IV. DÉBATS SÉNAT PREMIÈRE LECTURE DU 19 NOVEMBRE 2010

Article 2 ter (nouveau)

Mme la présidente. « Art. 2 ter . - L'article 92 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 est ainsi modifié :

1° Au II, l'année : « 2011 » est remplacée par l'année : « 2012 » ;

2° Après l'année : « 2009, », la fin du III est ainsi rédigée : « 680 € au titre de l'imposition des revenus de 2010, 400 € au titre de l'imposition des revenus de 2011, 120 € au titre de l'imposition des revenus de 2012. »

Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les amendements n os I-437 et I-442 sont identiques.

L'amendement n° I-437 est présenté par MM. Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet, de Montesquiou et Detcheverry, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° I-442 est présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet article :

I. - Les II, III et V de l'article 92 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 sont abrogés.

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Denis Detcheverry, pour défendre l'amendement n° I-437.

M. Denis Detcheverry. Madame la présidente, si vous le permettez, je défendrai également l'amendement n°°I-361, qui a un objet similaire.

Ces amendements visent à rétablir l'ancienne rédaction de l'article 195 du code général des impôts, qui ne subordonnait pas le bénéfice de la demi-part accordée aux contribuables ayant élevé seuls un ou plusieurs enfants à la preuve qu'ils en aient supporté la charge à titre exclusif ou principal pendant au moins cinq années au cours desquelles ils vivaient seuls.

L'actuel libellé de l'article 195, qui a déjà suscité de nombreux débats au Parlement, nous semble très difficile à justifier, car il pénalise gravement nombre de personnes veuves ou divorcées n'ayant que des revenus modestes.

La perte d'une demi-part pour le calcul des revenus a des effets dramatiques pour nos concitoyens les moins fortunés, même s'ils ont élevé des enfants en couple.

Ainsi, nombre de veuves ou de veufs, titulaires d'une pension de réversion modeste, se voient non seulement surimposés, mais également privés des dispositifs qui sont attachés à la non-imposition, tels que l'exonération de la taxe d'habitation et la redevance télévision.

Les conséquences de cette disposition n'ont pas été mesurées lorsqu'elle a été adoptée. Il est donc indispensable de mieux les évaluer et, préalablement, de revenir sur cette mesure qui est totalement injuste.

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle André, pour présenter l'amendement n°I-442.

Mme Michèle André. Madame la présidente, je présenterai en même temps l'amendement n° I-214, qui a le même objet.

Ces amendements visent à rétablir l'ancienne rédaction de l'article 195 du code général des impôts, qui ne conditionnait pas cette demi-part fiscale attribuée aux personnes vivant seules ou ayant élevé seules leurs enfants.

En effet, la nouvelle rédaction, proposée par voie d'amendement au Sénat, puis partiellement rectifiée en commission mixte paritaire, a été intégrée à la loi de finances pour 2009 sans que l'ensemble de ses effets aient véritablement été pris en compte.

La perte d'une demi-part pour le calcul des revenus a des effets dramatiques pour certains de nos concitoyens les moins fortunés, même s'ils ont élevé des enfants en couple.

Ainsi, nombre de veuves, mais parfois aussi des veufs, titulaires d'une pension modeste, qu'elle soit personnelle ou de réversion, se verront non seulement imposés alors qu'ils ne l'étaient pas jusqu'ici, mais également privés des dispositifs qui sont attachés à la non-imposition, telle que l'exonération de la taxe d'habitation et de la redevance télévision.

Le coût budgétaire d'une telle mesure peut être compensé, nous en sommes certains, par la suppression de niches fiscales aussi injustes qu'inefficaces et qui représentent des dizaines de milliards d'euros.

Nous souhaitons donc revenir sur cette disposition. Je dirai que, s'il y avait un doute, les débats qui ont eu lieu dans cet hémicycle voilà quelques semaines sur les pensions bien misérables d'un certain nombre de femmes devraient nous incliner à nous montrer attentifs à cette catégorie de population, qui représente tout de même un nombre non négligeable de personnes.

Mme la présidente. L'amendement n° I-351, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

I. - L'article 92 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 est ainsi modifié :

1° Au II, les mots : « au titre des années 2009 à 2011 » sont supprimés ;

2° Les III et V sont abrogés.

II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant pour l'État des dispositions ci-dessus, il est créé une taxe additionnelle aux droits fixés aux articles 575 et 575 U du code général des impôts.

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. En 2008, un avantage fiscal dont bénéficiaient plus de 4 millions de parents isolés, imposés séparément à raison des enfants qu'ils avaient élevés ou qu'ils élevaient encore, a été remis en cause. Il s'agissait en effet, avec cet article 92 de la loi de finances pour 2009, de revenir sur la situation des contribuables célibataires, veufs ou divorcés, ayant des enfants à charge et qui bénéficiaient d'une demi-part supplémentaire au titre de l'impôt sur le revenu.

Cette dépense fiscale déjà ancienne concerne un nombre important de ménages, pour un montant relativement significatif, soit 1 440 millions d'euros estimés pour 2011.

Ce montant est toutefois en baisse puisque l'article 92 en question a permis de reprendre, en deux ans, plus de 260 millions d'euros dans la poche des ménages concernés !

L'avantage en impôt qui découle de cette conception du quotient familial est aujourd'hui limité à environ 300 euros par an et par contribuable. On est donc fort loin des montants unitaires bien plus élevés atteints avec le dispositif « Malraux », les investissements outre-mer ou le régime particulier d'imposition des plus-values...

Outre le fait qu'il participe d'une conception pour le moins dépassée de la vie privée, puisque célibat et divorce sont des situations de plus en plus fréquentes dans la société moderne, cet article ne vise au fond qu'à gager quelques éléments du déficit public sur le dos du plus grand nombre.

Parmi les contribuables isolés concernés par le dispositif actuel, nombreux sont ceux qui n'ont plus d'activité professionnelle, ainsi que ceux dont l'attribution de la demi-part découlant de la législation actuelle est suffisante pour les rendre non imposables au titre de l'impôt sur le revenu.

Objectivement, on peut penser qu'il y a des niches fiscales plus importantes que celle-ci à vider de leur contenu !

Cela est d'autant plus vrai que, l'avantage fiscal lié au quotient familial étant plafonné, ce sont les contribuables les plus modestes qui perdront le plus.

Nous nous plaçons, nous, du côté des femmes divorcées ayant assumé seules l'éducation de leurs enfants et ayant, à ce titre, travaillé, consenti des sacrifices durant toute leur vie professionnelle. Nous nous plaçons aussi du côté des parents célibataires, veufs ou divorcés qui ont pris leurs responsabilités devant l'adversité de la vie. Enfin, nous nous plaçons du côté de ces personnes retraitées qui ont fait ces efforts et ces choix durant leur vie professionnelle, lesquels n'ont pas toujours été compris par la société. Pensons, par exemple, mes chers collègues, au cas des parents adoptants qui connaîtraient demain l'effet de la mesure contenue dans le présent article.

La sagesse impose, à notre sens, de revenir sur les termes de l'article 92 de la loi de finances de 2009 en adoptant cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cette question est en effet délicate, voire douloureuse, pour un nombre significatif de contribuables.

L'Assemblée nationale, en adoptant l'article 2 ter , a permis de proroger d'un an le régime transitoire, afin, sans doute de prendre en compte les situations les plus difficiles, dues, notamment, aux effets collatéraux - si j'ose dire - que peuvent représenter les pertes d'exonération d'impôts locaux ou d'autres avantages.

Pour la majorité de la commission, le dispositif adopté l'année dernière, amélioré par la prorogation d'un an du régime transitoire, paraît être une réponse suffisante aux préoccupations exprimées.

En vertu de cette analyse, je demande aux auteurs des amendements identiques I-437 et I-442, ainsi que de l'amendement n° I-351 et des amendements identiques n os I-214 et I-361 de bien vouloir les retirer.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Même avis, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Nous avions dénoncé, lors de l'introduction de cette mesure dans le code général des impôts, cette mauvaise action. En effet, dans la mesure où il est impossible de considérer la disposition antérieurement applicable comme étant une niche fiscale, cette démarche est absurde.

Le problème du caractère arbitraire des niches fiscales est de nouveau posé. Vous considérez que la tristement célèbre niche concernant les cessions de participations des entreprises, dite « niche Copé », n'en est plus une, contrairement à la mesure évoquée en cet instant. Pourtant, il n'en est rien : on ne choisit pas d'être veuve et le divorce est parfois subi. Il s'agit de ce que l'on appelle des « accidents de la vie ».

Monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre, toujours en prévision du débat fiscal - qui sera, j'espère, « grandeur nature » -, j'attire votre attention sur la remarque tout à fait pertinente de notre collègue Bernard Vera. En effet, du fait de l'évolution de la société, les situations sont de plus en plus individualisées, les célibataires et les divorcés sont de plus en plus nombreux. Il sera nécessaire, à un moment ou un autre, d'engager un débat de fond sur l'individualisation de l'impôt, et je crains que les positions ne soient pas semblables au sein des partis politiques. Si notre système d'imposition n'est pas adapté à la situation actuelle, de nombreuses absurdités verront le jour.

Je sais qu'un tel débat est délicat, mais il est nécessaire, d'autant plus eu égard à l'accroissement du nombre de femmes travaillant de manière indépendante.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques n os I-437 et I-442.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-351.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2 ter .

(L'article 2 ter est adopté.)