ARTICLE 6 SEXIES : PROROGATION D'UN AN DU RÉGIME DE LA RÉDUCTION D'IMPÔTS EN FAVEUR DES ENTREPRISES AYANT SOUSCRIT AU CAPITAL DE CERTAINES ENTREPRISES DE PRESSE

I. DÉBATS ASSEMBLÉE NATIONALE DU 21 OCTOBRE 2010

Débats AN première lecture

Troisième séance du jeudi 21 octobre 2010

Article additionnel après l'article 6

M. le président. L'amendement n° 64 présenté par M. Martin-Lalande, est ainsi libellé :

Après l'article 6, insérer l'article suivant :

I. - Au I de l'article 220 undecies du code général des impôts, l'année : « 2010 » est remplacée par l'année : « 2011 ».

II. - La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. L'article 220 undecies du code général des impôts prévoit une déduction fiscale de 25 % du montant des sommes versées au titre de souscriptions en numéraires au capital de sociétés exploitant un titre de presse ciblé. Ces titres peuvent être soit un journal quotidien, soit une publication de périodicité au maximum mensuelle et consacrée à l'information politique et générale. Le coût fiscal de cette mesure est estimé à moins de 500 000 euros pour 2008, 2009 et 2010.

Certaines des conditions d'éligibilité à cette déduction fiscale sont sans aucun doute à l'origine d'une sous-exploitation de ce dispositif. En effet, le bénéficiaire doit être soumis à l'impôt sur les sociétés l'année du rachat, ainsi que l'entreprise bénéficiant de la souscription à son capital. Il ne doit pas exister de lien de dépendance ou de cascade capitalistique éventuelle entre le repreneur et le journal racheté.

Les conditions liées à l'imputation de l'impôt sur les sociétés font sortir automatiquement du champ des opérations comme celles de Centre-France sur La nouvelle République ou sur L'Yonne Républicaine, les deux journaux n'étant pas à l'équilibre. Elles pourraient a contrario jouer pour le groupe Centre-France pour le rachat de L'Écho républicain , baséàChartres, dont les ratios économiques semblent plus positifs. Libération pourrait être éligible si le journal revenait à l'équilibre en 2010, comme cela est prévu. Le cas du journal Le Monde est plus compliqué puisque la société en commandite simple chargée d'abonder son capital a été créée en 2010 et ne sera pas imposée à l'impôt sur les sociétés.

Tout cela explique la faiblesse d'un dispositif qu'il conviendrait peut-être d'amender mais qui mérite de continuer à exister au cas où il permettrait d'assurer l'avenir de certains titres sous-capitalisés.

Les états généraux de la presse écrite ont prévu un certain nombre de mesures de soutien à la presse pendant trois ans. Nous ne sommes pas sortis de ces trois ans. L'article 220 undecies ne doit pas manquer à cet effort exceptionnel qu'il faut souligner, puisque l'État s'est engagé à fond pour la presse.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget . Favorable.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Cet amendement alerte la représentation nationale sur un problème que nous connaissons toutes et tous, qui est la sous-capitalisation de la presse écrite en France. La prorogation pendant un an de ce dispositif, compte tenu de la crise que connaissent les entreprises de presse, est très salutaire, en cohérence avec les états généraux de la presse écrite. Sans doute faudra-t-il un jour mettre à plat la fiscalité des entreprises de presse et, parallèlement, le système des aides à la presse, qui a fait l'objet d'un rapport récent de M. Cardoso.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. M. Martin-Lalande, on le sait, est très attentif à tous ces problèmes et il a le grand mérite de formuler des amendements assez consensuels.

C'est la liberté de la presse, la liberté d'opinion qui est en cause, menacée par divers mécanismes, la distribution, les coûts de fabrication. Toutes les mesures qui vont dans le sens de la pérennisation de titres dont le nombre s'est singulièrement réduit au fil du temps depuis la Libération sont autant de bonnes choses qui devraient témoigner de la vitalité de la démocratie dans notre pays, ce dont on peut douter parfois lorsque l'on voit la difficulté que rencontrent les journaux d'opinion qui participent à la confrontation politique.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. J'apporte évidemment mon soutien à l'amendement de Patrice Martin-Lalande. Je veux simplement alerter le rapporteur général sur un autre point qui est lié.

Les aides à la presse dans le budget du ministère de la culture seront cette année de 420 millions d'euros, suite, je crois, aux états généraux de la presse. Je suis simplement étonné que quasiment aucune contrepartie ne soit demandée aux groupes qui vont en bénéficier. Sur les trois années prévues, cela fera plus d'un milliard d'euros d'engagement. Il serait de bonne politique que l'État demande un minimum de contreparties. Sinon, ce sera simplement une mise sous perfusion d'un certain nombre de groupes de presse et, dans trois ans, malheureusement, on retrouvera de grandes difficultés.

(L'amendement n° 64 est adopté.)