ARTICLE 60 BIS D : NON PRISE EN COMPTE DES CONGÉS DE MALADIE POUR LE CALCUL DES RTT DANS LA FONCTION PUBLIQUE

I. DÉBATS SÉNAT PREMIÈRE LECTURE DU 6 DÉCEMBRE 2010

Article additionnel après l'article 60 ( précédemment réservé )

M. le président. L'amendement n° II-395 rectifié bis, présenté par MM. P. Dominati, du Luart, Carle, Gilles, Revet, Milon et Cambon, est ainsi libellé :

Après l'article 60, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La période pendant laquelle le fonctionnaire relevant de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ou l'agent non-titulaire bénéficie d'un congé pour raison de santé ne peut générer de temps de repos lié au dépassement de durée annuelle du travail.

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Le dispositif de réduction du temps de travail dans la fonction publique a été conçu dans une logique d'acquisition.

Ainsi, comme le précisait le Gouvernement le 3 juillet 2003, dans sa réponse à la question écrite posée par notre éminent collègue Bernard Piras, « l'acquisition de jours de réduction de temps de travail est en effet liée à la réalisation de durées de travail hebdomadaires supérieures à 35 heures, hors heures supplémentaires, et est destinée à éviter l'accomplissement d'une durée annuelle du travail excédant 1 600 heures. En conséquence, les absences au titre des congés prévus aux articles 57 [...] et 74 [de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale] réduisent à due proportion le nombre de jours de RTT que l'agent peut acquérir. »

Cette position est cohérente avec la règle de droit commun applicable aux salariés, sauf pour ceux qui sont soumis à un accord dit de forfaitisation.

Le juge administratif a renversé ce principe, tout d'abord, en 2006, pour la fonction publique hospitalière, en estimant que l'agent en congé de maladie est considéré comme ayant accompli les obligations de service et, de ce fait, peut prétendre à des jours de réduction de temps de travail, ou RTT.

Cette position a été étendue par les cours administratives d'appel à la fonction publique territoriale et il ne fait pas de doute qu'elle puisse être transposée à la fonction publique d'État. Ainsi, ce qui était l'exception pour les salariés devient la règle générale pour les agents publics.

En ces temps de rigueur et de difficultés budgétaires, notamment sur les crédits de personnels des employeurs publics - nous venons de le voir encore récemment -, la générosité du juge administratif est parfaitement inopportune.

Car au-delà de la comparaison avec le secteur privé, l'enjeu budgétaire est substantiel. Les agents de la fonction publique d'État sont malades en moyenne 13 jours par an, ce qui représente une ouverture de droit d'un jour de RTT par an et par agent. Ce sont ainsi près de 2 millions de jours, soit l'équivalent d'environ 10 000 emplois à temps plein, qui sont accordés sur la base d'une réduction indue d'un temps non travaillé.

Il convient de revenir à l'intention initiale du Gouvernement et du Parlement et au principe en vertu duquel les droits à congés au titre de la RTT sont la contrepartie directe du dépassement de la durée légale du travail.

En revanche, afin de garder une position équilibrée, il est proposé de limiter la mesure aux seuls congés pour maladie et ne pas inclure, dans son périmètre, les congés de maternité et d'autres congés particuliers, tels que les congés pour exercer un mandat électif local, les décharges d'activité pour un mandat syndical ou encore les congés de formation professionnelle.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission est intéressée par cette démarche et sera heureuse d'entendre le Gouvernement sur ce sujet.

Notre collègue Philippe Dominati nous a déjà sensibilisés à une jurisprudence assez extraordinaire, qui aboutit à ce que des personnes absentes de leur travail pour cause de maladie soient considérées, pour le calcul de leurs droits à congés de RTT, comme étant à leur travail. Leurs heures d'absence sont ainsi comptées comme des heures de service effectuées. C'est ce qu'on nous dit être la jurisprudence administrative au regard de la fonction publique et la pratique de la fonction publique.

C'est pourquoi, a priori, cette mesure nous apparaît comme une bonne initiative.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Monsieur Dominati, vous souhaitez réaffirmer le principe selon lequel les droits à congés de RTT sont la contrepartie directe du dépassement de la durée légale du travail. Vous proposez ainsi, pour les agents publics en congés pour raisons de santé, de rétablir le lien entre le temps de travail effectif et l'acquisition de droits à congés de RTT.

Cet amendement ressemble à un cavalier législatif, comme on le dit parfois pudiquement.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Non !

M. Philippe Richert, ministre. En réalité, monsieur le rapporteur général, son adoption permettrait une économie budgétaire. Le coût des jours de RTT accumulés pendant ces absences serait en effet évité. Cette mesure aurait aussi pour effet de limiter les demandes de monétisation de jours de RTT inscrits sur le compte épargne temps des agents.

Je ne puis donc être opposé à cette proposition et je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-395 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 60.