Travaux de la commission des finances



- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Fiscalité locale - Péréquation entre les régions - Communication

La commission a entendu, tout d'abord, une communication de M. Claude Belot, rapporteur du groupe de travail commun à la commission des affaires économiques et du plan, à la délégation du Sénat pour l'aménagement et le développement durable du territoire et à la commission des finances, portant sur la péréquation entre les régions.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que le 22 octobre 2003, la commission, après avoir auditionné M. Jean François-Poncet, président du groupe de travail, avait adopté le rapport présenté par son rapporteur, M. Claude Belot, sur la péréquation interdépartementale.

M. Claude Belot, rapporteur du groupe de travail, a souligné que l'autonomie financière des régions avait été singulièrement « rognée » par un certain nombre de mesures récentes : suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, suppression de la part régionale de la taxe d'habitation, suppression des taxes additionnelles aux droits de mutation. Il a indiqué que la disparition de ces ressources propres avait été compensée par des ressources « figées » et faiblement indexées.

Après avoir rappelé que la « loi Pasqua » contenait un volet relatif à la péréquation et dressé un rapide bilan du fonds de correction des déséquilibres régionaux (FCDR), créé en 1993, M. Claude Belot a déclaré que le groupe de travail avait choisi de n'examiner que les compétences obligatoires des régions (c'est-à-dire environ les trois quarts des dépenses) en matière de lycées, de formation professionnelle et de transport ferroviaire régional de voyageurs. Il a indiqué qu'en conséquence, avaient été exclus du champ de l'étude les contrats de plan Etat-région, ainsi que les politiques territoriales.

M. Claude Belot a ajouté que le groupe de travail avait décidé, s'agissant des régions, d'utiliser la même méthodologie qu'en matière de péréquation interdépartementale, avec, notamment, un état des lieux des inégalités existantes, tant du point de vue des ressources que des charges, et la mise au point d'un indice synthétique, résumant, en un tableau unique, la situation respective des différentes régions, à partir d'indicateurs physiques qui neutralisaient les politiques plus ou moins « dépensières » de ces collectivités.

S'agissant des inégalités de ressources, M. Claude Belot a signalé que le potentiel fiscal, c'est-à-dire la valeur cumulée des bases d'imposition des taxes directes de la région, multipliée par le taux moyen national, le plus élevé, celui de l'Ile-de-France, représentait par habitant, près de deux fois le plus faible, à savoir celui du Languedoc-Roussillon.

Evoquant ensuite les inégalités de charges entre les régions, M. Claude Belot a déclaré que, s'agissant des dépenses de fonctionnement relatives aux lycées, les disparités étaient faibles, puisque le rapport entre la dépense la plus élevée, celle de la région Nord-Pas-de-Calais, et la dépense la plus faible, celle des Pays-de-la-Loire, était de 1,61.

En ce qui concernait les dépenses de fonctionnement liées à la formation professionnelle, il a relevé que les écarts étaient plus forts, la dépense s'étageant de 17,8 euros en Aquitaine à 62,2 euros dans le Languedoc-Roussillon, le rapport s'établissant donc à 3,49.

S'agissant des dépenses de fonctionnement liées aux transports ferroviaires, il a indiqué que le rapport entre la dépense la plus élevée, 66,46 euros pour le Limousin, et la dépense la plus faible, 15,54 euros pour la Provence-Alpes-Côte d'Azur, s'élevait à 4,28, ce qui traduisait une inégalité importante de charges.

Après avoir rappelé que l'étude portait sur 75 % environ des dépenses de région, en excluant notamment les contrats de plan Etat-région et les contrats de territoire fédérant, autour d'un projet régional, d'autres collectivités territoriales, telles que les départements, M. Claude Belot a indiqué que l'examen de l'indice synthétique obtenu, pour chaque région, par l'addition des indices de ressources et l'addition des indices de charges, faisait ressortir, pour toutes les régions, un solde positif après prélèvement des dépenses relatives aux trois compétences principales. Il a souligné que le solde disponible, c'est-à-dire « la marge de manoeuvre », variait dans des proportions importantes, allant de 1 à 40.

Evoquant l'action économique des régions, M. Claude Belot a indiqué que d'après l'indicateur de charges spécifique construit par le groupe de travail, il ressortait que cinq régions n'avaient pas les moyens d'intervenir dans ce domaine : Champagne-Ardennes, Centre, Languedoc-Roussillon, Bourgogne et Limousin.

Puis M. Claude Belot a abordé les propositions du groupe de travail en faveur d'une nouvelle péréquation interrégionale.

Après avoir rappelé que la loi de finances initiale pour 2004 avait instauré une dotation globale de fonctionnement (DGF) régionale sur le même modèle que la DGF des autres collectivités territoriales (dotation forfaitaire et dotation de péréquation), M. Claude Belot a déclaré que, si l'on décidait chaque année d'affecter 95 % de l'augmentation de la DGF régionale à celle de la dotation de base, il faudrait 48 ans pour accroître de 800 millions d'euros la dotation de péréquation. Il a indiqué que cette augmentation pouvait être réalisée en 9 années, si l'on n'affectait chaque année que 5 % de l'augmentation de la DGF régionale à celle de la dotation de base.

Un débat s'est alors instauré.

M. Jean Arthuis, président, a déploré que l'autonomie financière des régions ait été réduite en 2000 et 2001.

M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est interrogé sur l'opportunité de donner aux régions un rôle de chef de file en matière d'interventions économiques, alors que certaines ne disposaient pas des moyens nécessaires. M. Yves Fréville a estimé qu'il était difficile d'accroître la péréquation entre les régions, dans la mesure où cela impliquait une moindre progression de la dotation forfaitaire.

En réponse, M. Claude Belot a indiqué qu'il n'était, selon lui, pas souhaitable de subordonner les interventions économiques des communes et des départements à celles des régions, si ces dernières ne disposaient pas de moyens suffisants. Il a indiqué que le groupe de travail était conscient des difficultés de mise en oeuvre de ses préconisations.

M. Jean Arthuis, président, a estimé que des transferts financiers supplémentaires devaient être opérés entre les régions les plus riches et les régions les plus pauvres, et qu'il convenait de débattre avec les présidents de région des moyens de mettre en oeuvre une telle solidarité. M. Yves Fréville a suggéré de lier chaque dotation au potentiel fiscal des collectivités. M. Roland du Luart, estimant qu'une réforme de la péréquation serait excessivement complexe, a évoqué la possibilité de réduire le nombre de régions, afin de réduire les inégalités entre elles. M. Philippe Marini, rapporteur général, a considéré qu'il n'était ni possible, ni souhaitable, que la péréquation compense parfaitement les inégalités entre collectivités territoriales. M. Aymeri de Montesquiou a souligné le faible montant du budget global des régions, soit 16,7 milliards d'euros en 2003, et s'est interrogé sur la possibilité d'un « rattrapage » des régions françaises les moins développées, sur le modèle de ce qui s'était pratiqué au niveau communautaire.

M. Jean Arthuis, président, a estimé que le débat qui venait de s'instaurer prouvait, une nouvelle fois, qu'il était difficile de concilier les principes constitutionnels de péréquation et d'autonomie financière des collectivités territoriales figurant au sein de l'article 72-2 de la Constitution.

La commission des finances a alors décidé à l'unanimité d'autoriser la publication des conclusions du groupe de travail sous la forme d'un rapport d'information.

Octroi de mer - Audition de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer

La commission a ensuite procédé à l'audition de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que la commission des finances avait été saisie au fond du projet de loi n° 335 (2003-2004) adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à l'octroi de mer, et qu'il était le résultat d'une longue négociation avec les autorités européennes, qui avait été menée par la ministre.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a précisé l'importance de ce texte pour les quatre départements d'outre-mer, ainsi que l'attente qu'il suscitait dans ces collectivités. Elle a constaté que l'octroi de mer assurait les ressources des budgets des collectivités d'outre-mer, en particulier des communes, tout en favorisant le développement des entreprises locales par le biais des possibilités d'exonérations. Elle a souligné que deux années de discussion avec les autorités communautaires avaient été nécessaires afin de parvenir à un accord.

Puis elle a exposé les grandes lignes du projet de loi. Elle a indiqué qu'il s'agissait d'un droit de consommation très ancien, perçu depuis le XVIIe siècle, et qui relevait aujourd'hui de la compétence des conseils régionaux. Elle a relevé que son produit alimentait le budget des communes des DOM, ainsi que celui du département de Guyane, alors que les régions d'outre-mer bénéficiaient, depuis 1984, d'un droit additionnel à l'octroi de mer (DAOM).

Puis elle a dressé un bilan du produit total de l'octroi de mer, qui s'élevait à 615 millions d'euros pour les communes et à 140 millions d'euros pour les régions en 2003, soulignant ainsi la part déterminante de ces ressources pour les collectivités ultramarines. Elle a fait valoir, également, que l'octroi de mer permettait d'apporter un soutien aux entreprises des DOM, à travers la possibilité d'exonération, totale ou partielle, dont elles pouvaient bénéficier, sous certaines conditions, tandis que les importations de produits de même nature pouvaient rester taxées, montrant également que, sans la mise en place de ces différentiels d'octroi de mer, la plupart des entreprises des DOM n'aurait pas la possibilité d'atteindre un seuil de rentabilité économique compte tenu des handicaps auxquels elles étaient confrontées.

Mme Brigitte Girardin a relevé, toutefois, que le maintien de cette forme de soutien économique, dérogatoire au Traité instituant la Communauté européenne, supposait l'accord des autorités communautaires, sous la forme d'une décision du Conseil européen, sur proposition de la Commission européenne, prise sur la base de l'article 299-2 du Traité d'Amsterdam. Elle a observé que le régime d'exonérations actuellement en vigueur, issu de la loi de 1992, elle-même fondée sur la décision du Conseil européen de 1989, arrivait à échéance le 31 décembre 2002. En conséquence, elle a montré que le régime d'exonération d'octroi de mer se trouvait menacé au-delà du 31 décembre 2002, d'où la priorité, qui avait été celle de son ministère, d'obtenir la prorogation d'un an du régime, jusqu'à la fin de l'année 2003.

Elle a noté que le délai ainsi obtenu avait été mis à profit pour préparer, en étroite concertation avec les exécutifs régionaux et les acteurs économiques locaux, une nouvelle demande circonstanciée, remise au commissaire M. Fritz Bolkenstein en avril 2003, demande qui avait servi de base à des discussions intenses avec les services de la Commission européenne.

Elle a fait état de la décision favorable à la France, rendue par le Conseil en février 2004, et qui permettait d'instaurer dans les DOM, jusqu'au 1er juillet 2014, un régime ouvrant la possibilité de faire bénéficier une liste de produits locaux d'écarts de taux d'octroi de mer dans des limites précisément définies. Elle a souligné que la décision du Conseil prévoyait une mise en place du nouveau régime à compter du 1er août 2004, ce qui rendait nécessaire la demande d'examen, en urgence, par le Parlement du projet de loi relatif à l'octroi de mer. En complément, elle a exposé que le projet de loi avait été également notifié à la direction générale de la concurrence de la Commission européenne, au titre des aides d'Etat, et que celle-ci avait pu confirmer, à la fin du mois de mai 2004, la compatibilité de ce projet de loi avec la réglementation communautaire relative aux aides d'Etat.

Mme Brigitte Girardin a rappelé les trois objectifs principaux du projet de loi, qui étaient le maintien du soutien économique apporté aux entreprises des DOM à travers l'outil fiscal qu'était l'octroi de mer, une meilleure utilisation budgétaire du produit de cette taxe et, enfin, une simplification administrative.

Concernant le soutien économique, elle a précisé que le premier objectif du projet de loi était de transposer, dans le droit national, le nouveau dispositif d'exonérations autorisé par la décision du Conseil, qui reposait sur la définition de trois listes de produits, dans chaque DOM, auxquelles étaient associés des écarts maximum de taxation entre les produits locaux et les produits importés identiques, l'avantage ainsi conféré aux productions locales devant rester dans une limite de 10, 20 ou 30 points. De plus, elle a évoqué la question des petites entreprises, dont le chiffre d'affaires était inférieur à 550.000 euros, qui auraient, de nouveau, la possibilité d'être exonérées d'octroi de mer avec, en outre, un supplément de protection qui prenait la forme d'une majoration de 5 points des écarts de taux autorisés.

Mme Brigitte Girardin a, cependant, montré que l'exonération systématique des entreprises, dont le chiffre d'affaires était inférieur à 550.000 euros pouvait, dans certaines conditions, conduire à abaisser les taux de l'octroi de mer appliqués jusqu'alors à certains produits importés, provoquant ainsi une baisse de rendement de la taxe, ce qui avait conduit le gouvernement à présenter, à l'Assemblée nationale, un amendement permettant aux conseils régionaux de déroger à la règle générale d'exonération totale de ces entreprises, cette solution devant cependant rester exceptionnelle en raison de la possibilité d'introduire une demande motivée d'actualisation des listes de produits pouvant bénéficier d'écarts de taxation. Elle a observé qu'à la différence du dispositif actuel de l'octroi de mer, qui reposait sur un système de taux plafonné à 30 %, le nouveau dispositif instaurait un système où les taux étaient, a priori, libres, sous réserve du respect des écarts de taxation autorisés au bénéfice des productions locales. Elle a insisté, par ailleurs, sur le fait que le projet de loi reconduisait, à l'identique, le marché unique antillais, ainsi que les régimes douaniers suspensifs.

Concernant l'utilisation budgétaire du produit de la taxe, Mme Brigitte Girardin a indiqué que le projet de loi visait à porter remède à une consommation insuffisante, dans certains DOM, des « fonds régionaux pour le développement et l'emploi » (FRDE), qui avaient été institués afin de permettre, aux régions, d'apporter aux communes, sur les ressources de l'octroi de mer, des subventions d'investissement destinées à faciliter l'installation d'entreprises et à développer l'emploi. Elle a remarqué que le texte du gouvernement avait été amendé, avec son accord, et qu'il était dorénavant prévu de verser directement aux communes 80 % des FRDE, sous la forme d'une dotation d'équipement local destinée à financer l'investissement communal, les régions recevant pour leur part 20 % des FRDE pour financer des investissements réalisés sous leur propre maîtrise d'ouvrage ou celle des syndicats mixtes ou des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

Elle a mis en lumière, de plus, l'adoption, par l'Assemblée nationale, d'un autre amendement, avec le soutien du gouvernement, qui prévoyait de reverser aux communes les soldes des FRDE non engagés par les régions au 31 décembre 2003. Elle a noté, également, que le droit additionnel à l'octroi de mer devenait l'octroi de mer régional, fixé à 2,5 %, et que ce droit régional, s'ajoutant à l'octroi de mer, devait respecter la décision du Conseil en matière d'écarts maximum de taux. En ce qui concernait la Guyane, elle a rappelé que le département bénéficiait, depuis 1975, de 35 % de la dotation globale garantie, alors que, dans les autres DOM, celle-ci était entièrement versée aux communes, et qu'un amendement parlementaire avait prévu, à compter de 2005, de plafonner la recette du département à son niveau de 2003, soit 27 millions d'euros.

S'agissant de la simplification administrative, Mme Brigitte Girardin a insisté sur le fait que les entreprises locales n'auraient plus, dorénavant, qu'un seul et même interlocuteur, à savoir les services de la douane, désormais compétents pour gérer l'ensemble de l'octroi de mer.

Mme Brigitte Girardin a indiqué que le projet de loi soumis au Sénat intégrait les améliorations proposées par les députés, ainsi que par la commission des lois de l'Assemblée nationale, qui avait travaillé en étroite collaboration avec la commission des finances du Sénat, ce qui lui permettait d'affirmer que le texte recueillait, à ce stade, un très large consensus, ayant été voté à l'Assemblée nationale à la quasi-unanimité.

En conclusion, elle a relevé que le projet de loi fortifiait et modernisait un instrument fiscal original, essentiel pour les départements d'outre-mer, qui permettait d'assurer un niveau pertinent de recettes aux collectivités bénéficiaires, tout en constituant un soutien adapté aux entreprises productives.

M. Jean Arthuis, président, a noté la difficulté de l'exercice constituant à rendre compatible cette taxe avec les règles communautaires, et s'est félicité de la collaboration qui avait eu lieu entre le gouvernement, l'Assemblée nationale et le Sénat. Il a ensuite donné la parole au rapporteur au fond de ce projet de loi, au nom de la commission des finances.

M. Roland du Luart, rapporteur, a précisé qu'il souscrivait aux propos tenus par la ministre, et qu'il se félicitait également du large consensus qui était apparu lors du vote du texte à l'Assemblée nationale. Il a rappelé que les discussions menées par l'Espagne et par le Portugal, sur des sujets proches, avaient été utiles, afin de convaincre la Commission européenne de la pertinence du système de l'octroi de mer, et que les amendements adoptés par l'Assemblée nationale devraient permettre un large consensus au Sénat.

Il a rappelé qu'il s'était rendu à Bruxelles, le 19 mai 2004, afin de rencontrer des interlocuteurs de la Commission européenne et qu'il avait pu noter à quel point les arguments et l'approche du dossier par la ministre avaient su sensibiliser les autorités communautaires au traitement spécifique que nécessitaient les régions d'outre-mer.

M. Roland du Luart, rapporteur, s'est interrogé sur trois points :

- le premier concernant la procédure d'actualisation des listes, qui avait été clarifiée par un amendement adopté par l'Assemblée nationale, qui permettait de préciser la procédure à suivre au niveau national. Il a demandé, à ce sujet, des éclaircissements, tant sur les modalités de cette actualisation que sur les délais nécessaires aux autorités communautaires afin de donner leur accord. De manière plus générale, il s'est interrogé sur la manière dont le ministère de l'outre-mer envisageait, pour les années à venir, la collaboration avec les autorités communautaires, notamment dans l'optique de 2006, date à laquelle des décisions devraient être prises sur les régions ultrapériphériques.

- le deuxième point était relatif à la question du fonds régional pour le développement et l'emploi (FRDE) qui, alimenté depuis 1992 par le solde du produit de l'octroi de mer, n'avait jamais complètement rempli sa mission de développement économique. Il a fait part de son étonnement devant l'absence de données fiables sur l'utilisation de ce fonds, relevant qu'il lui avait été impossible de connaître avec précision les modalités de sa gestion, ainsi que les chiffres exacts des stocks constitués depuis 1992. Il a donc souhaité, d'une part, connaître l'opinion de la ministre sur cet apparent manque de suivi de ce fonds et il a fait état, d'autre part, de son plein accord avec la disposition introduite à l'Assemblée nationale, relative au FRDE, abordant cependant la question du financement des établissements publics de coopération intercommunale. Il a relevé, à ce propos, que, pour la région de la Réunion, les investissements ne pouvaient réellement être menés que par ces derniers ;

- le troisième point concernait la nécessité, à la fois pour la représentation nationale et pour les autorités communautaires, d'une réelle évaluation des mesures en faveur de l'outre-mer.

Mme Brigitte Girardin, après s'être félicitée, une nouvelle fois, de l'excellente collaboration entre les deux assemblées et le gouvernement, a apporté les éléments de réponse suivants.

Elle a indiqué, tout d'abord, que le gouvernement français avait obtenu, de la part de la Commission européenne, un allègement de la procédure d'actualisation des listes, qui permettait d'éviter la consultation du Parlement européen. Elle a souligné que l'amendement, adopté par l'Assemblée nationale, devait permettre aux régions de transmettre aux préfets, à la fin du premier trimestre de chaque année, des demandes d'actualisation motivées et argumentées, ce qui devrait conduire le gouvernement à une seule discussion par an, les cas d'urgence étant cependant prévus. Elle a précisé, par ailleurs, que ces négociations avaient pour contexte la création de nouvelles lignes directrices pour les aides à finalité régionale en 2006, et qu'il était nécessaire, en conséquence, d'établir une relation de travail de qualité avec la Commission européenne et le Conseil, ce qui ne suscitait pas de craintes de son côté.

Mme Brigitte Girardin a ensuite précisé, concernant le FRDE, que les données chiffrées ne pouvaient provenir que des conseils régionaux et que la nomenclature budgétaire ne permettait pas, à l'heure actuelle, de les obliger à individualiser les fonds du FRDE au sein de la section d'investissement. Elle a cependant indiqué qu'elle proposait au ministre de l'intérieur et au ministre de l'économie et des finances de modifier la nomenclature budgétaire et comptable des régions, afin d'individualiser les FRDE dans des comptes spécifiques. Elle a estimé que les insuffisances, dans la gestion du fonds, avaient été la conséquence des règles en vigueur, qui lui paraissaient trop restrictives, et que la modification introduite à l'Asssemblée nationale permettait d'envisager une nette amélioration de la gestion des fonds. Par ailleurs, elle a observé qu'il était prévu de reverser, aux communes, les sommes non engagées depuis la création du FRDE, ces sommes venant abonder les sections d'investissement des communes, tout en étant destinées prioritairement au développement de l'emploi. Elle a confirmé que les EPCI pourraient continuer à bénéficier du FRDE, au travers de la procédure des fonds de concours et de la part régionale.

Enfin, elle a observé que différentes démarches étaient en cours concernant l'évaluation des politiques publiques en outre-mer, à la suite, notamment, de l'adoption, par le Parlement, de l'article 135 de la loi de finances initiale pour 2004. Elle a estimé que le ministère de l'outre-mer serait en mesure de fournir les différentes évaluations concernant, par exemple, les différences de prix. Elle a rappelé que cette préoccupation d'évaluation avait déjà présidé, en 2003, à l'adoption de la loi de programme pour l'outre-mer. A ce propos, elle s'est félicitée des premiers résultats connus de cette loi, qu'elle a jugés particulièrement encourageants, citant en exemple une baisse du chômage de 7,2 % entre septembre 2003 et avril 2004, ainsi que la forte décrue du chômage des jeunes, de - 18,9 % sur la même période, ces bons résultats permettant, à l'UNEDIC, d'économiser une somme comprise entre 20 et 30 millions d'euros.

En ce qui concernait la défiscalisation, elle a fait état d'un doublement du volume des projets d'investissements depuis l'adoption, par le Parlement, de la loi de programme pour l'outre-mer. Sur la question de l'octroi de mer, elle a noté qu'un rapport devrait être remis, chaque année, par les conseils régionaux au gouvernement, afin de permettre une réelle évaluation de l'impact des différentiels de taux et la présentation, à la Commission européenne, d'un rapport exhaustif, en juillet 2008, date à laquelle, sans remettre en cause le système, cette dernière se pencherait sur les mécanismes d'exonération. Elle a rappelé que les régions ultrapériphériques, et donc les régions d'outre-mer, bénéficiaient d'un article spécifique dans le Traité d'Amsterdam, qui devrait être repris, à l'identique, dans le futur Traité européen.

M. Jean Arthuis, président, a remercié la ministre pour la clarté de son propos, ainsi que pour les nouvelles positives qu'elle venait d'apporter concernant l'emploi en outre-mer.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que, concernant la question de l'octroi de mer, il s'en remettait au jugement positif du rapporteur, M. Roland du Luart, qui serait examiné par la commission la semaine suivante, et que sa seule question portait sur la perception de frais d'assiette. Cependant, il a indiqué qu'il gardait présent à l'esprit certains débats lors de la discussion de la loi de finances pour 2004, et qu'il espérait pouvoir revenir, dans un esprit constructif, sur un certain nombre de points alors évoqués. Il a noté que les mesures prises en faveur de l'outre mer, si elles étaient en général légitimes, n'étaient pas toujours d'une grande clarté, prenant en exemple le rapport prévu à l'article 125 de la loi de finances pour 2004 sur la question de l'indemnité temporaire, que le gouvernement aurait dû remettre au Parlement le 1er avril 2004, s'interrogeant sur la date à laquelle ce rapport pourrait être effectivement disponible. Il a observé que, si une étude était nécessaire sur cette question, les commissions des finances des deux assemblées avaient indiqué attendre des mesures de la part du gouvernement sur ce point.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a évoqué, également, la question de la « TVA remboursée non acquittée », indiquant qu'il s'agissait là d'un sujet qui faisait encore débat, précisant de façon plus générale que, dans un souci de crédibilité, notamment vis-à-vis de l'Union européenne, les ministres dépensiers devaient tous participer à l'effort d'économie engagé par le gouvernement.

En réponse aux propos du rapporteur général, Mme Brigitte Girardin a indiqué que le projet de loi ne modifiait pas le prélèvement de 2,5 % pour frais d'assiette et de recouvrement par l'Etat. Elle a jugé qu'il lui était difficile de proposer des mesures avant de connaître les résultats des études actuellement en cours. Elle a souligné la difficulté de la question relative aux surémunérations dans la fonction publique, relevant que c'était un problème sur lequel des ministres, de tout bord politique, avaient buté. Elle a insisté sur la nécessité d'une réflexion complète sur l'ensemble de ces thèmes, insistant sur l'idée que, si de nombreux rapports avaient souligné les effets négatifs de telles mesures, aucun, jusqu'à présent, n'avait pris en compte les effets positifs, prenant en exemple l'évolution des entreprises antillaises, qui avaient su se diversifier et connaissaient actuellement une croissance comprise entre 6 et 7 % par an, reposant en particulier sur la croissance de la consommation. En conséquence, elle a estimé que les entreprises d'outre-mer souffriraient de l'impact d'une baisse du pouvoir d'achat des ménages.

M. Jean Arthuis, président, a relevé que toute distribution supplémentaire de liquidité entraînait inévitablement une hausse du pouvoir d'achat, tout en s'interrogeant sur la pérennité de la création de biens et de richesses ainsi mise en place.

Mme Brigitte Girardin a relevé que la consommation permettait de créer des emplois et qu'il convenait, avant de prendre des décisions, de peser l'ensemble des effets, citant en exemple la suppression de la prime d'éloignement décidée par le précédent gouvernement, qui avait diminué de manière sensible le nombre de personnes disposées à partir en outre-mer.

M. Jean Arthuis, président, a de nouveau évoqué la question de l'indemnité temporaire servie aux pensionnés, notamment en Polynésie, qui permettait, entre autres, selon certains propos tenus en séance, aux retraités, de « soutenir le secteur de la restauration », s'interrogeant toutefois sur le caractère pertinent d'une telle utilisation des crédits publics.

Mme Brigitte Girardin a reconnu ne pas être en mesure, à l'heure actuelle, d'évaluer l'impact économique de l'indemnité temporaire, tout en considérant qu'il était « contrariant » de découvrir des amendements par voie de presse et que les élus d'outre-mer avaient été choqués par une procédure qui ne les associait pas aux décisions prises.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a fait valoir que les amendements, déposés par la commission lors de la loi de finances pour 2004, avaient été précédés d'échanges, rappelant qu'un amendement proposant la suppression de l'indemnité temporaire avait déjà été déposé, puis retiré, par le président et lui-même lors des débats sur la loi de programme en mai 2003.

Mme Brigitte Girardin a jugé que les collectivités d'outre-mer n'étaient pas hostiles aux réformes, par principe, mais qu'elles nécessitaient une concertation et des études préalables. Elle a, à ce propos, observé que, seules, treize niches fiscales sur quatre cents, soit 3,4 % de la dépense fiscale totale, concernait l'outre-mer. Elle a évoqué, à ce propos, la position de la France, qui pouvait sembler intransigeante, alors même que les autorités communautaires permettaient, au nom des handicaps structurels, de déroger aux règles générales. Elle a émis le souhait que les réformes soient plus proches de la réalité du terrain, et menées en concertation avec les milieux locaux, indiquant qu'afin d'être acceptée, une réforme de l'outre-mer devait venir de l'outre-mer.

M. Jean Arthuis, président, a exprimé son souhait d'accompagner le ministère de l'outre-mer dans son souci de réforme, indiquant sa volonté de mettre fin à des abus dénoncés par la Cour des comptes, comme ceux de la « TVA remboursée mais non acquittée » ou de l'indemnité temporaire. Il a plaidé pour l'application à l'outre-mer d'un principe d'équité, jugeant des systèmes, comme celui de la TVA, pour le moins obscurs.

Mme Brigitte Girardin a réitéré son souhait de fournir en amont un travail d'explication et de concertation, sans heurter les sensibilités ultramarines.

M. Jean Arthuis, président, a relevé que les trois lois votées cette année en faveur de l'outre-mer l'avaient été suivant la procédure d'urgence, faisant valoir que le respect des droits du Parlement et la concertation nécessaire, évoquée par la ministre, pourraient se faire dans le cadre de la procédure normale de navette entre les deux assemblées.

M. Yves Fréville a rappelé le contexte dans lequel, en sa qualité de rapporteur spécial des crédits des charges communes, il avait été conduit à défendre l'amendement visant à limiter l'indemnité temporaire, insistant sur le fait qu'il exprimait, avant tout, une volonté de meilleur contrôle de l'utilisation des deniers publics.

M. Roland du Luart, rapporteur, a indiqué qu'il pouvait comprendre la susceptibilité des élus d'outre-mer, tout en évoquant certains amendements présentés lors du vote de la loi de programme pour l'outre-mer que la commission n'avait pu, faute de temps, examiner, et qui contredisaient, parfois, le texte. Il a préconisé, par ailleurs, le renforcement d'une politique primordiale menée par la ministre, à savoir celle de la continuité territoriale.

M. Jean Arthuis, président, a remercié les intervenants et a exprimé le souhait que le Parlement demeure l'enceinte où de telles questions pourraient être discutées de façon approfondie et concertée.