Travaux de la commission des finances



- Présidence de M. Alain Lambert, président.

Projet de loi de finances pour 2002 - Audition de M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et de Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget

La commission a procédé à l'audition de M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et de Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget, sur le projet de loi de finances pour 2002.

M. Laurent Fabius a tout d'abord indiqué qu'en dépit de l'instabilité de l'environnement économique, le projet de budget avait été bâti dans une double exigence de réalisme économique et de volonté politique.

Puis il a exposé les difficultés et les risques liés à la conjoncture.

Evoquant la secousse économique du début de l'année ayant frappé en particulier les Etats-Unis et le Japon, il a fait remarquer que, avec l'accélération de la diffusion des crises dans un environnement globalisé, celle-ci s'était immédiatement transmise à l'Europe, ce qui était nouveau, les entreprises observant traditionnellement un délai de latence entre le moment où elles sont informées d'une menace dans un autre pays et le moment où elles réagissent à celle-ci. Cette simultanéité nouvelle est à l'origine de la hausse du chômage survenue dans notre pays aux mois de mai, juin et juillet.

Il s'est ensuite interrogé sur les conséquences possibles des attentats terroristes commis le 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. Comparant l'événement, non dans sa nature mais par son ampleur, à la guerre du Golfe, au tremblement de terre de Kobé au Japon ou encore aux tempêtes survenues en France en décembre 1999, le ministre a souligné qu'il comportait trois risques. Le premier risque étant financier, M. Laurent Fabius s'est félicité de l'intervention des banques centrales, qui a permis d'éviter une crise de liquidité. Le deuxième risque, a-t-il indiqué, est le risque pétrolier. Là encore, il a salué la réaction de responsabilité des pays de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). Toutefois, il a indiqué que dans ce domaine, il fallait attendre la réaction des Etats-Unis pour savoir quels pays seraient touchés par la riposte américaine. Enfin, le troisième risque étant de nature psychologique, le ministre s'est interrogé sur la capacité des Européens à s'unir dans un esprit d'unité comparable à celui que l'on peut observer chez nos voisins américains. Si tel n'était pas le cas, et si l'économie devait être touchée, M. Laurent Fabius a indiqué que l'action du gouvernement consisterait tout d'abord à laisser jouer les stabilisateurs économiques et faire en sorte que le budget soit redéployé en faveur de l'emploi, et enfin, que les efforts gouvernementaux se concentreraient sur la baisse des taux d'intérêt et l'allègement des prix.

Il a exprimé sa conviction que notre économie peut surmonter cette épreuve grâce à la solidité de ses fondamentaux, la bonne rentabilité des entreprises, le niveau soutenu de l'effort d'équipement et la meilleure maîtrise des finances publiques. A ce tableau, il a ajouté des éléments conjoncturels favorables parmi lesquels l'évolution des prix, les effets des baisses d'impôts décidées l'an dernier et la récente baisse des taux d'intérêt.

Il a ensuite évoqué le projet de budget, construit sur une hypothèse de croissance de 2,5 % pour 2002, a-t-il précisé. Il a indiqué que les priorités de ce budget sont l'emploi, l'éducation et la formation, la sécurité, ainsi que l'environnement et la culture.

Il a souligné que ce budget poursuit les allègements fiscaux décidés en 2000. En particulier, l'impôt sur le revenu diminue, la prime pour l'emploi est doublée, l'impôt sur les sociétés diminue notamment pour les PME, de même que la taxe professionnelle, par suppression de la part salariale. Le projet de budget contient également des dispositions nouvelles en matière de fiscalité écologique, d'encouragement aux associations ainsi que diverses simplifications. Toutes ces mesures ont pour but, a-t-il rappelé, le soutien de la demande et du pouvoir d'achat des ménages.

Il a ensuite exposé les principaux chiffres de l'équilibre budgétaire, indiquant que le déficit budgétaire de l'Etat devrait s'établir à moins de 30,5 milliards d'euros en 2002 après moins de 32 milliards d'euros en 2001. Le déficit des administrations publiques dans leur ensemble s'établirait à 1,4 point de PIB en 2002. Avec l'effet des baisses d'impôts, le taux de prélèvements obligatoires continuerait de décroître, tandis que la dette publique s'établirait à 56 % du PIB, soit 3 points en dessous du niveau de 1997.

Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a conclu son exposé en exprimant sa conviction que non seulement les économies peuvent résister au terrorisme mais qu'il était du devoir des gouvernements et banques centrales d'en créer les conditions. Se voulant lucide quant aux incertitudes actuelles, il s'est néanmoins montré confiant en l'avenir.

Un large débat s'est ensuite engagé.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a observé, s'agissant tout d'abord de l'évolution du budget pour l'année 2001, que les dépenses ont fortement augmenté, plus vite que prévu, et davantage que les recettes. Si les rentrées de l'impôt sur les sociétés, assises sur les résultats de l'année 2000, sont dynamiques, il n'en est pas de même des rentrées de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui subissent une inflexion négative, sensible et inattendue. Il a voulu connaître le montant de la révision des recettes qu'avait effectuée le ministre pour 2001. Il a ensuite observé que la dégradation du solde budgétaire acquise durant l'été s'élevait à 25 milliards de francs, autant que les estimations du ministre sur la dégradation du solde pour l'ensemble de l'année, celles-ci lui paraissant dès lors optimistes. Il a relevé également que l'augmentation nette de la dette de l'Etat pour l'année 2001 ne serait sans doute pas inférieure à 200 milliards de francs.

En ce qui concerne le projet de loi de finances pour 2002, il a noté que les hypothèses de croissance du Gouvernement lui paraissaient déjà frappées de lourdes incertitudes et que le déficit budgétaire prévu pour l'année 2002, de 30,4 milliards d'euros (200 milliards de francs), en augmentation sensible à la fois par rapport aux données réalisées pour 2000 et aux données prévisionnelles pour 2001, s'écartait du chemin de convergence européen et des engagement souscrits. Il a demandé au ministre s'il fallait d'ores et déjà renoncer à l'objectif d'équilibre des finances publiques en 2004 et s'est interrogé sur la crédibilité d'un engagement de progression des dépenses limitée à 1 % pour 2002, 2003 et 2004 alors que l'année 2002, avec notamment la création de 16.000 postes de fonctionnaires, donnerait lieu à elle seule une progression de 0,5 % des dépenses. Il a enfin voulu connaître la position du ministre sur la taxe Tobin.

M. Laurent Fabius a indiqué que la baisse des recettes pour l'année 2001 sera de 25 milliards de francs et que ces moins-values de recettes sont intégrées dans les bases pour l'année prochaine. Il a noté en ce qui concerne les hypothèses de croissance pour l'année 2002 que le Gouvernement a depuis quatre ans davantage péché par défaut, en 1998, 1999 et 2000, que par excès, en 2001. Il a expliqué sa démarche en matière d'équilibre des finances publiques, indiquant que sans remettre en cause les objectifs, il souhaite mettre l'accent sur une norme de progression des dépenses et faire le cas échéant jouer les « stabilisateurs » de recettes. Il a souligné sa volonté d'une consolidation budgétaire à terme sans exclure une inflexion en chemin. Il a indiqué enfin que la taxe Tobin serait évoquée au Conseil européen de Liège et que la France et l'Allemagne soutiendraient l'initiative de la présidence belge visant à réaliser, sans tabous, une étude de faisabilité.

M. Jacques Oudin a interrogé le ministre, d'une part, sur sa capacité à limiter la progression des dépenses publiques face aux inquiétudes qui pèsent sur les dépenses sanitaires et sociales et, d'autre part, sur les marges de manoeuvre qui existent pour revaloriser le budget de la défense en réponse aux attentats du 11 septembre 2001 survenus aux Etats-Unis.

M. André Vallet a souhaité obtenir des précisions sur la ponction de 2 milliards de francs qui serait réalisée sur Electricité de France (EDF) en 2002 et sur les conséquences qui pourraient s'ensuivre en matière de hausse des tarifs.

M. Joël Bourdin a souligné l'importance, dans un budget contra-cyclique, de la part réservée aux investissements, tant des entreprises que des collectivités locales, rappelant que l'investissement de ces dernières est en baisse depuis 1994.

M. Bernard Angels a insisté sur l'importance des aspects psychologiques pour expliquer l'évolution de la croissance et que ceux-ci, en raison de la conjoncture internationale, seraient déterminants en 2002. Il a affirmé son soutien à la politique volontariste que mène le Gouvernement, invitant à comparer les performances de la France avec celles de ses voisins et soulignant le caractère essentiel des dépenses d'emploi et de formation pour l'unité nationale.

M. Paul Loridant a noté que les prélèvements hors impôts sur les entreprises publiques seraient conséquents en 2002 et s'est interrogé sur la compatibilité de ces prélèvements avec la demande, toujours croissante, d'une meilleure gestion de ces entreprises. Il a demandé au ministre quel serait l'impact des événements du 11 septembre 2001 sur les secteurs du tourisme et des transports.

M. Denis Badré a rappelé l'exigence de compétitivité de la France dans un monde ouvert. Il s'est étonné que cette priorité ne soit pas affichée dans le projet de loi de finances pour 2002, alors que le rapport Charzat, dont certaines propositions reprennent celles de la mission sénatoriale d'information sur l'expatriation des compétences, des capitaux et des entreprises, a reçu de larges échos.

M. Laurent Fabius a alors répondu aux différents intervenants.

A M. Jacques Oudin, il a indiqué que la lutte contre le terrorisme et la protection du territoire national relevaient tout autant des crédits du ministère de l'intérieur que de ceux du ministère de la défense et que les évolutions éventuelles de la politique de défense trouveraient leur place dans la loi de programmation militaire 2003-2008. Il lui a assuré par ailleurs qu'il se montrait extrêmement attentif à l'évolution des dépenses sanitaires et sociales.

A MM. André Vallet et Paul Loridant, il a expliqué que, s'il n'avait pas été nécessaire de mobiliser des recettes non fiscales les années précédentes en raison d'une évolution favorable des recettes fiscales, il paraissait judicieux pour l'année 2002 d'utiliser les excédents des entreprises publiques et parapubliques dont elles n'avaient pas besoin. S'agissant d'EDF, il a noté que le prélèvement non fiscal correspond en fait à une reprise de provision liée à la renégociation favorable de la convention liant l'entreprise à la Compagnie générale des matières nucléaires (COGEMA).

A MM. Joël Bourdin et Denis Badré, il a assuré que les mesures de soutien à l'investissement occupent une place importante dans le projet de loi de finances pour 2002, citant les mesures touchant à la taxe professionnelle et à l'impôt sur les sociétés, aux fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI) et aux fonds communs de placement à risques (FCPR), ainsi que la hausse du plafond du plan d'épargne en actions (PEA).

Il s'est montré d'accord avec M. Bernard Angels pour insister sur les aspects psychologiques qui devraient être déterminants pour la croissance économique et la confiance des agents économiques au cours des prochains mois.

Il a indiqué à M. Paul Loridant que les secteurs du tourisme et du transport feraient sans doute l'objet au niveau européen d'une attention particulière, notant que les Etats-Unis avaient déjà pris des mesures pour venir en aide aux entreprises américaines de ce secteur.

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget, présentant les mesures proposées pour 2002 en direction des collectivités locales, a indiqué que la dotation globale de fonctionnement (DGF) devrait croître de 4,2 % en 2002, confirmant ainsi la tendance enregistrée depuis 5 ans. Elle a indiqué que la DGF avait crû de 16 % durant cette période, contre 8 % pour les autres dépenses de l'Etat.