MM. Yvon Collin et Edmond Hervé, rapporteurs spéciaux

II. LES CRÉDITS ET ACTIONS POUR 2011

A. DES AE EN HAUSSE ET DES CP EN BAISSE PAR RAPPORT À 2010 (30 MILLIONS D'EUROS EN AE ET CP)

Les crédits du programme 301 « Développement solidaire et migrations » sont inscrits dans le présent PLF à hauteur de 30 millions d'euros en AE et CP , contre une prévision dans la LFI pour 2010 de 26,3 millions d'euros en AE et de 34,8 millions en CP, soit une hausse des AE de 14 % et une baisse des CP du même ordre .

Ces crédits sont exclusivement consacrés à des dépenses d'intervention (titre 6). L'action n° 3 « Autres actions bilatérales de développement solidaire » en concentre la majeure part (91,5 % des AE et 85 % des CP).

Crédits du programme « Développement solidaire et migrations »

(en millions d'euros)

Actions

AE

CP

Evolution des CP (2010/2011)

Part des CP (PLF 2011)

LFI 2010

PLF 2011

LFI 2010

PLF 2011

1 « Aides multilatérales de développement solidaire »

0

0

2,0

2,0

0 %

6,5 %

2 « Aides à la réinstallation des migrants dans leur pays d'origine »

2,5

2,5

3,5

2,5

- 29 %

8,5 %

3 « Autres actions bilatérales de développement solidaire »

23,8

27,5

29,3

25,5

- 13 %

85,0 %

Total

26,3

30,0

34,8

30,0

- 14 %

100,0 %

Source : PAP de la mission « Aide publique au développement » annexé au PLF pour 2011

Il n'est pas escompté de fonds de concours en faveur du programme, pour 2011, alors que la LFI pour 2010 en a prévu, à hauteur de 0,6 million d'euros en AE et CP, au bénéfice de l'action n° 2 « Aides à la réinstallation de migrants dans leur pays d'origine », en provenance du Fonds européen pour les réfugiés (FER).

La prévision du solde des engagements non couverts par des CP s'élève à 23,3 millions d'euros pour la fin 2011. Les CP mobilisés pour couvrir ces engagements seraient de 13,6 millions d'euros en 2012 et de 9,5 millions en 2013, de sorte que le montant maximal de CP encore nécessaires après 2013 est estimé à moins de 0,14 million d'euros, échéancier raisonnable .

B. LES TROIS ACTIONS DU PROGRAMME

1. Les « aides multilatérales de développement solidaire » (2 millions d'euros en CP)

L'action n° 1 « Aides multilatérales de développement solidaire » est conduite par l'intermédiaire d'un fonds fiduciaire mis en oeuvre par le ministère chargé de l'immigration, en association avec la direction générale du Trésor, et la Banque africaine de développement (BAfD), qui le gère selon ses procédures. Ce fonds prend la forme d'un accord « multi-donateurs » de dons à la BAfD et au Fonds africain de développement pour l'initiative « Migration et développement ».

Le plan d'investissement stratégique retenu porte sur les objectifs suivants : l' amélioration des connaissances disponibles et la mise à niveau des opérateurs intervenant dans le champ des transferts de fonds (mobilisant au maximum 10 % des ressources du fonds) ; l'appui aux réformes des cadres réglementaires nécessaires à l'amélioration des transferts (au maximum 15 %) ; le développement de nouveaux produits financiers (au minimum 25 %) ; l'appui à l' investissement productif (au minimum 15 %) et l'appui au développement local (au minimum 15 %) dans les pays d'origine des migrants.

Le fonds est ouvert à tous les contributeurs qui souhaiteraient soutenir cette initiative. Ses deux contributeurs actuels sont le Fonds international pour le développement de l'agriculture (FIDA), à hauteur de 200 000 dollars , et la France , qui s'est engagée pour 6 millions d'euros sur trois ans : conformément au cadre d'entente conclu avec la BAfD en novembre 2008, 0,5 million d'euros ont été payés sur le budget 2008, un versement de 2,6 million a été effectué en 2009 et un versement de 0,9 million est programmé pour 2010. Les crédits prévus par le présent PLF à ce titre, soit 2 millions d'euros en CP , seront utilisés afin de poursuivre la dotation du fonds en 2011 et, ce faisant, solder le paiement des 6 millions pour lesquels s'est engagé notre pays.

Il faut souligner ici que le montant des transferts financiers des migrants , évalués à 317 milliards de dollars en 2009 pour les seuls transferts formels (contre 338 milliards en 2008, cette baisse de 6,2 % étant imputable à la crise économique mondiale) représente plus de deux fois et demie le montant global d'APD consenti par les Etats membres du CAD de l'OCDE (soit 119,6 milliards de dollars en 2009 55 ( * ) ).

2. Les « aides à la réinstallation des migrants dans leur pays d'origine » (2,5 millions d'euros en AE et CP)

L'action n° 2 « Aides à la réinstallation de migrants dans leur pays d'origine » est conduite par l' Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), opérateur créé en 2009 et qui a succédé à l'ANAEM (Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations). Elle vise à soutenir la réalisation de projets économiques portés par des migrants désirant retourner vivre dans leur pays d'origine après un séjour en France , en renforçant les autres aides existantes (aide au retour volontaire et aide humanitaire).

L'OFII mobilise des opérateurs , en France comme à l'étranger, qui, en apportant leur expertise (étude, suivi et formation) pour garantir la réussite des microprojets, amplifient son accompagnement des migrants candidats à la réinstallation dans les pays d'origine. L'intervention de l'Office lui-même couvre les dépenses d' « aide au projet » individuel. Cette aide vise à soutenir le migrant, de retour dans son pays d'origine après un séjour en France, en l'accompagnant dans la création d'activités économiques génératrices de revenus, sous la forme d'appui à la conception et au suivi de projets ou d'aide financière.

Sont éligibles à ces aides les migrants, porteurs d'un projet de réinstallation, ayant bénéficié d'un dispositif d'aide au retour géré par l'OFII et les migrants, en situation régulière ou irrégulière, porteurs d'un projet de réinstallation, revenus par leurs propres moyens depuis moins de 6 mois, après un séjour d'au moins 2 ans en France. Les aides incluent :

- une aide d'un opérateur technique pour le montage, la réalisation et le suivi d'un projet économique, financé à hauteur d'un coût moyen de 1 200 euros ;

- une aide financière au démarrage du projet, à hauteur de 7 000 euros au maximum en principe . Toutefois, depuis avril 2010, ce montant peut être porté jusqu'à 20 000 euros pour les ressortissants des pays signataires d'un accord de gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire, porteurs d'un projet créateur d'au moins cinq emplois et apportant un financement, sous la forme d'un apport personnel ou de financements extérieurs. Cette aide bonifiée vise en particulier les titulaires d'une carte « Compétence et talent », jeunes professionnels, salariés et étudiants. Votre rapporteur spécial salue cette initiative, qui met en oeuvre les préconisations répétées de son prédécesseur, notre ancien collègue Michel Charasse 56 ( * ) , le plafond de 7 000 euros pouvant se révéler insuffisant dans certains cas de création d'entreprise.

Selon les pays, cet appui peut être complété par un accompagnement social et une formation professionnelle.

À ce jour, le dispositif concerne vingt-neuf pays , dont quatorze dans le cadre d'une convention pour la mise en oeuvre d'aides à la réinsertion signée en avril 2009 entre l'OFII et l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) 57 ( * ) .

D'après les informations transmises à votre rapporteur spécial, en 2009 , 561 projets ont été ainsi été financés par l'OFII , principalement en Roumanie (146 projets), au Mali (93 projets), en Moldavie (81 projets), au Sénégal (53 projets), en Arménie (42 projets) et en Bosnie-Herzégonive (30 projets) ; suivent la Géorgie, le Cameroun, la République démocratique du Congo, la Guinée, la Côte d'Ivoire, le Bénin, le Burkina Faso, l'Algérie, Haïti, l'Afghanistan, l'Irak, l'Iran, le Kosovo, le Pakistan, la Serbie, le Soudan et le Sri Lanka. Au premier semestre 2010, 746 aides à projet ont été attribuées par l'Office ; elles concernent principalement des projets montés en Irak, en Afghanistan, au Soudan, en Roumanie, en Moldavie et au Kosovo.

L' agriculture et l' élevage sont les secteurs d'activité les plus représentés dans les pays d'Europe de l'Est, du Caucase et des Balkans, notamment en Roumanie (86 % des projets), en Bosnie (80 %), en Moldavie (43 %) et en Arménie (35 %). En ce qui concerne les pays d'Afrique Subsaharienne, les principaux secteurs d'activité sont les transports (37 % des projets au Mali) et les services (40 % au Sénégal, où l'on assiste à un développement important de bureaux de conseils). Selon les données que l'OFII a pu recueillir, le nombre moyen d'emplois créés par projet (hors pays couverts par la convention OIM/OFII) s'est élevé en 2009 à 2,24 personnes hors promoteur .

La prévision de crédits prévus par le présent PLF pour l'action ( 2,5 millions d'euros en AE et CP ) est médiocrement justifiée par le PAP « compte tenu des actions engagées rappelées ci-dessus ».

3. Les « autres actions bilatérales de développement solidaire » (27,5 millions d'euros en AE, 25,5 millions en CP)

L'action n° 3 « Autres actions bilatérales de développement solidaire » vise à soutenir, d'une part, les projets participant dans les pays d'origine des migrants à une meilleure maîtrise des flux migratoires , d'autre part, ceux portés par des migrants en faveur du développement économique et social de leur pays d'origine , quelles que soient les modalités de leur contribution.

À ce titre, sont soutenus des projets liés à des politiques sectorielles (santé, formation professionnelle, etc.) identifiées avec les Etats partenaires et tendant à favoriser le maintien des populations dans les zones concernées, ainsi qu'aux objectifs du co-développement présentés ci-dessus. Ces projets, le plus souvent, s'inscrivent dans le cadre d'accords de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire.

Pour la mise en oeuvre, le ministère chargé de l'immigration s'appuie notamment sur l' Agence française de développement . À ce jour, l'AFD est ainsi impliquée dans deux projets d'appui au montage de projets individuels, concernant la création de PME au Maroc par des Marocains résidant en France. Sont également mobilisées les ONG et les associations de solidarité issues de la migration, ainsi que sur les collectivités territoriales.

Les crédits demandés pour 2011 (27,5 millions d'euros en AE et 25,5 millions en CP) visent à couvrir :

- d'une part, à hauteur de 3,5 millions d'euros en AE et 3,2 millions en CP , le soutien aux projets de la coopération décentralisée , des ONG et des organisations issues des migrations . On notera que les préfectures sont mobilisées pour identifier des projets impliquant les associations de migrants ;

- d'autre part, pour 24 millions d'euros en AE et 22,3 millions en CP , les projets financés dans le cadre du volet « développement solidaire » des actuels et futurs accords de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire . Comme il a été précisé, en 2011 vingt pays devraient être signataires, avec la France, de ce type d'accords.


* 55 Cf . supra , chapitre I (I, A).

* 56 Cf . en dernier lieu le rapport précité n° 101 (2008-2009), tome III, annexe 4.

* 57 Arménie, Bénin, Burkina-Faso, Bosnie-Herzégovine, Cameroun, République démocratique du Congo, Côte d'Ivoire, Géorgie, Guinée Conakry, Haïti, Mali, Moldavie, Roumanie, Sénégal, Tunisie, Ukraine ; et, dans le cadre de la convention OFII-OIM : Afghanistan, Bangladesh, Djibouti, Ethiopie, Inde, Irak (trois gouvernorats kurdes du Nord), Iran, Kenya, Kosovo, Maurice, Pakistan, Serbie, Soudan, Sri-Lanka.