ARTICLE 6 BIS D : ANTI-ABUS - CRÉDIT D'IMPÔT ÉTRANGER

I. DÉBATS SÉNAT PREMIÈRE LECTURE DU 19 NOVEMBRE 2010

Débats Sénat première lecture

Séance du vendredi 19 novembre 2010

Article additionnel après l'article 6

Mme la présidente. L'amendement n° I-446, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

I. - Le a) du 1 de l'article 220 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le second alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Le surplus peut être imputé sur l'impôt dû sur les revenus de même nature au titre des deux exercices suivants. La fraction non imputée à l'issue de cette période constitue une charge déductible des résultats de l'exercice suivant. »

2° Il est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque ces revenus sont perçus à raison de biens ou droits préalablement détenus par la personne, ou une autre personne qui lui est liée au sens du 12 de l'article 39, qui, dans le contrat ayant conféré au contribuable la détention de ces biens ou droits ou dans un contrat y afférent, s'est engagée à en retrouver ou s'est réservé la possibilité d'en retrouver ultérieurement la détention, ce montant est diminué des charges engagées pour l'acquisition de ces revenus par le contribuable et les personnes qui lui sont liées, y compris :

« - les moins-values de cession de ces biens ou droits ;

« - les sommes, autres que le prix d'acquisition de ces biens ou droits, versées à cette autre personne ou aux personnes qui lui sont liées, au sens du 12 de l'article 39.

« Toutefois, les charges pour lesquelles le contribuable peut démontrer qu'elles auraient été engagées même en l'absence d'imputation du crédit d'impôt ne viennent pas en diminution du montant des revenus mentionnés au deuxième alinéa. »

II. - Le 1° du I est applicable aux revenus perçus au cours des exercices ouverts à compter du 1 er janvier 2011.

III. - La perte de recettes résultant pour l'État des I et II est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement tend à lutter contre certaines optimisations fiscales en raison des dividendes de source étrangère perçus par des sociétés françaises.

En effet, ces dernières peuvent imputer sur leur impôt sur les sociétés français un crédit d'impôt correspondant à l'impôt déjà payé à l'étranger sur ces revenus.

Cette faculté, très classique en droit fiscal, permet d'éliminer la double imposition. Le montant du crédit d'impôt est alors limité au montant de l'impôt sur les sociétés que la société française a acquitté en raison de la perception de ces revenus.

Toutefois, le crédit d'impôt n'est ni remboursable ni reportable. Cette double restriction a pu conduire à des montages d'optimisation fiscale. En quelque sorte, il s'est créé un « marché des crédits d'impôt ». Des exemples peuvent être donnés, sur lesquels je reviendrai si vous le souhaitez, mes chers collègues.

Le Conseil d'État a jugé, le 7 septembre 2009, que ce type de montages que l'administration avait considérés comme abusifs, en termes économiques et sur le plan de l'équité, ne constituait pas une fraude à la loi fiscale.

Pourtant, il peut se produire qu'une société détienne des titres, mais qu'elle soit déficitaire et ne puisse profiter du crédit d'impôt. Quelques jours avant le détachement du coupon, elle signe un contrat de vente avec option de rachat ou un contrat de prêt avec une autre société. Cette dernière devient juridiquement propriétaire des titres et perçoit les dividendes qui leur sont attachés. La seconde société peut alors imputer le crédit d'impôt étranger sur son impôt sur les sociétés. Quelques jours plus tard, la première société exerce son option de rachat sur les titres, par exemple, son droit de réméré, et ce à un prix qui permet aux deux sociétés de se partager le bénéfice de l'opération.

Il convient donc de modifier la loi pour mettre un terme à ces pratiques d'opportunisme.

Par conséquent, le présent amendement vise, en premier lieu, à modifier la règle de plafonnement du montant des crédits d'impôt, de sorte que ces montages perdent leur intérêt financier, et, en second lieu, à mieux appréhender les situations de double imposition à l'origine des comportements d'optimisation, en permettant l'imputation des crédits d'impôt pendant trois exercices, puis leur déduction, le cas échéant, de l'assiette de l'impôt sur les sociétés.

J'espère que ce mécanisme sera suffisamment efficace et robuste pour convaincre le Conseil d'État.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Cette mesure est très attendue par les entreprises, qui ont dénoncé la rigueur du régime auquel elles sont soumises actuellement. Ce régime les conduit, en effet, à renoncer au crédit d'impôt lors des années où elles sont en déficit.

Cet amendement a deux objectifs, très simples et très clairs

Il s'agit, d'abord, de mettre fin à des pratiques d'optimisation fiscale par le biais de rachat et de revente de titres à seule fin de pouvoir bénéficier du crédit d'impôt étranger.

Il s'agit, ensuite, d'imputer le crédit d'impôt étranger sur une période totale de trois exercices au lieu d'un seul actuellement.

Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui va dans la bonne direction.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est un encouragement à faire des bénéfices !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Tout à fait !

Par ailleurs, j'accepte de lever le gage.

Mme la présidente. Il s'agit donc de l'amendement n° I-446 rectifié.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 6.