II. RAPPORT ASSEMBLÉE NATIONALE N° 2857 TOME III (2010-2011) ANNEXE 37

Observations et décision de la Commission :

Le présent article modifie les conditions de calcul des composantes forfaitaires de la dotation globale de fonctionnement (DGF) des communes, établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), départements et régions, pour les rendre compatibles, d'une part, avec les contraintes internes de répartition et, d'autre part, avec le faible montant d'augmentation de la DGF globale en 2011.

I.- LA PROGRESSION LIMITÉE DE LA DGF EN 2011 IMPOSE D'EN REVOIR LES CONDITIONS DE RÉPARTITION

Compte tenu du gel en valeur appliqué en 2011 au périmètre des concours de l'État aux collectivités territoriales, la DGF connaîtra une progression limitée, qui implique, pour financer ses contraintes mécaniques et le soutien à la péréquation, de revoir les conditions de répartition de ses composantes.

A.- LA DGF EN 2011 RÉSULTERA DE CONTRAINTES BUDGÉTAIRES FORTES

La faible augmentation de la DGF en 2011, prévue à l'article 19 du présent projet de loi de finances, répond à des contraintes budgétaires fortes pesant sur les composantes du périmètre gelé en valeur.

1.- Le gel en valeur du périmètre des concours aux collectivités territoriales

Les concours de l'État aux collectivités territoriales représentent dans le budget de celui-ci une part considérable - hors dégrèvements et fiscalité transférée, ces concours totalisaient 60 242 millions d'euros en 2010, soit 22 % du périmètre du budget général auquel l'État applique sa norme de dépense.

Par conséquent, un écart entre la norme d'évolution de ces concours et la norme d'évolution du budget général n'est pas soutenable puisqu'il imposerait à l'État de minorer les dépenses du budget général pour financer les concours aux collectivités territoriales.

Compte tenu du contexte actuel des finances publiques, le projet de loi de programmation 2011-2014 en cours d'examen au Parlement prévoit ainsi que soit appliquée au périmètre normé des concours de l'État la même norme d'évolution que celle appliquée au périmètre élargi de son budget, c'est-à-dire un gel en valeur.

2.- L'équilibre proposé par le Gouvernement entre la majoration de la DGF et la baisse des variables d'ajustement

Dans un périmètre normé, la norme globale ne peut être appliquée uniformément à toutes les composantes, compte tenu des contraintes propres à chacune d'entre elles. Mais afin de respecter cette norme globale, toute hausse d'une de ces composantes doit nécessairement être compensée par la diminution d'une autre. Ainsi, le gel en valeur du périmètre pour 2011 implique une approche fine de ses composantes.

La DGF étant la dotation la plus protectrice des collectivités les plus fragiles et le seul concours poursuivant l'objectif à valeur constitutionnelle de péréquation, le Gouvernement a jugé fondamental qu'elle soit soutenue, position que partage le Rapporteur spécial.

Cependant, la DGF ne peut croître excessivement au sein d'un périmètre gelé en valeur sans menacer directement la survie des variables d'ajustement, qui, en tant que compensations d'exonérations, bénéficient également à des collectivités territoriales parfois défavorisées.

Le Gouvernement propose donc dans le présent projet de loi de finances un équilibre entre la majoration de la DGF et la baisse des variables d'ajustement. Il limite l'abondement de la DGF à 86 millions d'euros, tandis que les variables subissent un taux de minoration de - 11,2 %.

Toutefois, les amendements du Rapporteur général de la commission des Finances aux articles 20, 23 et 26 du présent projet de loi de finances, adoptés lors de la séance publique du 22 octobre dernier permettent de relativiser cette minoration des variables d'ajustement tout en abondant plus fortement la DGF. En effet, ces amendements devraient permettre un abondement de 115 millions d'euros supplémentaires au profit de la DGF, tout en soulageant les variables qui ne baisseraient plus dès lors que de 7,43 %.

B.- LA DGF EN 2011 SUPPORTERA ÉGALEMENT DES CONTRAINTES INTERNES FORTES

La faible augmentation de la DGF prévue à l'article 19 du présent projet de loi de finances ne suffit toutefois pas à couvrir les coûts générés à la fois par le recensement et le développement de l'intercommunalité et par la volonté gouvernementale de renforcer la péréquation.

1.- Les contraintes endogènes de répartition de la DGF

Depuis 2009, le dispositif de recensement rénové conduit à réactualiser tous les ans la population prise en compte pour l'attribution des dotations de l'État. Il pèse annuellement sur les dotations forfaitaires des communes et départements, qui sont composées d'une dotation de base égale au produit d'un montant unitaire par le nombre d'habitants de la commune ou du département concerné.

Le Gouvernement estime ainsi respectivement à 40 millions d'euros et 33 millions d'euros le coût du recensement sur les dotations forfaitaires des communes et des départements.

De la même façon, l'enveloppe allouée à la dotation d'intercommunalité s'alourdit mécaniquement sous l'effet combiné du recensement rénové (le montant revenant à chaque catégorie d'EPCI étant égal au produit de la dotation moyenne de la catégorie par le nombre d'habitants de la catégorie) et du développement de l'intercommunalité (la dotation moyenne par habitant de la catégorie augmentant avec le niveau d'intégration). Le coût du développement de l'intercommunalité et du recensement pour les EPCI est ainsi estimé à 89 millions d'euros.

2.- La priorité gouvernementale est la péréquation

Ces contraintes internes menacent la péréquation en renforçant le poids des dotations forfaitaires dont les montants déterminent le solde de la DGF qui finance les dotations de péréquation.

Or, les difficultés financières que connaissent actuellement les collectivités renforcent l'importance de la péréquation, en particulier pour les collectivités les plus fragiles.

Le Gouvernement a ainsi fait le choix de soutenir la péréquation, notamment départementale et communale. En effet, les effets cumulés des articles 19 et 80 du présent projet de loi de finances majorent la dotation de péréquation urbaine (DPU) et la dotation de fonctionnement minimal (DFM) de 34 millions d'euros. Le présent projet de loi reconduit également en 2011 le montant de la dotation de développement urbain (DDU) de 2010 (50 millions d'euros) et augmente les montants de 2010 des dotations de solidarité urbaine et rurale (DSU et DSR), respectivement de 77 et 50 millions d'euros ( cf . article 81).

Cette priorité donnée à la péréquation est un choix politique conséquent, que le Rapporteur spécial soutient.

Au vu de la faible augmentation de la DGF, et compte tenu des coûts engendrés par les contraintes internes à cette dotation, cette priorité donnée à la péréquation nécessite pour être financée que les composantes forfaitaires de la DGF absorbent elles-mêmes leur besoin de financement endogène.

II.- LES AJUSTEMENTS PROPOSÉS PAR LE GOUVERNEMENT : DES DOTATIONS FORFAITAIRES STABLES OU EN LÉGÈRE BAISSE

Le présent article vise ainsi à dégager des marges de manoeuvre au sein des dotations forfaitaires des collectivités territoriales afin de financer leurs contraintes propres.

A.- LA DOTATION FORFAITAIRE DES COMMUNES

Les alinéas 2 à 8 du présent article modifient l'article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales (CGCT) relatif au calcul des composantes de la dotation forfaitaire des communes, à savoir la dotation de base, la dotation proportionnelle à la superficie, la compensation « part salaires » (CPS), le complément de garantie et la dotation « parc national ».

1.- Le gel des dotations de base, de superficie et parc national

Aux termes de l'article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales, les dotations de base, de superficie et « parc national » englobées dans la dotation forfaitaire des communes évoluent selon un taux fixé chaque année par le Comité des finances locales (CFL) dans le cadre prévu par l'article.

Le présent article rompt avec cette logique.

Ainsi, les alinéas 3 et 5 du présent article reconduisent en 2011 le montant de 2010 de la dotation par habitant de la dotation de base et le montant par hectare de la dotation superficiaire.

Parallèlement, les alinéas 4 et 5 suppriment toute référence à la fixation par le CFL d'un taux d'évolution de ces deux dotations.

En ce qui concerne la dotation « parc national », le maintien de la rédaction du seizième alinéa de l'article L. 2334-7 implique qu'elle est également gelée en 2011 à son niveau de 2010 (3,1 millions d'euros).

2.- La minoration de la compensation « part salaires »

L'alinéa 6 du présent article minore pour 2011 de 1,6 % la CPS des communes (qui englobe les montants perçus avant 2004 au titre de la compensation de la suppression de la « part salaires » de la taxe professionnelle et de la dotation de compensation des pertes de DCTP). Cette mesure devrait permettre environ 29 millions d'euros d'économies.

Implicitement, cet alinéa suppose que soit suspendue, pour 2011, la faculté pour le CFL de fixer un taux de progression de la CPS, à l'instar de ce qui est fait pour les dotations de base et superficiaire. Le Rapporteur spécial estime cependant que la rédaction de l'alinéa 6 du présent article n'opère pas clairement cette coordination.

Par ailleurs, le Rapporteur spécial précise que cette minoration de 1,6 % concerne également la dotation de compensation des EPCI, dont l'évolution, aux termes du code général des collectivités territoriales, suit celle de la CPS.

3.- L'écrêtement du complément de garantie

L'instauration en 2005 du complément de garantie visait à garantir que chaque commune retrouve, après la réforme de la DGF de 2004, à travers sa dotation de base et sa dotation superficiaire, le même montant de dotation forfaitaire qu'avant réforme, indexé de 1 %. Par la suite, cette dotation objective a, en quelque sorte, fait office de variable d'ajustement interne à la DGF. En effet, en 2009 et 2010, les communes ont reçu un montant de complément égal à celui de l'exercice précédent diminué de 2 %.

Les alinéas 7 et 8 du présent article réécrivent le onzième alinéa de l'article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales relatif aux modalités d'écrêtement de ce complément. Ils prévoient, pour 2011, que les attributions versées au titre du complément de garantie soient diminuées de 150 millions d'euros, ce qui représente une baisse globale de 2,9 %.

Ces alinéas prévoient également que cet écrêtement concerne les seules communes dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur ou égal à 0,75 fois le potentiel fiscal moyen par habitant constaté au niveau national (les autres communes recevant un complément de garantie égal à celui de 2010).

L'ensemble des communes concernées par cet écrêtement aux termes du présent article recevant 3,5 milliards d'euros au titre du complément de garantie, il apparaît qu'une minoration de 150 millions d'euros de celui-ci correspond à un taux moyen d'écrêtement de 4,24 %.

Or, le présent article précise que cette baisse ne pourra, pour chaque commune, représenter plus de 5 % du complément de garantie reçu par elle au titre de 2010.

Le Rapporteur spécial souligne donc que, les bénéficiaires qui devraient perdre beaucoup à raison de leur potentiel fiscal étant plafonnés à 5 % de baisse, l'écart est remis à la charge de ceux qui devraient perdre peu à raison de leur potentiel fiscal. Ainsi, les simulations montrent que, sur 7 816 contributeurs, 5 559 perdent entre 4,25 % et 5 % de leur garantie, dont 2 875 ont un PF/habitant inférieur à la moyenne.

Le Rapporteur spécial approuve le principe d'une modulation de l'écrêtement du complément de garantie en fonction du potentiel fiscal des communes bénéficiaires. Cependant, au vu des chiffres précités, il ne peut que regretter le calibrage maladroit de l'écrêtement prévu par le présent article, qui lamine finalement le caractère péréquateur de la mesure.

B.- LA DGF DES EPCI

Les alinéas 23 à 32 et 35 du présent article figent les dotations d'intercommunalité de chaque catégorie d'EPCI à leur niveau de 2010, tandis que l'alinéa 6 , par ricochet, minore la dotation de compensation des EPCI.

1.- Le gel des dotations d'intercommunalité

Le présent article adopte, en ce qui concerne les dotations d'intercommunalité des EPCI, une approche similaire au gel des dotations forfaitaires des communes.

Le Rapporteur spécial rappelle toutefois que la dotation d'intercommunalité diffère d'une dotation forfaitaire sur deux points : elle a une dimension péréquatrice et répond à des critères de répartition spécifiques. Elle est en effet composée d'une dotation de base ainsi que d'une dotation de péréquation, et ces deux sous-enveloppes sont réparties entre les établissements en fonction de leur population, de leur potentiel fiscal et de leur coefficient d'intégration fiscale.

En ce qui concerne plus particulièrement le potentiel fiscal pris en compte pour la répartition de ces dotations, le Rapporteur spécial attire l'attention sur les nouvelles modalités de calcul introduites par le présent projet de loi de finances ( cf . article 86). Les alinéas 33 et 34 du présent article effectuent la coordination avec ces dispositions.

Les alinéas 23 à 30 du présent article figent pour 2011 à leur niveau de 2010 les montants des dotations moyennes par habitant de chaque catégorie d'EPCI mentionnée à l'article L. 5211-29 du code général des collectivités territoriales.

Les alinéas 31 et 32 appliquent cette même mesure aux communautés urbaines (article L. 5211-30 du même code) et l'alinéa 35 aux communautés de communes et communautés d'agglomération de la Polynésie française (article L. 5842-8).

Ce faisant, ces alinéas suppriment les dispositions conférant au CFL le pouvoir de fixer un taux d'évolution aux dotations moyennes par habitant des communautés de communes et communautés urbaines.

Par ailleurs, le taux d'évolution de la dotation forfaitaire des communes pouvant à l'avenir servir de base de référence à d'autres dotations, les alinéas 10 et 11 du présent article précisent les conditions de calcul de ce taux. Ne seraient ainsi pas retenues les variations liées à la population ainsi que les éventuelles minorations de la CPS et du complément de garantie. Ces alinéas visent donc à conserver pour le calcul du taux de référence de la progression de la dotation forfaitaire les seules variations résultant de choix politiques et non d'évolutions mécaniques.

2.- La minoration de la dotation de compensation

L'article L. 5211-28-1 du code général des collectivités territoriales précise que les EPCI reçoivent une dotation de compensation qui évolue comme la CPS des communes. Par conséquent, la minoration de 1,6 % de la CPS communale prévue à l'alinéa 6 du présent article entraîne l'application de la même minoration à la dotation de compensation des EPCI.

Cette mesure engendrerait environ 70 millions d'euros d'économies.

C.- LA DOTATION FORFAITAIRE DES DÉPARTEMENTS ET DES RÉGIONS

Le présent article vise à geler pour 2011 le montant des composantes de la dotation forfaitaire des départements (dotation de base et complément de garantie) et de leur dotation de compensation, ainsi qu'à minorer la dotation forfaitaire des régions.

1.- Le gel de la dotation forfaitaire et de la dotation de compensation des départements

Les alinéas 12 à 17 du présent article prévoient pour 2011 que les montants de la dotation de base par habitant et du complément de garantie des départements restent au même niveau qu'en 2010. La dotation forfaitaire du département de Paris connaît au titre de cet article le même gel en valeur pour 2011.

L'alinéa 18 du présent article gèle le montant de la dotation de compensation des départements pour 2011 à son niveau de 2010.

2.- La minoration de la dotation forfaitaire des régions

L'alinéa 19 du présent article prévoit que le montant de la dotation forfaitaire des régions en 2011 soit égal à celui de 2010 diminué de 0,12 %. Cette minoration permet de dégager 6 millions d'euros, soit le montant nécessaire selon les estimations du Gouvernement pour financer la péréquation régionale.

III.- LES CONSÉQUENCES DES AJUSTEMENTS PROPOSÉS

Le présent article résulte en une nouvelle organisation de la répartition de la DGF et entraîne des conséquences spécifiques au bloc communal.

A.- CONSÉQUENCES GÉNÉRALES SUR LA RÉPARTITION DE LA DGF

La méthode adoptée par le présent article pour geler ou minorer les parts forfaitaires de la DGF permet de protéger les marges de manoeuvre en faveur de la péréquation tout en réduisant celles du CFL.

1.- La protection des marges de manoeuvre en faveur de la péréquation

Les montants alloués à la péréquation au sein de la DGF pour chaque niveau de collectivités correspondent au solde de la DGF totale de cet échelon (de la dotation d'aménagement pour le bloc communal), une fois déduit le montant des parts forfaitaires.

Par conséquent, la fixation en 2011 d'un montant identique ou en baisse par rapport à 2010 pour les dotations forfaitaires, en leur permettant d'absorber leur besoin de financement interne, permet également de préserver les montants alloués à la péréquation.

CONTRAINTES ET MARGES DE MANoeUVRE INTERNES
AUX DOTATIONS FORFAITAIRES

(en millions d'euros)

Bloc communal

Contraintes

dont recensement

dont intercommunalité

+ 129

+ 40

+ 89

Marges

dont minoration de la dotation de compensation et CPS

dont écrêtement du complément de garantie

- 248

- 98

- 150

Total

- 119

Départements

Contraintes

dont recensement

+ 33

+ 33

Marges

0

Total

+ 33

Régions

Contraintes

0

Marges

dont minoration de la dotation forfaitaire

- 6

- 6

Total

- 6

TOTAL

- 92

Le tableau ci-dessus présente les montants que permettent de dégager au sein des dotations forfaitaires les dispositions du présent article. Ces mesures couvrent non seulement les contraintes internes aux dotations forfaitaires, mais diminuent également le montant alloué à celles-ci de 92 millions d'euros, augmentant d'autant le solde de la DGF finançant la péréquation.

2.- La question du rôle du CFL

Le droit actuellement en vigueur confie au Comité des finances locales (CFL), organisme paritaire regroupant des représentants de l'État et des élus locaux, la mission de répartir la DGF.

Le présent article 80 prévoit de supprimer dans le code général des collectivités territoriales les références au pouvoir de fixation par le CFL des taux d'évolution des composantes de la dotation forfaitaire des communes, ainsi que des dotations moyennes attribuées à chaque catégorie d'EPCI au titre de la dotation d'intercommunalité.

Le présent projet de loi de finances, dans ses articles 80 et 81 notamment, marque donc probablement un virage politique, puisque la répartition de la DGF relèvera à l'avenir essentiellement de la compétence du législateur , ainsi que le Rapporteur spécial le souligne dans son commentaire sous l'article 81 ci-après.

B.- CONSÉQUENCES PARTICULIÈRES SUR LES COMMUNES ET LES EPCI

Cependant, au-delà des effets globaux des ajustements proposés, il importe de relever que le présent article aura un impact très contrasté sur le territoire. La résolution incontestable de soutenir les dotations de péréquation pourrait notamment susciter un effet paradoxal : que des collectivités ou groupements défavorisés perdent davantage en dotation forfaitaire qu'ils ne gagneront en dotations de péréquation.

Ce risque procède en premier lieu d'un déséquilibre propre aux ajustements proposés par le présent article. Tandis que la DGF des départements devrait croître de 67 millions d'euros en 2011, aucune marge de manoeuvre n'est dégagée en son sein pour amortir un tel coût. Ce sont donc les marges dégagées par les baisses des variables d'ajustement du périmètre, hors DGF, qui financeront ces 67 millions d'euros. Par voie de conséquence, le bloc communal bénéficiera d'une part très marginale de l'abondement de 86 millions d'euros prévu à l'article 19 (19 millions d'euros seulement).

C'est donc seule, pour l'essentiel, que la DGF des communes doit financer tant ses contraintes internes que l'accroissement de la péréquation souhaité par le Gouvernement, dont elle doit prendre en charge 85 % (108 des 127 millions d'euros alloués à la péréquation par l'article 81). Ceci explique la rigueur manifeste du présent article pour les communes et les EPCI.

1.- Conséquences pour les EPCI

a) L'ensemble des EPCI par rapport aux collectivités territoriales

Pour ces derniers, l'équilibre proposé par les articles 80 et 81 serait le suivant : une économie de 70 millions d'euros sur la dotation de compensation, un gel des dotations unitaires d'intercommunalité, une croissance pour les EPCI qui se transforment ou dont la population augmente estimée à 89 millions d'euros.

En apparence, la catégorie des EPCI semble donc absorber de façon quasiment autarcique ses contraintes de répartition.

b) Des effets individuels difficiles

Toutefois, le Rapporteur spécial précise que, derrière cette apparente neutralité, les effets pour chacun des EPCI seront très divers. Au terme des simulations réalisées par la commission des Finances, on observe ainsi que :

- 1 186 EPCI perdront en dotation de compensation plus qu'un demi-point de leur DGF totale, c'est-à-dire une perte substantielle ;

- parmi ceux-là, 652 ont un PF/habitant inférieur à la moyenne de leur catégorie.

- Ceci s'ajoute au fait que certains EPCI verront leurs compensations d'exonérations diminuer (ce sont les variables d'ajustement), de sorte qu'au total 2 456 EPCI verraient leurs concours totaux diminuer, dont 1 444 pour un montant dépassant 0,5 % de leur DGF et 1 717 qui ont un PF/habitant inférieur à la moyenne de leur catégorie.

Sans aller jusqu'à un niveau de détail excessivement fin, le Rapporteur spécial relève que 169 EPCI perdront ainsi plus de 2 euros de concours financiers par habitant, dont un tiers ont un potentiel fiscal inférieur à la moyenne. Une trentaine d'agglomérations importantes perdront plus de 3 euros par habitant, la perte pouvant aller jusqu'à 5, 6 ou 7 euros (soit des pertes en valeur absolue de l'ordre de 1 million d'euros à 3 millions d'euros).

2.- Conséquences particulières sur les communes

a) Les communes par rapport aux autres échelons de collectivités territoriales

Pour les communes, le dispositif du projet de loi de finances paraît moins équilibré. En effet, au sein de la dotation forfaitaire, celles-ci perdront 29 millions d'euros de CPS et 150 millions d'euros de garantie, pour une hausse liée au recensement estimée à 40 millions d'euros.

Ceci signifie que l'ensemble des communes est manifestement l'échelon contributeur net du dispositif prévu par le Gouvernement au profit dans une faible mesure des EPCI, et surtout essentiellement des départements.

b) Des effets individuels parfois difficilement soutenables

En pratique, le Rapporteur spécial précise que ceci signifie également qu'une commune qui ne bénéficie pas d'une croissance démographique très dynamique et d'une DSU ou d'une DSR « cible » verra sa DGF diminuer en 2011.

Ainsi, les simulations de la commission des Finances montrent que :

- 9 015 communes perdraient au moins 0,2 % de leur forfaitaire, et 4 828 perdraient au moins 1 % de cette forfaitaire ;

- après simulation de la DSU et de la DSR, 6 215 communes verraient leur DGF totale baisser, dont 2 411 de plus de 1 %, ce qui confirme que les dotations de péréquation ne suffisent pas à gommer les baisses de dotations forfaitaires ;

- plus de 3 000 communes dont le potentiel fiscal est inférieur à la moyenne verraient leur DGF diminuer.

Si l'on cumule les effets du présent article avec la baisse des variables d'ajustement proposée par le Gouvernement, on observe alors que :

- 8 468 communes verraient leurs concours globaux diminuer en 2011, dont 3 375 pour plus de 1 % ;

- 1 821 communes dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur à 75 % seulement de la moyenne verraient leurs concours diminuer.

*

* *

La Commission examine l'amendement n° II-CF-157 de MM. Marc Laffineur, Rapporteur spécial et Gilles Carrez, Rapporteur général, ainsi rédigé :

Rédiger ainsi l'alinéa 6 :

« d) La dernière phrase du sixième alinéa est ainsi rédigée : « En 2011, ces montants sont identiques à ceux perçus au titre de 2010, après minoration, le cas échéant, en application du 1.2.4.2 de l'article 77 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, et majoration, le cas échéant, en application du II du même article. »

M. Marc Laffineur, Rapporteur spécial. Le présent amendement vise à supprimer l'écrêtement de 1,6 % de la compensation « part salaires » (CPS) prévu par l'article 80 du projet de loi de finances. En effet, grâce aux efforts du Rapporteur général, des amendements adoptés en première partie du projet de loi de finances pour 2011 permettront d'abonder la DFG de 123 millions d'euros supplémentaires. Compte tenu de cette marge de manoeuvre supplémentaire, il est donc possible de supprimer l'écrêtement initialement prévu, qui visait à dégager 100 millions d'euros d'économies sur les communes et les EPCI, mais touchait de nombreuses communes, parfois elles-mêmes bénéficiaires de la péréquation.

L'amendement n° II-CF-157 est adopté (amendement n° II-119 rect.) .

La Commission est saisie de trois amendements n° II-CF-136,
n° II-CF-165 et n° II-CF-138 pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement II-CF-136 est ainsi rédigé :

Après les mots, « En 2011, les communes », rédiger ainsi la fin de l'alinéa 8 : « bénéficient d'une attribution au titre de leur complément de garantie égale à celle perçue en 2010. »

L'amendement II-CF-165 est ainsi rédigé :

I. Dans la deuxième phrase de l'alinéa 6, substituer au nombre :

« 150 », le nombre : « 130 ».

II. En conséquence, dans la dernière phrase du même alinéa, substituer au taux :

« 5 % » le taux : « 6 % ».

L'amendement II-CF-138 est ainsi rédigé :

À l'alinéa 8 de cet article, remplacer le taux : « 5 % » par le taux : « 2 % ».

M. Jean-Pierre Brard. Après la suppression de la taxe professionnelle l'année dernière, le Gouvernement a prévu le gel des dotations aux collectivités territoriales. Associée à la prévision d'inflation de 1,5 % pour 2011, cette décision va consacrer l'asphyxie des collectivités locales. La majorité n'a d'autre ambition que de livrer au secteur privé une partie importante des services publics locaux, comme en témoigne le projet de réforme des collectivités territoriales, dont l'un des objectifs est d'entraver considérablement les possibilités d'investissement des communes.

Contraint d'améliorer la péréquation, le Gouvernement envisage toutefois, avec l'article 80 rattaché, de dégager des « marges de manoeuvre » grâce à un jeu de tuyauteries interne à la DGF. Son alinéa 8 entend ainsi « ajuster à la baisse les compléments de garantie des communes » selon un mécanisme d'écrêtement simpliste et injuste. Il est simpliste car il repose uniquement sur le potentiel fiscal des communes qui est un indicateur de richesse mais non de charges. Il est en outre particulièrement injuste car, en s'appliquant aux communes dont le potentiel fiscal est supérieur à 75 % du potentiel fiscal moyen, il laisserait les communes les plus pauvres se faire financer par des communes seulement un peu moins pauvres !

M. Marc Laffineur, Rapporteur spécial. Il me semble que l'amendement n° II-CF-165, dont je suis cosignataire avec le Rapporteur général, répond à ce problème de manière plus satisfaisante. À chaque réforme de la DGF au cours des dernières décennies, les communes qui se trouvaient désavantagées recevaient, pour compenser leur moindre revenu, une dotation de garantie, quel que fût leur potentiel fiscal. En revenant sur ces avantages acquis, le Gouvernement s'engage sur la bonne voie même s'il est allé trop loin. C'est pourquoi je propose, par cet amendement, de prélever 20 millions d'euros de moins sur le complément de garantie des communes, en me gardant toutefois de défendre un écrêtement à 2 % qui soit uniforme et découplé de leur potentiel fiscal. Je suis donc défavorable aux deux autres amendements ( amendement n° II-CF-136 et amendement n° II-CF-138 ).

M. Jean-Pierre Brard. Je défends néanmoins l'amendement n° II-CF-138. À défaut de proposer un barème progressif, reposant tant sur le potentiel fiscal que sur les charges supportées par les collectivités, il tend à limiter à 2 % l'écrêtement du complément de garantie, soit le taux de minoration qui avait été globalement appliqué en 2009 et 2010. Pour information, il y a des communes ouvrières pauvres de la région parisienne, telle Bagneux, qui se trouveraient ainsi en partie moins pénalisées.

La Commission rejette l'amendement n° II-CF-136. Puis elle adopte l'amendement n° II-CF-165 ( amendement n° II-120 ), faisant tomber l'amendement n° II-CF-138.

La Commission examine ensuite l'amendement n° II-CF-137 de M. Jean-Pierre Brard, ainsi rédigé :

Compléter l'alinéa 8 par la phrase suivante : « Sont exonérées de cette minoration, les communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale au titre de la même année. ».

M. Jean-Pierre Brard. Cet amendement vise à aménager, a minima , le mécanisme d'écrêtement proposé par le Gouvernement à l'alinéa 8 de l'article 80. Alors que la majorité envisage de prendre une partie du complément de garantie des communes dont le potentiel fiscal est supérieur à 75 % du potentiel fiscal moyen, nous proposons d'introduire la prise en compte des charges auxquelles font face certaines d'entre elles. L'amendement a donc pour objet d'exclure du mécanisme les communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale. Outre qu'elle prend en compte le potentiel financier, la DSU s'attache en effet à considérer le nombre de logements sociaux, de bénéficiaires d'aides au logement le revenu moyen des habitants. Un grand nombre de communes bénéficieraient de l'adoption de cet amendement.

M. Marc Laffineur, Rapporteur spécial. Certes, mais la DSU est néanmoins assise pour moitié sur le potentiel financier des communes. Cela conduirait en outre à diminuer la masse disponible précisément pour la DSU.

La Commission rejette l'amendement n° II-CF-137.

Puis elle examine l'amendement n° II-CF-156 de MM. Marc Laffineur, Rapporteur spécial et Gilles Carrez, Rapporteur général, ainsi rédigé :

Après l'alinéa 11, insérer les deux alinéas suivants :

« h) La première phrase du seizième alinéa est complétée par les mots : « , y compris, le cas échéant, les communes insulaires du territoire métropolitain situées dans les surfaces maritimes classées en parc naturel marin, mentionné à l'article L. 334-3 du code de l'environnement. »

« i) La deuxième phrase du seizième alinéa est complétée par les mots : « ou lorsqu'il s'agit de la part d'une commune insulaire du territoire métropolitain située dans une surface maritime classée en parc naturel marin, mentionné à l'article L. 334-3 du code de l'environnement ».

M. Gilles Carrez, Rapporteur général. L'article 131 de la loi de finances pour 2010 avait accordé l'an dernier aux îles de Sein et de Molène une fraction de la composante « parc naturel » de la DGF, à raison des contraintes qu'elles supportent du fait de leur inclusion dans le parc naturel marin de la mer d'Iroise. Cela représentait un versement de 100 000 euros. Mais la loi sur le Grenelle II a malencontreusement supprimé cette disposition. Le présent amendement vise donc à la rétablir.

M. François Pupponi. Pourquoi ces deux communes seraient-elles les seules à être concernées ?

M. Gilles Carrez, Rapporteur général. Parce qu'elles sont les seules, en territoire métropolitain, à être incluses dans un parc naturel marin.

M. Marc Le Fur. Les contraintes qu'elles subissent en conséquence sont de fait considérables, puisque leurs capacités de pêche sont soumises à restriction.

M. Louis Giscard d'Estaing. J'observe, à la lecture de l'exposé sommaire, que cette part de la DGF serait prélevée sur celle qui est destinée aux communes de montagne. Je ne souligne que trop volontiers leur geste de solidarité.

M. Marc Laffineur, Rapporteur spécial. Il s'agit d'annuler une suppression qui n'est pas encore entrée en vigueur, donc l'adoption du présent amendement ne retirerait rien à quiconque.

M. Jean-Pierre Brard. Les communes insulaires bénéficient-elles du même régime favorable que les communes de montagne, qui échappent à certaines contraintes de l'intercommunalité ? Ce serait justifié par les charges particulières qui pèsent sur elles du fait de l'éloignement.

M. Marc Laffineur, Rapporteur spécial. Les communes de montagne bénéficient, au contraire, d'une multiplication des soutiens, par exemple au titre de la voirie, dont les communes maritimes ne profitent pas.

M. Jean Pierre Brard. Je tiens à souligner que l'immobilier à Ouessant coûte 25 % plus cher qu'ailleurs. Donc, si les communes de montagne supportent des charges, l'insularité est aussi une cause de surcoût.

M. Marc Laffineur. Certes, mais vous m'avez posé une question, je vous ai répondu sur le fond sans jugement de valeur.

La Commission adopte l'amendement n° II-CF-156 ( amendement n° II-121 ), puis l'amendement de cohérence n° II-CF-158 du Rapporteur spécial ( amendement n° II-122 ).

Elle examine ensuite l'amendement n° II-CF-166 du Rapporteur spécial, ainsi rédigé :

Compléter cet article par les deux alinéas suivants :

« Le III de l'article L. 5211-30 du code général des collectivités territoriales est complété un alinéa ainsi rédigé :

« 3° En 2011, pour le calcul du coefficient d'intégration fiscale tel que défini dans le présent article, sont retenus en lieu et place des recettes de taxe professionnelle les produits de compensation relais perçus en 2010 par les communes et établissements publics de coopération intercommunales en application du II de l'article 1640 B du Code Général des impôts. »

M. Marc Laffineur, Rapporteur spécial . Il s'agit de prendre en compte la compensation relais versée en 2010 pour calculer le coefficient d'intégration fiscale (CIF) des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en 2011.

M. Charles de Courson. Avait-on intégré auparavant le reversement des fonds départementaux au titre des communes concernées dans le calcul du CIF ?

M. Marc Laffineur, Rapporteur spécial. Non, le CIF est calculé avant reversement.

M. Charles de Courson. La question avait été soulevée au comité des finances locales : a-t-on vérifié la neutralisation du FNGIR dans le CIF ?

M. Marc Laffineur, Rapporteur spécial. Il faudra recalculer le potentiel fiscal de toutes nos communes pour pouvoir déterminer le CIF.

M. Charles de Courson. Si je lis le troisième alinéa de l'amendement, il y aura une augmentation du CIF car la compensation relais intègre le FNGIR.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Non, les FDPTP ont survécu en 2010 et leurs reversements n'intègrent pas la compensation relais.

La Commission adopte l'amendement n° II-CF-166 ( amendement n° II-123 ) puis l'amendement de coordination n° II-CF-167 du Rapporteur spécial ( amendement n° II-124 ).

Elle examine ensuite l'amendement n° II-CF-97 de M. Jean Launay, ainsi rédigé :

Compléter cet article par un trente sixième alinéa ainsi rédigé :

« 9° L'article 5211-24 du CGCT est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale visé à la première phrase du premier alinéa est dissous en raison de la modification des statuts d'un établissement public de coopération intercommunale dont le territoire recouvre totalement son périmètre, cette dissolution ne modifie pas les modalités de versement des dotations visées au premier alinéa. Elles demeurent versées directement à l'établissement public de coopération intercommunale englobant le territoire de l'établissement public dissous, sous réserve qu'il exerce des compétences en matière de tourisme. »

M. Jean Launay. C'est un amendement concret qui remonte du terrain. Il s'agit d'un petit amendement qui ne coûte pas. Il y avait dans la DGF une composante touristique. Afin de favoriser le processus de regroupement d'établissements publics de coopération intercommunale et de permettre la suppression de syndicats de communes, il paraît nécessaire d'élargir la continuité du versement de la dotation touristique aujourd'hui prévue pour les seuls EPCI attributaires se transformant en EPCI au cas où la recomposition du territoire intercommunal entraîne la dissolution de l'EPCI attributaire de la dotation.

M. Marc Laffineur, Rapporteur spécial. Votre amendement est satisfait, car la composante touristique de la DGF reste, dans tous les cas, versée au nouveau groupement. C'est prévu par l'alinéa 2 de l'article L. 5211-24 du code général des collectivités territoriales.

M. Jean Launay. Je retire mon amendement que je redéposerai en séance pour avoir une réponse du ministre.

La Commission adopte l'article 80 ainsi modifié .