ARTICLE 40 BIS : AMÉNAGEMENT DU DROIT DE CONSOMMATION SUR LES VINS ET ALCOOLS

I. DÉBATS SÉNAT PREMIÈRE LECTURE DU 24 NOVEMBRE 2010

Articles additionnels après l'article 40

Mme la présidente. L'amendement n° I-121 rectifié, présenté par MM. Laurent, Doublet, Belot, Bailly, César, Fouché, Martin et Dulait et Mmes Des Esgaulx et Goy-Chavent, est ainsi libellé :

Après l'article 40, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article 402 bis du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa, le montant : « 56,34 € » est remplacé par le montant : « 45 € » ;

2° Au troisième alinéa, le montant : « 223,29 € » est remplacé par le montant : « 180 € ».

II. - Le 2° du I de l'article 403 du même code est ainsi rédigé :

« 2° 1532,62 € pour les autres produits. »

III. - La perte de recettes résultant pour l'État des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Daniel Laurent.

M. Daniel Laurent. Les boissons alcooliques sont soumises à des fiscalités différenciées encadrées par le droit communautaire. Toutefois, une inégalité fiscale, fortement préjudiciable aux économies locales et à l'espace rural, existe depuis de nombreuses années entre les vins de liqueur d'appellation d'origine contrôlée et les apéritifs industriels, qui sont des produits concurrents aux yeux des consommateurs.

En effet, ces types de boissons ne sont pas soumis aux mêmes règles de production et de distribution. Aussi, compte tenu des coûts de production supérieurs des vins de liqueur, et des taux de taxe, leurs prix de vente sont plus élevés que ceux des apéritifs industriels et sont mêmes très élevés si on les compare, à degré d'alcool équivalent, aux alcools forts tels que le whisky, la vodka et bien d'autres.

Ces écarts de fiscalité - 223,29 euros par hectolitre pour les vins de liqueurs et 3,55 euros par hectolitre pour les apéritifs industriels - sont encore aggravés chaque année par l'indexation de la fiscalité sur l'indice des prix, disposition adoptée malgré les différents amendements de suppression que nous avons présentés au fur et à mesure des lois de financement de sécurité sociale, en particulier celle de 2009.

Aussi, l'amendement que nous vous soumettons a pour objet de diminuer le déséquilibre fiscal entre les vins de liqueur d'appellation d'origine contrôlée et les apéritifs industriels, à recettes équivalentes pour la branche vieillesse du régime de protection sociale agricole. Cela veut dire qu'il n'aura aucune incidence, monsieur le ministre, sur le budget de l'État.

Pour ce faire, compte tenu des volumes de produits concernés, le taux des vins de liqueur est porté de 223,29 euros par hectolitre à 180 euros par hectolitre ; le taux applicable à la catégorie particulière des vins doux naturels est ramené de 56,34 euros par hectolitre à 45 euros par hectolitre - ce qui est le minimum communautaire - afin de maintenir l'écart de fiscalité existant entre ces produits.

En conséquence, le taux de fiscalité sur les alcools est porté de 1 512,96 euros par hectolitre à 1 532,62 euros par hectolitre, ce qui représente une hausse de plus 1,3 %, pour garantir les recettes évoquées ci-dessus.

Les Charentais maritimes ont ce dossier particulièrement à coeur, mais je peux y associer, je le sais, nos collègues des régions concernées puisque le Pommeau de Normandie, le Floc de Gascogne, le Macvin du Jura et bien d'autres sont visés par cet amendement. Ce serait un premier pas dans le rééquilibrage progressif de la fiscalité des vins de liqueur à appellation d'origine contrôlée. Je précise que la baisse proposée représente la moitié du rééquilibrage souhaité par les professionnels pour atteindre la moyenne communautaire.

L'harmonisation de la fiscalité entre les apéritifs concurrents sur le marché est donc toujours d'actualité.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous remercie donc d'accepter cet amendement qui va permettre un meilleur équilibre fiscal pour toutes ces productions.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission est d'autant plus favorable à cette proposition des trois sénateurs de Charente-Maritime, Daniel Laurent, Claude Belot et Michel Doublet, qu'elle fait suite à un échange très intéressant qui a lieu dans cet hémicycle entre notre collègue Aymeri de Montesquiou à propos de la fiscalité du Floc de Gascogne et Mme Rama Yade, qui, à l'époque, était secrétaire d'État chargée des sports et qui était particulièrement compétente dans ce domaine. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Marc Todeschini. C'est ce qui explique qu'elle ait été remerciée !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Elle nous avait dit être consciente des conséquences préjudiciables qui peuvent naître de la différence de taxation entre des produits similaires pour le consommateur. Les autorités françaises ont évoqué cette question lors du comité des accises de l'Union européenne de janvier 2010.

Elle avait conclu en disant que, conscient des problèmes attachés aux vins de liqueur AOC, le Gouvernement avait engagé une réflexion sur la fiscalité applicable aux vins de liqueur.

Donc, c'est en parfaite communauté avec le droit communautaire et en tenant compte des travaux réalisés par l'exécutif que nos collègues ont formulé cette proposition qui reçoit un avis tout à fait favorable de la commission.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Je m'en remets à la sagesse du Sénat sur cet amendement et je lève le gage.

Mme la présidente. Il s'agit donc de l'amendement n° I-121 rectifié bis .

La parole est à M. Paul Blanc, pour explication de vote.

M. Paul Blanc. J'approuve bien entendu cet amendement, que je voterai des deux mains, car il concerne également les vins doux naturels ; je veux parler en particulier des vins de Maury, Rivesaltes, Banyuls et autres vins de Muscat. Je pense qu'ainsi les producteurs qui font de très gros efforts au niveau de la qualité seront un peu récompensés.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.

M. Gérard Miquel. Je voterai également cet amendement, car il permet de rétablir un peu d'équité entre les alcools traditionnels et les alcools industriels. Que le whisky soit taxé dans les mêmes conditions que le Floc de Gascogne ou le Pineau m'apparaît comme une bonne chose.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-121 rectifié bis .

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 40.