrastructures de transports, favorisaient le développement économique.

M. Maurice Blin s'est interrogé sur la part de l'impôt sur le revenu dans les ressources fiscales et s'est demandé si la fiscalité française favorisait trop la demande par rapport à l'offre. Il a considéré que l'importance des dépenses relatives à la politique de l'emploi n'empêchait pas la France d'avoir un taux de chômage élevé, et que la fiscalité des Etats de l'Union européenne ne leur permettait pas d'affronter la concurrence fiscale des Etats-Unis dans des conditions favorables.

Evoquant le cas de distorsions économiques suscitées par les différences entre les systèmes fiscaux français et espagnol, M. Auguste Cazalet a fait état de son pessimisme quant à la possibilité d'une réelle harmonisation fiscale entre Etats européens.

M. Gérard Bailly, membre de la délégation pour la planification, a estimé que les nouvelles charges des collectivités territoriales, telles que l'allocation personnalisée d'autonomie, allaient susciter une augmentation de leurs prélèvements obligatoires, alors que le contexte budgétaire incitait à une réduction des dotations et subventions de l'Etat aux collectivités territoriales.

M. Jean Arthuis, président, a estimé que l'harmonisation fiscale en Europe était très insuffisante. Il a considéré que la France se caractérisait à la fois par un taux de prélèvements obligatoires élevé et par un solde public fortement déficitaire, et que la seule grande réforme fiscale qu'elle avait réalisée ces dernières années était l'instauration de la contribution sociale généralisée (CSG). Il a en outre jugé que, dans une économie globalisée, l'impôt permettant d'affronter la concurrence fiscale dans les meilleures conditions était celui sur la consommation, cette dernière n'étant pas délocalisable.

En réponse aux différents intervenants, M. Joël Bourdin, président de la délégation pour la planification, a indiqué que quatre Etats avaient réduit leur taux de prélèvements obligatoires de 1990 à 2000 (la Suède, les Pays-Bas, l'Irlande et le Japon). Il a estimé que la proposition de transformer certains prélèvements obligatoires en redevances était intéressante, et que l'impact des différents types d'investissement sur la croissance était difficile à évaluer.

Continuant à répondre aux questions posées, M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que la décentralisation était susceptible de réduire le taux de prélèvements obligatoires. MM. Philippe Marini, rapporteur général, Jean Arthuis, président, et Yann Gaillard, ont déploré l'échec de la tentative de réforme de l'administration fiscale menée par le précédent gouvernement. M. Philippe Marini a indiqué que la part de l'imposition du revenu dans le PIB était en France plus faible que dans la plupart des autres Etats européens, et a estimé que la fiscalité française était excessivement favorable à la demande, et pas assez à l'offre. Dans le cas de l'impôt sur les successions, il a renvoyé au récent rapport d'information (n° 65, 2002-2003) réalisé par la commission sur « la fiscalité des mutations à titre gratuit ». Il a, enfin, estimé que l'éventualité d'une augmentation du taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée ne devait pas être écartée.

La commission et la délégation pour la planification ont décidé de publier l'étude de l'OFCE, précédée d'un texte de présentation, sous la forme d'un rapport d'information commun à la commission et à la délégation pour la planification.

Mercredi 11 juin 2003

- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Loi de finances pour 2003 - Exécution du budget du ministère délégué à la coopération et à la francophonie - Audition de M. Pierre-André Wiltzer

La commission a procédé à l'audition de M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, sur l'exécution du budget 2003 de son ministère.

M. Jean Arthuis, président, a indiqué que l'audition du ministre délégué à la coopération et à la francophonie venait poursuivre une série d'auditions relatives à l'exécution du budget 2003, après celles des ministres de l'écologie et de la santé, auxquelles les rapporteurs pour avis des commissions compétentes avaient été conviés. Il a rappelé que l'aide publique au développement (APD) constituait une priorité présidentielle et que des engagements fermes, mais réalistes, avaient ainsi été pris en 2002, en vue d'atteindre 0,5 % du PIB d'ici à 2007. Il a relevé que le récent sommet d'Evian était venu rappeler la nécessité d'une plus grande ouverture au Sud, mais aussi la difficulté de la hiérarchisation des priorités et de la coordination entre bailleurs. Le terrorisme, les récents conflits et les chroniques errements de l'Afrique avaient également contribué à ternir le relatif optimisme qui s'était fait jour à l'occasion des nombreuses initiatives multilatérales de 2002 (Monterrey, Kananaskis, NEPAD...).

Sur un plan plus strictement budgétaire, il a estimé que la hausse promise de l'APD était plus difficile à tenir dans un contexte budgétaire très contraint. Les dépenses d'APD, dans l'acception retenue par le gouvernement, n'avaient pas été frappées par les annulations de crédit de fin mars 2003, mais sollicitées à hauteur de 91,7 millions d'euros, soit 2,4 % des crédits de fonctionnement et 10 % des crédits d'investissement, lors de la mise en place des « réserves de précaution et d'innovation », intervenue fin janvier 2003. Il a ainsi considéré que, dans ce contexte, la légitimité des dépenses d'APD reposait d'autant plus sur la mesure de leur efficacité, ce qui le conduisait à interroger le ministre sur les mesures initiées pour accroître l'efficacité de la dépense publique et sur la physionomie du budget de l'APD pour 2004.

Il a ensuite évoqué le « signal » lancé à l'occasion du dernier débat budgétaire, au cours duquel la commission des finances avait proposé une réduction de crédits de 2 millions d'euros sur les subventions aux opérateurs télévisuels et sur les missions d'expertise de courte durée. Il a enfin invité le ministre à faire le point sur la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, qui se traduirait par la perspective d'un programme exclusivement consacré à la coopération et au développement.

M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, a tout d'abord indiqué que la situation budgétaire de la coopération internationale était le produit de deux influences contradictoires : d'une part, la conjoncture budgétaire, qui découlait du fort ralentissement de la croissance économique internationale ; d'autre part, la volonté de relever l'aide française au développement affirmée par le Président de la République et le Premier ministre.

Il a rappelé que la loi de finances initiale pour 2002 avait accordé au ministère des affaires étrangères 3,6 milliards d'euros de dépenses ordinaires et de crédits de paiement et 3,7 milliards d'euros d'autorisations de programme. Au sein de ces masses, les actions de coopération bénéficiaient de 1,63 milliard d'euros de crédits de paiement et de la quasi-totalité des autorisations de paiement, dont 3,35 milliards d'euros pour le seul Fonds européen de développement.

Il a également précisé que deux lois de finances rectificatives étaient intervenues, l'une au cours de l'été et l'autre à la fin de l'année. La première avait eu pour principal impact le réabondement des crédits destinés au Fonds européen de développement, fortement sous-doté en loi de finances initiale. La seconde loi de finances rectificative avait essentiellement annulé 51 millions d'euros sur les crédits d'intervention du titre IV, ce qui représentait moins de 7 % des crédits ouverts en loi de finances initiale et restait donc dans les limites des contraintes supportables.

Il a indiqué que 2002 avait été une année positive en termes d'effort global d'APD, puisque celui-ci avait représenté, selon les chiffres publiés par le Comité d'aide au développement de l'OCDE, 0,36 % du produit intérieur brut de la France, contre 0,32 % en 2001, et surtout une prévision de 0,34 % annoncée dans le « jaune » de la loi de finances initiale pour 2002. En termes réels, c'est-à-dire en tenant compte de l'inflation et des effets de change, l'augmentation, d'une année à l'autre, avait été de 15 %, faisant ainsi passer la France du 5e au 4e rang des bailleurs de fonds internationaux, devant la Grande-Bretagne. Cette inflexion, voulue par le Président de la République, avait été notamment permise par la volonté de préserver les crédits d'APD dans le cadre des exercices de régulation intervenus au cours du second semestre 2002.

Concernant l'exécution pour l'année 2003, M. Pierre-André Wiltzer a relevé que la loi de finances initiale pour 2003 avait attribué aux actions de coopération 1,68 milliard d'euros, soit une augmentation de 3 % par rapport à 2002, et qu'un décret du 14 mars dernier avait annulé des crédits. Son impact avait toutefois été limité à 15,7 millions d'euros, soit un peu moins de 1 % du total. Il a néanmoins considéré que la mise en réserve de crédits et le gel des reports, qui d'ailleurs n'avaient été que partiellement accordés, avaient des conséquences préoccupantes. Sur le report d'une centaine de millions d'euros de crédits inutilisés à la fin 2002 qui avait était demandé, seule la moitié avait été accordée, pour faire l'objet d'un gel immédiat, alors même que certaines des opérations concernées avaient été reportées à la demande des services du ministère du budget.

Il a également rappelé qu'environ 92 millions d'euros avaient été neutralisés par les réserves dites « d'innovation » et de « précaution », mais que l'essentiel de ces crédits participait heureusement à la réserve de précaution, qui présentait une probabilité moins forte d'être annulée en cours d'année. Il a fait valoir que des mesures avaient été prises pour faire face à l'indisponibilité d'une partie des crédits, et qu'il était nécessaire, dans un souci de gestion responsable, de ne pas engager des sommes dont le dégel restait à confirmer. Les opérations avaient donc été redéployées dans cet esprit. A cet égard, il a indiqué que le principe mis en oeuvre consistait à préserver les actions ayant un impact de moyen terme, quitte à retarder des opérations, certes intéressantes mais plus limitées dans le temps. En pratique, les bourses et l'assistance technique avaient donc été sanctuarisées, et les autres opérations avaient fait l'objet, par précaution, d'un blocage d'en moyenne 18 % des prévisions initiales, dans l'attente d'un dégel au moins partiel.

M. Pierre-André Wiltzer a néanmoins souligné que le cap fixé par le Président de la République, c'est-à-dire atteindre en 2007 une APD représentant 0,5 % du PIB, était cependant fermement tenu, et que l'objectif de 0,39 % fixé dans la loi de finances pour 2003 serait au minimum atteint, et même sans doute dépassé d'après les estimations du ministère des finances. Ceci s'expliquait par l'importance, en 2003 et en 2004, des opérations de traitement de la dette ; l'initiative internationale en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE), ainsi que son complément bilatéral français, les contrats de désendettement/développement (C2D), devant fournir une large part de l'APD durant cette période.

Il a indiqué que cette importance de l'un des aspects de la coopération ne devait pas faire oublier les volets plus traditionnels de l'aide française, qui prendraient le relais de la dette pour assurer la poursuite de l'accroissement de l'APD. C'est dans cet esprit qu'une réflexion était d'ores et déjà engagée pour la mise en oeuvre d'un outil comparable aux contrats de désendettement/développement dans les pays qui ne bénéficient pas de l'initiative PPTE.

Exposant le bilan de sa première année de mandat, il a estimé que les aléas de la conjoncture budgétaire avaient « rogné » à la marge certaines possibilités financières, mais n'avaient cependant pas empêché toute action. Un premier axe consistait à rééquilibrer les actions de coopération en faveur de l'aide bilatérale, en particulier vers l'Afrique. La part bilatérale de l'APD était ainsi passée de 61 % en 2001 à 63 % dès 2002 et devrait atteindre 69 % en 2003. L'Afrique sub-saharienne devrait en outre dépasser la barre symbolique de 50 % du total en 2003 au sein des crédits d'aide au développement du ministère des affaires étrangères.

Il a également indiqué qu'un autre principe essentiel était celui de substituer à l'assistance un réel partenariat avec les bénéficiaires de notre aide. L'initiative africaine du NEPAD constituait à cet égard un changement d'approche fondamental auquel la France avait apporté son soutien, en particulier auprès des autres pays du G8 durant la préparation du sommet d'Evian. Il a fait valoir que la mise en place de nouvelles relations passait aussi par de petites décisions concrètes, et que la France avait décidé d'associer l'un des pays bénéficiaires de son aide au prochain examen de celle-ci par le Comité d'aide au développement de l'OCDE, contribuant ainsi à une meilleure écoute des pays destinataires de l'aide. Il a en outre indiqué que la notion de co-développement lui paraissait devoir être fortement soutenue : un ambassadeur chargé du co-développement avait été nommé, et le co-développement avait été pour la première fois explicitement visé dans la convention de coopération franco-marocaine qui serait prochainement signée par le Premier ministre. Le partenariat devait selon lui se manifester également dans les situations de crise, et le ministère développait à ce titre un ensemble cohérent d'outils pour aider les pays en crise, depuis le rétablissement de la paix jusqu'au retour au fonctionnement normal de l'Etat.

Il a cependant rappelé que le développement, pour de nombreux pays africains, ne pouvait malheureusement pas se concevoir tant que le sida poursuivrait ses ravages. Ceci expliquait l'initiative prise par le Président de la République de tripler la contribution française au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et la malaria. Il a considéré qu'au-delà des volumes d'aide, l'efficacité serait primordiale et qu'il avait ainsi installé en mars une plate-forme commune destinée à renforcer la coopération entre tous les acteurs français publics et privés.

M. Pierre-André Wiltzer a estimé que l'aide au développement devait être l'affaire de tous et qu'il fallait donc améliorer la mobilisation des efforts. L'action des collectivités territoriales était à cet égard particulièrement précieuse par l'expérience de terrain qu'elle apportait à la coopération, et il a indiqué qu'il avait dans cette perspective mené une concertation avec les collectivités territoriales, qui avait déjà débouché sur une déconcentration au niveau régional de la gestion de certains crédits du ministère. Le Code général des collectivités territoriales serait également modifié, en liaison avec le ministère de l'écologie et du développement durable, pour sécuriser juridiquement certaines actions des collectivités territoriales. Il a enfin annoncé qu'un projet de loi était en préparation afin d'améliorer le cadre du volontariat de solidarité internationale, pour permettre que s'exprime pleinement l'élan et la générosité de tous ceux qui souhaitaient s'engager en faveur du développement.

Un large débat s'est alors engagé.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a évoqué les propositions de réduction de crédits que la commission des finances avait faites lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2003, et qui consistaient en une réduction de moitié, soit 1,5 million d'euros, des subventions accordées à CFI-TV, et de 500.000 euros pour les crédits des missions d'expertise de courte durée. Rappelant les propos de M. Pierre-André Wiltzer lors de la séance du 4 décembre 2002 sur la démarche d'évaluation et de certification devant être mise en oeuvre au sein du ministère des affaires étrangères, il s'est également interrogé sur les conditions de gestion, et plus particulièrement sur les indicateurs, de ce ministère au titre de ses actions de coopération. Se référant au rapport budgétaire de M. Michel Charasse sur les crédits d'aide au développement de 2003, il a souligné l'inachèvement de la réforme des structures administratives, tant au niveau déconcentré où les ambassadeurs ne détenaient pas de responsabilité suffisamment affirmée sur des administrations encore cloisonnées, qu'au niveau central, où la Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) faisait encore figure de « monstre » difficilement gérable.

En réponse, M. Pierre-André Wiltzer a souligné que des instructions avaient été données pour diminuer l'impact budgétaire des frais de mission, qui sont revenus de 1,3 million d'euros en 2001 à une prévision d'exécution de 990.000 euros en 2003. Par ailleurs, il a rappelé que le chapitre 42-15 relatif aux missions de courte durée, sur lesquelles il s'est déclaré vigilant, correspondait à des missions menées sur courte période par des experts ne dépendant pas directement du ministère des affaires étrangères, et qui tendaient à suppléer partiellement la diminution de la coopération technique. Concernant la chaîne CFI-TV, il a confirmé que le principe de sa fermeture en 2003 était acquis, mais que sa mise en oeuvre supposait du temps afin d'assurer un glissement de l'audience vers les autres canaux, en particulier TV5 et la future chaîne d'informations à vocation mondiale. Le rôle de banque de programmes de CFI se verrait en outre renforcé. Bien que l'économie budgétaire permise par cette fermeture ne soit pas encore précisément mesurable, son évaluation oscillerait entre 1,71 million d'euros (hypothèse haute) et 470.000 euros.

Il a ensuite relevé que la démarche de certification et de qualité qu'il avait annoncée lors du débat budgétaire était actuellement en phase de définition des moyens et méthodes, parallèlement à la réflexion conduite sur le caractère interministériel de l'action extérieure de la France. Puis il a évoqué la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances et les deux hypothèses actuellement à l'étude : l'activité du ministère des affaires étrangères serait ainsi scindée en deux ou trois programmes, comprenant nécessairement un programme dédié à la coopération internationale qui serait relié à une mission interministérielle portant sur l'action extérieure. Il a enfin précisé que si la DGCID était effectivement parfois perçue comme une structure trop imposante, des allègements devraient être rendus possibles par une plus grande déconcentration auprès des services de coopération et d'action culturelle et une meilleure utilisation du Fonds social de développement.

M. Jacques Chaumont a ensuite formulé une série de questions, relatives au taux de consommation aujourd'hui constaté sur les chapitres 68-80 (subventions d'investissement pour l'action extérieure et l'aide au développement) et 68-91 (Fonds de solidarité prioritaire), qui avaient connu des taux d'utilisation de respectivement 48 % et 95 % en 2002 ; aux chapitres concernés par la mise en réserve de crédits intervenue fin janvier ; à la mise en oeuvre de la priorité affichée portant sur les bourses accordées pour l'accueil d'étudiants étrangers ; et à la gestion internationale du problème de l'approvisionnement en eau. Il s'est également demandé si la Zone de solidarité prioritaire (ZSP) était toujours d'actualité - compte tenu des troubles récents - ou si un recentrage était à l'oeuvre, et quelle était la position de la France au regard des fonds gérés par l'Organisation des Nations unies (ONU) et des institutions financières internationales, en particulier le Fonds monétaire international (FMI), dont il a tenu à déplorer l'action.

M. Pierre-André Wiltzer a répondu que le périmètre de la ZSP, qui comprend aujourd'hui 56 pays, était toujours pertinent, et qu'il n'y avait pas lieu de créer une sous-zone prioritaire (les priorités étant fixées selon l'intérêt de chaque projet d'aide), pas plus que de réduire son format, compte tenu notamment des « blessures et déceptions » qu'avaient auparavant éprouvées certains pays lorsqu'ils avaient été retirés de la Zone. Il s'est également dit attaché à l'utilisation de toutes les possibilités de co-financements, en particulier avec des bailleurs européens tels que le FED. Il a ensuite souligné l'inversion récente de la courbe des étudiants boursiers, dont le nombre tendait à augmenter depuis trois ans et soulevait aujourd'hui des difficultés de logement. Il a indiqué que l'approvisionnement en eau potable figurait au rang des priorités de l'aide française, au même titre que l'éducation de base, la santé et l'alimentation, et qu'il importait de tendre vers la réalisation de l'objectif du millénaire correspondant, qui prévoyait de réduire de moitié d'ici 2015 le nombre de personnes actuellement non reliées à un réseau de distribution d'eau potable. Il s'est déclaré favorable à l'affectation d'un milliard d'euros de reliquats du FED à ce thème, perspective qui se heurtait encore à des résistances mais avait suscité l'intérêt de principe de l'Allemagne, qui constituait le second plus important contributeur de ce Fonds, après la France.

Concernant les contributions aux fonds de l'ONU, il a déploré que les contributions volontaires de la France fussent inférieures à ce qu'elles devraient être, mais a reconnu qu'elles étaient affectées par les mesures de régulation budgétaire. Il a également estimé que le FMI faisait preuve d'un comportement moins « dogmatique » que par le passé et que la France se faisait l'avocat de certains pays lors des négociations portant sur les stratégies et financement post-crises.

Revenant sur les taux de consommation, il a indiqué que la faible utilisation en 2002 des crédits du chapitre 68-80 tenait principalement au report d'un important projet en Chine, pour un montant de 2,2 millions d'euros dont il espérait la mobilisation en 2003. Le taux de consommation pour le chapitre 68-91 devrait en revanche être satisfaisant. En ce qui concernait l'impact de la régulation budgétaire, il a précisé que le FSP et l'AFD n'avaient pas fait l'objet d'annulations de crédits, mais d'une « réserve de précaution » à hauteur de 10 % des crédits ouverts. Les reports de crédits de l'AFD n'avaient en outre pas été gelés, à la différence de ceux du FSP, dont 8 millions d'euros avaient été immobilisés.

M. Maurice Blin a ensuite souligné l'impact de la loi organique relative aux lois de finances sur la consommation des crédits et les diverses défaillances mises en exergue dans le dernier rapport budgétaire de M. Michel Charasse. Il a regretté que le ministre n'ait pas développé le thème de la francophonie. Il a rappelé que le potentiel de la francophonie était certes important en Afrique, où le nombre de francophones tendait à croître, mais s'est demandé s'il ne serait pas plus opportun de consacrer au moins autant de moyens à la défense de la culture française en général plutôt qu'à la langue, et de privilégier davantage un axe de développement Est/Ouest, en s'ouvrant à des pays tels que la Corée du Sud, la Pologne ou la République tchèque, qui présentaient d'intéressantes perspectives pour la culture française et la littérature de jeunesse en particulier.

M. Yves Fréville s'est demandé si la hausse de l'aide bilatérale était due à une diminution des besoins de reconstitution des fonds multilatéraux, ou à une baisse sensible des contributions françaises à ces fonds. Il a également observé que la hausse du nombre d'étudiants étrangers était en partie factice et que la promotion de la francophonie en Europe centrale et orientale devait, par réciprocité, s'accompagner d'une extension de l'enseignement des langues slaves en France.

Mme Marie-Claude Beaudeau s'est interrogée sur la compatibilité des récentes annulations de crédits avec les propos du ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, qui avait parlé de « crédits sécurisés ». Elle a également souhaité obtenir des précisions sur le fonctionnement des C2D, dès lors que la dette des pays débiteurs était abandonnée. Elle a enfin indiqué que l'imminence de l'évaluation décennale de la conférence du Caire devait inciter à réaliser un bilan des contributions multilatérales et de l'aide apportée aux populations, notamment aux femmes.

M. Jean Arthuis, président, s'est attaché à relativiser les critiques formulées à l'encontre des institutions de Bretton Woods. Il s'est ensuite successivement interrogé sur le nombre d'agents affecté à la coopération, quelle que soit l'administration d'origine, sur la possibilité de présenter dès 2004 une première simulation budgétaire conforme aux exigences de la loi organique relative aux lois de finances, sur l'organisation et la nature des relations de travail avec la Banque mondiale, et sur les marges de manoeuvre permises par l'octroi à l'AFD d'une garantie de l'Etat sur un emprunt de 500 millions d'euros, ouverte dans la loi de finances initiale pour 2003.

En réponse, M. Pierre-André Wiltzer a rappelé que l'Organisation internationale de la francophonie faisait figure de pionnière en matière de promotion de la diversité culturelle, et n'était plus perçue comme un « club » fermé ou un organe de lutte contre la langue anglaise. L'extension de la francophonie en Afrique, notamment dans les pays lusophones, ne serait cependant possible que si les moyens de reconstruction des systèmes éducatifs étaient renforcés. Il a, à cet égard, évoqué le potentiel représenté par les 60 millions d'habitants de la République Démocratique du Congo, et les espoirs que portait un ambitieux programme d'aide tel que « Education pour tous » financé par la Banque mondiale dans le cadre des objectifs du millénaire. Il a également relevé que la promotion de la francophonie en Europe centrale et orientale prenait un sens particulier dans le cadre de l'adhésion à l'Union européenne, qui pourrait contribuer à une harmonisation par le biais de la langue anglaise.

Concernant l'aide bilatérale, il a indiqué que sa progression serait plus forte à court terme, du fait de l'impact des C2D, mais qu'à moyen et long terme cette hausse serait pérennisée.

Il a ensuite expliqué que l'assouplissement des conditions d'octroi des visas aux étudiants avait permis d'accueillir 196.400 étudiants étrangers en 2002, soit une augmentation de 30 % en trois ans.

En réponse à Mme Marie-Claude Beaudeau, il a indiqué que la sécurisation des crédits mentionnée par le ministre délégué au budget faisait référence aux crédits d'APD stricto sensu, qui n'ont pas été affectés par les mesures d'annulation portant sur environ 15 millions d'euros. Il a également rappelé que les C2D consistaient en une conversion de la dette originellement due en des financements dédiés à des projets déterminés par des accords entre la France et les débiteurs concernés.

M. Pierre-André Wiltzer a accédé à la demande de M. Jean Arthuis, président, tendant à remettre à la commission des finances du Sénat un état actualisé des dettes dues à la France par chaque Etat débiteur, ainsi que de leurs perspectives de recouvrement. Il a ensuite indiqué que le ministère des affaires étrangères comportait 8.880 agents et contractuels aux niveaux central et déconcentré, chiffre qui comprend les 1.195 agents des services de coopération et d'action culturelle et des établissements à autonomie financière. Il a en outre précisé que la présentation d'un budget conforme aux dispositions de la loi organique relative aux lois de finances était conditionnée par les décisions que devrait rendre prochainement le ministère des finances. Il a également rappelé que l'AFD était soumise à une double tutelle du ministère des affaires étrangères et du ministère des finances, et que la garantie accordée par l'Etat dans la loi de finances pour 2003 était destinée à un prêt accordé au Liban, pour lequel l'AFD était le seul opérateur compétent, dès lors que l'Etat tendait à ne plus accorder directement de tels emprunts. Il a souligné que l'action de la Banque mondiale constituait un garde-fou contre les tentations bilatérales « clientélistes », mais qu'en dépit d'une attitude aujourd'hui plus pragmatique, cette institution imposait encore des contraintes parfois trop lourdes. Il s'est enfin félicité de ce que la Banque mondiale ait manifesté un réel intérêt pour l'initiative commerciale en faveur de l'Afrique, récemment présentée par le Président de la République.

Affaires sociales - Réforme des retraites - Demande de renvoi pour avis

Puis la commission a décidé de se saisir pour avis, sous réserve de son adoption par l'Assemblée nationale et de sa transmission, du projet de loi n° 885 (AN - XIIe législature) portant réforme des retraites.

Outre-mer - Loi de programme pour l'outre-mer - Désignation de candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire

Enfin, la commission a procédé à la désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programme pour l'outre-mer :

Candidats titulaires : MM. Jean Arthuis, Roland du Luart, Jean-Jacques Hyest, Mme Valérie Létard, MM. Victor Reux, Claude Lise, Thierry Foucaud.

Candidats suppléants : MM. Yves Fréville, Yann Gaillard, François Marc, Marc Massion, Aymeri de Montesquiou, Jacques Oudin, Daniel Soulage.