V. RAPPORT SENAT N° 111 (2010-2011)

Commentaire : le présent article propose de mettre en place de nouvelles modalités externalisées de financement des lignes d'équilibre et d'aménagement du territoire, appelées à faire l'objet d'une convention entre l'Etat et la SNCF au titre des obligations de service public de cette dernière, reconnues au niveau communautaire. Il prévoit ainsi la création d'une taxe acquittée par les entreprises de services de transport ferroviaire de voyageurs et affectée à un nouveau compte d'affectation spéciale, afférent à ces services nationaux de transport conventionnés de voyageurs.

I. LA NÉCESSAIRE EXTERNALISATION DU FINANCEMENT DES TRAINS D'ÉQUILIBRE DU TERRITOIRE

A. UNE PÉRÉQUATION INTERNE COMPENSE L'EXPLOITATION DÉFICITAIRE DES LIGNES CORAIL

Ainsi que le précise le rapport d'évaluation préalable des articles du présent projet de loi de finances, certaines lignes exploitées par la SNCF sont globalement déficitaires. Ces lignes sont celles exploitées par les branches d'activité « SNCF Proximités » (trains Corail Intercités) et « SNCF Voyages » (trains Corail Téoz, Lunéa et autres trains de nuit), dénommées de manière générique « Corail ». Quarante lignes sont ainsi concernées , représentant chaque jour environ 340 trains qui transportent 100 000 voyageurs.

Dans le cadre d'un audit mené en commun, le déficit d'exploitation actuel de ces lignes a été évalué par la SNCF et l'Etat à 190 millions d'euros pour l'exercice 2009, hors rémunération de l'exploitant. Selon la SNCF, seules quatre lignes seraient rentables : Paris-Clermont, Paris-Limoges-Toulouse, Paris-Rouen-Le Havre et Paris-Caen-Cherbourg. La SNCF estime par ailleurs que les besoins d'investissements nécessaires au renouvellement du matériel roulant s'élèveraient de 1,5 à 2 milliards d'euros au cours des quinze prochaines années . Le renouvellement du matériel n'apparaît toutefois nécessaire qu'à compter de 2014.

L'équilibre financier de ces lignes dites « d'équilibre ou d'aménagement du territoire » repose aujourd'hui sur l'existence d'une péréquation interne à la SNCF entre les produits et les charges de l'ensemble des lignes exploitées, en particulier des lignes à grande vitesse (LGV), globalement excédentaires, vers les lignes Corail.

Les obligations de la SNCF sont référencées dans son cahier des charges, approuvé par le décret n° 83-817 du 13 décembre 1983. En revanche, il n'existe actuellement aucun dispositif juridique prévoyant ou encadrant le financement des obligations de service public de la SNCF en matière d'équilibre du territoire .

B. LES NOUVELLES CONTRAINTES PESANT SUR CE MODE DE FINANCEMENT

Deux évolutions justifient aujourd'hui l'évolution des modalités d'organisation et de financement des lignes Corail, annoncée par le Président de la République en clôture des Assises des territoires ruraux le 9 février 2010.

1. La définition communautaire de l'obligation de service public

Le règlement européen (CE) n° 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, dit « règlement OSP » (obligations de service public), entré en vigueur le 3 décembre 2009, conduit à assimiler les lignes d'équilibre du territoire à une obligation de service public, susceptible de faire l'objet d'une compensation par l'Etat .

L'article 2 du règlement défini ainsi une telle obligation comme « l'exigence définie ou déterminée par une autorité compétente en vue de garantir des services d'intérêt général de transports de voyageurs qu'un opérateur, s'il considérait son propre intérêt commercial, n'assumerait pas ou n'assumerait pas dans la même mesure ou dans les mêmes conditions sans contrepartie ». Tel est bien le cas des lignes Corail.

Le monopole dont dispose actuellement la SNCF sur ces lignes constitutives d'un service public implique la mise en place d'une contractualisation , toutefois sans nécessairement recourir à un appel d'offres. L'article 3 dispose ainsi que « lorsqu'une autorité compétente décide d'octroyer à l'opérateur de son choix un droit exclusif et/ou une compensation, quelle qu'en soit la nature, en contrepartie de la réalisation d'obligations de service public, elle le fait dans le cadre d'un contrat de service public ». Les tarifs peuvent en revanche être plafonnés selon une règlementation distincte, moyennant une compensation de leur incidence financière nette sur les coûts et recettes de l'exploitant.

Il est donc nécessaire de mettre en conformité la situation d'exploitation des lignes Corail avec ce règlement. Ainsi que l'avait annoncé Guillaume Pépy, président de la SNCF, lors de son audition par votre commission le 20 octobre 2009 1 ( * ) , l'obligation qui incombe aujourd'hui à la SNCF sera précisée dans le cadre d'une convention avec l'Etat, qui fixera notamment les compensations financières accordées à l'entreprise en contrepartie de l'exploitation des trains d'équilibre du territoire (TET).

2. La perspective d'une ouverture à la concurrence des transports nationaux de voyageurs

L'ouverture à la concurrence , depuis le 13 décembre 2009, des services de transports ferroviaires internationaux de voyageurs, qui préfigure celle des services de transports ferroviaires nationaux de voyageurs, devrait remettre en question à moyen terme la viabilité du mécanisme de péréquation interne à la SNCF, en réduisant la rentabilité des LGV les plus rentables, et en limitant ainsi la capacité de la SNCF à financer les pertes de l'activité Corail.

De fait, la direction de la SNCF insiste depuis 2009 sur la dégradation de la rentabilité du TGV 2 ( * ) et a mobilisé cet argument lors de la négociation des tarifs des péages facturés par Réseau ferré de France (RFF).

C. LA NÉCESSITÉ D'UNE NOUVELLE PÉRÉQUATION ET LES SOLUTIONS ENVISAGÉES

1. Les justifications et objectifs de la réforme

Compte tenu de ces évolutions, le financement des lignes d'équilibre du territoire ne peut plus prendre la forme d'une péréquation interne à la SNCF. Si le principe même d'une péréquation n'est pas remis en cause, il apparaît cependant nécessaire de repenser son fonctionnement, en particulier pour que l'ensemble des entreprises ferroviaires positionnées sur les services nationaux de voyageurs en France puissent à terme contribuer au financement de l'exploitation des lignes d'équilibres du territoire. Il s'agit notamment d'éviter que le poids financier de ce service ne pèse uniquement sur la SNCF, lorsque celle-ci sera en situation de concurrence sur les services ferroviaires les plus rentables.

Par ailleurs, la SNCF étant globalement en perte sur les lignes Corail, elle ne sera pas totalement en mesure d'assumer la charge financière de la régénération du matériel roulant ni de son renouvellement lorsqu'il deviendra nécessaire. Les nouvelles modalités de financement doivent donc, sur le moyen terme, couvrir la maintenance et la régénération du matériel roulant nécessaire à l'exploitation des lignes d'équilibre du territoire.

Enfin, afin de ne pas laisser la charge au seul mode ferroviaire du financement de ces lignes déficitaires, il est apparu pertinent de faire financer par le mode routier une part modeste du déficit au titre de l'effort d'aménagement du territoire. Les justifications suivantes ont ainsi été avancées :

- si les services nationaux de transports conventionnés de voyageurs seront en 2011 effectués par des trains, il n'est pas exclu qu'à l'avenir on puisse avoir recours à des bus sur longues distances lorsque leur exploitation est plus pertinente sur le plan économique et que celle-ci répond à une demande identifiée ;

- il est légitime que le transport routier contribue au moins partiellement au financement de la politique d'aménagement du territoire, au travers d'une taxe créée à cet effet ;

- enfin, les lignes Corail ont vu ces dernières années leur équilibre financier fragilisé par le développement du réseau autoroutier français. Une contribution du mode routier au financement de ces lignes semble donc légitime de ce point de vue, en cohérence avec les objectifs de report modal inscrits dans le Grenelle de l'environnement.

Dans ces conditions, les objectifs poursuivis par le nouveau cadre budgétaire et juridique sont les suivants :

- externaliser la péréquation actuellement assurée de manière interne à la SNCF et pérenniser le financement intramodal actuel ;

- faire contribuer pour une part réduite le mode routier au financement de cette politique d'aménagement du territoire, notamment dans une perspective de financement intermodal ;

- garantir à l'opérateur de service public une ressource assurant le financement des lignes d'équilibre du territoire ;

- rendre le dispositif de financement plus transparent pour le Parlement.

2. Les trois solutions envisagées

D'après le rapport d'évaluation du présent article, trois options principales ont été envisagées pour atteindre les objectifs visés :

- l'affectation directe d'une ou plusieurs taxes à l'opérateur de service public (SNCF ou entreprise concurrente) pour le financement des lignes d'équilibre du territoire ;

- l'affectation d'une ou plusieurs taxes au budget général de l'Etat et un financement du déséquilibre à l'opérateur de service public par une contribution de l'Etat sous la forme de crédits du budget général ;

- la création d'un compte d'affectation spéciale (CAS), retraçant en recettes le produit d'une ou plusieurs taxes et en dépenses la contribution de l'Etat versée à l'opérateur pour la prise en charge du déficit d'exploitation des lignes d'équilibre du territoire. Le I de l'article 21 de la LOLF dispose que les CAS « retracent, dans les conditions prévues par une loi de finances, des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées . Ces recettes peuvent être complétées par des versements du budget général, dans la limite de 10 % des crédits initiaux de chaque compte ».

Il est cependant apparu qu'un financement direct par une taxe affectée ne permettrait pas un contrôle détaillé par le Parlement des recettes et des dépenses concernées, indispensable compte tenu de l'enjeu d'aménagement du territoire que représente ces lignes, ni de mettre ultérieurement en concurrence différents opérateurs pour l'exploitation de tout ou partie de ces lignes.

Il est ainsi nécessaire de faire jouer à l'Etat un rôle d'intermédiaire dans la péréquation en internalisant au sein de son budget les ressources mobilisées actuellement par la péréquation interne à la SNCF, par la création d'une nouvelle taxe.

Une affectation au budget général de la nouvelle fiscalité ne permet cependant pas de suivre avec précision la correspondance entre les flux de recettes et les dépenses afférentes, conformément au principe d'universalité. Elle aurait en outre un effet désincitatif sur la régulation que la SNCF a jusqu'à présent assurée en s'attachant à contraindre les déficits d'exploitation des lignes d'équilibre du territoire afin de ne pas trop mobiliser les flux générés par ses activités rentables. Cette solution ferait ainsi courir le risque de voir progressivement les ressources tirées du mode ferroviaire contribuer pour une part seulement minoritaire à la compensation des déficits liés à l'exploitation des trains d'équilibre du territoire.

3. Le choix du compte d'affectation spéciale

Compte tenu de ces éléments, la création d'un CAS - intitulé « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » - est apparue comme la solution idoine :

- elle permet à la fois d'intégrer au sein du budget de l'Etat le financement de l'obligation de service public et de perpétuer la logique actuelle de péréquation ;

- elle garantit la mesure de la performance et la transparence du financement des trains d'équilibre du territoire, donc le contrôle démocratique du Parlement ;

- elle préserve la soutenabilité budgétaire du dispositif et permet de réguler les dépenses en maintenant l'incitation vertueuse à un meilleur contrôle de l'évolution des déficits des lignes Corail , dans la mesure où, en cours d'année, le total des dépenses engagées ou ordonnancées sur un CAS ne peut excéder le total des recettes constatées (sauf pendant les trois mois suivant sa création 3 ( * ) ), conformément au II de l'article 21 de la LOLF.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Dans une démarche de péréquation externe des lignes d'aménagement du territoire, le présent article propose de créer, à compter de 2011, une nouvelle taxe sur le chiffre d'affaires des services non conventionnés de transport ferroviaire de voyageurs ( I du présent article), dont le produit sera intégralement affecté à un nouveau compte d'affectation spéciale ( II ), qui recueillera également une fraction de la taxe d'aménagement du territoire ( III ).

Les obligations de service public de la SNCF, reconnues au plan communautaire, feront prochainement l'objet d'une convention avec l'Etat, ce dernier assumant un nouveau rôle d'autorité organisatrice des TET . Cette convention fixera les conditions économiques et tarifaires de l'obligation de service public, dont les charges, les recettes et la compensation prévue par le règlement OSP, et les contreparties demandées à la SNCF en termes de gains de productivité. L'annexe du règlement OSP prévoit en effet que la méthode de compensation « doit inciter au maintien ou au développement d'une gestion efficace par l'opérateur de service public , qui puisse être objectivement appréciée, et de la fourniture de services de transport de voyageurs d'un niveau de qualité suffisant ».

A. LA CRÉATION D'UNE CONTRIBUTION DE SOLIDARITÉ TERRITORIALE

Le I du présent article rétablit l'article 302 bis ZC du code général des impôts, qui avait été abrogé à compter du 1 er janvier 2003 et prévoyait une contribution annuelle sur les logements à usage locatif, pour instituer une nouvelle taxe à compter du 1 er janvier 2011, dénommée « contribution de solidarité territoriale » (CST).

1. Le champ des entreprises assujetties à la taxe

Aux termes du texte proposé pour le I de l'article 302 bis ZC, la CST est due par les entreprises de transport ferroviaire autorisées à exploiter des services de transport de voyageurs, telles que mentionnées au IV de l'article 17-1 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs. Cet article, créé par la loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports, fixe les modalités d'ouverture du réseau ferré national et d'utilisation contractualisée des infrastructures ferroviaires et de services 4 ( * ) .

Les futures entreprises qui concurrenceront la SNCF pour le transport national de voyageurs sont donc potentiellement concernées , ce qui est un des objectifs de la réforme. De même, la taxe s'applique aux services de transport non conventionnés et permet ainsi de poursuivre la mobilisation des ressources qui alimentent actuellement la péréquation interne à la SNCF. Ne sont donc pas soumis les services de transport ferroviaire conventionnés :

- par l'Etat, soit les trains d'équilibre du territoire dont le financement constitue l'objet du présent article ;

- par les autorités organisatrices de transports au titre des dispositions de l'article 21-1 5 ( * ) de la loi du 30 décembre 1982 précitée, soit les régions . Les TER n'entrent donc pas dans le champ de la taxe ;

- et par le Syndicat des transports d'Ile-de-France ( STIF ), en application de l'article 1 er de l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 relative à l'organisation des transports de voyageurs en Ile-de-France, modifié par la loi précitée du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports. Les RER ne relèvent donc pas non plus du champ de la taxe .

2. L'assiette, le taux et les modalités de recouvrement

Aux termes du III du nouvel article 302 bis ZC, l'assiette de la CST est constituée des revenus du trafic (billets et abonnements) des services de transport non conventionnés, soit, pour ces services, le montant du chiffre d'affaires hors taxe sur la valeur ajoutée (TVA) réalisé sur les prestations de transport ferroviaire de voyageurs sur le réseau national et les prestations commerciales qui leur sont directement liées. Tous les matériels de transport utilisés pour ces prestations non conventionnées sont concernés, en particulier les matériels à grande vitesse (motrices et remorques). Ces derniers sont définis par référence à l'assiette de la composante de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER) relative aux matériels roulants de transport ferroviaire, prévue par l'article 1599 quater A du code général des impôts.

Le II de l'article 302 bis ZC dispose que le fait générateur de la CST intervient dès l'encaissement par l'opérateur de transport des sommes correspondant aux prestations.

Le IV de cet article fixe la fourchette de taux applicable, le taux lui-même étant précisé par arrêté conjoint des ministres chargés des transports, de l'économie et du budget. La fourchette de taux est différenciée selon le type de matériel utilisé et se situe entre 3 et 5 % du chiffre d'affaires pour les prestations réalisées avec du matériel à grande vitesse , et entre 1 et 3 % pour les prestations réalisées avec du matériel autre.

Le V introduit une procédure destinée à garantir l'imposition des entreprises redevables non établies en France , semblable à celle prévue pour assurer le recouvrement des impositions dues par les opérateurs étrangers de jeux en ligne. Une telle entreprise est ainsi tenue de désigner un représentant fiscal établi en France, qui s'engage à remplir les formalités et à acquitter la taxe à la place de l'entreprise redevable, ainsi que les éventuelles pénalités qui s'y rapportent.

Enfin le VI dispose que la CST est constatée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que la TVA. Les réclamations suivent également les règles applicables à cette taxe. Les règles applicables à la composante précitée de l'IFER sont celles de la cotisation foncière des entreprises.

B. LA CRÉATION D'UN NOUVEAU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE

Le II du présent article crée le nouveau compte d'affectation spéciale intitulé « Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs », dont le ministre chargé des transports est l'ordonnateur principal.

En recettes seront affectées au compte :

- l'intégralité du produit de la CST, estimé à 175 millions d'euros ;

- une fraction de la taxe communément appelée « d'aménagement du territoire », plafonnée par le III du présent article à 35 millions d'euros . Cette taxe, prévue par l'article 302 bis ZB du code général des impôts, est due par les sociétés concessionnaires d'autoroutes à raison du nombre de kilomètres parcourus par les usagers 6 ( * ) . Le recours à une fraction de cette taxe permet d'assurer une contribution modeste du mode routier sans créer de nouvelle fiscalité. Par cohérence, l'article 34 du présent projet de loi de finances propose de relever le tarif de cette taxe et de modifier l'affectation de son produit.

Le produit global escompté de ces recettes pour 2011, soit 210 millions d'euros , correspond au déficit d'exploitation moyen des TET attendu chaque année sur la période 2011-2013, tel qu'il résulte d'une estimation de la société KPMG pour l'audit commun mené par l'Etat et la SNCF.

En dépenses, le compte assurera le financement de la compensation à l'opérateur des TET de ses obligations de service public, tant pour le déficit d'exploitation des lignes d'équilibre du territoire que pour le financement des charges liées à la régénération du matériel roulant existant 7 ( * ) . Deux programmes 785 « Contribution à l'exploitation des services nationaux de transport conventionnés » et 786 « Contribution au matériel roulant des services nationaux de transport conventionnés » sont créés à cet effet et exposés dans le rapport budgétaire de notre collègue rapporteur Marie-Hélène des Esgaulx.

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L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur général approuve la démarche consistant à maintenir le principe de péréquation des lignes d'équilibre du territoire , structurellement déficitaires, tout en l'externalisant dans le budget de l'Etat pour assurer une meilleure lisibilité du dispositif et la contribution des futurs concurrents de la SNCF comme celle, marginale (6,4 % du produit de la taxe d'aménagement du territoire attendu en 2011 8 ( * ) ), des sociétés d'autoroute. Cette logique est déjà à l'oeuvre dans les secteurs des télécommunications et des colis postaux.

La convention entre l'Etat et la SNCF, qui devrait être signée fin novembre ou début décembre, a été précédée d'un engagement formalisé à Troyes le 4 novembre 2010 et signé par les principales parties prenantes 9 ( * ) . Cet engagement comporte deux axes qui annoncent ceux de la convention : la redynamisation des TET et l'amélioration de la qualité du service. La convention devra être approuvée par le conseil d'administration de la SNCF et impliquera une modification du cahier des charges de la SNCF (prévu par le décret précité du 13 septembre 1983), en particulier de son article 6 qui prévoit que « la consistance des services nationaux est définie par la SNCF ».

Votre rapporteur général relève également que le présent dispositif pourrait évoluer puisque l'engagement du 4 novembre évoque « la création éventuelle d'une taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires, à hauteur de 75 millions d'euros , afin que l'ensemble des activités bénéficiaires du système ferroviaire concourent au financement des trains d'équilibre du territoire ». Le produit global de 210 millions d'euros demeurerait cependant inchangé puisque les recettes de cette taxe viendraient en atténuation de celles de la CST .

L'équilibre entre recettes et dépenses qu'impose la nature du compte d'affectation spéciale permet de préserver les finances publiques mais ne garantit cependant pas la gestion économiquement la plus efficiente, car le risque demeure qu'il repose sur un ajustement constant des recettes aux dépenses , par augmentation des tarifs de la CST ou de la quote-part de la taxe d'aménagement du territoire, plutôt que sur une optimisation des dépenses à modalités constantes d'imposition.

En outre, l'externalisation de la contrainte de péréquation fait courir le risque d'une répercussion de la CST acquittée par la SNCF sur sa politique tarifaire , qui permettrait de dégager de nouvelles marges de manoeuvre pour l'investissement mais pourrait s'effectuer au détriment de la productivité des cheminots et de l'optimisation du taux de remplissage des TET.

La future convention entre l'Etat et la SNCF devrait cependant limiter cette faculté de compensation par les tarifs . Sur les 175 millions d'euros de produit attendu, environ 15 millions d'euros seraient convertis en gains de productivité, 60 millions d'euros seraient considérés comme un « rattrapage » de l'effet d'aubaine créé par la réforme de la taxe professionnelle, et 100 millions d'euros pourraient être répercutés sur les tarifs.

Dans le cadre d'une négociation distincte, la SNCF devrait ainsi bénéficier d'un assouplissement de l'encadrement des tarifs du TGV , dont elle espère un chiffre d'affaires supplémentaires de 150 millions d'euros pour redresser le modèle économique des TGV. La SNCF pourrait ainsi recourir davantage au « yield management » 10 ( * ) , qu'elle pratique déjà depuis plusieurs années mais dans une moindre mesure que ses concurrents du transport aérien, et il devrait en résulter pour les voyageurs un élargissement de l'amplitude et une plus grande variabilité des tarifs.

Votre rapporteur général souhaite enfin insister sur les importantes évolutions qui se dessinent à l'échelle européenne . La date d'ouverture effective à la concurrence du transport national de passagers n'est pas encore connue, mais selon le projet de Livre blanc de la Commission européenne, une proposition législative devrait intervenir d'ici la fin 2012 . En outre, d'après ce projet de Livre blanc, trois mesures au moins devraient exercer un impact déterminant sur l'organisation de la SNCF :

- l'octroi des contrats de service public, en particulier ceux visés par le présent article, à une procédure d'appel d'offres de droit commun. Cette évolution, logiquement souhaitée par les concurrents de la SNCF, passerait par une révision du règlement OSP précité, pour mettre fin à la dérogation que prévoit aujourd'hui son article 3 ;

- la séparation totale entre le gestionnaire des infrastructures et l'opérateur commercial , selon le principe de l' « unbundling » propre aux entreprises de réseau (en particulier dans le secteur de l'énergie), est envisagée et pourrait conduire à étudier de nouveau la question du statut de la SNCF ;

- une meilleure interopérabilité du matériel ferroviaire et une simplification des procédures d'autorisation et de certification, un rôle élargi étant dévolu à l'Agence ferroviaire européenne. La Commission entend également accélérer le déploiement du système européen de gestion du trafic ferroviaire (ERTMS).

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.


* 1 « Le troisième enjeu structurel réside dans les trains Corail d'aménagement du territoire, tels que les liaisons Paris-Briançon, Lyon-Bordeaux ou Caen-Rennes, qui sont aujourd'hui déficitaires, faute de disposer d'une ressource pérenne liée à un contrat de service public . La stratégie actuelle consiste à maintenir les liaisons qui justifient un contrat de service public, à l'image des contrats existants pour la Poste et les tarifs sociaux. MM. Dominique Bussereau et Michel Mercier travaillent actuellement sur ce contrat de service public afin de lui trouver un financement. Il s'agit d'un enjeu important car la pérennité de ces trains ne peut être assurée par le seul relèvement des tarifs ou des gains de productivité ».

* 2 Le chiffre d'affaires de la branche Grandes lignes, qui inclut le TGV, a diminué de 1,2 % en 2009, et son résultat opérationnel de 27 % (soit 1,15 milliard d'euros). La marge opérationnelle du TGV n'a été que de 6,7 % au premier semestre de 2010.

* 3 Durant cette période, le découvert ne peut être supérieur à un montant éventuellement fixé par la loi de finances créant le compte.

* 4 Le IV de l'article 17-1 de cette loi dispose notamment que « les entreprises ferroviaires autorisées à exploiter des services de transport ont, dans des conditions équitables et sans discrimination, un droit d'accès à l'ensemble du réseau ferroviaire , y compris pour l'accès par le réseau aux infrastructures de services, ainsi que, lorsqu'il n'existe pas d'autre possibilité d'accès dans des conditions économiques raisonnables, aux services que ces infrastructures permettent de leur fournir.

« L'utilisation par une entreprise ferroviaire des gares et de toutes autres infrastructures de service donne lieu à la passation d'un contrat.

« (...) L'utilisation de l'infrastructure donne lieu à la passation d'un contrat entre le bénéficiaire d'un sillon et le gestionnaire d'infrastructure et à la perception d'une redevance par ce dernier. »

* 5 Cet article dispose notamment qu'« en sus des services routiers réguliers non urbains d'intérêt régional (...) la région, en tant qu'autorité organisatrice des transports collectifs d'intérêt régional, est chargée, à compter du 1 er janvier 2002, de l'organisation :

« - des services ferroviaires régionaux de voyageurs, qui sont les services ferroviaires de voyageurs effectués sur le réseau ferré national, à l'exception des services d'intérêt national et des services internationaux ;

« - des services routiers effectués en substitution des services ferroviaires susvisés. »

* 6 Le tarif de la taxe est fixé à 6,86 euros par 1 000 kilomètres parcourus.

* 7 Il n'est pas prévu de renouvellement mais une modernisation du matériel pendant le contrat jusqu'en 2014. En 2011 seront passées les commandes de matériels roulants qui devront entrer en service en 2015.

* 8 Soit 545 millions d'euros, après 535 millions d'euros en 2010.

* 9 Soit Nicolas Sarkozy, Président de la République, Jean-Louis Borloo, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, et Guillaume Pépy, président de la SNCF.

* 10 Cette expression désigne un mode de gestion et d'optimisation du chiffre d'affaires de plus en plus répandu, dans lequel la tarification est établie quasiment en temps réel en fonction des capacités disponibles et donc de l'antériorité des réservations.