ARTICLE 39 : AFFECTATION DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE BRUTE COLLECTÉE PAR PLUSIEURS SECTEURS D'ACTIVITÉ À LA CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE MALADIE DES TRAVAILLEURS SALARIÉS (CNAMTS)

I. TEXTE DU PROJET DE LOI

I.- L'article L. 241-2 du code de la sécurité sociale est complété comme suit :

« 3° La taxe sur la valeur ajoutée brute collectée par :

« a) les fabricants de matériel médico-chirurgical et dentaire ;

« b) Les médecins généralistes ;

« c) Les infirmiers et les sages-femmes ;

« d) Les structures hospitalières ;

« e) Les structures d'hébergement médicalisé pour personnes âgées ;

« f) Les structures d'hébergement social pour personnes handicapées mentales et personnes souffrant de maladie mentale. »

II.- A.- Les dispositions du présent article s'appliquent au produit de la taxe sur la valeur ajoutée relative aux prestations réalisées et aux livraisons effectuées à compter du 1 er janvier 2011.

B.- Pour l'année 2011, la part du produit des taxes mentionnées au I du présent article excédant 1 340 millions d'euros reste affectée à l'État.

II. RAPPORT ASSEMBLÉE NATIONALE N° 2857 TOME II (2010-2011)

Observations et décision de la Commission :

Le présent article a pour objet de transférer à la sécurité sociale une fraction de taxe sur la valeur ajoutée dans le but de lui faire bénéficier des nouvelles ressources prévues dans le cadre de la réforme des retraites.

Le transfert porte sur la TVA brute collectée sur divers biens et services médicaux. Elle serait affectée à la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, dont une partie des ressources serait réaffectée, pour un montant identique, à la caisse nationale d'assurance vieillesse par une disposition prévue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

I.- UN PRINCIPE SIMPLE

? La réforme des retraites prévoit de dégager 3,7 milliards d'euros de recettes nouvelles au profit de la branche vieillesse de la sécurité sociale. Trois nouvelles ressources 1 ( * ) , dont le rendement atteindrait 2,2 milliards d'euros, sont déjà directement affectées à la sécurité sociale. En revanche, les autres mesures, dont le rendement atteindrait 1,3 milliard d'euros en 2011 et 1,5 milliard d'euros en 2012, portent sur l'impôt sur le revenu, le prélèvement forfaitaire libératoire et l'impôt sur les sociétés, lesquels sont des impositions exclusivement affectées au budget général de l'État. Le tableau suivant, fourni par le Gouvernement au moment du dépôt du projet de loi portant réforme des retraites, les récapitule.

NOUVELLES RESSOURCES DESTINÉES AU FINANCEMENT DES RETRAITES ET AFFECTÉES AU BUDGET DE L'ÉTAT

(en millions d'euros)

Imposition concernée

Mesure

Impact 2011

Impact 2012

Impôt sur le revenu

Augmentation de 40 % à 41 % du taux marginal du barème de l'impôt sur le revenu

230

Suppression du crédit d'impôt sur les dividendes

645

Imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières au premier euro

180

Prélèvement forfaitaire libératoire

Hausse d'un point des prélèvements sur les plus-values de cessions mobilières (18 % à 19 %)

90

Hausse d'un point des prélèvements sur les plus-values de cessions immobilières (16 % à 17 %)

45

Hausse d'un point du prélèvement forfaitaire libératoire sur les dividendes et les intérêts (18 % à 19 %)

130

Impôt sur les sociétés

Suppression de la quote-part pour frais et charges sur les dividendes reçus par une société mère de ses filiales

200

Total

1 340

180

? Pour permettre à la branche vieillesse de la sécurité sociale de bénéficier de ces nouvelles ressources qui lui sont promises mais qui sont perçues par l'État, deux solutions sont possibles.

La première serait d'isoler, au sein des produits de l'impôt sur le revenu, du prélèvement forfaitaire libératoire et de l'impôt sur les sociétés, le surplus dû aux mesures précitées. Si elle garantit à l'assurance vieillesse le produit exact de ces nouvelles ressources jusqu'en 2020, une telle solution présente un inconvénient majeur. En prévoyant l'affectation partielle de trois nouvelles impositions jusqu'alors exclusivement établies au profit de l'État, elle contribuerait en effet à complexifier de manière substantielle le système fiscal ainsi que les relations financières entre l'État et la sécurité sociale. Dans le but de maintenir une certaine clarté dans l'affectation des impositions payées par les contribuables, il semble nécessaire que le produit de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés reste exclusivement perçu par l'État.

La seconde solution, proposée par le présent article, paraît plus adéquate. Elle consiste à transférer, en lieu et place d'un « bouquet » éclaté d'impositions, une seule ressource d'un montant et de dynamisme équivalents. Ce choix permet de simplifier l'affectation de ces nouvelles recettes sans léser la sécurité sociale.

? Une telle solution suppose toutefois d'estimer avec sincérité le produit attendu en 2011 des nouvelles ressources perçues par l'État. Dès lors que la TVA ainsi affectée se substitue à ces recettes, l'évaluation du montant de ces dernières en 2011 est en effet cruciale pour « calibrer » le transfert de recettes.

Les différentes hypothèses sous-tendant ces prévisions sont explicitées dans le rapport de M. Laurent Hénart relatif au projet de loi de réforme des retraites 2 ( * ) . La plupart des évaluations se fonde sur le montant constaté des assiettes en 2008 - pour l'impôt sur le revenu - ou en 2009 - pour les autres impositions - et paraît donc solide.

II.- DES MODALITÉS COMPLEXES

A.- UNE AFFECTATION PÉRENNE DE TVA À DISTINGUER DES COMPENSATIONS D'ALLÈGEMENTS DE CHARGES SOCIALES

? Les articles L. 241-1 et L. 241-2 du code de la sécurité sociale recensent les différentes ressources alimentant la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).

Le présent article prévoit de compléter l'article L. 241-2 dans le but d'affecter à la CNAMTS le produit de :

- la TVA brute collectée par les fabricants de matériel médico-chirurgical et dentaire ;

- la TVA brute collectée par les médecins généralistes, les infirmiers et les sages-femmes, les structures hospitalières, les structures d'hébergement médicalisé pour personnes âgées ainsi que les structures d'hébergement social pour personnes handicapées mentales et personnes souffrant de maladie mentale.

? Le choix de la TVA a été guidé par le dynamisme de cette imposition et par le fait qu'elle est déjà partiellement affectée à la sécurité sociale pour assurer la compensation des allègements de charges.

D'une part, le produit de la TVA croît tendanciellement au même rythme que le PIB, ce qui garantit le dynamisme de la ressource.

D'autre part, la sécurité sociale perçoit déjà des fractions de taxe sur la valeur ajoutée dans le but de compenser le coût des allègements généraux de charges sociales 3 ( * ) et de l'exonération des heures supplémentaires 4 ( * ) .

? Le présent dispositif prévoit donc que ces fractions de TVA deviendraient des ressources pérennes de la CNAMTS, comme, par exemple, la quote-part de produit du droit de consommation sur les tabacs prévue à l'article L. 241-2 du code de la sécurité sociale.

Le transfert de recettes prévu par l'article doit donc être distingué des affectations de TVA ou d'autres impositions de toute nature prévues pour compenser les allègements généraux de charges sociales et l'exonération des heures supplémentaires. De tels transferts 5 ( * ) ne constituent pas de nouvelles ressources car ils compensent un coût lié à une politique publique et ont vocation à être ajustés chaque année pour que la dynamique de ces niches sociales soit couverte par l'État.

En conséquence, le transfert de ressources est réalisé une fois pour toutes et le montant de la quote-part de TVA transférée à la CNAM ne serait pas réévalué chaque année en fonction du rendement des nouvelles impositions perçues par l'État.

B.- UN TRANSFERT À L'ASSURANCE MALADIE DEVANT ÊTRE COMPLÉTÉ PAR UN SECOND TRANSFERT VERS L'ASSURANCE VIEILLESSE

Le schéma retenu par le Gouvernement consiste à effectuer un double transfert, de l'État à la CNAM puis de celle-ci au fonds de solidarité vieillesse. Il est décrit dans le tome I du présent rapport.

Selon les informations transmises au Rapporteur général, la quote-part de TVA visée par le présent article serait transférée à la branche maladie car les biens et services sur lesquels cette imposition est assise relèvent du secteur médical et créent donc un lien avec le destinataire.

C.- UNE PÉRIODE DE TRANSITION EN 2011 AVANT LE RÉGIME DE CROISIÈRE À PARTIR DE 2012

Parmi les différentes mesures de rendement annoncées par le Gouvernement dans le cadre de la réforme des retraites, l'imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières au premier euro n'aurait d'impact budgétaire qu'en 2012 car elle s'appliquerait aux cessions réalisées à compter du 1 er janvier 2011. En conséquence, l'année 2011 constitue, en quelque sorte, une année de transition avant le régime de croisière commençant en 2012.

En 2011, le montant attendu des nouvelles ressources affectées au budget de l'État est évalué à 1,34 milliard d'euros quand le produit de la TVA brute destinée à être transférée atteindrait 1,51 milliard d'euros. Dans le but d'assurer à l'État la neutralité budgétaire de l'opération, le dernier alinéa du présent article prévoit que le transfert est plafonné à 1,34 milliard d'euros, le solde revenant au budget de l'État.

En 2012, en revanche, le dispositif entre en régime de croisière. Les différents types de TVA transférée ont notamment été sélectionnés pour que leur produit cumulé soit quasiment égal aux recettes prévisionnelles des nouvelles ressources.

Le tableau suivant illustre cette mécanique.

PRODUITS PRÉVISIONNELS DE LA TVA À TRANSFÉRER ET DES
« NOUVELLES RESSOURCES »

(en millions d'euros)

2011

2012

2013

Produit constaté des TVA sectorielles visées par l'article

1 512

1 592

1 676

Produit effectivement versé des TVA sectorielles visées par l'article

1 340

1 592

1 676

Produit des « nouvelles ressources » affectées au budget de l'État

1 340

1 588

1 656

Écart TVA - « Nouvelles ressources »

0

4

20

Source : d'après l'étude d'impact annexée à l'article.

*

* *

La Commission est saisie de l'amendement I-CF 298 du président ainsi rédigé :

M. le président Jérôme Cahuzac. L'État a prévu un mécanisme particulièrement compliqué, selon lequel une partie de la TVA brute de certains produits est affectée chaque année à la CNAM, qui abandonne en contrepartie une part de la C3S et du forfait social au Fonds de solidarité vieillesse. La première année, les additions tombent juste, mais on peut avoir des doutes pour la suite. Je propose donc une clause de rendez-vous chaque année pour vérifier l'adéquation entre ces flux.

J'ajoute qu'à propos de la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le ministre a évoqué un excédent de 1,6 milliard du panier social que l'État n'a pas la moindre intention de laisser à la CNAM, mais qu'il veut récupérer pour son propre compte. Il va de soi que l'excédent ne provient pas du régime général, ni d'ailleurs d'un autre : les recettes affectées au régime général se sont en fait avérées plus dynamiques que ce qui avait été prévu. Le fait que l'État veuille récupérer cet excédent renforce l'intérêt de mon amendement, surtout s'agissant d'un dispositif particulièrement peu lisible qui ne fait pas l'objet d'une information claire et loyale de la part du Gouvernement.

M. le rapporteur général. Avis favorable.

La Commission adopte l'amendement ( amendement n° I-56 ).

Puis elle adopte l'article 39 ainsi modifié .

*

* *


* 1 Annualisation du calcul des allègements généraux de charges sociales (2 milliards d'euros), aménagement du régime d'imposition des retraites chapeaux (115 millions d'euros) et hausse des contributions patronale et salariale sur les stock-options (70 millions d'euros).

* 2 Avis n° 2768, 20 juillet 2010, pages 53 et suivantes.

* 3 TVA brute collectée sur le commerce de gros de produits pharmaceutiques et sur les tabacs pour des montants prévisionnels respectifs de 3,4 milliards d'euros et 3,2  milliards d'euros en 2010.

* 4 TVA brute collectée sur les producteurs de boissons alcoolisées pour un montant prévisionnel de 2 milliards d'euros en 2010.

* 5 Prévus à l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale pour les allègements généraux de charges et à l'article 53 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008 pour l'exonération des heures supplémentaires.