VI. DÉBATS SÉNAT PREMIÈRE LECTURE DU 22 NOVEMBRE 2010

Article 16 (priorité)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Madame la ministre, au moment d'aborder cet article qui concerne le système financier, je souhaitais présenter quelques observations et vous interroger sur la crise irlandaise, dont les répercussions menacent d'être importantes pour l'Europe.

Après l'Espagne, la crise rattrape l'un des bons élèves budgétaires de la zone euro. C'est en quelque sorte un paradoxe...

M. Jean Desessard. Non, c'est le capitalisme financier !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur Desessard, m'autoriserez-vous à aller jusqu'au bout de mon propos ? (Sourires.)

M. Jean Desessard. C'était un simple commentaire !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. On constate que la crise peut rattraper des pays considérés pendant des années comme de bons élèves budgétaires, des pays qui ont pu dégager des excédents de leurs comptes publics en se fondant sur des modèles économiques, fiscaux ou de finances publiques très particuliers.

Aujourd'hui, l'Irlande est sous les feux de l'actualité et a occupé sans doute une place très importante dans votre emploi du temps des derniers jours, madame la ministre. (Mme la ministre fait un signe d'assentiment.)

Mais l'Irlande était-elle à la vérité un si bon élève budgétaire ?

M. Jean Desessard. Nous y voilà !

M. Roland Courteau. Bonne question !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Au-delà des apparences, il y a la réalité.

Selon l'OCDE, entre 1995 et 2005, les dépenses réelles du secteur public irlandais auraient progressé de 5 % par an en termes réels. Toutefois, compte tenu d'une très forte dynamique d'implantation d'entreprises et de création d'emplois, et malgré des taux de fiscalité très faibles, l'Irlande a été en mesure d'équilibrer ses budgets.

M. Jean Desessard. Voilà !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cela dit, la crise éclaire la situation de ce pays d'une lumière nouvelle et crue.

Nous savons que des États sont fragilisés et que leur cotation sur les marchés est soumise à rude épreuve, comme c'est aujourd'hui le cas en particulier de l'Irlande.

Grâce aux décisions qui ont été prises les 9 et 10 mai 2010 par le conseil ECOFIN, nous disposons d'un mécanisme de stabilisation doté de 500 milliards d'euros : d'une part, 60 milliards de prêt de l'Union européenne avec garantie du budget communautaire et, d'autre part, 440 milliards d'euros de prêt accordés par une entité ad hoc dénommée « Fonds européen de stabilité financière », cette facilité étant destinée aux États qui y feraient appel au sein de la zone euro.

Quant au Fonds monétaire international, il serait susceptible d'apporter des moyens supplémentaires et pourrait mobiliser 250 milliards d'euros.

Conformément à l'article 122 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, l'attribution d'un prêt de l'Union européenne, en l'occurrence au titre de la première fraction, celle de 60 milliards d'euros que j'évoquais voilà un instant, requiert simplement une décision du Conseil à la majorité qualifiée.

À l'inverse, sauf erreur de ma part, un prêt au titre du Fonds européen de stabilité financière est subordonné à l'accord unanime des États participants.

La question que beaucoup d'entre nous se posent est naturellement de savoir quelles sont les conditionnalités et l'attitude de notre pays à cet égard. Nous souhaitons, madame la ministre, que vous puissiez nous en dire autant que cela vous est possible sur le sujet.

À la vérité, la crise irlandaise illustre une contradiction très forte au sein de la zone euro. Comment des pays qui sont en concurrence fiscale peuvent-ils vraiment partager une monnaie unique ? Une telle réalité n'est-elle pas intrinsèquement contradictoire ? Comment surmonter cette contradiction, sachant que chacun doit faire tout son possible pour traiter ses propres problèmes, tout en contribuant à la convergence de nos structures économiques, de sorte que la zone euro devienne plus homogène et susceptible, à ce titre, d'inspirer confiance à l'extérieur ?

Madame la ministre, les communiqués qui ont été publiés ces derniers jours et ces dernières heures, et que nous avons lus avec une grande attention, font apparaître que le gouvernement irlandais s'engage à prendre de nouvelles mesures de réduction des dépenses publiques. En revanche, en matière de politique fiscale, la situation semble plus complexe. En tout cas, je n'ai rien lu de bien clair sur le sujet...

Comme vous le savez, nous allons aborder, dans la suite de l'examen des articles, l'un des symptômes de nos contradictions, c'est-à-dire la question des activités des grandes plateformes de l'Internet. Or, l'une d'entre elles, parmi les plus médiatiques, celle dont tout le monde a le nom présent à l'esprit, a précisément son siège en Irlande, et ce, sauf erreur de ma part, grâce à une combinaison intelligente de la fiscalité irlandaise et de la fiscalité néerlandaise.

Madame la ministre, avant d'entrer de l'examen de l'article 16, qui est consacré au système financier, nous écouterons avec attention les réponses que vous apporterez à ces questions, qui me semblent largement partagées par nos collègues, sur quelque travée qu'ils siègent.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, sur l'article.

M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'article 16 du projet de loi de finances pour 2011 a pour objet de créer une nouvelle imposition sur les banques qui, par leur taille et la nature de leurs activités, font peser sur l'économie française un risque systémique.

Comme l'indique l'exposé des motifs de l'article 16, la taxe aura un double objectif.

En premier lieu, assise sur l'assiette utilisée par le régulateur prudentiel pour déterminer les exigences en fonds propres réglementaires, elle permet d'accroître pour les établissements concernés le coût de la prise de risque au-delà des exigences du régulateur, dont le rôle est d'apprécier les risques sur une base individuelle.

En second lieu, son rendement permettra de compenser le coût pour les contribuables de la résolution des crises bancaires.

Cette taxe n'est donc pas la récupération auprès des banques du coût des interventions de l'État au cours de la récente crise financière, dès lors que le contribuable français n'a pas été lésé : le secteur bancaire français - tout le monde s'accorde à le reconnaître, y compris le FMI -, a généré des entrées budgétaires de l'ordre de 2 milliards d'euros au titre de la rémunération de la garantie accordée par l'État.

Une telle imposition constitue le préfinancement d'éventuelles actions de ce type dans le futur. Par ce mécanisme, l'État français se constitue des réserves, fongibles dans son budget, à l'inverse de ce que l'Allemagne a mis en place en affectant sa taxe à un fonds de stabilisation destiné, à terme, à profiter directement aux banques participantes en cas de survenance d'une crise bancaire.

L'État opère donc un transfert de fonds des banques à son profit en prévision de son intervention future, privant ainsi immédiatement les banques de disponibilités non négligeables au moment crucial où elles doivent adapter leurs fonds propres aux exigences fixées par le Comité de Bâle - dispositif de « Bâle III » -, voire, le cas échéant, financer un Fonds de résolution national, comme l'envisage la Commission européenne.

Parmi les motivations de la taxe, il y a le fait que les institutions bancaires présentent une importance particulière pour notre économie, pouvant impliquer le recours à des formes de soutien, comme la dernière crise l'a montré dans plusieurs grands pays étrangers.

On pourrait considérer que le versement annuel de cette taxe bancaire au budget de l'État constitue une cotisation obligatoire en contrepartie d'une garantie publique d'intervention future.

La méthode la plus directe pour cela eût été un fonds de résolution, à l'image de celui qu'a institué l'Allemagne, vous nous l'avez d'ailleurs rappelé tout à l'heure. Peut-on considérer, madame la ministre, que les sommes versées par les établissements bancaires au titre de la présente taxe constituent une forme de réserve jouant le rôle d'un tel fonds de résolution ?

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, sur l'article.

M. Jean Desessard. J'ai apprécié les propos de M. le rapporteur général, qui nous a expliqué que l'Irlande, naguère considérée comme le bon élève de l'Europe, en raison d'une fiscalité très intéressante pour les entreprises, ne l'était, bon élève, qu'en apparence.

Et M. Marini de nous montrer comment les services publics ne peuvent survivre si la fiscalité diminue, si les recettes font défaut, et si aucune garantie n'est apportée à l'ensemble de la population concernant son bien-être... (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

J'ai parfois entendu dans cet hémicycle qu'il fallait baisser les impôts pour relancer la consommation : les riches étant de plus en plus riches, ils allaient évidemment consommer, ce qui permettrait à l'économie de repartir.

Je suis donc satisfait d'entendre, dans la bouche de M. le rapporteur général, que la diminution des recettes fiscales appauvrit au contraire un pays, en l'occurrence l'Irlande, aujourd'hui confrontée à une crise grave.

Cela dit, j'aurais aimé que M. le rapporteur général aille plus loin, et qu'il reconnaisse que le crédit est aujourd'hui l'appareil respiratoire de l'économie.

Puisque les salaires diminuent, et avec eux le pouvoir d'achat, il faut bien encourager la consommation, pour relancer l'économie, donc la production, et pour maintenir une certaine croissance, du moins si l'on entre dans la logique du système économique actuel, qui n'est pas celui auquel je crois. Or encourager la consommation, c'est faciliter le crédit. Et voilà comment on vit à crédit, la remarque valant aussi bien pour les particuliers que pour les collectivités locales et l'État, tous condamnés à emprunter toujours plus.

Même si la spéculation vient aggraver le tout, la bulle financière ne manquera pas de se constituer et c'est le crédit, l'appareil respiratoire de l'économie, qui nous conduira à la crise financière que nous allons connaître très prochainement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, sur l'article.

M. Jean-Pierre Fourcade. Madame la ministre, cet article m'inquiète. Je comprends très bien votre souci de mettre en place un mécanisme qui permettra de constituer un fonds systémique. Mais nous sommes dans un système international. Vos déplacements réguliers à Bruxelles ou lors des réunions du G20 montrent que le problème de nos banques est mondialisé.

Je souhaiterais vous poser deux questions.

En premier lieu, les vingt-sept pays de l'Union européenne vont-ils mettre en place un système de taxe systémique ?

En second lieu, comment ces taxes systémiques vont-elles être organisées par rapport à la Banque centrale européenne ?

Nous constatons aujourd'hui, sur le plan monétaire international, que le comportement du système fédéral américain est fondamentalement différent de celui de la Banque centrale européenne.

Le système fédéral américain « monétarise » les créances publiques de l'État et, chaque fois que des difficultés se posent sur les liquidités interbancaires, il remet en circulation des centaines de milliards de dollars.

La Banque centrale européenne a suivi une autre voie, plus modeste, en faisant rémunérer à 1 % l'argent qu'elle a mis à la disposition des relations interbancaires.

Je voudrais savoir comment s'articule le système de la taxe systémique que vous proposez, qui nous vient de l'Assemblée nationale, avec le rôle et le fonctionnement de la Banque centrale européenne.

M. le président. La parole est à M. Denis Badré, sur l'article.

M. Denis Badré. Madame la ministre, allons au bout des questions.

M. le rapporteur général a rappelé tout à l'heure qu'il existait deux tranches : 60 milliards d'euros dans la main de l'Union européenne - c'est le maximum qu'elle pouvait faire en matière de crédit - et 440 milliards d'euros qui ont été votés en partie par les parlements nationaux ; ce sont les États membres qui apportaient chacun leur contribution à la constitution de ce fonds.

Que l'Union européenne puisse utiliser les 60 milliards d'euros, cela me paraît normal. S'agissant des 440 milliards d'euros, madame la ministre, comment les choses se passent-elles ? Le vote des parlements nationaux a-t-il délégué cette somme à l'Union européenne pour qu'elle en fasse un libre usage, ou bien chaque pays devra-t-il donner son aval ? Autrement dit, les parlements nationaux continueront-ils à contrôler l'usage qui sera fait de ces fonds-là ? C'est une question technique qui se pose aujourd'hui.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, sur l'article.

M. Thierry Foucaud. J'ai fait vendredi, au nom de mon groupe, un rappel au règlement sur cette question de l'Irlande qui a été évoquée tout à l'heure par M. le rapporteur général. Nous n'avons obtenu aucune réponse du ministre présent. On nous a alors expliqué que c'était à Mme la ministre de le faire. Nous sommes évidemment d'accord avec M. le rapporteur général sur quelques considérations, et j'ose espérer, madame la ministre, que vous nous répondrez ce soir.

Cependant, je tenais à le redire, dès vendredi, sans doute étions-nous à l'avant-garde,...

M. Jean Desessard. Toujours à l'avant-garde !

M. Thierry Foucaud. ... nous avions posé cette question, effectivement très importante.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. J'essaierai de répondre à l'ensemble des questions qui m'ont été posées.

La première grande question qui a été évoquée par M. le rapporteur général, et complétée par une interrogation de M. Badré, concerne l'Irlande.

Je voudrais indiquer à ce sujet que cet ancien « tigre celtique » - comme était dénommée l'Irlande à l'époque - se trouve aujourd'hui, après la grande embellie économique, dans une situation budgétaire et bancaire difficile.

Sur le plan budgétaire, l'Irlande a décidé en 2008 un premier train de mesures auxquelles elle s'est engagée vis-à-vis de l'ensemble des partenaires européens, qui visait à réduire son déficit de 13,5 milliards d'euros - je parle de mémoire. Elle fait donc partie des premiers pays qui ont emprunté le chemin du redressement de leurs finances publiques.

La conjoncture s'est évidemment compliquée avec la crise financière, ses développements et avatars, en particulier les difficultés rencontrées par trois banques irlandaises, qui ont dû faire l'objet d'une première restructuration initiée par le gouvernement irlandais : celui-ci a quasiment nationalisé l'une d'entre elles, Anglo Irish, et pris des participations pour renforcer les capitaux propres des deux autres.

Ce contexte budgétaire s'est évidemment aggravé avec la dégradation de la signature irlandaise, l'augmentation et la tension sur les spreads , c'est-à-dire les taux auxquels le pays peut se financer ou se refinancer.

Dans ces conditions, l'Irlande a pris un certain nombre de décisions, vous l'avez dit, dont nous avons largement discuté ce week-end.

La première série de décisions a consisté à renforcer le plan quadriennal, qui a été présenté au gouvernement irlandais hier après-midi, soumis aux membres de la zone euro et, plus largement, aux pays de l'Union européenne, avant d'être débattu également avec les représentants du G7 et du Fonds monétaire international.

Ce plan comporte notamment un engagement de réduire le déficit sur une période de quatre ans, à concurrence de 15 milliards d'euros, avec un premier effort sur l'exercice 2011 portant sur 6 milliards d'euros, ce qui représente un sacrifice considérable de la part de ce pays.

On ne peut évidemment que saluer ces efforts budgétaires, qui devraient permettre à l'Irlande de se rapprocher de l'objectif de 3 % de déficit à l'échéance de 2014.

La deuxième série de mesures, qui avait d'ailleurs été annoncée par le Premier ministre irlandais, Brian Cowen, a consisté à retravailler le plan de restructuration des établissements bancaires, qui sont la véritable origine des difficultés graves dans lesquelles se trouve ce pays.

C'est dans ces circonstances que l'Irlande a fini par demander, hier après-midi, la mise en place d'un mécanisme d'assistance qui sera tripartite.

Premièrement, le mécanisme communautaire que vous évoquiez tout à l'heure est aujourd'hui doté de 60 milliards d'euros, et fonctionne effectivement à la majorité qualifiée.

Deuxièmement, le mécanisme intergouvernemental que nous avons mis en place les 9 et 10 mai dernier à la suite de la crise grecque, est, lui, doté de 440 milliards d'euros, et fonctionne à l'unanimité des États fondateurs de ce fonds, c'est-à-dire les dix-sept membres de la zone euro.

Troisièmement, un complément de financement proviendra, d'une part, du Fonds monétaire international, qui s'est toujours engagé, dès lors qu'un plan d'assistance était nécessaire, à financer un tiers des besoins de financement, et, d'autre part, des concours bilatéraux, puisque la Grande-Bretagne, la Suède et un ou deux autres États membres de l'Union européenne ont promis de mettre en place des soutiens bilatéraux.

Ce financement sera assuré sans préjudice des efforts spécifiques que consentirait l'Irlande si elle souhaitait que des collaterals supplémentaires irlandais interviennent dans le plan général de restructuration. Ce plan est nécessaire, je le répète, en raison d'une situation budgétaire dégradée par les conditions de refinancement - l'Irlande travaille actuellement sur ce dossier -, et surtout par la situation du secteur bancaire irlandais.

Il est d'ailleurs précisé, dans les accords que nous avons commencé à négocier avec l'Irlande, que le plan d'assistance devra comporter un fonds de recapitalisation à mettre en place par l'Irlande, pour renforcer son secteur bancaire et prévoir un certain nombre de mesures d'assainissement strictement bancaires.

Tout cela s'effectuera dans le cadre de conditionnalités, vous l'avez évoqué, monsieur le rapporteur général. Ces conditionnalités seront multiples, et nous espérons vivement - j'ai eu l'occasion de l'indiquer, comme M. le Président de la République lorsqu'il s'est exprimé de Lisbonne sur le sujet - que l'Irlande prévoira un volet fiscal dans son effort budgétaire de redressement de ses finances publiques.

L'Irlande souhaitera-t-elle prévoir un volet fiscal en matière de taux ou en matière d'assiette ? La détermination, tant de l'assiette que du taux de l'impôt, relève - M. le Président de la République l'a souligné - de la souveraineté nationale irlandaise, de manière classique.

Cette question particulièrement sensible a agité l'opinion publique irlandaise. Mais notre position a été claire ; elle a été exprimée par le Président de la République et a été reprise par la Commission, qui a indiqué aujourd'hui que le volet fiscal devait faire partie de l'ensemble des conditionnalités : modalités, taux, assiette, type d'impôt.

Évidemment, le débat reste entier. Les négociations ne sont pas encore terminées avec le gouvernement irlandais, qui a d'ailleurs indiqué qu'il remettrait en jeu sa responsabilité devant les électeurs dès le début de l'année 2011 et à la suite du vote du budget, ce qui est très important.

En ce qui concerne le calendrier, des négociations sont en cours entre la Commission et le Fonds monétaire international, en liaison évidemment avec la Banque centrale européenne.

Cet accord reviendra devant le conseil ECOFIN pour être examiné et éventuellement approuvé dans ses conditionnalités, puisque, je vous le rappelle, le mécanisme intergouvernemental - c'est-à-dire le Fonds européen de stabilité financière - a été constitué avec la garantie des États.

Chaque pays, à concurrence de la clé de répartition selon laquelle il participe au fonds de la Banque centrale européenne, c'est-à-dire, pour la France, à peu près 20 %, a consenti sa garantie pour permettre à ce fonds européen de stabilité de se financer et de lever des fonds sur les marchés, afin d'apporter son concours à un État qui en aurait besoin. C'est ainsi que le mécanisme fonctionne.

Pour finir de vous répondre sur le volet fiscal, nous avons indiqué très clairement que nous souhaitions qu'il figure dans les conditionnalités. La Commission va conduire les négociations, et la mention de la souveraineté nationale sur la fixation du taux et de l'assiette de l'impôt, y compris lorsqu'un État membre de la zone euro doit recourir à un mécanisme d'assistance, devrait permettre à ces conditionnalités d'être débattues et, je l'espère, acceptées de part et d'autre.

Je pense avoir ainsi à peu près couvert le champ des questions que vous avez posées au sujet de l'Irlande, mesdames, messieurs les sénateurs.

Vous m'avez également interrogée sur les modalités du décaissement. Il est clair qu'il ne pourra intervenir que lorsque les conditionnalités et le programme seront arrêtés et que l'ensemble des payeurs seront prêts, notamment le Fonds monétaire international, mais il est prêt à tout moment, ainsi que le Fonds européen de stabilité financière, quand il sera en mesure de lever les fonds, mais tout cela ne devrait pas prendre beaucoup de temps.

Par ailleurs, j'ai toujours pris l'engagement de revenir devant la commission des finances, monsieur Arthuis, pour indiquer les modalités, le calendrier et les volumes pour lesquels la garantie française pouvait être mise en cause à raison de l'exercice par le Fonds européen de stabilité financière du mécanisme de levée de fonds.

Quant à la taxe bancaire prévue à l'article 16, elle se rapproche plus du mécanisme instauré en Grande-Bretagne ou, précédemment, en Suède, que de celui qui a été mis en place en Allemagne. Si nous n'avons pas prévu de l'affecter à un fonds systémique, c'est parce que cela ne nous paraît pas souhaitable au regard de la question de l'aléa moral. Le fait de canaliser l'ensemble des sommes sur un fonds reviendrait en effet quasiment à assurer par avance les risques que pourraient prendre les établissements bancaires.

Nous avons préféré calibrer cette taxe de façon que les banques ne soient pas incitées à prendre trop de risques et qu'elles adoptent un comportement plus raisonnable que par le passé. C'est dans cet esprit-là que nous l'avons décidée, sachant que d'autres pays l'ont envisagée, et que certains l'envisagent encore.

Je rappelle que, aux États-Unis, le projet de loi Dodd-Frank prévoyait l'instauration d'une telle taxe, dans sa version initiale. Elle a ensuite disparu, mais je ne doute pas que, au moins pour les besoins du remboursement du plan TARP, ou Troubled Asset Relief Program , un mécanisme similaire sera instauré pour permettre aux États-Unis, en particulier au Trésor américain, de récupérer les sommes qui ont été engagées à l'occasion du premier plan de redressement des établissements bancaires et financiers.

J'espère avoir ainsi répondu à la question que vous avez posée sur les banques.

Le cas échéant, mesdames, messieurs les sénateurs, je pourrai apporter des précisions complémentaires lors de l'examen des amendements. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je voudrais tout d'abord vous remercier des informations que vous venez de communiquer à notre assemblée, madame la ministre.

La crise irlandaise est particulièrement grave. Vous avez évoqué la souveraineté de l'Irlande ; mais quelle est, mes chers collègues, la souveraineté d'un État en quasi-cessation de paiement ? (M. Jean Desessard s'esclaffe.)

Nous devons prendre toute la mesure des effets potentiels du surendettement d'un État et de l'aliénation qu'il entraîne.

Nous avons tous apprécié le développement de l'Irlande au fil des années, mais c'est peu de dire que ce pays s'est livré à une sorte de dumping fiscal, et nous nous souvenons tous d'entreprises qui ont délocalisé une partie de leurs activités pour les implanter en Irlande.

M. Jean Desessard. Et voilà !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Aujourd'hui, cet État est en difficulté ; il ne parvient pas à équilibrer ses comptes publics et la Communauté européenne, ainsi que nombre de pays qui ont subi ces délocalisations, doivent mettre la main à la poche pour lui venir en aide.

C'est un sujet extrêmement grave et je vous remercie, madame la ministre, d'avoir dit que vous viendriez devant les commissions des finances de nos deux assemblées. Je pense même qu'il serait de bonne administration publique que vous veniez avant que les accords ne soient conclus.

Sur la conditionnalité de l'octroi de l'aide, il importe que le consensus le plus large possible se dégage. C'est une épreuve lourde pour l'Europe ; je ne doute pas qu'elle en sortira grandie, mais nous devons, les uns et les autres, nous montrer particulièrement exigeants.

Au fond, si l'on accepte d'aider l'Irlande, c'est non seulement par solidarité européenne, mais aussi, bien sûr, pour prévenir un risque systémique, la dette publique irlandaise mettant peut-être en cause un certain nombre d'établissements bancaires et financiers qui feraient appel à l'assurance systémique s'ils se trouvaient en difficulté. Ce faisant, j'en reviens à notre devoir immédiat, l'examen de l'article 16 du projet de loi de finances.

Je vous remercie une nouvelle fois d'avoir promis de venir présenter devant les commissions des finances les termes de l'accord possible, notamment sur la conditionnalité, madame la ministre. Je crois pouvoir dire que nous serons particulièrement attentifs au volet fiscal, car nous ne pouvons pas laisser le dumping fiscal se propager au sein de l'Union européenne - au-delà de l'Irlande, nous avons évoqué avec votre collègue François Baroin d'autres cas de dumping fiscal en matière de TVA -, sauf à soumettre l'Europe à des épreuves sans précédent.

Plus que jamais, l'harmonisation est une nécessité et nous concevrions difficilement de devoir mettre la main à la poche pour venir en aide à l'Irlande si ce pays persistait dans des pratiques fiscales qui relèvent d'un dumping absolument intolérable.

Pour faire du dumping , il faut en avoir les moyens. Si l'on utilise l'argent des autres, de telles pratiques deviennent absolument inadmissibles ! (M. le rapporteur général de la commission des finances acquiesce.)

M. le président. L'amendement n° I-260, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« I bis . - Cette taxe n'est pas déductible pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Je suis vraiment surprise. Ceux qui dénoncent aujourd'hui les agissements de l'Irlande sont ceux qui, hier encore, érigeaient ce pays en modèle, allant jusqu'à parler de miracle... (M. Jean Desessard applaudit.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce n'est pas mon cas !

Mme Nicole Bricq. On pourrait reprendre les déclarations des uns et des autres...

Mais, aujourd'hui, l'Irlande est devenue le vilain petit canard de la zone euro, alors que l'on savait depuis longtemps que sa réussite était artificielle et que la bulle ainsi créée, tôt ou tard, devait éclater.

Tant que l'on ne prendra pas conscience de la nécessité de réguler le capitalisme, on ira ainsi de bulle en bulle.

M. Jean Desessard. Bulle sur bulle ne vaut !

Mme Nicole Bricq. Quant à la taxe prévue par l'article 16, elle n'a de systémique que le nom. Elle n'est ni une taxe préventive ni une taxe de réparation, encore moins une taxe punitive. Finalement, ses promoteurs ne tranchent pas la question de sa finalité.

Au moment où vous parlez de convergence avec l'Allemagne, nous nous étonnons de constater que les éléments constitutifs de cette taxe sont très éloignés de ce qui a été imaginé outre-Rhin.

Vous avez retenu comme assiette les actifs pondérés par les risques, au motif que, si l'on suivait le rapport Lepetit, qui proposait de prendre en compte, comme les Allemands, le passif de marché, les banques françaises seraient pénalisées.

On sait combien le lobby des banques est puissant, en France comme en Europe. Une fois encore, vous lui avez donné satisfaction et vous vous privez, en retenant cette assiette, de toucher les établissements financiers comme les hedge funds , alors même que la France a cédé, dans le projet de directive relatif à ces fonds spéculatifs, sur le passeport européen.

De surcroît, vous préférez affecter le produit de cette taxe au budget de l'État plutôt qu'à un fonds de régulation, qui aurait vraiment eu un caractère préventif.

Vous retenez pour cette taxe un taux relativement faible, de 0,25 %, et vous attendez un produit de 500 millions d'euros.

Mais, surtout, vous permettez aux entreprises de déduire cette taxe de l'impôt sur les sociétés.

M. Jean Desessard. Incroyable !

Mme Nicole Bricq. Autant dire que cette taxe sera indolore.

Le lobby bancaire, très présent à Bercy, a donc bien oeuvré. Les banques françaises ont obtenu gain de cause et, au final, cette taxe n'a pas de sens par rapport à l'objectif initial de prévention des risques systémiques.

À tout le moins, nous demandons qu'elle ne soit pas déductible de l'impôt sur les sociétés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je me dois de rappeler à notre excellente collègue Nicole Bricq que le droit fiscal repose sur quelques principes... Parmi eux figure la règle selon laquelle un contribuable, quel qu'il soit, ne peut pas être amené à payer de l'impôt sur l'impôt.

Pour cette raison, et depuis qu'existe un impôt sur les bénéfices des sociétés, toutes les charges engagées par une entreprise, y compris les charges fiscales, sont déductibles de l'imposition sur ses bénéfices.

Par dérogation, certaines charges, très spécifiques, comme les pénalités, les amendes ou les condamnations judiciaires, ne sont pas déductibles.

Voudriez-vous dès lors assimiler la taxe prévue à l'article 16 à l'une de ces condamnations pécuniaires, qui supposent un jugement préalable ? Ce n'est pourtant pas le cas en l'espèce.

Au contraire, cette taxe constitue un élément de la fiscalité générale qui, à ce titre, est manifestement déductible.

On peut concevoir que vous défendiez une majoration de cette taxe, ou une autre manière de la calculer. En revanche, lui conférer un caractère non déductible en ferait une taxe punitive à proprement parler, ce qui serait sans précédent dans notre droit fiscal.

J'émets donc un avis fermement défavorable sur cet amendement, pour des raisons de principe, car j'ai la faiblesse de penser que nous sommes encore dans un État de droit.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Pour les mêmes raisons que celles exposées par M. le rapporteur général, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Je vous entends dire que nous aurions cédé sur les fonds spéculatifs, madame Bricq ; je m'inscris en faux contre cette qualification de la position française. Nous avons été jusqu'au bout de nos arguments pour obtenir, sur ces fonds, à la fois la transparence, leur enregistrement et l'application de tous les principes relatifs aux rémunérations, notamment dans les établissements financiers, afin que l'on puisse contrôler et encadrer celles-ci.

En ce qui concerne le passeport, nous avons essayé de convaincre, en vain, les vingt-six autres États membres, qui ne partageaient pas notre position.

Nous avons toutefois souhaité avancer sur les autres questions que j'ai citées, de transparence, d'enregistrement et de vérification des rémunérations. Au final, le mécanisme que nous avons mis en place, et qui a été voté par le Parlement avec les voix d'un certain nombre de vos amis, madame Bricq, me semble le moins mauvais qui puisse être.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-260.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° I-337, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Remplacer le taux :

0,25 %

par le taux :

2,5 %

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. La crise bancaire de caractère systémique que les pays occidentaux ont connue en 2008 aura donc conduit à la mise en place, avec d'infinies précautions de fond et de forme, d'une taxe visant à mutualiser le risque entre les opérateurs bancaires et à se prémunir contre certaines des turbulences constatées.

Ainsi, comme le recommandent le FMI ou la Commission européenne, nous allons contraindre les opérateurs des marchés financiers à s'assurer, sous forme mutuelle, contre tout risque systémique futur.

Sur le fond, que les entreprises du secteur financier soient mises à même de se protéger contre des pertes éventuelles n'est pas nécessairement une mauvaise chose. Nous pensons même que l'industrie financière doit tout mettre en oeuvre pour éviter de solliciter les deniers publics, comme cela a pu être le cas, quand elle est confrontée aux conséquences de ses propres dérèglements. Nous y sommes d'autant plus favorables que nous avons débattu, à l'automne 2008, d'un dispositif de sauvetage du secteur financier, reposant sur la création de deux entités juridiques destinées à financer les établissements de crédit, sans exiger d'eux de véritables contreparties.

Alors que les difficultés de certains établissements ne sont sans doute pas terminées, nous voyons que, en Irlande, une expansion économique fondée sur le principe du moins-disant sur les plans fiscal et social s'est littéralement fracassée sur la crise systémique, au point d'entraîner une explosion du déficit budgétaire du pays, qui s'élève désormais à 32 % du PIB. De surcroît, les engagements pris par les États pour soutenir les établissements de crédit se sont retournés contre eux et sont à la source d'une bonne part de la dette publique qui grève actuellement toutes les politiques budgétaires en Europe.

Il semble bien, mes chers collègues, que, en matière de crise financière, il s'agisse davantage d'un simple répit que d'une guérison authentique. En effet, des signes avant-coureurs de nouvelles difficultés se manifestent d'ores et déjà : situation délicate de certains établissements de crédit immobilier en Grande-Bretagne ou en Espagne, nouvelles faillites aux États-Unis, recapitalisation massive de banques en Irlande, sans parler de ce paradoxe que constitue l'annonce de nouveaux super bonus pour les traders et dirigeants, témoignant que les mauvaises habitudes n'ont pas disparu...

Si nous considérons comme positif le fait que la nouvelle taxe soit exclusive de la suppression éventuelle d'autres impositions, nous estimons cependant que son taux est très largement insuffisant pour faire face aux exigences qui pourraient rapidement résulter d'une nouvelle poussée de fièvre sur les marchés financiers.

Il convient donc, à notre sens, de mettre plus directement en adéquation les ressources de la taxe systémique avec le risque qu'elle est censée couvrir. Notre amendement vise ainsi à assurer une véritable mutualisation des coûts systémiques en majorant nettement le taux de cette taxe.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Mon cher collègue, vous allez un peu loin, car c'est un décuplement du taux de la taxe que vous proposez ! Pourquoi ne pas le multiplier par cinquante, cent, mille ou un facteur infini ?

M. Jean Desessard. Il peut le faire !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il s'agit d'une contribution qui, au-delà d'un certain niveau, en diminuant les fonds propres des établissements, réduira leur capacité à accorder des crédits. Or, ce n'est certainement pas ce que vous voulez.

L'approche retenue par le Gouvernement, qui a d'ailleurs été négociée avec cette branche d'activité, me semble raisonnable. La commission n'est pas favorable à une position aussi extrême que la vôtre, qui semble impliquer que le secteur bancaire échappe à toute contrainte économique et n'oeuvre pas dans un environnement de concurrence internationale.

Nous venons d'évoquer les difficultés très cruelles que rencontrent, hélas ! d'autres États ; il faut, à cet instant, rappeler le succès du plan français d'octobre 2008 : l'apport en temps opportun des contributions et garanties de l'État a permis au secteur bancaire français de bien franchir les obstacles à un moment redoutable, et les financements alloués dans ce cadre ont été remboursés plus tôt que prévu par la quasi-totalité des établissements concernés.

Par conséquent, évitons de tirer sur un secteur qui n'a pas démérité dans la crise et n'oublions pas que la politique menée à son endroit a été raisonnable et équilibrée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Je ne sais pas si le taux proposé par nos collègues du groupe CRC-SPG est le bon, mais j'observe que le taux inscrit dans le projet de loi est faible et que l'assiette aurait pu être beaucoup plus large.

Par ailleurs, affecter le produit de la taxe au budget de l'État, à la différence des Allemands, qui ont créé un fonds de résolution, pose véritablement problème.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Le budget de l'État a trop de ressources ?

Mme Nicole Bricq. Cela signifie que si une nouvelle crise bancaire survenait, l'État se porterait au secours des banques, alors que c'est précisément ce que l'on voulait éviter.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Vous aimez bien les cagnottes !

Mme Nicole Bricq. Les banques doivent assumer les risques qu'elles prennent et s'assurer de manière que le contribuable ne soit pas de nouveau sollicité ; car il l'a été !

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Nicole Bricq. Dans les mois précédant les accords de Bâle III, les banques avaient déjà crié au loup, affirmant qu'elles ne pourraient pas satisfaire aux ratios prévus. Que n'a-t-on entendu à cette époque ! Or les mêmes banques nous disent maintenant qu'elles y parviendront sans recourir à des augmentations de capital ou faire appel aux marchés ! Cela suffit ! Nous avons vraiment l'impression, madame la ministre, que vous défendez leurs intérêts, et non ceux de la France et des contribuables. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. Madame Bricq, soyons sérieux ! N'avons-nous pas besoin que des établissements bancaires, des circuits financiers alimentent l'économie française, financent les petites et moyennes entreprises ?

Mme Nicole Bricq. Justement, parlons-en !

Mme Christine Lagarde, ministre. Lorsque nous avons mis en place le plan de soutien au secteur bancaire, n'avons-nous pas posé des exigences en matière de financement de l'économie française ?

Mme Nicole Bricq. Elles n'ont pas été satisfaites !

Mme Christine Lagarde, ministre. Elles l'ont été dans une large mesure ! Par conséquent, ne dites pas que je suis l'avocate d'un secteur d'activité, car ce n'est pas vrai. Nous prenons en considération l'intérêt global de l'économie française, et non pas celui d'une seule branche d'activité.

Pour autant, chaque fois que les mesures proposées dans le cadre du Comité de Bâle ou du Conseil de stabilité financière sont de nature à désavantager le secteur bancaire français par rapport à ses concurrents dans le monde, je considère qu'il est aussi du devoir du Gouvernement d'assurer le maintien d'un level playing field , afin que l'ensemble des opérateurs soient placés dans les mêmes conditions économiques et que certains pays ne se trouvent pas outrageusement avantagés. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Madame la ministre, nous pourrions discuter longuement de la façon dont les banques aident les petites entreprises : un certain nombre d'exemples montrent qu'elles ne sont pas toujours vertueuses dans cet exercice.

Par ailleurs, en tant qu'écologiste, je ne suis pas sûr qu'il soit bon de vivre à crédit et que notre société doive recourir sans fin à l'appareil respiratoire du crédit pour développer la consommation.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Excellent : remboursons la dette, monsieur Desessard ! Nous sommes tous écologistes !

M. Jean Desessard. Nous avons tout de même le droit d'avoir des convergences, monsieur Arthuis !

M. le rapporteur général trouve excessive la proposition de nos collègues du groupe CRC-SPG. Or, s'agissant d'une assurance contre un risque systémique, il faut pourtant se donner les moyens de faire face à une nouvelle catastrophe financière ! J'ai cru comprendre que tel était l'objet du dispositif de l'article 16.

Par conséquent, avant que nous puissions nous prononcer sur le taux de la taxe, il faut que vous nous disiez quelle est l'ampleur du risque, monsieur Marini ! En l'absence d'une telle indication, comment pouvez-vous juger exagérée la proposition du groupe CRC-SPG ? Si vous considérez que la prochaine crise financière sera faible, parce que selon vous les banquiers, tirant les leçons du passé, ont adopté un comportement plus vertueux et que les traders ne se lancent plus dans des opérations inconsidérées, je comprends que vous prévoyiez un taux peu élevé. En revanche, si l'on estime au contraire que l'usage non maîtrisé du crédit nous conduira à une crise financière encore plus importante que la précédente, alors la taxe doit être beaucoup plus forte. Il y a deux façons de voir les choses : nous en reparlerons dans quelques années.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-337.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote sur l'article 16.

M. François Marc. Nous sommes évidemment tous d'accord sur la finalité de cet article : instaurer une taxe de risque systémique afin de dissuader les établissements bancaires de prendre des risques excessifs et de compenser le coût éventuel, pour l'État, de la résolution des crises bancaires.

Ma collègue Nicole Bricq a expliqué pourquoi nous n'étions pas totalement convaincus par la proposition qui nous est soumise. Au-delà d'un certain nombre de considérations techniques relatives à l'assiette, trop étroite à nos yeux, de la taxe, ou à l'affectation de la recette au budget de l'État, deux problèmes de fond se posent.

Tout d'abord, les établissements bancaires seront-ils véritablement responsabilisés ? Aux États-Unis a été créée une taxe dite « de responsabilité », ce qui signifie que le système bancaire y est considéré comme coresponsable des crises qui l'affectent. De ce point de vue, les modalités du dispositif qui nous est présenté ne nous satisfont pas.

Par ailleurs, madame la ministre, on découvre aujourd'hui que la situation des banques irlandaises est bien plus mauvaise qu'on ne le pensait. Or ces établissements avaient passé avec succès les stress tests auxquels ont été soumises toutes les banques européennes ! Dans ces conditions, quelle crédibilité peut-on accorder au système bancaire ?

Le dispositif de l'article 16 nous paraît donc bien modeste, même si nous partageons la volonté de régulation qui le sous-tend. Nous déplorons que notre amendement, qui visait à lui conférer une plus grande portée, n'ait pas été adopté.

M. le président. Je mets aux voix l'article 16.

(L'article 16 est adopté.)