IV. DÉBATS SÉNAT PREMIÈRE LECTURE DU 6 DÉCEMBRE 2010

Article 66 quinquies (nouveau)

M. le président. « Art. 66 quinquies . - L'article 48 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du I et à la première phrase du II, les mots : « et 2010 » sont remplacés par les années : «, 2010 et 2011 » ;

2° Aux III, IV, V et à la première phrase du VI, les mots : « ou 2010 » sont remplacés par les années : «, 2010 ou 2011 ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° II-492 est présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° II-508 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour présenter l'amendement n° II-492.

Mme Nicole Bricq. L'article 48 de la loi de modernisation de l'économie, que l'article 66 quinquies du présent projet de loi tend à modifier, a mis en place un gel des cotisations, suivi d'un lissage sur trois ans, en cas de franchissement de seuils d'effectifs, à savoir les seuils de dix ou onze salariés, et de dix-neuf ou vingt salariés.

Les cotisations concernées par ces gels, suivis de lissage, portent sur la participation au financement de la formation professionnelle continue, la prise en charge par l'État de l'intégralité des cotisations sociales des apprentis, la réduction du coefficient des taux de l'ensemble des cotisations sociales patronales en cas de franchissement du seuil de dix-neuf salariés, la cotisation au Fonds national d'aide au logement et, enfin, la déduction forfaitaire mise en place sur les heures supplémentaires par la loi TEPA.

Cette énumération suffirait à elle seule à justifier cet amendement de suppression !

L'article 66 quinquies prévoit de proroger ces mesures, censées être provisoires, à partir de 2011, et pour les trois années suivantes.

Il prévoit aussi, et ce n'est pas le moindre, d'évaluer l'impact de ces mesures dans la perspective de leur pérennisation.

Il apparaît donc tout à fait clair que le Gouvernement envisage de transformer ces gels et lissages en exonérations définitives.

Cet article, qui pourrait paraître anodin, traduit bien la lutte incessante qui est menée contre les seuils sociaux.

Nous sommes clairement en présence d'une niche. Il n'y a pas, en effet, d'autre motif d'exonération que le seuil d'effectifs. Dès lors, le Gouvernement peut-il expliquer pourquoi il entend maintenir ce dispositif ?

Il prétend en effet lutter sans merci contre les niches, mais nous constatons qu'il en a en réalité une vision très sélective.

Par exemple, pourquoi entend-il supprimer les exonérations dont bénéficient les associations qui oeuvrent dans les services à la personne alors qu'il choisit de proroger cette mesure-là ?

La question est également intéressante pour ce qui concerne la déduction forfaitaire sur les cotisations sur les heures supplémentaires. Vous le savez, nous réclamons l'abrogation de cette mesure TEPA, qui est improductive et qui joue même contre l'emploi. Le Conseil des prélèvements obligatoires n'a pas manqué d'observer l'effet pervers de ce dispositif.

La participation au financement de la formation professionnelle continue devrait aussi être une priorité. On sait que les salariés des petites entreprises en bénéficient moins que ceux des grandes entreprises, et le gel de la participation des employeurs n'est certainement pas un moyen de mobiliser ces derniers pour former les salariés, sauf à considérer que les cotisations destinées à financer la formation professionnelle doivent être limitées parce qu'elles augmentent le coût du travail. Si tel est le cas, c'est une politique à très courte vue. Notre pays a besoin de salariés formés, et cela concerne aussi les bas niveaux de qualification.

Enfin, le critère qui fonde l'exonération étant le seuil d'effectifs, on voit bien que le volet financier contenu dans cet article participe d'une politique d'ensemble de contournement de ces seuils.

C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter l'amendement n° II-508.

M. Thierry Foucaud. Je souscris à l'argumentation de notre collègue Nicole Bricq. Les entreprises ont largement eu le temps de s'adapter aux règles fixées par la loi de modernisation de l'économie, ou LME, et il n'est pas utile de les prolonger plus avant. C'est pourquoi nous demandons également la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Les seuils ont inévitablement des effets pervers. Mais, pour calculer des impôts ou des contributions, comment les éviter ? Nous sommes sans cesse confrontés à cette contradiction.

Parfois, nous arrivons à éluder ou à contourner le problème, comme nous l'avons fait dans la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, en suspendant les effets de certains franchissements de seuils.

Mais, par définition, une suspension n'est pas éternelle et, tôt ou tard, le problème du seuil ressurgit...

Dès lors, soit l'on estime, comme l'Assemblée nationale, que la croissance économique n'est pas encore suffisamment vigoureuse pour revenir au jeu automatique des seuils, soit l'on raisonne du point de vue des contributions et, comme les groupes socialiste et CRC-SPG, on propose de revenir au jeu des seuils. Que répondre à cela ? La mesure qui se justifiait en 2008 est-elle toujours nécessaire dans le contexte économique actuel ? Que fera-t-on lorsqu'on jugera que l'on n'est plus dans ce contexte ? Sur quels critères ?

Bref, les dispositions dérogatoires ne sont pas satisfaisantes et la multiplication des seuils ne l'est pas davantage.

La commission a constaté que le Gouvernement s'est engagé, à l'appui de son amendement, à procéder au cours du premier trimestre 2011 à une première évaluation de l'impact des dispositions de l'article 48 de la LME, dans la perspective de leur éventuelle pérennisation.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les perspectives de cette étude et de cette pérennisation de l'article 48 ?

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° II-468. Le dispositif de lissage des effets du franchissement du seuil de vingt salariés permet d'éviter qu'un accroissement brutal des charges ne pèse sur le développement des PME et sur leur capacité d'embauche. Il importe donc de le pérenniser.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Le « pérenniser », voilà qui est intéressant !

Mme Nicole Bricq. Au moins, c'est clair !

M. François Baroin, ministre. Et je donnerai bien sûr à M. le rapporteur général tous les éléments évolutifs qu'il souhaite.

M. Thierry Foucaud. C'est un cadeau aux entreprises !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Si on leur fait un cadeau d'un côté, on peut mieux les taxer de l'autre !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n os II-492 et II-508.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 66 quinquies .

(L'article 66 quinquies est adopté.)