Table des matières




- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

PJLF pour 2004 - Crédits de l'économie, des finances et de l'industrie - Petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat et articles 75 et 76 rattachés - Examen du rapport spécial

La commission a tout d'abord procédé à l'examen de la partie des crédits de l'économie, des finances et de l'industrie, consacrée aux petites et moyennes entreprises, au commerce et l'artisanat et aux articles 75 et 76 rattachés, sur le rapport de M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial.

Après avoir rappelé que le budget du secrétariat d'Etat était avant tout composé de crédits d'intervention, M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial, a constaté que le budget des PME affichait une baisse de près de 7 %, les crédits s'établissant à 171 millions d'euros pour 2004 contre 183 millions d'euros pour 2003, puis il en est venu à ses observations.

D'abord, M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial, s'est félicité que les priorités du gouvernement, dont les PME font indubitablement partie, ne se traduisent plus par des budgets en hausse.

Puis il a dressé un bilan contrasté de l'avancement de la réforme budgétaire induite par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), constatant, d'une part, la définition relativement satisfaisante du futur programme destiné aux PME, un moindre recours aux instruments extra-budgétaires et des annulations massives de reports particulièrement bienvenues, mais aussi, d'autre part, une faiblesse persistante des indicateurs de performance actuellement communiqués par Bercy et une absence de réflexion sur les missions.

Toutefois, M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial, a pu se réjouir que la réforme de l'Etat figurât indubitablement au coeur des préoccupations du secrétariat d'Etat, d'abord en constatant une amplification de l'effort de simplifications administratives en direction des petites entreprises, puis par la décentralisation d'une part des crédits à destination du FISAC (Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce), enfin au travers de la baisse même de l'ensemble des crédits, qui traduisait une inflexion de l'interventionnisme étatique.

Ensuite, il a fait observer que ce budget retraçait bien mal l'effort financier de l'Etat en faveur des PME, qui s'établissait à 1,13 milliard d'euros sans les dépenses fiscales, ces dernières atteignant environ 3,5 milliards d'euros. Illustrant son propos, il a souligné que les pertes de recettes fiscales résultant des dispositions de la loi pour l'« initiative économique », dont M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux PME, au commerce et à l'artisanat, avait été l'initiateur, atteindraient 176  millions d'euros en 2004, soit un montant supérieur à celui des seuls crédits du budget du secrétariat d'Etat.

Enfin, M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial, a indiqué que le gouvernement n'avait toujours pas honoré sa promesse d'abonder la trésorerie de l'EPARECA (établissement public destiné à réhabiliter le commerce dans les banlieues) à hauteur de trois millions d'euros, malgré un décret intervenu en janvier 2003, et la nécessité de relancer l'action de cet organisme, nécessité qu'il avait constatée à l'occasion d'un contrôle budgétaire réalisé en 2002 et qui avait donné lieu à la publication d'un rapport d'information conjoint avec son collègue Eric Doligé.

Par ailleurs, M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial, a présenté les articles 75 et 76 rattachés pour leur examen à ce budget. Leur objet étant d'augmenter de 1,5 % les ressources fiscales des chambres de commerce et d'industrie et des chambres des métiers, il a souligné que cette hausse, qui correspondait précisément à l'évolution des prix hors tabac prévue en 2004, succédait à des augmentations plus substantielles qu'elle venait, en quelque sorte, consolider.

M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial, concluant par la nécessité d'adhérer sans réserves à la préférence donnée aux améliorations structurelles sur les politiques de subvention, s'est prononcé pour l'adoption des crédits alloués aux PME, au commerce et à l'artisanat pour 2004, ce budget étant néanmoins réservé jusqu'à l'examen des autres fascicules du ministère de l'économie et des finances, ainsi que des deux articles qui lui étaient rattachés.

Un large débat s'est alors instauré.

M. Joseph Ostermann s'est enquis du contenu exact du nouveau programme à destination des PME qui serait mis en place dans le cadre de la LOLF. M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial, a alors précisé que le nouveau programme reprendrait l'intégralité des lignes budgétaires figurant dans l'agrégat 25 « interventions en faveur du commerce, de l'artisanat et des services », qui constituait le budget actuel du secrétariat d'Etat, en y ajoutant les moyens de fonctionnement qui lui étaient affectés, notamment en personnel, et la plupart des crédits destinés aux garanties d'emprunt.

M. Michel Moreigne a estimé que les taux d'intervention du FISAC étaient insuffisamment élevés, opinion qui s'est avérée largement partagée par les autres membres de la commission. M. Gérard Braun a indiqué que cette préoccupation était aussi celle des chambres de métiers, qui obtenaient, pour nombre de leurs opérations, le concours du FISAC. M. Roger Besse a ajouté qu'en conséquence, il doutait que le FISAC fût en mesure de dépenser l'intégralité de sa dotation. Pour sa part, M. Michel Sergent a manifesté le voeu que les taux de prise en charge du FISAC obéissent à une règle nationale. M. Jean Arthuis, président, a observé que ces taux participaient vraisemblablement à une certaine forme de régulation budgétaire, puis il s'est enquis de nouvelles économies possibles dans le budget des PME, et de la possibilité de réexaminer la pertinence des nombreuses subventions qu'il comportait.

En réponse, M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial, a indiqué que le taux d'exécution budgétaire s'élevait à 90 % en 2002, ce qui inclinait à penser que des marges de réductions de crédits existaient, puis il a admis que toutes les opérations auxquelles concouraient ces subventions ne lui semblaient pas également indispensables.

Après que M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial, eut exprimé un avis favorable à l'adoption des crédits des petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat, la commission a décidé de réserver sa position sur ce budget jusqu'à l'examen des autres fascicules du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Elle a également décidé de proposer au Sénat d'adopter sans modification les articles 75 et 76 rattachés.

PJLF pour 2004 - Crédits des services du Premier ministre - Services généraux - Examen du rapport spécial

Sous la présidence de M. Michel Sergent, secrétaire, la commission a ensuite examiné les crédits des services du Premier ministre : I. Services généraux, sur le rapport de M. François Marc, rapporteur spécial.

Après avoir indiqué qu'il était proposé dans le projet de loi de finances d'augmenter ces crédits de 0,9 %, et de les porter ainsi à 1,154 milliard d'euros, M. François Marc, rapporteur spécial, a estimé que la mise en oeuvre de la loi organique du 1er  août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) se heurtait à des difficultés particulières dans le cas des services généraux du Premier ministre, du fait de leur périmètre, à la fois trop restreint et trop étendu.

Il a considéré que ce périmètre était trop restreint parce qu'il s'élevait à à peine plus d'un milliard d'euros, voire deux fois moins si l'on en excluait la compensation des exonérations de redevance de télévision. Il a rappelé que ce périmètre ne comprenait pas le Conseil économique et social, la DATAR, le commissariat général du Plan et le secrétariat général de la défense nationale, qui font partie des services du Premier ministre, mais pas de ses services généraux. Il a indiqué que, même en y incluant ces crédits, comme le gouvernement envisageait de le faire, une mission « services du Premier ministre » s'élèverait seulement à 1,5 milliard d'euros. Il a précisé que sur les quatre programmes actuellement envisagés dans le cadre de la mise en place de la LOLF, un seul serait supérieur au montant de 500 millions d'euros, que la Cour des comptes, dans son rapport sur l'application des lois de finances pour l'année 2002, considérait comme le minimum souhaitable.

M. François Marc, rapporteur spécial, a estimé que le périmètre des services généraux du Premier ministre était également trop étendu, du fait, notamment, qu'il finançait de nombreux organismes consultatifs dont le domaine de compétence correspondait à celui d'un autre ministère. Il s'est en outre demandé si ce budget avait réellement vocation à financer, pour la moitié de ses crédits, des dépenses sociales, comme la compensation d'exonérations de redevance télévisuelle, ou les actions en faveur des victimes des législations antisémites en vigueur pendant l'occupation. Il a considéré que cette hétérogénéité, que la Cour des comptes avait jugée excessive, rendait difficile la définition d'une mission cohérente.

Il a noté que le présent projet de loi de finances proposait de transférer vers d'autres budgets le financement de trois autorités administratives indépendantes et de cinq organismes consultatifs, ainsi que de supprimer un autre organisme, le secrétariat général du comité interministériel à la sécurité nucléaire, tombé en désuétude. Il s'est félicité de cette rationalisation, rappelant que, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2002, il avait ainsi déploré « une augmentation quelque peu anarchique du nombre d'organismes rattachés » au Premier ministre, suivant en cela l'orientation de son prédécesseur, M. Roland du Luart. Il a en outre indiqué que M. Philippe Marini, rapporteur général, dans une question écrite du 17 octobre 2002, ainsi que dans un article publié dans la « Lettre politique et parlementaire » du 17 février 2003, s'était ému de ce qu'il considérait comme une « république des Gustave et Théodule ». Il a indiqué que le secrétariat général du gouvernement avait proposé la suppression du comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics, mais que le Premier ministre avait décidé de ne pas suivre cette recommandation.

M. François Marc, rapporteur spécial, a rappelé que la loi de finances rectificative pour 2002 du 6 août 2002 prévoyait qu'à partir du présent projet de loi de finances, le « jaune » intitulé « Liste des commissions et instances consultatives ou délibératives placées directement auprès du Premier ministre ou des ministres » devait évaluer le coût de fonctionnement de ces organismes et indiquer le nombre de leurs membres comme le nombre de leurs réunions tenues lors des trois années précédentes. Il a indiqué que, selon ce « jaune », la plupart des organismes coûtaient moins de 400.000 euros par an et se réunissaient assez peu, sans que cela traduise forcément une faible activité. Il a précisé que deux de ces organismes avaient une activité importante, malgré un coût modeste : le conseil national de la vie associative et la commission nationale consultative des Droits de l'Homme, et que trois s'étaient réunis moins de trois fois en 2002 : la commission pour les simplifications administratives, le comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics et la commission des archives constitutionnelles de la Ve République.

Enfin, M. François Marc, rapporteur spécial, a rappelé que la loi de finances pour 2002 avait institué une « commission de vérification », chargée de s'assurer, chaque année, que les crédits des fonds spéciaux étaient utilisés conformément à leur destination. Il a précisé que cette commission était composée de six membres, dont deux députés et deux sénateurs, son président étant obligatoirement l'un des deux députés. Il a indiqué qu'il avait eu l'honneur d'avoir été désigné par M. le président du Sénat, le 16 septembre 2002, ainsi que M. Serge Vinçon, en qualité de membres de cette commission. Après avoir rappelé le nécessaire secret qui, par nature, devait entourer les travaux de cette commission, il a indiqué que celle-ci, qui avait commencé à siéger à partir du mois de juillet 2003, devait remettre son rapport relatif à l'année 2002 à la fin du mois d'octobre 2003, soit plus de six mois après l'expiration du délai prévu par la loi, fixée au 31 mars. Il a en outre estimé que la dotation demandée pour 2004, de 37 millions d'euros, soit un montant identique à celui inscrit en lois de finances initiales pour 2002 et 2003, était vraisemblablement, de nouveau, sous-évaluée.

Evoquant la décision prise en ce sens par le bureau de la commission, M. Michel Sergent, président, s'est interrogé sur la possibilité de réduire les crédits des services généraux du Premier ministre.

En réponse, M. François Marc, rapporteur spécial, a estimé que le mouvement de transfert de crédits vers d'autres budgets, initié par le présent projet de loi de finances et conforme à l'esprit de la LOLF, devait être poursuivi, et que certains organismes devraient vraisemblablement être supprimés.

A l'issue de ce débat, après avoir pris acte de ce que le rapporteur spécial était favorable à l'adoption des crédits des services généraux du Premier ministre, la commission a alors décidé de se prononcer à ce sujet à l'occasion de l'examen des crédits de la fonction publique, le jeudi 13 novembre 2003.

Mercredi 15 octobre 2003

- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Contrôle budgétaire - Organisation du temps de travail et des procédures d'information des forces de sécurité intérieure - Communication

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord entendu une communication de M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial, sur l'organisation du temps de travail et les procédures d'information des forces de sécurité intérieure.

M. Jean Arthuis, président, a souligné que la commission, nonobstant un ordre du jour très chargé en raison de l'examen des rapports budgétaires, avait souhaité entendre des communications sur des contrôles réalisés par trois rapporteurs spéciaux qu'il a tenu à féliciter.

M. Aymeri de Montesquiou a tout d'abord rappelé l'objet et la méthode retenus pour la rédaction du rapport. Alors que la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) du 29 août 2002 avait prévu d'accorder 5,6 milliards d'euros de crédits supplémentaires à la police et la gendarmerie nationales entre 2003 et 2007, il incombait à la commission de veiller à la bonne utilisation de ces moyens dans un contexte budgétaire dégradé.

Il a ajouté que le rapport visait à décrire l'état des lieux initial quant au fonctionnement des forces de sécurité intérieure, au début de la mise en oeuvre de la LOPSI, et cela en adoptant une méthode originale : une étude préalable avait été confiée au cabinet ACCENTURE, choisi à l'issue d'une procédure d'appel d'offres. Ces experts extérieurs avaient conduit 130 entretiens sur le terrain, et leurs observations avaient été complétées par celles des corps d'inspection du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et du ministère de la défense. M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial, a rappelé avoir également procédé à des missions d'enquête sur le terrain, dans le nord de Paris, en Seine-Saint-Denis et en Haute-Garonne au cours de l'année 2002, puis en Tarn-et-Garonne en 2003.

Il a souligné l'absence de définition des moyens et des missions prioritaires. Concernant l'allocation des ressources, M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial, a relevé d'une part l'insuffisante corrélation entre la répartition des effectifs et la géographie des faits de délinquance, et d'autre part l'absence d'outil informatique exhaustif pour recenser l'ensemble des faits au sein de « l'état 4001 » destiné à permettre ce suivi. Il a précisé que « l'état 4001 », composé de 107 rubriques, se caractérisait par une trop grande complexité et s'avérait incomplet, faute notamment de comporter l'ensemble des faits inscrits en main courante.

Un autre champ d'amélioration concernait, selon lui, les trop nombreuses tâches administratives accaparant les forces de la police et de la gendarmerie nationales et dépourvues de lien direct avec la sécurité publique. Il a cité les escortes et les gardes de détenus, très coûteuses en personnel, l'entretien et la maintenance des équipements informatiques et immobiliers, ainsi que les activités relevant d'autres administrations, auxquelles les policiers et les gendarmes n'étaient pas formés : en particulier, l'établissement des procurations de vote, les demandes de passeport et de cartes d'identité, l'acheminement des plis, les enquêtes administratives et l'information sur les cartes grises.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial, a proposé de traiter différemment les tâches administratives sans lien avec la sécurité publique afin de permettre à la police et à la gendarmerie nationales de se consacrer pleinement à leur mission première. Il a relevé que le transfert à l'administration pénitentiaire des escortes et des gardes de détenus correspondait à la pratique habituelle de nos partenaires européens. En outre, le déplacement des magistrats lors des opérations de garde et de transfert des détenus, et non des policiers et des gendarmes les accompagnant, serait moins coûteux en emplois publics. Il a appelé à conforter l'externalisation en cours des tâches d'entretien des véhicules et des équipements immobiliers et a insisté sur l'intérêt de développer les emplois administratifs dans la police et la gendarmerie nationales, alors que leur part est plus faible en France qu'à l'étranger.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial, s'est félicité du choix du gouvernement de récompenser les fonctionnaires les plus méritants par la mise en place d'une prime de résultats à partir de 2004. Il a indiqué que cette prime pourrait être décomposée en trois parts : des récompenses individuelles pour les fonctionnaires s'étant illustrés dans des affaires exceptionnelles, une prime collective en cas d'atteinte de résultats fixés préalablement et une récompense pour surcroît de travail lié à des événements exceptionnels. Il a souligné que la valorisation devait également se traduire dans le déroulement des carrières.

Concernant les outils informatiques, il a appelé à compléter « l'état 4001 » et à en simplifier la nomenclature. Il a relevé que l'intervention coordonnée des forces de police et de gendarmerie commandait d'interconnecter leurs réseaux informatiques.

Il a enfin souhaité le développement des « bonnes pratiques » concernant les relations avec les citoyens : ainsi, la mise en place d'un numéro dédié pour les appels non urgents ou destinés à d'autres administrations serait de nature à désengorger les standards téléphoniques ; par ailleurs, la télé-déclaration sur Internet des infractions mineures pourrait s'inspirer d'expériences conduites localement.

En conclusion, M. Aymeri de Montesquiou a rappelé que ces réformes d'envergure devaient s'inscrire dans le cadre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). En particulier, la définition d'une mission interministérielle consacrée à la sécurité, composée de deux programmes ministériels relatifs à la police et à la gendarmerie nationales, signifierait le caractère global de la lutte contre l'insécurité, tandis que les récompenses au mérite traduisaient également la démarche nouvelle d'objectifs et de résultats prévue par la LOLF.

Il a souligné que ses propositions pouvaient se traduire par un gain de plusieurs milliers d'emplois équivalents à temps plein, leur mise en oeuvre étant une question de volonté politique, dont avait su faire preuve le gouvernement en inversant la courbe de la délinquance.

Un large débat s'est alors engagé.

M. Jean Arthuis, président, a remercié le rapporteur spécial pour son travail difficile qui correspondait exactement à l'esprit de la LOLF, et souhaité disposer de précisions sur le temps de travail effectif des forces de sécurité intérieure.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial, a répondu que, si la diversité des situations invitait à la prudence, la Cour des Comptes avait estimé la durée hebdomadaire de travail de la police nationale à 29 heures, et que certaines pratiques relevées dans le rapport des experts extérieurs, telles que les congés posés a posteriori, attestaient la nécessité d'apporter des changements en ce domaine.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a exprimé ses réticences à l'égard des transferts de compétences s'ils ne devaient traduire que des transferts de charges et alimenter les « querelles de frontières entre les corps administratifs ». S'agissant du temps de travail, il a souhaité une évaluation plus précise du coût lié à la mise en place de l'aménagement et de la réduction du temps de travail (ARTT) dans la police nationale. Il a demandé des précisions sur les règles d'attribution des effectifs et le régime des primes en zone sensible, ainsi que sur le partage des zones de compétence entre la police et la gendarmerie nationales, partage caractérisé selon lui par une excessive rigidité.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial, a observé que les transferts de compétences administratives se traduiraient par un gain net pour les finances publiques, dans la mesure où la charge salariale liée à un poste administratif de secrétariat était nettement inférieure à celle d'un poste de policier ou de gendarme. Il a par ailleurs mis en évidence la désorganisation du fonctionnement de certaines unités du seul fait de l'accomplissement de tâches telles que l'escorte et la garde de détenus, ou le coût exorbitant de travaux de maintenance automobile effectués dans des garages de l'administration, parfois distants de plusieurs dizaines de kilomètres.

Au sujet de la mise en place de l'ARTT dans la police nationale, il a fait état d'un coût de 13,23 millions d'euros en année pleine, selon le ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, pour le seul paiement d'astreintes qui donnaient lieu auparavant à une compensation en temps.

Il a relevé le retard de la police nationale par rapport à la gendarmerie nationale dans la définition d'effectifs de référence adaptés aux besoins réels, compte tenu du nombre de faits de délinquance, et indiqué que la police nationale n'avait mis en place qu'en 1999 un outil caractérisé, par ailleurs, par sa trop grande rigidité.

S'agissant de la coordination opérationnelle entre les forces de la police et de la gendarmerie nationales, il a constaté avec un vif intérêt l'acceptation, sur le terrain, d'une réforme profondément novatrice.

M. Paul Girod, évoquant son expérience d'ancien rapporteur spécial des crédits de la sécurité, a insisté sur la récurrence des débats relatifs à l'organisation de la police nationale. Evoquant un stage qu'il avait effectué au sein du tribunal de grande instance (TGI) de Montpellier, il a précisé avoir constaté directement la lourdeur des tâches liées aux escortes et aux gardes de détenus. Il s'est toutefois interrogé sur la compétence juridique de l'administration pénitentiaire à exercer de telles missions.

Il a souligné l'intérêt d'une expertise extérieure sur le fonctionnement des forces de la police et de la gendarmerie nationales. Il a enfin partagé le constat du rapporteur spécial concernant le bon niveau de coopération des unités de la police et de la gendarmerie nationales, tout en relevant les difficultés que soulevaient les différences statutaires.

M. Michel Moreigne a tenu à souligner la grande efficacité des forces de la gendarmerie nationale dans la Creuse, du point de vue de l'équipement informatique et de l'interconnection des réseaux, malgré une réduction des capacités des forces de sécurité intérieure après la suppression du commissariat de la sous-préfecture d'Aubusson. Il a cependant déploré une proportion de 30 % d'appels de nuit sans lien avec les missions des forces de sécurité intérieure.

M. Maurice Blin s'est interrogé sur la manière avec laquelle le rapporteur et les experts extérieurs avaient été reçus lors de leurs déplacements sur le terrain, en soulignant que la plupart des personnes visitées avaient dû rencontrer pour la première fois des représentants du Sénat. Il s'est demandé si ces visites avaient pu être interprétées comme relevant d'un contrôle. Plus généralement, il a observé que le traitement, d'un point de vue économique, de questions liées à l'exercice par l'Etat de ses fonctions régaliennes constituait une approche originale, traduisant un véritable changement culturel. Il a estimé que la démarche d'objectifs et de moyens prévue par la LOLF s'inscrivait dans cette perspective et s'en est tout particulièrement félicité.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial, a répondu que la question des capacités juridiques dont disposaient les services pénitentiaires pour effectuer les missions d'escorte et de garde des détenus ne devait pas être un obstacle à l'accomplissement d'une réforme déjà menée à son terme dans d'autres pays européens. Il a ajouté que le recours à des experts en organisation avait permis d'apporter un « oeil extérieur » sur le fonctionnement de l'administration, et qu'il lui semblait intéressant de renouveler cette méthode.

En réponse aux questions de M. Jean Arthuis, président, et de M. Roland du Luart sur le temps de travail effectif des policiers et des gendarmes, il a rappelé que les différences de statut se traduisaient par des durées inégales au sein de chacune des deux forces de sécurité intérieure. Il a précisé que, en 2002, le temps de travail d'un gendarme avait atteint 1.730 heures, alors que la durée légale annuelle de travail des policiers s'établissait à 1.600 heures, à l'instar des autres salariés.

Concernant l'interconnection des réseaux, il a souligné l'absence de compatibilité des systèmes informatiques utilisés par la police et la gendarmerie nationales, dans la mesure où ils avaient été conçus de manière séparée.

Il a enfin relevé que les policiers et les gendarmes rencontrés à l'occasion de son étude avaient apprécié de pouvoir s'exprimer sur les difficultés d'organisation auxquelles ils étaient confrontés dans l'exercice de leurs missions de sécurité publique, et que, de ce fait, les rencontres avaient eu lieu dans un climat de confiance, ce dont il s'est félicité.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité que le rapport d'information approfondisse la question du temps de travail des policiers et des gendarmes.

Puis la commission a donné acte à M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial, de sa communication et a autorisé la publication de ses conclusions sous forme d'un rapport d'information.

Contrôle budgétaire - Dégrèvements d'impôts locaux - Communication

La commission a ensuite entendu une communication de M. Yves Fréville, rapporteur spécial, sur les dégrèvements d'impôts locaux.

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Yves Fréville, rapporteur spécial, a rendu compte des résultats de sa mission d'information relative aux dégrèvements et exonérations de taxe d'habitation, figurant au budget des charges communes dont il est le rapporteur pour la commission des finances. Il a rappelé au préalable que, sur les 12,22 milliards d'euros de recettes perçues par les collectivités locales au titre de la taxe d'habitation, les contribuables départementaux et communaux n'en acquittaient que 70 %, l'Etat, et donc le contribuable national, étant amené à verser la différence, soit, en 2002, 3,67 milliards d'euros, en contrepartie de sa politique menée en matière de dégrèvements. Il a indiqué que la compensation financière assumée par l'Etat avait fortement augmenté depuis 1990 et qu'elle avait connu une inflexion très significative à la hausse depuis la suppression en 2000 de la part régionale de la taxe d'habitation et la réorganisation des dégrèvements. Il a indiqué qu'en conséquence, près de 50 % des contribuables bénéficiaient en 2002 d'allégements ou d'exonérations de taxe d'habitation, estimant que la taxe d'habitation demeurait ainsi un impôt local pour les « hauts revenus » mais était devenue « nationalisée » pour les « bas revenus ».

Constatant que les dégrèvements législatifs de taxe d'habitation constituaient une subvention implicite pour les collectivités locales s'ajoutant à la compensation des exonérations individuelles, M. Yves Fréville, rapporteur spécial, a exposé l'objet de son étude, consistant, d'une part, à analyser les risques de déresponsabilisation des contribuables et des élus locaux et, d'autre part, à s'interroger, à partir de la répartition des allégements de taxe d'habitation entre les diverses collectivités locales, sur le rôle qu'ils jouaient en matière de péréquation. Il a indiqué que son étude était fondée sur la fusion de fichiers issus de la direction générale des collectivités locales, de la direction générale des impôts, de la direction générale de la comptabilité publique et de l'INSEE.

Il a montré que les allégements de taxe d'habitation étaient concentrés dans les villes, le nombre de contribuables imposés à taux plein diminuant en fonction de la taille des communes. En ce qui concernait les dégrèvements partiels, il a souligné que le pourcentage de dégrevés partiels à 4,3 % s'élevait dans les grandes villes jusqu'à 100.000 habitants. En revanche, il a montré que pour les exonérations de taxe d'habitation des contribuables les plus âgés, les contribuables concernés étaient davantage concentrés dans les petites communes rurales. Il a indiqué que le pourcentage de contribuables ne payant pas la taxe d'habitation à taux plein était particulièrement élevé dans le pourtour méditerranéen, dans le Nord et en Bretagne, le montant par habitant de la taxe d'habitation financée par l'Etat étant donc très important dans ces zones géographiques.

M. Yves Fréville, rapporteur spécial, a ensuite rappelé que le montant des allégements de taxe d'habitation dépendait étroitement de la pression fiscale des communes. Il a estimé que le caractère péréquateur des allégements de taxe d'habitation n'était pas complètement établi. Il a en effet démontré, d'une part, que le poids de la taxe d'habitation dans l'ensemble des ressources des collectivités locales ne variait pas en fonction inverse des autres ressources locales, celui-ci n'étant corrélé ni au potentiel fiscal, ni au montant des dotations versées par l'Etat comme la dotation globale de fonctionnement (DGF). Il a jugé, d'autre part, que les subventions implicites que représentaient les dégrèvements de taxe d'habitation n'avaient de caractère péréquateur, au regard de l'indice des ressources des communes, que pour les collectivités pauvres préférant élever leur pression fiscale afin de développer les services publics locaux. Lorsque les communes préféraient un bas niveau de services locaux pour ne pas surimposer leurs habitants, il a montré que les dégrèvements n'avaient pas de caractère péréquateur. Il a conclu ce constat en considérant que la participation de l'Etat était péréquatrice mais s'effectuait compte tenu d'un critère de péréquation contestable, puisque celui-ci était trop fortement lié au niveau de pression fiscale des collectivités locales.

M. Yves Fréville, rapporteur spécial, a dès lors formulé, à titre personnel, des propositions pour responsabiliser les élus et les contribuables, en attendant une révision ultérieure des bases de la taxe d'habitation. Il a souhaité rendre le système des dégrèvements plus transparent, en faisant clairement apparaître sur la feuille d'imposition le montant de l'impôt dû en l'absence de dégrèvement, en ventilant le montant du dégrèvement entre collectivités au prorata de la part de la cotisation attribuée à chaque contribuable, en déduisant les dégrèvements législatifs du montant des ressources propres des collectivités locales pour en permettre le recyclage en dotations péréquatrices. Il s'est demandé s'il ne fallait pas réviser certains indicateurs de pression ou d'effort fiscal en déduisant au moins partiellement les dégrèvements législatifs, afin de ne pas « subventionner la subvention ».

Il a présenté les abus que permettaient les abattements facultatifs à la base, estimant nécessaire de neutraliser les effets d'aubaine d'une suppression des abattements à la base. Il a proposé de recycler progressivement une fraction du coût des dégrèvements partiels en dotation de péréquation répartie entre collectivités locales selon des critères rénovés et, par ailleurs, pour responsabiliser le contribuable local, de créer un « ticket modérateur » en plafonnant, par exemple, le dégrèvement partiel à 50 % de la cotisation.

M. Yves Fréville, rapporteur spécial, a conclu en soulignant qu'à plus long terme, l'économie de la réforme reposait, selon lui, sur une rénovation des bases de la taxe d'habitation, sur un abandon de l'assiette mixte composée du revenu et de la valeur locative au profit d'une assiette unique, qui pourrait être le revenu, et sur un « recyclage » des crédits de dégrèvements législatifs, selon lui déresponsabilisants, en dotation de péréquation rénovée incorporant un critère de revenu.

A la suite de cette communication, un large débat s'est engagé.

M. Jean Arthuis, président, s'est félicité d'une telle présentation « percutante ». Il a estimé que le constat présenté était troublant et que, de ce fait, la situation ne pouvait pas rester figée. Il a néanmoins souligné la difficulté de toute réforme dans ce domaine.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que la recherche d'une plus grande transparence en matière de dégrèvements de taxe d'habitation lui semblait être une voie à poursuivre et à décliner si possible en proposant des « amendements d'appel » en ce sens à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2004. Il a souligné le caractère déresponsabilisant du système actuel.

En complément, M. Yves Fréville, rapporteur spécial, a souhaité que le Parlement puisse se doter d'une expertise pour analyser et exploiter les données d'un fichier commun entre la direction générale des collectivités locales, la direction générale des impôts, la direction générale de la comptabilité publique et l'INSEE, tel qu'il l'avait créé lui-même pour son étude.

M. Michel Moreigne a souligné l'intérêt, pour le Sénat, d'utiliser et d'optimiser un tel fichier.

M. Jacques Oudin a estimé que l'étude qu'avait réalisée la commission aurait due être réalisée depuis longtemps par le comité des finances locales et a estimé qu'il fallait développer les structures d'information en matière de finances locales. Il a jugé qu'il convenait de bloquer les dérives constatées par le rapporteur spécial aujourd'hui exploitées par des « consultants en optimisation fiscale » auprès des collectivités locales.

M. Jean-Philippe Lachenaud a considéré qu'il fallait clarifier les règles en matière de dégrèvements. En ce qui concernait une réforme plus profonde de la taxe d'habitation, il s'est montré d'accord pour ne retenir qu'une seule assiette, a priori une assiette non délocalisable.

En réponse, M. Yves Fréville, rapporteur spécial, a remarqué que le comité des finances locales, parce qu'il était adossé à la direction générale des collectivités locales du ministère de l'intérieur, manquait d'une vision globale et synthétique qui inclurait la vision du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Il a regretté que l'administration française n'ait pas de vision globale en matière de fiscalité locale, jugeant que le Sénat devait trouver les moyens d'y remédier.

Puis la commission a donné acte à M. Yves Fréville, rapporteur spécial, de sa communication, et a décidé, compte tenu de son intérêt, et pour favoriser la réflexion de la commission, de lui demander d'en formaliser les principales conclusions afin d'en permettre la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Contrôle budgétaire - Compte d'avances aux collectivités locales - Communication

Puis la commission a entendu une communication de M. Paul Loridant, rapporteur spécial, sur le compte d'avances aux collectivités locales.

M. Paul Loridant, rapporteur spécial, a tout d'abord indiqué que son contrôle effectué en application de l'article 57 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), portait sur un compte spécial du Trésor, le compte d'avances sur impôts locaux, et qu'il avait donné lieu à l'envoi d'un questionnaire détaillé et à trois auditions techniques avec la direction du budget, la direction générale de la comptabilité publique et l'agence France Trésor. Cela l'avait conduit à examiner les deux rôles traditionnels que jouait l'Etat auprès des collectivités locales, celui de fermier général qui collectait, via le compte d'avances, les impôts locaux, et le rôle qui était souvent présenté comme son corollaire, celui de caissier, à travers l'obligation de dépôt des fonds disponibles des collectivités locales au Trésor. Il a rappelé qu'il avait déjà présenté en 1989 un rapport d'information sur la gestion de trésorerie des collectivités locales qu'il lui paraissait intéressant d'actualiser afin de préparer les débats sur la décentralisation.

M. Paul Loridant, rapporteur spécial, a souligné l'importance financière du compte d'avances aux collectivités locales qui représentait 20,1 % des dépenses nettes du budget général. Il s'est interrogé sur les causes des excédents réguliers observés sur le compte depuis 1996, alors que les spécialistes de finances publiques expliquaient traditionnellement que, pour diverses raisons techniques liées aux mécanismes de recouvrement, le compte était structurellement déficitaire sur le plan budgétaire. Il a souligné de plus, qu'a priori, le fonctionnement du compte d'avances devrait générer une charge nette pour l'Etat, en raison du coût de trésorerie résultant du décalage dans le temps entre le versement par douzièmes du produit des impôts votés par les collectivités locales et la perception des impositions, des frais liés à l'assiette et au recouvrement de l'impôt, ainsi que des dégrèvements et admissions en non-valeur que le budget général devait financer.

M. Paul Loridant, rapporteur spécial, a néanmoins remarqué que l'Etat prélevait, avant que les recettes ne soient versées sur le compte d'avances, des frais pour dégrèvements et admissions en non-valeur de 3,4 % et des frais d'assiette et de recouvrement de 4,4 %. Il a donc mis en balance l'ensemble des coûts à la charge de l'Etat avec les frais que celui-ci prélevait. Après analyse, il a indiqué avoir constaté que, pour l'année 2002, quelle que soit la méthode utilisée, contrairement aux années précédentes où les résultats étaient plus contrastés, la charge nette de l'Etat liée au fonctionnement du compte d'avances était négative, selon la méthode utilisée, de 100 à 900 millions d'euros. Il a ainsi estimé que le compte d'avances aux collectivités locales n'était pas nécessairement un coût pour l'Etat : les frais que celui-ci prélevait en matière de recouvrement des impôts locaux (2,4 milliards d'euros) excédaient largement les coûts qu'il avait à supporter réellement, qui n'étaient que de 1,2 milliard d'euros.

M. Paul Loridant, rapporteur spécial, a ensuite analysé les raisons des excédents constatés sur le compte d'avances depuis 1996. Il a observé qu'en l'espèce, les excédents du compte étaient dus principalement à une augmentation « artificielle » du taux de recouvrement des impôts locaux pour deux raisons. Il a montré d'une part que le taux de recouvrement, évalué de manière forfaitaire avant 1996, était depuis lors calculé sur une base réelle. Il a rappelé, d'autre part, que la réforme de la taxe professionnelle et de la taxe d'habitation avait provoqué une augmentation des dégrèvements, qui, parce qu'ils étaient évidemment recouvrés à 100 %, amélioraient le taux de recouvrement. A partir de cette analyse, il a expliqué que les excédents du compte d'avances allaient se résorber rapidement en raison des nouvelles charges auxquelles devaient faire face les collectivités locales, les amenant à augmenter les impôts. Il a indiqué que le solde du compte devrait redevenir sur le moyen terme légèrement négatif, faisant valoir que pour qu'il se maintienne durablement en excédent, il aurait fallu que le service public de l'impôt améliore significativement sa productivité et que le taux de recouvrement des impôts locaux augmente nettement. A ce sujet, il a constaté que la mensualisation restait encore peu développée en matière de taxe foncière ou de taxe d'habitation et que le taux d'intervention des administrations fiscales en matière d'impôts locaux se maintenait à un niveau trop élevé.

M. Paul Loridant, rapporteur spécial, a ensuite dressé un « bilan » financier des relations de trésorerie Etat/collectivités locales, évaluant le gain en trésorerie pour l'Etat lié à l'obligation de dépôt des fonds disponibles des collectivités locales au Trésor à 402 millions d'euros en 2002. Il a remarqué que le bilan global du rôle de l'Etat « fermier général » et « caissier des collectivités locales » était donc largement positif pour l'Etat, même en prenant en compte le coût de la prestation de conseil fournie par le réseau du Trésor aux collectivités locales, coût estimé à 125 millions d'euros en 2002. Il a ainsi considéré que l'Etat sortait « gagnant » de ses relations de trésorerie avec les collectivités locales, de plusieurs centaines de millions d'euros par an.

M. Paul Loridant, rapporteur spécial, a tiré plusieurs conséquences de ce constat, appelant, du côté de l'Etat « fermier général », le service public de l'impôt à améliorer ses performances. Du côté de l'Etat « caissier général », il a rappelé qu'en vertu de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, l'obligation de dépôt des fonds disponibles des collectivités locales au Trésor ne saurait être remise en cause. Il a souligné, en revanche, que des dérogations à cette obligation pouvaient être définies en loi de finances et que l'article 71 du projet de loi de finances initiale pour 2004 introduisait des pistes pour améliorer les possibilités de placement des collectivités locales, en ouvrant aux recettes exceptionnelles la liste des fonds pouvant être placés, en élargissant la gamme de produits offerts aux placements des collectivités locales aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) constitués par des titres émis ou garantis par les Etats membres de l'Union européenne, et en permettant aux collectivités locales de disposer d'un compte à terme auprès du Trésor.

M. Paul Loridant, rapporteur spécial, a noté, pour conclure, qu'en matière d'obligation de dépôt, l'Etat était un caissier sûr, mais un banquier peu imaginatif - mettant à la disposition des plus petites communes qui constituaient sa toute première clientèle des services en nombre limité -, puisqu'il ne leur offrait qu'un compte de dépôt non rémunéré. Il a observé que l'obligation de dépôt au Trésor ne garderait sa légitimité que si l'Etat était en mesure d'offrir une gamme de services qui rende cette obligation « attractive » pour les collectivités locales. Compte tenu du bilan des relations de trésorerie entre Etat et collectivités locales, il s'est demandé s'il ne serait pas opportun d'examiner l'opportunité de rémunérer les fonds déposés au Trésor. Il a indiqué qu'une modernisation de l'Etat « caissier », assurant de réelles prestations de « banquier de base », permettrait à leur tour aux collectivités locales de moderniser leur gestion de trésorerie qui restait, pour certaines d'entre elles, encore balbutiante.

A l'issue de cette présentation, un débat s'est engagé.

M. Yves Fréville a souligné les difficultés à distinguer les charges budgétaires des charges en trésorerie du compte d'avances aux collectivités locales, rappelant que le solde budgétaire pouvait être « impacté » par tout décalage dans le recouvrement des recettes. Il a souligné en ce qui concerne l'obligation de dépôt des fonds des collectivités locales au Trésor que les « plus petites » d'entre elles étaient les vraies perdantes du système, tandis que les « plus grandes » parvenaient aujourd'hui assez largement à optimiser leur trésorerie, parfois au détriment de la propre politique de trésorerie de l'Etat.

M. Jean Arthuis, président, s'est à ce sujet félicité de la suppression du « crédit immédiat » qui avait conduit certaines collectivités locales « à jouer » sur les dates de valeur au détriment de la trésorerie de l'Etat. Il a souhaité une plus grande transparence dans les coûts des services que la direction générale de la comptabilité publique entendait rendre aux collectivités locales. Il s'est interrogé sur les raisons qui conduisent les collectivités locales à laisser encore un grand nombre de leurs disponibilités sur leur compte au Trésor au lieu d'optimiser leur gestion de trésorerie.

En réponse, M. Paul Loridant, rapporteur spécial, se félicitant également de la suppression du « crédit immédiat », a jugé que les collectivités locales utilisaient encore insuffisamment les instruments de gestion active de trésorerie.

Puis la commission a donné acte à M. Paul Loridant, rapporteur spécial, de sa communication et a autorisé la publication de ses conclusions sous forme d'un rapport d'information.

Audition de M. Michel Pébereau, président de BNP-PARIBAS

Au cours d'une deuxième séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Michel Pébereau, président de BNP-PARIBAS.

M. Jean Arthuis, président, a indiqué que la commission souhaitait entendre l'avis de M. Michel Pébereau, dont l'expérience et le parcours faisaient autorité dans le monde bancaire et plus généralement dans la sphère économique, sur la conjoncture économique de la France et sur des thèmes plus spécifiques ayant trait aux évolutions du secteur bancaire et financier et à la politique de l'épargne.

M. Michel Pébereau a, en premier lieu, estimé que la situation économique française et européenne était très dépendante du contexte économique mondial, et plus particulièrement des perspectives de reprise aux Etats-Unis. Le redémarrage de la croissance américaine était aujourd'hui assuré puisqu'elle était susceptible d'avoisiner 3% en moyenne sur l'année 2003, avec un « pic » au troisième trimestre dépassant 5% en rythme annuel. Il a néanmoins considéré que cette reprise américaine était fragilisée par trois facteurs :

- elle était en partie suscitée et « dopée » par les instruments traditionnels résultant d'une politique monétaire accommodante et d'un déficit budgétaire aujourd'hui supérieur à 4% du PIB ;

- elle ne contribuait pas significativement à la création d'emplois en raison du maintien d'une productivité élevée, entretenue par des innovations et des délocalisations ;

- la demande des ménages aux Etats-Unis était soutenue par un endettement privé se situant à un niveau très élevé, de l'ordre de 110 % du revenu disponible.

Il a ainsi indiqué que ces éléments, joints à un déficit de la balance des paiements courants de près de 5% du PIB (alors qu'un déficit en France de 3 % en 1983 avait amené le gouvernement à opérer un changement de politique économique) et à une position débitrice nette extérieure de 25 à 30 % du PIB (qui contrastait avec le solde créditeur net que les Etats-Unis avaient encore au début des années 90), pouvaient faire craindre des perspectives difficiles à moyen terme. Il était dès lors possible que les marchés financiers anticipent dans la deuxième partie de 2004 un effet correctif ultérieur de la politique budgétaire ou monétaire propre à inhiber cette reprise : le moteur américain ne pourrait tirer durablement, seul parmi les grands pays OCDE, la croissance économique mondiale.

M. Michel Pébereau a, en second lieu, fait valoir que la zone euro n'était pas aujourd'hui un « moteur de croissance » et que si l'Espagne manifestait des capacités de croissance autonome, la plupart des grandes économies européennes montraient une réelle faiblesse, à l'exception du Royaume-Uni qui avait fait le choix d'un positionnement particulier, hors de la zone euro. Les enquêtes menées auprès des entreprises laissaient cependant entrevoir des signes avant-coureurs de reprise, en Allemagne et en France, qui ne se traduisaient pas encore dans les données réelles de la production : l'Allemagne, l'Italie, les Pays-Bas étaient au premier semestre en récession, la France se trouvant en quasi-stagnation. Malheureusement la croissance française serait selon lui vraisemblablement inférieure à la moyenne de la zone euro en 2003 pour la première fois depuis plusieurs années. Il a estimé que la reprise économique, tirée par la croissance américaine, devrait s'amorcer en France et en Allemagne fin 2003 - début 2004, mais rester limitée. Les réformes structurelles engagées en Allemagne, et plus lentement en France, étaient de nature à créer une dynamique européenne propre, mais seulement à terme.

M. Jean Arthuis, président, a sollicité le point de vue de M. Michel Pébereau sur les trois thèmes financiers suivants : la perspective de création d'une « banque postale », dont la commission des finances accepterait le principe dès lors que les activités financières de La Poste seraient logées dans une structure ayant le statut d'établissement de crédit et soumise aux mêmes droits et contraintes réglementaires que ses concurrents ; le récent mouvement de concentration bancaire en France et en particulier la prise de contrôle d'Eulia par la Caisse nationale des caisses d'épargne ; et les mesures présentées dans le projet de loi de finances pour 2004 concernant l'épargne-retraite et l'avoir fiscal.

M. Michel Pébereau a tout d'abord souhaité revenir sur la situation économique de la France dans une optique de long terme. Evoquant le rapport sur les délocalisations rédigé par M. Jean Arthuis en 1993, il a rappelé que le développement rapide des pays émergents avait été rendu possible par la libéralisation des échanges commerciaux internationaux et conduisait à une spécialisation internationale du travail et à la création dans ces pays d'emplois, notamment industriels, se substituant à des emplois équivalents des pays de l'OCDE. Considérant que le développement des échanges internationaux ne saurait être remis en cause, car il était la source essentielle de croissance économique et de progrès social pour les pays qui y participaient, il a souligné que l'Europe, les Etats-Unis et le Japon se trouvaient aujourd'hui en compétition entre eux pour la localisation des emplois qualifiés à forte valeur ajoutée, qui avaient vocation à rester dans les pays riches, et qui étaient eux-mêmes générateurs d'autres emplois de proximité de toute nature. La compétitivité du site France pour attirer ces emplois était à ses yeux un enjeu majeur et dépendait de notre capacité à baisser les prélèvements obligatoires, à réduire le champ de nos réglementations, à renforcer l'efficacité et la productivité de notre sphère publique. Il a précisé que le secteur bancaire et financier était un de ceux dans lesquels l'industrie française était performante et compétitive par rapport à ses concurrents des pays de l'OCDE et méritait d'être encouragée et soutenue.

En ce qui concernait la Poste, M. Michel Pébereau a estimé, qu'en tant que service public de courrier, elle avait probablement réalisé d'importantes adaptations dans les dernières années mais restait confrontée à un triple problème économique, social et d'aménagement du territoire qui impliquait de fortes actions de sa part. A cet égard, il a déploré que l'on ait imaginé pouvoir relever ces défis en faisant de La Poste un établissement de crédit, ce qu'elle n'était pas aujourd'hui, ou en créant un tel établissement en son sein, ce qui revenait au même, alors qu'une telle évolution n'était, selon lui, pas susceptible de répondre aux difficultés constatées. En effet, d'après les responsables de la Poste eux-mêmes, le développement des services financiers ne concernerait qu'un tiers des agences de La Poste, et ne contribuerait donc en rien à la solution des problèmes d'aménagement du territoire. Il a relevé que cela conduirait à un recrutement de spécialistes du crédit ou à une formation de jeunes recrutés qui ne répondraient pas au problème social posé par les sureffectifs éventuels des services postaux et que la situation économique de l'opérateur postal ne serait pas redressée par le développement d'une activité de crédit qui n'était guère profitable, et qui était, de toute façon, marginale par rapport au problème économique majeur que connaissaient des services postaux eux-mêmes. M. Michel Pébereau a également ajouté qu'il était déraisonnable de créer 6.000 nouveaux points de vente bancaires dans un pays déjà « surbancarisé », et que la présence de ce nouvel entrant dans un paysage bancaire déjà très concurrentiel n'apporterait rien aux consommateurs. Il a ainsi estimé que ce projet contribuerait à détruire des emplois du secteur privé pour créer des emplois du secteur public, à créer une banque nationalisée au moment où l'Etat privatisait ses dernières banques nationalisées, et à créer une distorsion de concurrence nouvelle dans un secteur soumis à la compétition internationale en développant une activité concurrentielle dans un service public. Ce projet, à ses yeux, ne contribuerait en rien à traiter les problèmes des services postaux.

M. Michel Pébereau a ensuite souligné que si la City de Londres était aujourd'hui beaucoup plus développée que la place de Paris, alors que toutes deux étaient affectées au début des années 70 par le contrôle des changes, c'était parce que la Grande-Bretagne avait placé le développement des activités financières et bancaires au premier rang de ses priorités depuis trente ans, alors que tel n'avait pas été le cas en France. En dépit de l'absence d'une telle politique dans notre pays et d'une longue période de nationalisations, les entreprises bancaires françaises détenaient désormais des positions concurrentielles fortes au niveau international et se situaient au premier plan au sein de la zone Euro. L'industrie bancaire française devait donc, selon lui, être traitée comme une autre industrie : envisagerait-on de permettre à une administration de développer une activité concurrentielle dans un autre secteur économique ?

S'agissant de la constitution d'un nouveau pôle bancaire autour d'Eulia et des Caisses d'épargne, M. Michel Pébereau a estimé qu'elle était en parfaite contradiction avec la création d'une banque postale : pourquoi privatiser Eulia si l'on créait au même moment une banque publique ? Il ne voyait cependant pas d'obstacle à la création de ce nouveau groupe dès lors que celle-ci s'accompagnerait de décisions permettant de faire disparaître progressivement les distorsions de concurrence dont il bénéficiait (notamment son monopole de distribution d'un produit d'épargne réglementée), de la même façon que les privilèges fiscaux et le monopole des dépôts des notaires dont le Crédit Agricole bénéficiait avaient été successivement retirés à celui-ci au fur et à mesure de l'extension de son domaine de compétence à de nouvelles activités concurrentielles : ainsi le contrôle d'Indosuez, banque comparable à Eulia, s'était accompagné du retrait des dépôts des notaires.

Totalement favorable à la promotion d'une épargne de long terme grâce à la création des deux nouveaux véhicules, le Plan d'épargne populaire pour la retraite (PERP) et le Plan partenarial d'épargne salariale volontaire pour la retraite (PPESVR), qui contribueraient notamment à rétablir une certaine équité avec les produits dont bénéficiait déjà la fonction publique, M. Michel Pébereau a indiqué que le groupe BNP Paribas avait l'intention de les promouvoir activement auprès de ses clients. Il a néanmoins regretté l'intégration de l'abondement annuel de l'entreprise au PPESVR dans le plafond global de déductibilité des cotisations versées au titre de l'épargne retraite. Il a considéré que cette globalisation rendrait difficile la mise en place par les Français d'une politique régulière d'épargne dans le cadre du PERP, dans la mesure où l'abondement de l'employeur au PPESVR était fixé annuellement par l'entreprise et n'avait donc aucun caractère d'automaticité ni de stabilité. Il a en outre indiqué que la possibilité d'une sortie en capital, et non pas uniquement d'une sortie en rente telle qu'elle était aujourd'hui envisagée, constituerait un facteur décisif de succès du PERP.

M. Michel Pébereau a ensuite considéré que le moment choisi pour supprimer l'avoir fiscal n'était guère opportun, dans la mesure où les épargnants verraient leurs revenus d'actions amputés d'un tiers, peu après avoir enduré une forte baisse des marchés financiers. Après avoir rappelé les principales caractéristiques du mécanisme de l'avoir fiscal, originellement destiné à éviter la double imposition d'une même base taxable à l'impôt sur les sociétés et à l'impôt sur le revenu, il a estimé que, si elle n'était pas compensée par un avantage fiscal équivalent, la suppression de cet avoir fiscal affecterait les placements en actions et pénaliserait les trois catégories d'épargnants qu'étaient les titulaires de plan d'épargne en actions, les détenteurs d'épargne salariale et les Français aisés qui étaient encore résidents fiscaux en France. Il a, à cet égard, préconisé pour ces derniers un déplafonnement du crédit d'impôt issu de la suppression de l'avoir fiscal, et pour les autres, un versement du crédit d'impôt dont ils auraient bénéficié en cas de détention directe. Il a également fait valoir que la fiscalité de l'épargne entretenait aujourd'hui le paradoxe de l'absence de prélèvement libératoire pour les revenus de « l'argent qui prenait des risques » puisqu'il était investi en actions, alors que « l'argent qui dormait », placé sur les produits de taux, en bénéficiait et que la fiscalité applicable aux plus-values immobilières venait d'être atténuée.

Un large débat s'est alors instauré.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a souhaité connaître la position de M. Michel Pébereau face à l'apparition de nouveaux acteurs bancaires, filiales des grands groupes de la distribution. Il a ensuite souhaité savoir si un lien pouvait être fait entre la bonne santé économique de la Grande-Bretagne et le fait qu'elle n'appartenait pas à la zone euro. Il a également souhaité avoir quelques éclaircissements sur les derniers développements communautaires en matière de comptabilité ainsi que sur la nouvelle directive sur les services d'investissement (DSI).

En réponse à M. Philippe Marini, rapporteur général, M. Michel Pébereau a indiqué que l'apparition de nouveaux acteurs bancaires issus de la grande distribution ne pouvait être contestée dès lors que ceux-ci respectaient les règles de la concurrence et ne bénéficiaient d'aucun avantage ou privilège du secteur public. Sur la question relative au dynamisme économique de la zone euro, il a rappelé que l'Espagne, qui en faisait partie, connaissait actuellement une croissance soutenue, grâce notamment aux politiques de déréglementation et de limitation du poids des prélèvements obligatoires menées par le gouvernement espagnol. Au sujet de la nouvelle DSI et des chantiers comptables menés par la Commission européenne, il a rappelé qu'il était crucial pour la France que les hommes politiques demeurent mobilisés, vigilants et présents au niveau des instances communautaires, les entreprises bancaires et financières étant de leur côté aussi actives que possible.

M. Jacques Oudin a rappelé qu'il existait une forte corrélation entre les investissements d'infrastructures publiques, notamment routières, et le taux de croissance d'une économie et a souhaité savoir s'il n'existait pas en ce domaine, pour la France, un gisement de croissance mal exploité, compte tenu de la faiblesse récurrente des dépenses d'investissement.

M. Maurice Blin a estimé que l'Europe lui apparaissait comme « victime » de la politique économique des Etats-Unis, soit parce qu'elle finançait la croissance de son compétiteur, soit qu'elle subissait le contrecoup de son faible dynamisme économique. Il s'est également inquiété du coup porté par les « 35 heures » à la culture entrepreneuriale et salariale en France, dénonçant comme fausse et malthusienne l'idée du partage du travail.

M. Aymeri de Montesquiou a souhaité obtenir des précisions supplémentaires sur la situation d'endettement des Etats-Unis. Il s'est également étonné, qu'avec des économies émergentes en son sein qui nécessitaient la réalisation d'importantes infrastructures, l'Europe ne connaisse pas un dynamisme économique plus soutenu.

M. Auguste Cazalet a estimé que la situation de La Poste était difficile. Il a également relevé, au vu de ce qu'il avait pu constater lui-même, que l'attractivité du territoire espagnol était actuellement beaucoup plus forte que celle du territoire français.

M. Eric Doligé a souhaité savoir si M. Michel Pébereau estimait réaliste d'espérer que la reprise américaine traverse l'océan Atlantique en direction de l'Europe et s'il ne fallait pas plutôt craindre que cette reprise n'aille dynamiser les économies asiatiques, de l'autre côté de l'océan Pacifique.

M. Jean Arthuis, président, a interrogé M. Michel Pébereau sur l'attitude des banques en matière de crédit aux entreprises, évoquant notamment le cas d'Alsthom.

En réponse à M. Jacques Oudin, M. Michel Pébereau a indiqué qu'il existait certes un lien entre les investissements en infrastructures publiques et le taux de croissance mais que le lancement de tels investissements ne constituait pas un instrument de gestion conjoncturelle efficace en raison des délais de mise en oeuvre nécessaires. Il a également souligné qu'il n'existait aujourd'hui, à sa connaissance, dans le budget de l'Etat, guère de marge de manoeuvre permettant de lancer un programme de grands travaux, compte tenu du niveau atteint par les dépenses de fonctionnement.

Il a ensuite indiqué à M. Maurice Blin que le financement des déficits des paiements courants de l'économie américaine était aujourd'hui pour une bonne part assuré par l'augmentation des réserves des banques centrales du Japon, de la Chine et de Taiwan. Il a estimé que la politique monétaire de la BCE n'avait pas vocation à assurer une valeur, faible ou forte, de l'euro par rapport au dollar, mais, conformément aux traités européens, à assurer la stabilité des prix de la zone euro. S'agissant des « 35 heures », il s'est surtout inquiété des conséquences de cette réforme sur le rapport de certains Français au travail. Il a souligné, en réponse à M. Auguste Cazalet que le « désir d'ascension sociale » des Français, pour eux et leurs enfants, à peu près général dans notre pays pendant les « Trente Glorieuses », avait été le moteur de la croissance française à cette époque, et qu'il s'était peut-être estompé pour une partie de nos concitoyens aujourd'hui, alors que l'Espagne connaissait, depuis la fin du franquisme, une mobilisation générale des énergies qui, conjuguée à l'appui européen sous la forme de fonds structurels expliquait, pour une large part, le dynamisme économique actuel de ce pays.

Après avoir apporté les éléments d'information souhaités par M. Aymeri de Montesquiou sur l'endettement américain, M. Michel Pébereau a rappelé qu'en France l'insuffisance des réformes, des déréglementations, et de reconstitution des marges de manoeuvre pendant la période précédente, économiquement favorable, expliquait que notre pays, soit, aujourd'hui, dans une situation économique et budgétaire très difficile.

Il a rappelé, à l'attention de M. Auguste Cazalet, que La Poste aurait dû depuis longtemps effectuer un fort ajustement industriel, comme d'autres entreprises, et notamment les banques, avaient dû le faire, mais que celui-ci était sans doute rendu plus difficile encore par la récente politique de recrutement liée aux « 35 heures ».

En réponse à M. Eric Doligé, il a indiqué que si la croissance américaine « tirait » actuellement l'économie des pays asiatiques, la France ne devait pas pour autant perdre de vue que ses compétiteurs essentiels étaient les pays industrialisés et non, directement, les pays émergents.

Enfin, en réponse à M. Jean Arthuis, président, M. Michel Pébereau a estimé que si les prises de risque en matière de crédit aux entreprises pouvaient être beaucoup plus importantes aux Etats-Unis qu'en France, c'était que les marges de ces crédits étaient beaucoup plus élevées là-bas qu'ici et que la législation des faillites y était plus respectueuse des droits des créanciers, ce qui signifiait qu'en cas de « malheur » les taux de récupération des créances compromises étaient très significativement plus élevés de l'autre côté de l'Atlantique..

PJLF pour 2004 - Crédits de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer : III - Transports et sécurité routière : Aviation et aéronautique civiles - Crédits du budget annexe de l'aviation civile - Examen du rapport spécial

La commission a ensuite examiné les crédits de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer : III - Transports et sécurité routière : Aviation et aéronautique civiles, sur le rapport de M. Yvon Collin, rapporteur spécial.

M. Yvon Collin, rapporteur spécial
, a souligné que les conséquences des attentats du 11 septembre 2001 étaient encore sensibles dans le secteur du transport aérien, avec un trafic passager en baisse de 3 % au premier semestre 2003. Il a relevé que cette situation critique était due à un ensemble de raisons d'ordres économique et géopolitique, comme la guerre en Irak ou l'épidémie de pneumopathie en Asie.

S'agissant du marché français, M. Yvon Collin, rapporteur spécial, a observé que l'année 2003 avait été marquée par deux événements d'importance majeure : d'une part, la faillite de la société Air Lib qui a entraîné une crise sociale d'une grande portée ; d'autre part, les bons résultats de la compagnie Air France qui lui permettent aujourd'hui d'envisager des fusions à l'échelle européenne.

M. Yvon Collin, rapporteur spécial, a rappelé que le budget de l'aviation civile était lui-même très dépendant de l'évolution du trafic en raison de son mode de financement par redevances et taxes. Il a noté que le projet de budget pour 2004, dans un contexte difficile, se caractérisait par une grande prudence, en faisant l'hypothèse d'une reprise modérée du trafic en 2004.

Il a ensuite attiré l'attention de la commission des finances sur deux points :

- d'une part, il a estimé que l'état d'avancement de la mise en place de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) par les services de l'aviation civile était satisfaisant et a présenté la structure qui pourrait être retenue : un budget annexe, au sens de l'article 18 de la LOLF, un compte d'affectation spéciale, au sens de l'article 20 de la LOLF, qui retracerait les interventions de l'actuel fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien (FIATA), et un programme « aviation civile » inscrit dans une mission « déplacements et transports » du ministère de l'équipement pour les actions régaliennes de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) ;

- d'autre part, il a abordé la question de la structure du FIATA pour 2004. Il a indiqué que, afin de financer la dotation de continuité territoriale inscrite à l'article 60 de la loi de programme pour l'outre-mer, le gouvernement avait majoré le taux de la taxe de l'aviation civile ainsi que la quote-part du FIATA, ce qui entraînait une hausse de plus de 66 % de ses crédits. Il a estimé que ce mode de financement était complexe et revenait à faire financer par une taxe générale une politique de subvention en direction de certains territoires. De plus, il a montré que ce schéma posait des problèmes économiques, la DGAC ayant été obligée d'augmenter le tarif de certaines redevances dont la redevance pour services terminaux en outre-mer, qui verrait son montant doubler.

M. Yvon Collin, rapporteur spécial, a cependant noté les efforts effectués par la DGAC afin de contenir son endettement et ses coûts de fonctionnement, ce qui entraînait une progression modérée des crédits.

Un large débat s'est instauré.

M. Maurice Blin est revenu sur le succès de l'A380 et s'est interrogé sur la baisse sensible des crédits consacrés aux avances remboursables pour les moteurs.

M. Jacques Oudin a évoqué le succès des compagnies aériennes « low cost » et les éventuelles menaces qu'elles pouvaient faire peser sur les compagnies généralistes.

M. René Trégouët a relevé que l'effort de recherche des entreprises du secteur aéronautique était en baisse depuis le début des années 90.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur le montant des charges « exceptionnelles » inscrites au crédit du budget annexe de l'aviation civile, ainsi que sur les conséquences du passage aux 35 heures dans les services.

En réponse à M. Maurice Blin, M. Yvon Collin, rapporteur spécial, a rappelé que l'A380 constituait d'ores et déjà un succès en termes aussi bien économique que technologique et qu'il permettait à l'Europe de se doter d'un avion de « haut de gamme » par rapport à la concurrence américaine. Il a rappelé que le secteur des moteurs connaissait actuellement une fin de cycle avec l'achèvement de programmes importants, évoquant, à ce propos, la collaboration réussie entre la SNECMA et General Electrics. Il a observé que les moteurs représentaient 30 % du montant de l'appareil, avec une durée de vie de 30 ans et, compte tenu des frais d'entretien et du coût lié au remplacement des pièces détachées, qu'ils étaient en quelque sorte vendus, en moyenne, trois fois au cours de leur existence.

En réponse à M. Jacques Oudin, M. Yvon Collin, rapporteur spécial, a fait état d'un récent entretien avec M. Jean-Cyril Spinetta, président-directeur général de la société Air France, qui l'avait conforté dans l'idée que, compte tenu des coûts induits par l'existence de certains services, les compagnies « low cost » et les compagnies généralistes avaient des métiers bien distincts, et que, en conséquence, ces deux types de compagnies pouvaient coexister.

En réponse à M. Jean Arthuis, président, il a rappelé les observations qu'il avait déjà formulées l'an passé, quant aux conditions de travail, relativement avantageuses, dans certains services du transport aérien. Il a précisé que les « charges exceptionnelles » correspondaient à un mécanisme correcteur qui permettait à la DGAC de respecter, avec un décalage de deux ans, l'égalité entre les produits et les coûts pour les redevances.

A l'issue de cette présentation, M. Yvon Collin, rapporteur spécial, s'est déclaré favorable à l'adoption du budget annexe de l'aviation civile et des crédits de l'aviation et de l'aéronautique civiles.

La commission a alors décidé de réserver sa position sur le budget annexe de l'aviation civile jusqu'à l'audition du ministre de l'équipement, des transports, du tourisme et de la mer, le mercredi 5 novembre, ainsi que celle sur les crédits de l'aviation et de l'aéronautique civiles, le président rappelant qu'il serait procédé à un seul vote sur les crédits du ministère de l'équipement, le jeudi 6 novembre.

PJLF pour 2004 - Crédits des services du Premier ministre - IV - Plan - Examen du rapport spécial

Puis la commission a examiné les crédits des services du Premier ministre : IV - Plan, sur le rapport de M. Claude Haut, rapporteur spécial.

M. Claude Haut, rapporteur spécial
, a tout d'abord rappelé que les crédits demandés en 2004 pour le Plan et les organismes qui lui étaient rattachés s'élevaient à 24,1 millions d'euros, en diminution de 5 % environ. Il a ensuite fait état de ses principales observations.

Il a en premier lieu observé que le Commissariat général du Plan était à la veille d'une mutation prévisible qui appelait toutefois des précisions. Après avoir fait état de la lettre de mission du Premier ministre à M. Alain Etchegoyen, nouveau commissaire au Plan, en date du 16 avril 2003, il a indiqué que ce dernier avait proposé une nouvelle ligne d'action, selon laquelle le Plan se tournerait vers la prospective, entendue dans une conception plus politique que purement macro-économique.

Il a noté qu'une trentaine de groupes de projet avait été créée ou était en passe de l'être, et relevé que ces groupes transversaux, qui présentaient la caractéristique d'être « périssables », remettraient plutôt des notes que de volumineux rapports.

Il a ensuite précisé que le commissaire au Plan avait, dans le prolongement du rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale, souhaité que le Commissariat général du Plan abandonne sa mission d'évaluation des politiques publiques et se détache de certains organismes associés.

M. Claude Haut, rapporteur spécial, a alors souligné l'incertitude actuelle quant à l'avenir du Plan et la nécessité d'obtenir des précisions du Premier ministre, qui devrait prochainement faire connaître ses arbitrages.

En second lieu, il a indiqué que le projet de budget pour 2004 apparaissait comme un budget de reconduction, ne reflétant pas les nouvelles orientations souhaitées par le commissaire au Plan, en dépit d'une diminution notable de certains crédits et de la suppression de trois emplois d'agents contractuels.

Il a estimé que les orientations du Premier ministre et le calendrier de la réforme éventuelle devaient être connus pour pouvoir porter un jugement sur ce budget.

Il a ensuite observé que la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) se mettait en place de manière progressive. Après avoir rappelé que le budget des services du Premier ministre se composait aujourd'hui de cinq fascicules budgétaires, il a indiqué qu'une mission unique devrait être instituée pour tous les services du Premier ministre, à l'exception du budget annexe des Journaux officiels et relevé que quatre programmes devraient être créés au sein de cette mission.

Notant que les informations restaient vagues et générales pour le moment, il a souhaité obtenir de la part du gouvernement davantage de précisions.

Il a d'autre part relevé que la mise en oeuvre au Commissariat général du Plan du progiciel ACCORD (application coordonnée de comptabilisation, d'ordonnancement et de règlement de la dépense de l'Etat), à compter du 1er janvier 2002, ne s'était pas révélée totalement concluante.

Enfin, il a constaté, ainsi qu'il l'avait déjà regretté l'an passé, que l'évaluation des contrats de plan Etat-régions présentait encore des faiblesses. Il a notamment souligné que les programmes les plus coûteux étaient assez rarement évalués et que l'utilisation des résultats des évaluations n'était pas aussi avancée que l'activité d'évaluation elle-même. En conclusion, il a noté que tous les projets d'évaluation présentés par les préfets de région avaient pu être financés en 2002, mais que tel n'était pas le cas en 2003.

Compte tenu des fortes incertitudes relatives à l'avenir du Plan, M. Claude Haut, rapporteur spécial, s'est déclaré, à ce stade de l'examen des crédits, réservé sur l'adoption de ce budget et a souhaité obtenir davantage d'informations de la part du gouvernement. Il a, à cet égard, estimé que l'amendement de réduction de crédits de 2 millions d'euros adopté par la commission des finances de l'Assemblée nationale, sur proposition de M. Hervé Novelli, lui semblait prématuré mais pourrait permettre d'obtenir des précisions sur l'avenir du Commissariat.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité obtenir des informations sur les mises à disposition de fonctionnaires auprès du Commissariat général du Plan et sur l'impact des 35 heures.

M. Maurice Blin a estimé que la réduction des personnels était insuffisante et émis des critiques à l'encontre des intitulés des groupes de projet. Il a fait valoir qu'il était, à ce stade, difficile de se prononcer sur ces crédits compte tenu des incertitudes actuelles.

M. Jean Arthuis, président, s'est montré critique à l'égard des thèmes d'étude des groupes de projet et a effectivement souhaité que la commission puisse attendre la présentation par le Premier ministre des nouvelles orientations assignées au Commissariat général du Plan pour se prononcer définitivement sur l'adoption de ses crédits.

A l'issue de ce débat, la commission a donc décidé de réserver sa position sur le budget du Plan jusqu'au jeudi 20 novembre.

Jeudi 16 octobre 2003

- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

PJLF pour 2004 - Crédits des affaires européennes (article 41) - Examen du rapport spécial

La commission a tout d'abord procédé à l'examen des crédits des affaires européennes (article 41), sur le rapport de M. Denis Badré, rapporteur spécial.

M. Denis Badré, rapporteur spécial, a introduit son propos en indiquant que l'ordre de grandeur du prélèvement sur recettes au profit du budget européen était aisément mémorisable, puisqu'il s'élevait à l'équivalent d'environ 100 milliards de francs (16,4 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2004), pour un budget communautaire de 100 milliards d'euros. Ce prélèvement représentait 6,5 % des recettes fiscales nettes, ce qui en faisait un enjeu budgétaire non négligeable.

Il a précisé que le prélèvement européen avait été chroniquement surestimé de 1989 à 2002, mais qu'une rupture de tendance s'était amorcée en 2003 avec une sous-estimation de la prévision du prélèvement par rapport à l'exécution, ce qui contribuait à accroître encore la pression sur le budget français dans une phase conjoncturelle difficile. La surestimation des besoins avait été notamment due à la sous-exécution de certains programmes communautaires, en particulier des fonds structurels, dont l'insuffisant niveau d'exécution depuis de nombreuses années constituait un vrai sujet de préoccupation. Il a ainsi considéré que les modalités d'attribution de ces fonds devaient être recentrées et redéfinies au profit des régions manifestant un réel retard de développement. Il a ajouté qu'à long terme, du point de vue de l'intérêt strictement budgétaire de la France, cela impliquerait de renoncer aux fonds structurels plutôt qu'à la politique agricole commune (PAC), dans la mesure où les retours nets étaient négatifs pour les premiers et largement positifs, d'environ 3 milliards d'euros, pour la seconde ; mais qu'avant tout l'intérêt de l'Europe consisterait à se focaliser sur de grands projets structurants plutôt que sur des programmes d'intérêt local.

Il a constaté que le mécanisme de correction britannique prenait des proportions « démesurées », voyait ses justifications originelles perdre de leur actualité, et se révélait de surcroît « contagieux » puisque d'autres pays avaient obtenu un dispositif semblable, ce qui allait à l'encontre de la solidarité européenne. Evoquant la proposition de la Commission portant sur un mécanisme de correction généralisé, il a estimé que cette solution était vraisemblablement la moins mauvaise mais ne saurait être pérennisée. Il a ensuite rappelé que le mécanisme du prélèvement sur recettes, qui n'était pas prévu par l'ordonnance organique de 1959, s'était imposé de manière empirique et avait fait l'objet d'une validation a posteriori par le Conseil constitutionnel en 1982, mais était aujourd'hui clairement prévu et encadré par l'article 6 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

Après avoir fait part de sa satisfaction sur la réelle modération dont faisait preuve le projet de budget européen pour 2004 en dépit de l'élargissement à dix nouveaux pays, avec une hausse des crédits de paiement et des crédits d'engagement limitée respectivement à 2,7 % et 12,3 %, M. Denis Badré, rapporteur spécial, a insisté sur la nécessité de définir un cadre financier précis pour les prochaines perspectives pluri-annuelles à compter de 2007, et sur le fait qu'on ne pourrait plus longtemps éluder la nécessité de vraies ressources propres européennes, d'un gouvernement économique efficace et d'une harmonisation fiscale. Il a en outre considéré que la réforme de la PAC décidée en juin de cette année n'était pas appropriée, que la politique européenne de recherche était peu efficace, et que le financement des réseaux transeuropéens de transport devait être considérablement accru, en particulier pour développer des projets structurants tels que les percées alpines, qui contribuaient à rapprocher le nord et le sud de l'Europe, dimension au moins aussi importante que l'élargissement à l'est.

Un large débat s'est alors engagé.

M. Maurice Blin, se référant au cas d'un projet interrégional impliquant la Belgique et le nord de la France, s'est en premier lieu interrogé sur le niveau réel de consommation des fonds structurels en France, qui serait d'après lui passé d'un stade de sous-consommation à un sur-engagement des crédits jusqu'en fin de période de programmation, soit 2006, estimant au cas d'espèce que les actions de mobilisation des projets conduites par les préfectures régionales avaient, en effet, permis un véritable « appel d'air ». Il a néanmoins déploré que les paiements européens fussent particulièrement tardifs. Il s'est en outre demandé si les dispositions financières du projet de Constitution européenne allaient exercer une incidence sur les pouvoirs budgétaires du Parlement européen. Il a enfin considéré que l'élargissement conduirait nécessairement à « raboter » l'éligibilité des régions de l'Europe des Quinze aux fonds structurels, et que les perspectives de cette évolution majeure demeuraient aujourd'hui particulièrement floues.

M. François Marc, partageant certaines remarques formulées par M. Maurice Blin, a estimé que les élus locaux s'étaient largement laisser « convaincre » par les préfectures, de telle sorte que le trop grand nombre de projets désormais validés provoquait un « goulot d'étranglement » sur les nouvelles propositions de financement. Evoquant l'initiative franco-allemande de développement de grandes infrastructures européennes et les projets de la Commission dans ce domaine, il s'est interrogé sur les sources de financement et les marges de manoeuvre disponibles pour un programme de cette ampleur. Il a enfin constaté que les services bruxellois recelaient un nombre « pléthorique » de collaborateurs, et s'est demandé s'il existait au sein de la Commission une démarche de modernisation publique analogue à celle induite par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, de nature à permettre de juger la cohérence et la nécessité de ces nombreux postes.

M. Aymeri de Montesquiou a, pour sa part, relevé la permanence de la sous-consommation des crédits européens dans son département, celui du Gers, et a souhaité connaître l'état de la réflexion sur la mise en place d'un impôt européen.

M. Jean Arthuis, président, a indiqué qu'une récente réunion avec le Président du Parlement européen et plusieurs députés de cette institution chargés des questions budgétaires, lui avait donné le sentiment que ces derniers montraient un « sens perfectible de la responsabilité budgétaire », dans la mesure où ils avaient à cette occasion semblé se soucier avant tout de relever le plus possible le montant des crédits versés pour la reconstruction de l'Irak, sans se préoccuper de l'existence des moyens financiers disponibles à cette fin. Il s'est également demandé si les fonds structurels étaient réellement conformes à la vocation de l'Union européenne, qui se révélait par ailleurs incapable de relancer la croissance, et ne constituaient pas une forme parfois absurde d' « antisubsidiarité », dans la mesure où ils constituaient des subventions à des opérations d'envergure réduite, assorties de mécanismes de redistribution trop complexes. Il a en outre considéré que le niveau de rémunération et d'imposition des fonctionnaires européens méritait un examen attentif, et a estimé que l'élargissement allait probablement conduire à des dérives budgétaires à moyen terme.

En réponse à M. Jean Arthuis, président, M. Denis Badré, rapporteur spécial, a rappelé que le mode d'élection des députés européens dans certains pays, et en particulier en France, les dispensait de manifester un attachement prononcé à des projets locaux, et que le Parlement européen ne votant pas les recettes était donc naturellement incliné à accroître les dépenses. Il a estimé que l'Europe n'aurait pas de réelle existence politique tant que ce cadre perdurerait, et que les dépenses et recettes devaient, par conséquent, être votées à un même niveau institutionnel. Puis, évoquant sa participation à la Conférence des organismes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC) du 7 octobre 2003, il a souligné le consensus qui s'y était manifesté quant à la nécessité de ne pas modifier substantiellement le projet de Constitution, et il a appelé de ses voeux la mise en place d'une véritable gouvernance économique européenne. Il a ensuite confirmé que le « principe d'additionnalité » des fonds structurels tendait à s'opposer au « principe de subsidiarité », et que la présence de divers niveaux décisionnels investis des mêmes tâches induisait une perte de temps dans le traitement des dossiers. Il a, à cet égard, regretté que la France demeure trop attachée à la présence de ses ressortissants aux échelons les plus élevés de la hiérarchie, et se soucie moins de la faible implantation française aux niveaux plus opérationnels.

Répondant à M. Maurice Blin, il a estimé que les dispositions budgétaires du projet de Constitution demeuraient d'un impact limité, mais qu'on ne pourrait sans doute pas aller plus loin dans ce domaine.

Reprenant les propos de M. François Marc sur les effectifs de fonctionnaires européens, il a indiqué, à titre d'exemple, que l'élargissement impliquait des traductions simultanées en dix-sept langues et occasionnerait donc des coûts administratifs élevés, en dépit, dans certains cas, de traductions intermédiaires en anglais ou en français.

S'adressant à MM. Maurice Blin et François Marc, M. Denis Badré, rapporteur spécial, a ensuite souligné qu'une distinction devait être opérée entre engagement et paiement des crédits d'actions structurelles, la situation française actuelle consistant en effet à « saturer » les crédits d'engagement pour des paiements devant intervenir ultérieurement. Il a estimé que l'intérêt budgétaire de la France aurait été de « renationaliser » la politique structurelle il y a quelques années, d'autant que les versements en France allaient diminuer en raison de l'intégration des nouveaux Etats membres. Les enjeux de la PAC étaient selon lui différents et ne justifiaient pas une renationalisation, dans la mesure où l'agriculture relevait d'un choix de société opéré dès les origines de la construction européenne, et où l'échelon pertinent de gestion des complexes mécanismes de cette politique devait rester communautaire.

En réponse à M. Aymeri de Montesquiou, il a rappelé que le financement du budget communautaire était désormais très majoritairement assis sur les cotisations des Etats membres au titre des ressources PNB et TVA, et non plus sur de réelles ressources propres, prévues dès l'origine pour être déconnectées du poids économique relatif de chaque pays. La prépondérance de la ressource PNB avait selon lui conduit à focaliser l'attention des gouvernements sur la problématique des « retours nets », et partant, à multiplier les demandes de mécanismes correcteurs. Il a considéré que ce contexte pouvait justifier la création d'un véritable impôt européen, dont l'assiette - TVA, taxe sur les produits pétroliers ou impôt sur les bénéfices des sociétés par exemple - devrait néanmoins faire l'objet de débats. Un tel impôt n'était cependant, selon lui, concevable qu'en substitution d'un impôt national, et pour autant que soit préalablement bien identifiée la nouvelle compétence communautaire qu'il contribuerait à financer.

M. Jean Arthuis, président, s'est alors demandé si les cultures fiscales des Etats membres étaient suffisamment homogènes et propices à l'égalité des citoyens européens devant l'impôt. Il a également considéré qu'un impôt européen devrait être assis sur la consommation, ce qui permettrait, notamment, de compenser la sous-évaluation de la livre sterling.

Mme Marie-Claude Beaudeau a exprimé son opposition à une telle assiette.

M. Denis Badré, rapporteur spécial, a alors conclu que, du fait des différences d'assiette et de taux qui perduraient en Europe, une harmonisation fiscale constituait un préalable nécessaire à toute tentative d'établissement d'un impôt européen.

La commission a alors décidé de proposer au Sénat d'adopter l'article 41 du projet de loi de finances pour 2004.

PJLF pour 2004 - Crédits du budget annexe des Journaux officiels - Examen du rapport spécial

La commission a ensuite examiné les crédits du budget annexe des Journaux officiels, sur le rapport de M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial.

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial, a indiqué que le budget annexe des Journaux officiels était en baisse de 13,6 %, et s'établissait à 169 millions d'euros.

Il a relevé que malgré des dépenses d'exploitation contenues, en diminution de 1,4 %, des prévisions de recettes prudentes liées à une baisse attendue sur les recettes d'annonces de marchés publics et l'engagement d'investissements lourds longtemps retardés entraîneraient un affaiblissement substantiel de l'excédent d'exploitation, ramené à 3,9 millions d'euros.

Il a observé que la direction des Journaux officiels avait contribué à la mise en oeuvre du programme d'action gouvernemental pour la société de l'information, en assumant la responsabilité du service public pour la diffusion du droit. Il s'est réjoui de constater que le succès était au rendez-vous, ainsi qu'en témoignait la fréquentation des sites Légifrance et Journaux officiels.

Il a ajouté que ce succès comportait cependant un coût, susceptible de modifier, dans les années à venir, l'équilibre du budget annexe.

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial, a ainsi constaté que la diffusion sur Internet entraînait une réduction de la production papier, malgré les efforts entrepris par la direction des Journaux officiels pour améliorer la diffusion et développer des politiques de partenariat.

Il a observé que dans le même temps, des investissements de modernisation importants s'imposaient, relevant qu'en 2001 et 2002, les ratios d'investissements sur recettes des Journaux officiels étaient descendus à des taux extrêmement bas de 1,3 % puis de 0,9 % du chiffre d'affaires. Il a indiqué que la conjugaison de trois facteurs exigeait un retour aux normes de la profession : le vieillissement du bâtiment de la rue Desaix, l'usure d'équipements de production lourds et la modernisation des outils informatiques.

Il a ensuite observé que les incertitudes juridiques pesant depuis plusieurs années sur le futur statut du budget des Journaux officiels, liées à la définition des budgets annexes dans la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), aux relations juridiques qui liaient la DJO à la SACI-JO, et au règlement de la question du déficit de la caisse des pensions commune aux deux entités, demeuraient. Il a souligné que ces incertitudes étaient de nature à influer sur les modes de réalisation de l'équilibre budgétaire, et qu'il importait, pour faciliter les choix de gestion et préserver l'avenir des personnels des Journaux officiels, dont il a salué la compétence et le sens du service public, de les lever.

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial, a rappelé que les Journaux officiels assuraient une mission essentielle de service public, d'édition et de diffusion des normes nationales, dont la forte unité fonctionnelle était appelée à se renforcer dans la mesure où la loi autorisant le gouvernement à simplifier le droit, votée par le Parlement en juin dernier, prévoyait de reconnaître à l'édition électronique les mêmes effets que l'édition papier, et que certains types de textes, énumérés par décret, pourraient ne faire l'objet que d'une diffusion en ligne. Il a souligné que la fiabilité de l'édition électronique en revêtirait une importance cruciale.

Il a regretté, à cet égard, que les tâches de diffusion liées au service public de diffusion des données juridiques aient été confiées, lorsqu'il a été mis fin à la concession, à un prestataire, sans que soit prévue leur réintégration au sein de la direction des Journaux officiels.

Il a, enfin, salué l'objectif poursuivi par la direction des Journaux officiels de modernisation du système d'information, observant toutefois que le faible taux d'engagement des autorisations de programme et de consommation des crédits sur les chapitres du fonctionnement et de l'investissement informatique témoignait de difficultés d'adaptation.

Un débat s'est alors instauré.

Mme Marie-Claude Beaudeau s'est interrogée sur la capacité du budget annexe à assurer dans l'avenir, étant donné l'érosion des recettes de vente, le financement d'investissements importants à engager, notamment pour la modernisation du système informatique. Elle s'est, à cet égard, inquiétée de la baisse de la dotation pour investissement informatique en 2004, en dépit des exigences de modernisation, notamment de la chaîne de photocomposition. Elle a souhaité que les causes de l'affaiblissement de l'excédent soient clarifiées, afin que celui-ci ne soit pas attribué à une baisse de rentabilité.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur le coût de mise en oeuvre des 35 heures aux Journaux officiels, et, évoquant le contexte budgétaire difficile, sur les économies possibles à réaliser en 2004.

En réponse à Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial, a indiqué que si l'érosion tendancielle du produit des ventes était en effet susceptible de modifier, à terme, l'équilibre du budget, l'affaiblissement de l'excédent d'exploitation prévu en 2004 tenait pour l'essentiel à une baisse attendue des recettes d'annonces de marchés publics, liée à la nouvelle réforme du code des marchés publics.

Il a ensuite indiqué que le niveau de la dotation pour investissement informatique au titre de 2004 s'expliquait par l'existence d'une enveloppe disponible de 9,7 millions d'euros sur ce chapitre en 2003.

En réponse à M. Jean Arthuis, président, M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial, a indiqué que la loi sur les 35 heures n'avait pas eu d'incidence aux Journaux officiels, puisque des horaires spécifiques s'y appliquaient déjà.

Il a ajouté que les dépenses d'exploitation étaient en baisse de 1,4 % en 2004, et que les besoins d'investissements urgents, liés à la rénovation des locaux et des équipements vieillissants de la rue Desaix rendaient difficiles une compression supplémentaire des dépenses du budget annexe.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits du budget annexe des Journaux officiels.