Travaux de la commission des finances



- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Contrôle budgétaire - Fonds national de solidarité pour l'eau (FNSE) - Audition de M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable, et de M. Jean-François Bénard, président de la 7e chambre de la Cour des comptes

La commission a procédé à l'audition de MM. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable, Jean-François Bénard, président de la 7e chambre de la Cour des comptes, Gérard Ganser, conseiller-maître à la Cour des comptes, Pascal Berteaud, directeur de l'eau du ministère de l'écologie et du développement durable et Michel Dantin, conseiller auprès du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

A titre liminaire, M. Jean Arthuis, président, a rappelé que cette audition conjointe était la septième de ce genre résultant de l'application de l'article 58-2 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), qui prévoyait la réalisation, par la Cour des comptes, « de toute enquête demandée par les commissions de l'Assemblée Nationale et du Sénat chargées des finances sur la gestion des services ou organismes qu'elles contrôlent ».

Il a indiqué qu'à ce titre, la Cour des comptes avait transmis à la commission des finances, en novembre 2003, une « communication » relative au Fonds national de solidarité pour l'eau (FNSE), portant sur les exercices 2000 à 2002. Il a précisé que cette communication avait également été adressée, par voie de référé, au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, à la ministre de l'écologie et du développement durable ainsi qu'en copie, au ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.

Il a noté qu'il lui avait semblé nécessaire, conformément à la procédure déjà suivie et validée par la commission à l'initiative de son bureau, d'organiser une audition conjointe du ministre de l'écologie et du développement durable, M. Serge Lepeltier, et du directeur de l'eau du ministère de l'écologie et du développement durable, M. Pascal Berteaud, d'une part, de M. Michel Dantin, conseiller auprès du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, d'autre part, en présence de M. Jean-François Bénard, président de la 7e chambre de la Cour des comptes et de M. Gérard Ganser, conseiller-maître.

M. Jean Arthuis, président, a relevé que, depuis la transmission de cette communication, le FNSE avait été supprimé, l'article 38 de la loi de finances initiale pour 2004 ayant clos le Fonds national de l'eau, dont il constituait la seconde section. Il a indiqué que cette réforme donnait à certains aspects de ce rapport un caractère purement rétrospectif, mais que d'autres éléments pourraient être utiles en vue de débats futurs, notamment sur l'avenir de la politique de l'eau.

Il a observé que la communication de la Cour des comptes soulignait, comme l'avait déjà relevé M. Philippe Adnot, rapporteur spécial des crédits de l'écologie et du développement durable, la sous-consommation des crédits du FNSE, puis a mis l'accent sur certains thèmes du rapport de la Cour des comptes.

Il a rappelé qu'il appartiendrait à la commission des finances, conformément à l'article 58-2 de la LOLF, de statuer sur la publication du rapport transmis qui, sur le plan juridique, était une « communication » de la Cour des comptes.

Puis il a invité M. Jean-François Bénard, président de la 7chambre, à présenter le contenu du rapport relatif au FNSE sur la période 2000-2002.

M. Jean-François Bénard, président de la 7e chambre, a indiqué que cette présentation des observations de la Cour des comptes serait centrée sur les remarques restant d'actualité.

Concernant l'utilisation des comptes d'affectation spéciale, il a estimé que l'exemple du Fonds national de solidarité pour l'eau permettait de tirer des leçons générales. Il a souligné la sous-consommation des crédits du FNSE, rappelant que 238 millions d'euros avaient été ouverts et que, seuls, 118 millions d'euros avaient été consommés de 2000 à 2002.

Il a estimé que trois causes expliquaient cette situation : l'impréparation initiale lors de la mise en place du fonds ; l'inadaptation des comptes d'affectation spéciale pour gérer budgétairement des investissements ou des subventions d'investissement, dans la mesure où l'on ouvrait autant de crédits de paiement que d'autorisations de programme ; enfin, la délégation massive d'autorisations de programme aux services déconcentrés, qui n'avaient pas de projets à financer à hauteur de ces crédits.

Il a ensuite souligné que les comptes d'affectation spéciale se caractérisaient par un manque de transparence vis-à-vis du Parlement. Il a ainsi relevé le flou entourant les objectifs du fonds et la coexistence de dépenses similaires, imputées sur le budget général.

Enfin, il a indiqué que le FNSE était incompatible avec certaines dispositions de la LOLF, notamment avec son article 20, qui prévoyait qu'un compte spécial constituait une mission, et avec son article 21, qui prévoyait une relation directe entre les recettes et les dépenses. Au total, il a donc estimé que la suppression de ce compte d'affectation spéciale constituait un progrès.

M. Jean-François Bénard a ensuite indiqué que le rapport permettait de s'interroger sur la notion de solidarité à mettre en oeuvre. Il a tout d'abord relevé que le FNSE avait organisé des transferts importants de la métropole vers l'outre-mer, ce qui s'expliquait, notamment, par l'absence d'agence de l'eau dans ces départements et par de gros besoins d'assainissement, et des transferts des consommateurs d'eau vers les agriculteurs.

S'agissant des recettes, il a relevé que le montant individuel du prélèvement de solidarité pour l'eau était fixé par la loi en fonction, pour un tiers, de la population du bassin et, pour deux tiers, de la part de l'agence dans le montant total des redevances autorisées. Or, il a observé qu'un montant élevé de redevances traduisait, soit des besoins importants, soit une grande solidarité à l'intérieur d'un même bassin.

Il a indiqué que le prélèvement de solidarité pour l'eau avait mis en place un transfert du monde urbain vers le monde rural. Puis il a observé que le produit de cet impôt avait toujours été supérieur aux besoins et que le prélèvement de solidarité pour l'eau était opaque, dans la mesure où il s'agissait d'un « impôt sur un impôt ». Il s'est ensuite interrogé sur la finalité des transferts opérés et sur la légitimité des interventions de l'Etat.

S'agissant des progrès à réaliser, M. Jean-François Bénard a souligné que ceux-ci étaient en partie corrélés à l'aisance financière qui avait été observée.

Il a tout d'abord indiqué que le suivi de l'emploi des crédits devait être amélioré, notant qu'il y avait eu des lacunes dans la connaissance de l'emploi des crédits délégués.

Il a ensuite relevé que l'efficacité des actions entreprises était impossible à évaluer en l'absence d'études prévisionnelles préalables, d'analyses de coûts et d'objectifs bien définis.

Il a enfin mis en évidence la superposition des responsabilités, d'une part entre l'Etat et les agences, d'autre part, entre les ministères et enfin entre l'Etat et les collectivités territoriales, en s'appuyant notamment sur l'exemple des aides pour l'adduction d'eau et l'assainissement en milieu rural.

Il a estimé qu'une simplification des responsabilités serait bienvenue et que ces exemples illustraient le chemin à parcourir pour l'application de la LOLF et l'amélioration de la qualité de la gestion publique.

M. Jean Arthuis, président, après avoir souligné l'intérêt des remarques de la Cour des comptes, a invité M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable, à répondre à ces observations.

M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable, a indiqué qu'il souhaitait apporter des réponses aux observations de la Cour des comptes sur la gestion du Fonds national de solidarité pour l'eau, mais également préciser comment il entendait réformer la politique de l'eau, dans le cadre du projet de loi sur l'eau qui serait soumis au Parlement en 2005.

Rappelant le contrôle mené par M. Philippe Adnot, en sa qualité de rapporteur spécial, sur la tutelle des agences de l'eau, il a souligné l'intérêt des contrôles menés tant par la Cour des comptes et l'inspection générale des finances que par la commission des finances du Sénat, qui amenaient le ministère de l'écologie et du développement durable et ses établissements publics à réfléchir à des mesures d'amélioration de la gestion publique et à mettre en chantier des pistes de progrès.

Il s'est félicité que la Cour des comptes ait pu se pencher sur la gestion des trois premières années du FNSE et a remarqué que celui-ci avait connu un démarrage difficile, dû notamment à une certaine lenteur dans la définition des conditions de réalisation de politiques nouvelles qui étaient l'objectif principal de la création du FNSE.

A titre d'exemple, il a relevé qu'il avait ainsi fallu attendre le mois d'août 2000 pour voir publiée la circulaire relative au plan de lutte contre les pollutions dues aux produits phytosanitaires et mars 2001 pour celle relative au programme d'économies d'eau dans l'habitat social, cette dernière politique ayant été abandonnée depuis lors, au bénéfice de priorités liées à l'application des directives européennes concernant les pollutions d'origine agricole.

Il a ainsi remarqué que le FNSE disposait de crédits, mais que les services n'avaient pas les textes permettant de les utiliser et que, jusqu'au début de l'année 2002, la gestion du fonds avait été approximative.

Il a également souligné, comme l'avait remarqué la Cour des comptes, que le prélèvement sur les ressources des agences de l'eau s'effectuait en autorisations de programme et en crédits de paiement d'un montant équivalent, ce qui engendrait mécaniquement des reports structurels de crédits de paiement.

Il a précisé que la gestion financière du fonds avait été compliquée par l'expérimentation de l'application ACCORD dans le ministère, soulignant que cette application informatique ne permettait toujours pas de recevoir des fonds de concours, tels que ceux du Plan LOIRE.

Il a estimé que l'ensemble de ces éléments expliquait la situation du fonds jusqu'en 2002, ce qui avait conduit son prédécesseur, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, à réagir vigoureusement dès l'automne 2002. Il a ainsi relevé que plusieurs mesures d'amélioration de la gestion avaient été mises en place, concernant notamment :

- un démarrage plus précoce de l'exercice de programmation conduit par les directions régionales de l'environnement (DIREN) avec l'ensemble des services départementaux, dès la fin 2002, pour l'exercice 2003 ;

- la mise en place d'un dispositif exigeant de contrôle de gestion ;

- l'abandon d'interventions peu efficaces, comme les économies d'eau dans l'habitat social ;

- la suppression de subventions croisées versées aux communes pour la restauration des rivières et pour les contrats de rivières ou de baie à la fois par le FNSE et par les agences de l'eau ;

- enfin, la clarification des interventions respectives du budget général et du FNSE.

Il a estimé que ces mesures avaient porté leurs fruits et avaient permis un assainissement financier important au cours de l'année 2003. Il a ainsi précisé que, pour une dotation initiale en loi de finances de 60 millions d'euros, le total des mandatements avait finalement dépassé 98 millions d'euros, rattrapant ainsi une partie du retard pris de 2000 à 2002.

Il a également relevé que ces mesures avaient permis de préciser les frontières d'intervention du FNSE et de concentrer les moyens de ce fonds sur quatre sujets essentiels : le système d'information sur l'eau, la solidarité inter-bassin, les politiques de lutte contre la pollution diffuse et de restauration des zones humides et enfin, la prévention des inondations.

Si une rationalisation de la gestion financière et une remise en ordre du FNSE avaient été possibles, il a relevé qu'il était apparu nécessaire « d'aller plus loin », ce qui avait conduit le gouvernement à proposer, dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2004, une nomenclature budgétaire unique et la suppression du compte spécial du Trésor. Il a ainsi estimé qu'une grande partie des remarques de la Cour des comptes avait donc déjà trouvé une réponse.

S'agissant de l'avenir, M. Serge Lepeltier a fait part de son souhait de réformer la politique de l'eau afin de disposer des institutions et outils nécessaires pour atteindre l'objectif fixé par la directive cadre sur l'eau, c'est-à-dire d'atteindre le bon état écologique des eaux d'ici 2015. Il a souligné qu'il s'agissait d'un objectif ambitieux, nécessitant une forte mobilisation de l'Etat, des collectivités territoriales et des acteurs de l'eau, notamment au sein du monde agricole et industriel.

Il a rappelé que l'avant-projet de loi sur l'eau, qui servirait de base à la concertation, comprenait de nombreuses dispositions pour atteindre ces résultats, notamment le renforcement de la lutte contre la pollution diffuse, le développement des schémas d'aménagement et de gestion des eaux à l'échelle des sous-bassins versants et la réforme des agences de l'eau. S'agissant de ce dernier point, il a souligné qu'il s'agissait de renforcer le rôle de démocratie participative des comités de bassin, d'accroître le contrôle du Parlement sur le régime fiscal des redevances de bassin et de renforcer le rôle des agences de l'eau.

Il a indiqué que, dans ce cadre, l'ensemble des interventions financières locales touchant à la gestion de l'eau serait effectué par les agences de l'eau, l'Etat n'intervenant plus localement que pour la sécurité des personnes et des biens.

Il a indiqué, par ailleurs, que l'avant-projet de loi sur l'eau tentait de rationaliser l'action des différents acteurs, en transformant le conseil supérieur de la pêche en une agence nationale de l'eau et des milieux aquatiques, regroupant les moyens humains et financiers consacrés aux tâches nationales de mise en oeuvre de la directive cadre sur l'eau. Il a précisé que cette agence ne serait pas chargée de la tutelle des agences de l'eau, qui resterait du ressort de la direction de l'eau.

Il a souhaité que la réforme de la politique de l'eau soit l'occasion d'un débat approfondi avec les parlementaires sur de telles pistes d'amélioration de la gestion publique, en vue d'identifier clairement les responsabilités et les moyens d'intervention qui incombaient aux autorités nationales, aux institutions de bassin et aux collectivités territoriales.

M. Serge Lepeltier a ensuite indiqué que le prélèvement de solidarité sur l'eau mettait en oeuvre une forme de solidarité, les bassins les plus riches contribuant le plus, mais il a précisé que la solidarité devait également être appréciée au travers des dépenses engagées. Il a estimé que les transferts vers l'outre-mer posaient une vraie question et a, à cet égard, indiqué que des discussions avec les élus d'outre-mer pourraient être engagées dans le cadre de la préparation du projet de loi portant réforme de la politique de l'eau.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité savoir si les crédits étaient aussi peu consommés outre-mer qu'ils ne l'étaient en métropole.

M. Gérard Ganser, conseiller-maître à la Cour des comptes, a relevé que leur consommation semblait plus rapide outre-mer, mais a fait part de la difficulté d'apprécier l'utilisation des crédits qui y étaient délégués.

Répondant à M. Jean Arthuis, président, qui souhaitait obtenir des précisions sur ce point, M. Pascal Berteaud, directeur de l'eau, a indiqué que la direction de l'eau disposait de comptes rendus d'utilisation des crédits, mais que des contrôles plus approfondis impliquaient de se rendre sur place.

M. Serge Lepeltier a ensuite relevé que les clarifications de compétences seraient nécessaires à l'avenir, mais il a noté que le « croisement » actuel des responsabilités n'avait pas empêché de mener de bonnes politiques.

M. Jean-François Bénard a précisé les observations de la Cour des comptes sur les transferts induits par le prélèvement de solidarité pour l'eau.

M. Jean Arthuis, président, a relevé que le ministère de l'écologie et du développement durable pouvait parfois donner l'impression de mener une politique virtuelle, en demandant des crédits qui n'étaient pas consommés.

M. Serge Lepeltier a noté que son ministère souffrait, à tort, d'une « mauvaise image », car il n'avait pas consommé tous les crédits qui lui avaient été alloués par le passé. Il a toutefois indiqué que ses compétences avaient crû et que les politiques s'étaient progressivement mises en place, ce qui expliquait la sous-consommation initiale.

Il a précisé que le ministère consommait dorénavant ses crédits et que le niveau des crédits de paiement avait été insuffisant en 2004, ce qui avait conduit le ministère à prélever 210 millions d'euros sur la trésorerie des agences de l'eau.

Il a estimé qu'à l'avenir son ministère devrait faire face à des besoins croissants et que son enveloppe budgétaire ne pouvait donc diminuer.

M. Jean-François Bénard a souligné la nécessité d'afficher des objectifs et de prévoir les coûts des politiques pour pouvoir, ensuite, les évaluer correctement.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a relevé que, si le FNSE avait été supprimé, le bureau du FNSE existait toujours et il a souhaité savoir si la suppression de ce bureau et une réorganisation plus large de la direction de l'eau étaient envisagées.

Il a souhaité obtenir des précisions sur les clarifications de compétences et de financement envisagées entre l'Etat et les agences de l'eau. Il a souhaité, en outre, obtenir des précisions sur les indicateurs de performance prévus dans le cadre de la mise en oeuvre de la LOLF.

M. Serge Lepeltier a indiqué qu'une réorganisation de la direction de l'eau était en cours, que le bureau du FNSE serait supprimé, et qu'un seul bureau serait désormais en charge des affaires budgétaires.

Il a observé qu'un effort de clarification des relations entre l'Etat et les agences de l'eau avait été mené et serait poursuivi, puis a précisé, s'agissant de la mise en oeuvre de la LOLF, qu'une quarantaine d'indicateurs de résultats seraient prévus.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial du budget de l'écologie et du développement durable, s'est interrogé sur les raisons qui avaient conduit les agences de l'eau à accumuler une trésorerie très importante et à constituer ainsi de véritables « trésors de guerre ». Il a ensuite souhaité obtenir des explications sur le prélèvement de solidarité pour l'eau et connaître les effets du prélèvement exceptionnel de 210 millions d'euros sur les agences de l'eau. Il a souligné, en outre, l'importance de la clarification des compétences des différents acteurs intervenant dans le domaine de l'eau, qui lui apparaissait absolument nécessaire.

M. Serge Lepeltier, après avoir noté que la trésorerie des agences de l'eau était en partie liée à des besoins futurs, a indiqué que le mode de fixation des redevances évoluerait à l'avenir et que le rôle du Parlement serait accru. Puis il a rappelé que, si le prélèvement exceptionnel de 210 millions d'euros opéré par voie de fonds de concours était basé sur la trésorerie des agences, tel n'était pas le cas du prélèvement de solidarité pour l'eau, qui dépendait de la population du bassin et du montant des redevances.

M. Jean-François Bénard a rappelé que le niveau de trésorerie des agences de l'eau avait atteint un niveau très élevé et difficilement justifiable. Il a ensuite souligné la nécessité de simplifier les dispositifs administratifs.

M. Jean Arthuis, président, s'est demandé si des projets de simplification existaient.

M. Michel Dantin, conseiller auprès du ministre de l'agriculture, a relevé que, dans le cas du FNDAE comme dans celui du FNSE, le paiement des subventions pouvait intervenir bien après la décision d'accorder la subvention.

M. Jean Arthuis, président, a estimé qu'il serait pertinent d'éviter des subventionnements multiples et d'aboutir à l'existence d'une seule ligne de crédits sur le budget de l'Etat.

M. Pascal Berteaud a indiqué que cette question serait notamment posée dans le cadre du projet de loi sur l'eau évoqué par le ministre. Il a précisé que des projets de clarification des compétences existaient, notamment pour aboutir à la compétence d'un seul service de l'Etat dans chaque département pour la politique de l'eau.

Après que M. Jacques Oudin eut relevé que le temps de la Cour des comptes n'était pas celui du Parlement, M. Jean Arthuis, président, a souligné le grand intérêt de telles auditions conjointes, qui permettaient de replacer les travaux de la Cour des comptes dans le cadre actuel de réflexion.

M. Jacques Oudin a estimé que le ministère de l'écologie et du développement durable constituait un terrain d'examen intéressant pour la commission des finances et a indiqué que la montée en régime progressive de la politique de l'eau emportait des conséquences financières non négligeables, notamment pour les collectivités territoriales. Il a relevé qu'il était indispensable de prévoir un mécanisme de solidarité, notamment à l'égard du monde rural, et que la réforme du financement de la politique de l'eau s'imposait.

M. Michel Moreigne a indiqué qu'il partageait la position de M. Jacques Oudin et a évoqué la situation du bassin du Haut-Cher.

M. Gérard Braun a relevé que le ministère semblait rencontrer des besoins en personnels. Il s'est interrogé sur le nombre de ces besoins et a souhaité savoir si des redéploiements de personnels étaient envisagés, ainsi que des rapprochements avec d'autres ministères, en particulier avec celui de l'équipement. Il a attiré l'attention, en outre, sur les difficultés rencontrées par les microcentrales hydrauliques.

M. Serge Lepeltier a indiqué que la mise en oeuvre de la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages entraînait des besoins nouveaux en personnels, notamment au sein de l'inspection des installations classées, et a précisé que sur les 100 emplois prévus cette année pour cette tâche, 50 postes nouveaux avaient été créés, tandis que 50 postes provenaient de redéploiements.

Il a relevé que des réflexions sur la réorganisation des services de l'Etat étaient en cours, notamment par le biais d'un rapprochement des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE) et des directions régionales de l'environnement (DIREN), d'une part, des directions départementales de l'agriculture et de l'équipement, d'autre part.

M. Yves Fréville a évoqué les modalités d'attribution des subventions et a relevé que les ministères jouaient rarement le jeu de la globalisation des subventions et recréaient des systèmes de subventions spécifiques.

Il a estimé que le besoin de solidarité se ferait toujours sentir et serait probablement accru avec la mise en oeuvre de la LOLF et qu'il conviendrait que la commission des finances définisse une doctrine relative à la redistribution spatiale.

Il s'est interrogé sur la problématique des autorisations de programme et des crédits de paiement, notant que les crédits accumulés étaient recyclés en trésorerie de l'Etat, ce qui venait diminuer son endettement. Il a relevé, par ailleurs, les subtilités du principe « pollueur-payeur », telles que la Cour des comptes les avait détaillées dans son rapport.

M. Serge Lepeltier a souligné les difficultés inhérentes au principe « pollueur-payeur », ce qui expliquait le refus de l'inscrire au sein de la charte de l'environnement.

Il a relevé que les liens entre autorisations de programme et crédits de paiement relevaient d'une problématique budgétaire plus générale.

M. Jean Arthuis, président, a estimé qu'il serait possible de faire l'économie des autorisations de programme en permettant le report des crédits de paiement en investissement.

Il s'est ensuite interrogé sur la solidarité manifestée à l'égard de l'outre-mer et de la Corse et a en particulier souhaité savoir si, dans le cadre de la mise en oeuvre de la LOLF, ces crédits figureraient au sein de la mission outre-mer.

M. Serge Lepeltier a indiqué que ces crédits figureraient dans la mission écologie et développement durable, ce qui lui semblait souhaitable dans la mesure où le ministre de l'écologie et du développement durable devait être responsable de la politique menée en métropole comme en outre-mer.

M. Jean Arthuis, président, a estimé que cette option n'était pas très éclairante d'un point de vue budgétaire.

A l'issue de ce large débat, la commission a décidé, à l'unanimité, d'autoriser la publication d'un rapport d'information sur la communication de la Cour des comptes relative au Fonds national de solidarité pour l'eau (exercices 2000 à 2002).

Mercredi 16 juin 2004

- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Impôt de solidarité sur la fortune - Communication

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord entendu une communication de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur l'impôt de solidarité sur la fortune.

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que sa communication relative à l'impôt de solidarité sur la fortune visait, par une mise en perspective sur la période 1997-2003 des données officielles issues du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, à dresser un état des lieux d'un impôt qui suscitait des analyses plus fréquemment fondées sur l'idéologie que sur des chiffres. Il a précisé que son exposé comporterait deux parties, l'une consacrée à une « leçon de chose », l'autre proposant une « boîte à outil », où il était possible de puiser différentes modalités de réforme.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a tout d'abord montré que le nombre de contribuables à l'impôt de solidarité sur la fortune avait fortement augmenté, de 67,5 %, sur les six dernières années, passant de moins de 180.000 à près de 300.000. Il a observé que la progression était, en valeur absolue, particulièrement marquée pour les deux premières tranches du barème, la première tranche enregistrant 42.000 nouveaux contribuables, et la deuxième, 45.000. Il a dès lors jugé que l'impôt de solidarité sur la fortune était devenu un impôt de classes moyennes ou de classes moyennes supérieures. Il a expliqué que, sur la même période, le produit de l'impôt de solidarité sur la fortune avait augmenté dans de moindres proportions, passant de 1,5 milliard d'euros en 1997 à 2,3 milliards d'euros en 2003. Il a souligné que le produit de l'impôt s'était contracté depuis 2001. Il a fait remarquer que les deux dernières tranches du barème représentaient 1,6 % des assujettis et 35 % du produit de l'impôt de solidarité sur la fortune, tandis que la première tranche, qui représentait 47,6 % des contribuables, n'était à l'origine que de 7 % des recettes.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite montré qu'en conséquence du décalage entre l'évolution du nombre de contribuables et celui du produit, le rendement moyen de l'impôt avait baissé, 1997 à 2003, de 9 %, rappelant que la cotisation moyenne d'impôt de solidarité sur la fortune était revenue de 8.572 euros à 7.792 euros.

En réponse à une interrogation de M. Michel Moreigne, M. Philippe Marini, rapporteur général, a fait valoir que son analyse n'était pas véritablement altérée par le mécanisme du plafonnement. Détaillant l'évolution de la cotisation moyenne par tranche de barème entre 1997 et 2002, il a montré que toutes les tranches, à l'exception de la première, avaient connu une baisse de la cotisation moyenne sur la période. Il s'est, dès lors, interrogé sur les raisons conduisant à constater au sein des tranches supérieures une diminution très sensible du rendement de l'impôt. Comparant de plus, sur les périodes 1982-1986, 1988-1992 et 1996-2000, le rendement nominal des obligations et le taux marginal de l'impôt sur les grandes fortunes, puis de l'impôt de solidarité sur la fortune, il a fait valoir que la soutenabilité de l'impôt était bien meilleure en 1982 qu'à l'époque actuelle, certains actifs pouvant en effet être aujourd'hui, pour des raisons fiscales, privés de tout rendement.

Répondant à M. Aymeri de Montesquiou, M. Philippe Marini, rapporteur général, a montré que cette dernière comparaison ne devait pas prendre en compte le taux d'inflation, afin de mettre en regard le taux d'imposition, qui était un taux nominal, avec un autre taux nominal. Comme M. Aymeri de Montesquiou l'y invitait par ailleurs, il a mis en exergue, en mentionnant l'absence de corrélation forte entre l'évolution de l'impôt de solidarité sur la fortune et la conjoncture économique, le poids de la « bulle immobilière » dans le produit de l'impôt. Il a montré que la part des actifs immobiliers augmentait dans le patrimoine brut global des ménages, précisant, à l'invitation de M. Aymeri de Montesquiou, qu'il convenait de déduire de ce patrimoine brut les éléments de passif pour obtenir le patrimoine imposable. Il a jugé enfin que les chiffres présentés mettaient en évidence sur le plan économique des phénomènes complexes dont l'origine était à trouver dans un mauvais fonctionnement de l'outil fiscal qu'était l'impôt de solidarité sur la fortune.

Evoquant les délocalisations de redevables à l'impôt de solidarité sur la fortune, M. Philippe Marini, rapporteur général, a jugé que ce mouvement constituait un phénomène stable et durable. Il a observé que si les 2.525 redevables délocalisés entre 1997 et 2003 représentaient moins de 1 % du total, ce chiffre prenait tout son sens lorsqu'il était mis en perspective avec les 4.500 contribuables des deux dernières tranches du barème, les 4.000 contribuables voyant leur cotisation d'impôt plafonnée et, en leur sein, les 1.742 redevables soumis à une limitation de ce même plafonnement. Il a indiqué que les pertes en bases imposables s'établissaient sur les dernières années en moyenne à 1,3 milliard d'euros, compte non tenu, évidemment, des actifs exonérés au titre des biens professionnels qui ne faisaient pas l'objet d'une évaluation par la direction générale des impôts. Il a jugé, qu'en comparaison, le retour des redevables délocalisés était insignifiant, les gains en droits s'élevant seulement à 0,9 million d'euros pour des pertes liées aux départs de redevables à l'impôt de solidarité sur la fortune de 11 millions d'euros. Il a dressé une typologie des redevables délocalisés, distinguant deux populations, la première, plus âgée, avec un âge moyen de 55 ans, plus fortunée, avec un patrimoine moyen de 15 à 16 millions d'euros, qui partait en Suisse ou en Belgique, la seconde plus jeune, avec un âge moyen de 45 ans, relativement moins fortunée, avec un patrimoine moyen de 2,8 millions d'euros à 3,8 millions d'euros, qui s'établissait au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis. Il a constaté que, dans tous les cas, la population expatriée était une population plus jeune que la moyenne des redevables à l'impôt de solidarité sur la fortune, tout en étant expérimentée et nettement plus riche.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a dressé ensuite une liste des outils de la réforme à court terme ou moyen terme, qu'il s'agisse de mettre fin aux dérèglements issus de la période 1997-2002, en actualisant le barème en fonction de l'inflation, en supprimant « le plafonnement du plafonnement » et en remettant en cause la tranche marginale à 1,8 %, ou d'introduire des réductions d'impôt ciblées, augmentant l'abattement sur la résidence principale, intégrant les dons aux fondations et prenant mieux en compte les charges de famille.

Sur les moyen et long termes, M. Philippe Marini, rapporteur général, a insisté sur la nécessité d'une vision d'ensemble intégrant les droits de succession, tenant compte de l'impératif de relocalisation des capitaux, qui pouvait constituer le levier d'une réforme de l'impôt de solidarité sur la fortune. Il a rappelé la faiblesse des marges de manoeuvre budgétaires actuelles qui ne devait pas avoir, néanmoins, pour effet d'éluder toute tentative de dessiner sur la durée une politique fiscale cohérente. Il a montré, à terme, dans l'hypothèse où la France souhaiterait conserver l'impôt de solidarité sur la fortune, le besoin d'un barème fortement restructuré.

Un très large débat s'est ensuite engagé.

M. Jean Arthuis, président, a souligné l'intérêt d'une contribution apportant un éclairage sur la concurrence fiscale entre Etats. En ce qui concernait la familialisation de l'impôt, il a souligné que, selon lui, comme en matière de plafonnement, existaient des stratégies fiscales visant à éviter l'impôt.

En réponse, M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué qu'il ne disposait pas de données sur ces comportements, regrettant la trop grande timidité de la direction générale des impôts en matière d'élaboration de statistiques.

M. François Marc a jugé la comparaison entre rendement nominal des obligations et taux marginal de l'impôt de solidarité peu pertinente, puisqu'elle ne prenait pas en compte l'inflation. Il s'est demandé si la situation des redevables à l'impôt de solidarité sur la fortune s'était tant détériorée sur les six dernières années par rapport aux autres composantes de la population, rappelant l'existence d'une « fracture sociale ». Il a souhaité savoir si l'évolution des délocalisations de redevables à l'impôt de solidarité ne correspondait pas, en réalité, au phénomène d'internationalisation des mouvements de personnes en cours depuis une vingtaine d'années.

M. Yann Gaillard a souligné l'intérêt des solutions contentieuses pour venir à bout de certains biais concernant l'impôt de solidarité sur la fortune. Il a rappelé l'exigence d'une actualisation du barème en fonction de l'inflation et souligné l'importance de la suppression du « plafonnement du plafonnement ».

M. Jean-Philippe Lachenaud a observé que cette communication permettait d'apaiser le débat et attirait l'attention sur la nécessité d'un meilleur fonctionnement de l'économie. Il a jugé que le retrait de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune de la résidence principale constituerait une mesure utile, comme le serait un dispositif permettant d'activer les richesses dormantes pour les investir dans le capital risque et les entreprises innovantes.

M. Joël Bourdin a souhaité connaître la façon dont les contribuables entraient dans la première tranche. Il s'est montré très intéressé par une mesure exonérant d'impôt de solidarité sur la fortune la résidence principale.

M. Philippe Adnot a souhaité savoir le nombre de contribuables se délocalisant avant cession de leur outil de travail. Il a souligné qu'une réforme du barème ne saurait, en aucun cas, être « gagée » par une suppression de l'exonération au titre des biens professionnels. Il a souhaité que puissent être déduits de la cotisation d'impôt les investissements dans le capital risque.

MM. Roger Besse et Auguste Cazalet ont souhaité connaître les pays européens ayant conservé un impôt sur la fortune.

M. Maurice Blin a fait un lien entre le poids des prélèvements obligatoires sur le patrimoine et le taux de chômage élevé que connaissait la France. Il a regretté qu'en Europe, la France soit une exception en ce qui concernait la fiscalité du patrimoine.

M. Eric Doligé s'est inquiété du phénomène de délocalisation des cerveaux pour des raisons fiscales, jugeant, a contrario, que peu de personnes choisissaient de se localiser en France.

M. Gérard Braun a souhaité obtenir des précisions relatives aux donations et aux démembrements de propriété.

M. Aymeri de Montesquiou a remarqué que, plus les contribuables étaient riches, plus ils pouvaient s'exonérer des contraintes fiscales. Il s'est demandé si les recettes fiscales ne seraient pas plus importantes si l'impôt de solidarité sur la fortune n'existait pas.

M. Paul Girod a souligné la nécessité de prendre en compte le montant des droits de succession afin de disposer d'une vision globale de la fiscalité du patrimoine.

M. Jean Arthuis, président, évoquant les risques de délocalisation fiscale, a rappelé qu'il s'agissait de la raison pour laquelle le législateur avait choisi de ne pas intégrer les oeuvres d'art dans l'assiette de l'impôt.

En réponse aux différents intervenants, M. Philippe Marini, rapporteur général, a rappelé les conclusions du rapport de Michel Charzat commandé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de l'époque. Il a observé qu'il n'était pas possible de se résigner aux délocalisations pour raisons fiscales. Il a montré que l'entrée dans la première tranche du barème était, pour l'essentiel, due à l'inflation et à l'évolution du marché immobilier, qui n'induisaient qu'un effet de valorisation latent. Il a jugé que la baisse des cotisations moyennes dans les deux dernières tranches était due à des comportements d'optimisation et de localisation fiscales qui devaient interpeller la représentation nationale. Il a rappelé que certains contentieux avaient été initiés, notamment en ce qui concernait le plafonnement de la cotisation d'impôt, et qu'il faudrait d'abord épuiser les voies de recours internes avant d'aborder la question devant la Cour européenne des droits de l'homme. Il a regretté que l'expatriation des biens professionnels exonérés ne soit pas comptabilisée par la direction générale des impôts. Il a montré par ailleurs tout l'intérêt d'un système d'impôt choisi permettant, sous conditions, aux contribuables, d'affecter une part de leur cotisation d'impôt à des missions d'intérêt général et à l'investissement dans l'économie. Il a rappelé, enfin, que seuls l'Espagne, la Finlande, le Luxembourg et la Suède conservaient un impôt sur la fortune, mais dont les dysfonctionnements étaient moindres qu'en France.

La commission a alors donné acte à M. Philippe Marini, rapporteur général, de sa communication et décidé d'autoriser sa publication sous la forme d'un rapport d'information.

Octroi de mer - Examen du rapport

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'examen du rapport de M.  Roland du Luart sur le projet de loi n° 335 (2003-2004), relatif à l'octroi de mer, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale et sur lequel l'urgence avait été déclarée.

M. Roland du Luart, rapporteur, a rappelé que ce projet de loi était particulièrement attendu depuis deux ans et que l'octroi de mer était l'une des plus anciennes taxes du système fiscal français, puisque son origine remontait à Colbert. Il a montré que la reconduction du régime nécessitait un accord des autorités communautaires, qui étaient particulièrement attentives à tout ce qui pouvait affecter le bon fonctionnement du marché intérieur. Il a précisé que la loi qui servait de base légale au système actuellement en vigueur était prévue, à l'origine, pour s'appliquer jusqu'en 2002, en application d'une décision du Conseil de 1989. Il a indiqué que le Conseil avait rendu une nouvelle décision le 10 février 2004, approuvée par la direction générale de la concurrence de la Commission européenne, qui instaurait un nouveau système d'écart de taxation entre les productions locales et les importations, relevant à ce propos que deux années de discussion avec les autorités européennes avaient été nécessaires afin de parvenir à un accord satisfaisant. Il a rappelé que la commission avait entendu la semaine précédente Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, qui avait exposé les principales difficultés de la négociation. Il a noté que, lors de son déplacement à Bruxelles le 19 mai 2004, il avait eu l'occasion de rencontrer des interlocuteurs de la Commission européenne qui lui avaient paru particulièrement sensibilisés au traitement spécifique que nécessitaient les régions d'outre-mer.

Puis M. Roland du Luart, rapporteur, est revenu sur l'importance toute particulière de l'octroi de mer pour les collectivités d'outre-mer, relevant que cette importance était double :

- d'une part, il a indiqué que l'octroi de mer constituait la principale ressource des communes et des régions d'outre-mer, observant qu'il représentait entre 43 % et 47 % des ressources fiscales des communes, et que son produit total s'établissait à plus de 700 millions d'euros, qui étaient directement réinvestis dans les économies locales ;

- d'autre part, il a abordé la question de la protection des entreprises d'outre-mer, rappelant que, jusqu'en 1992, l'octroi de mer ne frappait que les importations, mais que ce système, qui s'apparentait à une protection tarifaire, était contraire aux traités européens, ce qui expliquait que la première décision du Conseil relative à cette taxe et prise en 1989 ait posé le principe que tous les produits étaient taxés, quelle que soit leur origine, mais que les exonérations pour les productions locales étaient possibles. Il a remarqué qu'il s'agissait, en conséquence, de parvenir à un équilibre entre deux articles du Traité, à savoir l'article 90 sur la liberté de circulation des marchandises et l'article 299-2, qui autorisaient des traitements dérogatoires pour les régions ultra-périphériques. Il a jugé que cette protection était toujours indispensable au vu de la fragilité des économies d'outre-mer, liées à leurs handicaps structurels.

M. Roland du Luart, rapporteur, a alors exposé les deux principales innovations apportées par le projet de loi et qui portaient sur la partie « communautaire » et sur la partie « nationale », compte tenu des amendements adoptés, dans un climat relativement consensuel, lors des débats à l'Assemblée nationale, qui avait adopté le texte en première lecture le 4 juin 2004.

Dans un premier temps et en ce qui concernait la partie « communautaire », il a montré que le « coeur » du projet de loi était, en fait, la transposition en droit national de la décision du Conseil du 10 février 2004 qui, par rapport au système actuellement en vigueur, apportait deux modifications substantielles :

- d'une part, il a indiqué qu'il n'existait plus de limite supérieure au niveau de la taxe, contrairement au système actuel, où elle était plafonnée à 30 % ;

- d'autre part, il a exposé que le nouveau système reposait sur des écarts de taux maximum autorisés entre les productions locales et les importations de produits similaires. Il a rappelé qu'à l'heure actuelle, les conseils régionaux qui désiraient protéger une production locale et, en conséquence, l'exonérer totalement ou partiellement, devaient transmettre la délibération à la Commission européenne, ce qui s'était révélé, à l'usage, relativement peu satisfaisant. Il a présenté le nouveau dispositif, basé sur des listes annexées à la décision du Conseil, fixant, pour chaque produit et pour chaque région, des écarts de taux maximum autorisés, entre 10 et 30 points, notant que ce nouveau système permettait d'assurer un écart « juste et proportionné », pour reprendre les termes employés par la Cour de justice des communautés européennes (CJCE), entre la production locale et l'importation. Par ailleurs, il a observé qu'une procédure d'actualisation des listes était prévue dans la décision du Conseil et par un amendement introduit par le gouvernement à l'Assemblée nationale.

Dans un second temps et en ce qui concernait la partie « nationale » du projet de loi, il a rappelé qu'une fraction des sommes recueillies au titre de l'octroi de mer était versée, depuis 1992, à un « fonds régional pour le développement et l'emploi » (FRDE) qui, dans chaque région, était destiné à financer des projets en vue de favoriser le développement économique et l'emploi. Il a cependant noté un relatif manque de transparence dans leur gestion et une sous-utilisation des fonds, qui se traduisait par des stocks accumulés considérables, de plus de 100 millions d'euros à la Réunion, et ce, malgré les modifications apportées à leur fonctionnement par la loi d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000 et par la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003.

Il a mis en évidence qu'aucun consensus n'avait été possible, jusqu'à présent, sur ce débat, et que le système en vigueur suscitait de nombreuses plaintes, notamment de la part des communes. En conséquence, il s'est félicité de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement qui avait été cosigné par de nombreux députés, et qui prévoyait que les fonds des FRDE seraient dorénavant versés directement et à hauteur de 80 % au profit de la section d'investissement des communes, afin de les aider à développer l'emploi et à promouvoir le développement économique, les 20 % restants demeurant gérés par la région. Il a remarqué que l'Assemblée nationale avait adopté un autre amendement permettant de redistribuer, en trois ans, et au bénéfice des communes, les crédits non engagés du FRDE, exprimant son soutien à cette démarche.

M. Roland du Luart, rapporteur, a jugé nécessaire d'exposer les raisons pour lesquelles il ne proposerait, pour sa part, aucun amendement sur ce texte, précisant que trois éléments avaient présidé à son choix qui étaient :

- le caractère communautaire, et donc difficile à modifier, des dispositions les plus importantes du texte ;

- l'urgence qu'il y avait pour le Parlement à l'adopter, compte tenu du fait que le nouveau système devait s'appliquer à compter du 1er août 2004, soit un laps de temps très court entre la promulgation de la loi après le vote du Parlement et sa mise en application, laps de temps qui devrait être mis à profit par les conseils régionaux pour prendre de nombreuses délibérations. Il a relevé, à ce propos, qu'afin de ne pas mettre dans l'embarras les conseils régionaux, et sachant que l'examen du projet de loi avait été retardé en raison des contraintes du calendrier parlementaire, il lui avait semblé préférable de travailler en étroite concertation avec le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, M. Didier Quentin, afin de parvenir le plus rapidement possible à un accord ;

- le large consensus qui était apparu à l'Assemblée nationale autour de questions importantes comme le FRDE, et dont il ne pouvait que se féliciter.

M. Jean Arthuis, président, a félicité le rapporteur pour la qualité de son expertise, et notamment son souci de travailler en étroite concertation, tant avec les services de la Commission européenne qu'avec la commission des lois de l'Assemblée nationale.

M. Michel Sergent, après avoirprécisé qu'il se faisait l'écho des préoccupations exprimées par son collègue Claude Lise, qui n'avait pas pu assister à la réunion de la commission, a relevé que, si un large consensus avait effectivement été observé à l'Assemblée nationale, l'article 48 bis relatif à la redistribution des stocks du FRDE posait un problème, notamment au niveau de la connaissance de données chiffrées. Il s'est également interrogé sur le caractère transitoire, et non pas définitif, du système proposé, avant de s'inquiéter de la relative lourdeur de certaines procédures, comme le rapport que devrait remettre les régions chaque année.

M. Jacques Oudin a salué la qualité du texte et a noté qu'il clarifiait une situation juridique complexe.

En réponse à M. Michel Sergent, M. Roland du Luart, rapporteur, a indiqué que les données relatives au FRDE, dont il avait pu avoir connaissance, et qui figuraient dans son rapport, montraient que les stocks étaient d'une ampleur considérable. Il a indiqué que la Commission européenne n'était pas favorable à un système définitif, mais privilégiait des systèmes transitoires, qui permettaient de réévaluer périodiquement l'efficacité des mécanismes mis en place. En ce qui concernait la remise du rapport par les conseils régionaux, il a souligné que la Commission européenne était particulièrement sensible à la transparence dans la gestion et à la qualité des évaluations fournies, ce qui justifiait, de la part des régions, un travail de réflexion.

M. Paul Loridant s'est également étonné de l'introduction à l'Assemblée nationale d'un article 48 bis, qui prévoyait la redistribution des stocks, s'interrogeant sur les motivations de son adoption.

M. Roland du Luart, rapporteur, a indiqué que la redistribution des stocks devrait permettre aux communes et aux EPCI de réaliser, à brève échéance, les investissements structurants nécessaires afin d'améliorer l'attractivité de l'outre-mer.

La commission a alors adopté l'ensemble du projet de loi sans modification.