M. Joël Bourdin, rapporteur spécial

ANNEXE 1 -

UN BILAN DU STATUT DES COOPÉRATIVES AGRICOLES

Dans le cadre de la préparation de l'examen du projet de loi de finances pour 2011 , votre rapporteur spécial a conduit à l'automne 2010 un travail sur le thème des sociétés coopératives agricoles . Ces dernières ont pour objet « l'utilisation en commun, par des agriculteurs, de tous moyens propres à faciliter ou à développer leur activité économique, à améliorer ou à accroître les résultats de cette activité » (articles L. 521-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime).

Afin de leur permettre de remplir cette mission spécifique , le législateur a créé, pour les sociétés coopératives agricoles et leurs unions, un statut particulier , régi par un ensemble de dispositions législatives et réglementaires qui les distinguent des sociétés commerciales de droit commun . Ce statut spécifique se décline également en matière fiscale puisqu'elles bénéficient de régimes souvent avantageux , réputés être la contrepartie de leurs obligations statutaires particulières. Ces dernières sont effet analysées par le secteur coopératif comme des limites à la liberté d'entreprendre et à la conduite leurs activités économiques.

Ce statut régit aujourd'hui le fonctionnement d'un secteur économique important , représenté par le syndicat national des entreprises coopératives agricoles, agroalimentaires et agro-industrielles, appelé « Coop de France ». Ce secteur concerne, d'une part, environ 3 000 entreprises (coopératives, unions de coopératives et sociétés d'intérêt collectif agricole), qui pilotent plus de 1 700 filiales soumises au droit commun et, d'autre part, 12 500 CUMA (coopératives d'utilisation de matériel agricole). L'ensemble du secteur aurait réalisé un chiffre d'affaires de plus de 82 milliards d'euros en 2009 , et emploierait en direct plus de 150 000 salariés 64 ( * ) . Enfin, il faut observer que les trois quarts des agriculteurs français sont adhérents d'au moins une coopérative .

Pour dresser son constat, votre rapporteur spécial s'est appuyé sur une série d'auditions dont la liste figure en annexe du présent rapport.

A. PANORAMA DES DIFFÉRENTES SOCIÉTÉS COOPÉRATIVES AGRICOLES

Les données présentées dans les paragraphes suivants émanent, sauf mention expresse, du service de la statistique et de la prospective du ministère de l'Alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Ce dernier procède à deux types d'enquêtes sur les coopératives agricoles (coopératives, sociétés d'intérêt collectif agricole et unions de coopératives, les CUMA ne rentrant pas dans le champ de ces enquêtes) :

- chaque année , il effectue une enquête portant sur les coopératives ayant plus de dix salariés ou réalisant un chiffres d'affaires annuel de plus de 5 millions d'euros 65 ( * ) et exerçant à titre principal une activité industrielle de transformation agroalimentaire ou de commerce de gros de produits agricoles et alimentaires ou d'approvisionnement des exploitations agricoles 66 ( * ) ;

- tous les cinq ans , il réalise une étude plus approfondie concernant également les petites coopératives agricoles , celles qui emploient moins de dix salariés et qui ont une activité parmi celles indiquées précédemment ou, encore, d'exploitation forestière et de scierie.

Compte tenu de ce calendrier, les deux années les plus récentes , pour lesquelles des données chiffrées couvrant l'ensemble du secteur coopératif agricole sont disponibles et peuvent être agrégées, sont 2000 et 2005 . Les résultats de la prochaine enquête exhaustive, qui concerne l'année 2010, ne devraient être connus et exploités qu'en début d'année prochaine.

1. 3 000 coopératives agricoles pour plus de 82 milliards d'euros de chiffre d'affaires

Dans le secteur coopératif, 2 467 entreprises ont été recensées en 2005 . Elles réalisaient, il y a cinq ans, un chiffre d'affaires de 47 milliards d'euros mais, d'après Coop de France, ce montant serait de 82,4 milliards d'euros en 2010 , pour un nombre d'entreprises à peine plus élevé, à savoir 3 000 structures .

Sur ce total, on dénombrait 2 273 PME (soit 92 % du total des entreprises de la coopération agricole) qui ont réalisé un chiffre d'affaires de 15 milliards d'euros (32 % du chiffre d'affaires total). Ces PME employaient 27 249 salariés (soit 41 % de l'effectif total).

Les 194 autres entreprises recensées dans le secteur de la coopération agricole ont réalisé un chiffre d'affaires de 32 milliards d'euros (70 % du chiffre d'affaires total). Au sein de cette seconde catégorie statistique, il y avait 44 grandes entreprises . Celles-ci ont réalisé à elles seules un chiffre d'affaires de près de 15 milliards d'euros (32 % du chiffre d'affaires total). Elles employaient 25 748 salariés (39 % de l'effectif total). 68 % du chiffre d'affaires de ces grandes entreprises est réalisé dans la collecte de produits agricoles auprès des agriculteurs adhérents et l'approvisionnement des exploitations en intrants (ce qui correspond à ce qui est appelé « commerce de gros ») et 32 % dans l' industrie agroalimentaire .

Il convient de souligner qu'à la différence des grandes entreprises, 75 % du chiffre d'affaires total du secteur coopératif agricole est réalisé dans l'activité de collecte et d'approvisionnement, et seulement 25 % dans l'industrie agroalimentaire.

Entre 2000 et 2005 , il ressort de l'enquête que le nombre d'entreprises du secteur coopératif agricole a globalement diminué : il est passé de 2722 entreprises à 2 467, soit 255 entreprises de moins en cinq ans (- 10 %).

Cette évolution a davantage affecté :

- les PME , avec 242 entreprises qui ont ainsi disparu (contre 13 grandes entreprises). Cette évolution semble étroitement corrélée à la taille de la structure puisque sur ces 242 disparitions, 144 concernent des micro-entreprises et 98 des petites entreprises ;

- le commerce de gros , touché à hauteur de 137 entreprises (11 % du total du secteur) contre 118 dans l'industrie agroalimentaire (8 % du total de cette industrie). En outre, le nombre de disparitions de grandes entreprises est de deux dans l'industrie agroalimentaire et de onze dans le commerce de gros (soit cinq fois plus).

2. La constitution de grands groupes coopératifs dans le monde agricole

Les groupes coopératifs sont constitués par une tête de groupe , qui est soumise au statut coopératif et par des entreprises contrôlées , qui sont soit des unions de coopératives avec un nombre limité de membres soit, le plus souvent, des sociétés de droit commun , alors couramment désignées sous le terme de filiales .

Pour appréhender cette réalité, complexe car elle transcende les catégories statistiques classiques fondées sur le statut juridique (coopératives d'un côté, sociétés commerciales de l'autre), le service de la statistique et de la prospective du ministère de l'Alimentation, de l'agriculture et de la pêche a effectué une étude particulière sur ces groupes coopératifs . Il s'agit d'un travail expérimental réalisé sur la période 1995-2005. Il montre l'existence d'un phénomène incontestable de développement de ces groupes :

- en 1995, on recensait 125 têtes de groupes qui contrôlaient 783 entreprises (89 à statut coopératif et 694 à statut non coopératif) ;

- en 2005, on dénombrait 392 têtes de groupes qui contrôlaient 1 880 entreprises (136 à statut coopératif et 1744 à statut de sociétés commerciales) ;

- par ailleurs, sur la même période, le nombre d'entreprises à statut non coopératif contrôlées par plusieurs groupes est passé de 54 à 309.

Cette évolution est largement imputable à la loi n°91-5 du 3 janvier 1991 modifiant diverses dispositions intéressant l'agriculture et la forêt, qui a permis aux coopératives agricoles de développer des activités aval (transformation agroalimentaire en particulier), mais uniquement dans le cadre de sociétés commerciales de droit commun en vue de limiter les distorsions de concurrence avec les entreprises de droit commun.

Les principaux groupes coopératifs français en 2009

ENTREPRISES

ACTIVITES PRINCIPALES

MARQUES PRINCIPALES

Chiffre d'affaires consolidé 2009
(en millions d'euros)

01

In Vivo

Céréales et nutrition animale

Gamm Vert,
Semences de France

5 100

02

Sodiaal

Lait

Yoplait, Candia,
Riches Monts, Nactalia

4000

03

Terrena

Polyvalente

Gastronome, Douce France, Paysan Breton, Soviba

3 484

04

Tereos

Sucre, céréales

Beghin Say, L'Antillaise,
La Perruche, Origny

3 309

05

Axéréal

Céréales

Banette, Francine, Lemaire, Treblec

2 800

06

Champagne Céréales

Céréales

Banette , Francine

2 512

07

Triskalia

Polyvalente

Paysan Breton, Prince de Bretagne, Regilait, Ronsard

2 200

08

Agrial

Polyvalente

Florette, Manon,
Priméale, Prim'Co

2 171

09

Cooperl
Arc Atlantique

Viande

Calidel, Brocéliande

1 500

10

Groupe Even

Lait et nutrition animale

Even, Paysan Breton,
Mamie Nova, Kerguelen

1 400

11

Euralis

Polyvalente

Rustica, Montfort-Grimaud,
Rougié- Bizac

1 294

12

Limagrain

Semences, Bio-santé

Limagrain, Vilmorin, Clause, Pain Jacquet

1 233

13

Cristal union

Sucre

Daddy

1 200

14

Cecab

Polyvalente

D'aucy

1 147

15

Maïsadour

Polyvalente

Delpeyrat, Sarrade,

Montagne Noire

1 003

16

Maitres Laitiers du Contentin

Lait

Montembourg

924

17

Unéal

Polyvalente

820

18

Scael

Céréales

686

19

Glac

Lait

Lescure, Saint Loup, Surgères

665

20

3 A

Lait

Boncolac

637

Source : rapport sur la coopération agricole en France, Coop de France, novembre 2010

B. LES PRINCIPES GÉNÉRAUX QUI RÉGISSENT CE SECTEUR

1. Des contraintes spécifiques

Le statut coopératif impose des obligations , qui s'analysent comme des limites à la liberté d'entreprendre et qui encadrent la gestion de leur activité 67 ( * ) :

- l' intervention de l'autorité administrative lors de leur création et de leurs opérations d'extension (objet social, zone ou, encore, fusion), mais aussi tout au long de leur période d'activité. Le statut de coopérative agricole est en effet subordonné à l'obtention d'un agrément délivré par le HCCA, établissement d'utilité publique. En outre, cet agrément peut être retiré si une entreprise ne remplit plus les conditions fixées par les textes. Outre, les contrôles de droit commun touchant toute entreprise (contrôle légal des comptes, contrôles fiscaux, contrôles de l'inspection du Travail), les coopératives agricoles sont soumises à des contrôles spécifiques portant sur le respect du statut coopératif, réalisés par le HCCA ;

- l'encadrement du choix des sociétaires . Les sociétaires autorisées sont réunis dans une liste limitative, fixée par l'article L. 522 du code rural (agriculteurs, personnes ayant des intérêts qui correspondent à l'objet social de la coopérative et souscrivent l'engagement d'utiliser ses services, groupement agricole d'exploitation en commun, associations d'agriculteurs, autres sociétés coopératives) ;

- la limitation de l'objet de la coopérative , qui oblige cette dernière à ne réaliser que des opérations en lien avec l'activité agricole de ses adhérents, tout élargissement de l'objet étant soumis à agrément ;

- la délimitation d'un champ d'action territorial . La coopérative est au service des agriculteurs implantés sur une zone géographique définie, cette zone, dont la modification reste soumise à l'approbation de l'autorité administrative, constituant un élément substantiel de l'agrément ;

- le service exclusif des adhérents (appelé également « règle de l'exclusivisme »). La coopérative ne peut faire d'opérations qu'avec ses adhérents, ceux-ci ayant en contrepartie l'obligation d'utiliser ses services. Les textes en vigueur prévoient toutefois la possibilité de déroger à cette règle de l'exclusivisme, mais seulement :


• dans certaines limites (les opérations réalisées avec des tiers non adhérents ne doivent pas dépasser 20 % du chiffre d'affaires annuel ) ;


• sous certaines conditions (tenir une comptabilité spéciale pour ces opérations assujetties aux règles fiscales de droit commun et s'engager à se soumettre à une révision tous les cinq ans, qui est un véritable contrôle de conformité au statut coopératif ) ;

- une gouvernance fondée sur le principe démocratique d' une voix par adhérent, quel que soit le montant des parts sociales souscrites. Le HCCA précise que « cette règle peut néanmoins souffrir quelques correctifs pour tenir compte des équilibres économiques, mais, par le jeu de la pondération des voix en fonction de l'importance des activités et de la qualité des engagements, un même associé ne peut en aucun cas disposer de plus du vingtième des voix » ;

- en l'absence de distribution des dividendes, des règles spécifiques d'affectation du résultat fondées sur des ristournes , versées proportionnellement aux activités réalisées entre l'associé coopérateur et la coopérative, et un intérêt fixe aux parts sociales déterminé par les statuts et donc toujours plafonné ;

- l' impossibilité de partager entre les adhérents les réserves en cours de vie sociale et le boni de liquidation en cas de dissolution de la coopérative. Selon le principe de la « dévolution désintéressée », ces fonds doivent être redistribués à d'autres coopératives ou à des oeuvres d'intérêt général agricole.

A ces obligations, votre rapporteur spécial ajoute d'autres contraintes de nature plus directement économique :

- les coopératives n'ont pas ou peu accès aux marchés de capitaux , de sorte qu'elles dépendent de leurs fonds propres ou du recours au crédit ;

- à la différence des sociétés de droit commun qui bénéficient de la possibilité de négocier individuellement les prix avec leurs fournisseurs, les coopératives sont soumises à un cadre plus strict et dégagent de ce fait en moyenne une marge bénéficiaire inférieure à celle des autres sociétés ;

- enfin, les sociétés coopératives ne peuvent pas refuser l'adhésion d'un membre , y compris si sa contribution à la coopérative est discutable (dans le cas où, par exemple, ses volumes de production seraient trop faibles).

2. Un encadrement du processus de filialisation depuis 1991

Le cadre introduit par la loi précitée du 3 janvier 1991 a conduit les coopératives agricoles à créer des filiales à statut de société commerciale par apport partiel d'actifs de leur activité de transformation. Elles ont également utilisé le système des « holdings » , qui permet d'exercer un contrôle indirect de la filiale à partir de la détention majoritaire du capital dans la holding. En tout état de cause, il n'y a pas eu de voie unique empruntée pour filialiser.

Afin de tirer les conséquences de ces nouvelles réalités du secteur coopératif, les pouvoirs publics ont imposé aux coopératives agricoles de consolider leurs comptes à partir de 1999 .

Créées à l'origine par apports partiels d'actifs qui étaient dans les coopératives, les filiales se développent aujourd'hui selon des modalités de plus en plus diversifiées et y compris par le rachat d'entreprises .

Si les contraintes spécifiques qui pèsent sur le statut coopératif expliquent l'existence en contrepartie d' avantages fiscaux non négligeables , ces derniers font l'objet de remises en cause grandissantes.

C. UN RÉGIME FISCAL QUI FAIT L'OBJET DE CONTESTATIONS

1. Des avantages fiscaux indéniables

Les sociétés coopératives agricoles bénéficient de nombreux avantages fiscaux , tels que des exonérations totales ou partielles d' impôt sur les sociétés (IS) pour un montant estimé à 50 millions d'euros ; de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) 68 ( * ) pour un coût total de 10 millions d'euros ; des impôts issus de la suppression de la taxe professionnelle, à savoir la contribution économique territoriale (CET), composée de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ; d' impôt forfaitaire annuel (IFA) ; de la taxe sur les salaires 69 ( * ) ; de taxe d'apprentissage 70 ( * ) ; de droit d'enregistrement sur les mutations immobilières 71 ( * ) ; de taxe sur les bureaux en Île-de-France ...

Le tableau de la page suivante, issu d'informations transmises par la Direction de la législation fiscale à votre rapporteur spécial récapitule certaines de ces mesures, dont le coût total est estimé à 110 millions d'euros .

Exemples de mesures fiscales en faveur des coopératives

Objet de la mesure

Articles du CGI

Texte instaurant la mesure

Exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties des bâtiments affectés de manière permanente et exclusive à un usage agricole par les sociétés coopératives et leurs unions.

1382-6°

Loi du 5 août 1920

Exonération de taxe d'apprentissage au profit des coopératives d'utilisation de matériel agricole (CUMA), des coopératives d'insémination artificielle et des coopératives d'approvisionnement et d'achat.

224-2-3°

Loi du 13 juillet 1925

Exonération de droits d'enregistrement au profit des :

- sociétés coopératives agricoles de céréales et leurs unions ;

- moulins coopératifs, coopératives de meunerie et de meunerie-boulangerie créés et fonctionnant sous le régime prévu par le titre II du livre V du code rural.

Toutefois, conformément à l'article 1020 du CGI, les acquisitions ou ventes immobilières effectuées par ces sociétés coopératives ne sont pas exonérées et sont soumises à une taxe de publicité foncière au taux de 0,60 %, majoré de la taxe additionnelle de 0,1 % perçue au profit de l'Etat.

1030

Loi du 15 août 1936

Exonération d'impôt sur les sociétés en faveur des sociétés coopératives agricoles d'approvisionnement et d'achat ainsi que leurs unions pour les opérations effectuées avec les sociétaires et à condition qu'elles fonctionnent conformément aux dispositions qui les régissent.

207-1-2°

Décret du 9 décembre 1948

Exonération d'impôt sur les sociétés en faveur des sociétés coopératives de production, de transformation, conservation et vente de produits agricoles, sauf pour les ventes effectuées dans un magasin de détail distinct de leur établissement principal ; les opérations effectuées avec des non-sociétaires ; les opérations de transformation portant sur les produits ou sous-produits autres que ceux destinés à l'alimentation de l'homme et des animaux ou pouvant être utilisés à titre de matières premières dans l'agriculture et l'industrie.

207-1-3°

Décret du 9 décembre 1948

Exonération de tout droit d'enregistrement des actes, pièces et écrits de toute nature concernant les sociétés coopératives d'insémination artificielle et d'utilisation de matériel agricole et leurs unions. Toutefois, conformément à l'article 1020 du CGI, les acquisitions ou ventes immobilières effectuées par ces sociétés coopératives ne sont pas exonérées et sont soumises à une taxe de publicité foncière au taux de 0,60 %, majoré de la taxe additionnelle de 0,1 % perçue au profit de l'Etat.

1031

Loi du 31 juillet 1949

Régime spécifique de taxe sur les salaires au profit des sociétés coopératives de culture en commun, des sociétés coopératives d'utilisation en commun de matériel agricole (CUMA) et des coopératives d'insémination artificielle.

53 bis annexe III

Décret du 8 octobre1955

Exonération d'imposition forfaitaire annuelle au profit des personnes morales exonérées d'impôt sur les sociétés.

223 septies

Loi du 27 décembre 1973

Exonération de CFE au profit des coopératives agricoles et de leurs unions lorsqu'elles emploient au plus 3 salariés ou qu'elles se consacrent à certaines activités (électrification, habitation ou aménagement rural, utilisation de matériel agricole, insémination artificielle, lutte contre les maladies des animaux et des végétaux, vinification, conditionnement des fruits et légumes, organisation des ventes aux enchères).

1451

Loi du 29 juillet1975

Abattement de 50 % de la base d'imposition à la CFE :

- des coopératives agricoles et unions de coopératives agricoles qui ne bénéficient pas de l'exonération prévue à l'article 1451 du CGI ;

- des coopératives ou unions de coopératives d'artisans ou de patrons bateliers et des coopératives maritimes dont le capital est détenu à concurrence de 20 % au moins et 50 % au plus par des associés non coopérateurs et des titulaires de certificats coopératifs d'investissement.

1468

Loi du 29 juillet 1975

Loi du 13 juillet 1992

Déduction en faveur des sociétés coopératives de consommation des boni provenant des opérations faites avec les associés et distribués à ces derniers au prorata de la commande de chacun d'eux.

214-1-1°

Lois codifiées du 15 octobre 1926

Déduction en faveur des sociétés coopératives ouvrières de production de la part des bénéfices nets qui est distribuée aux travailleurs dans les conditions prévues par la loi n° 78-763 du 19 juillet 1978.

214-1-2°

Lois codifiées du 20 juillet 1934

Exonération de taxe sur les bureaux en Île-de-France au profit des coopératives agricoles et de leurs unions à raison des seuls locaux de stockage (les locaux commerciaux et administratifs sont soumis à la taxe).

231 ter-
V-4°

Loi du 30 décembre 1998

Source : Direction de la législation fiscale

Les coopératives bénéficient aussi d' avantages non fiscaux , comme une garantie publique (garantie d'aval de premier rang par France AgriMer dans le cadre des emprunts qu'elles contractent auprès d'institutions bancaires). Cette situation contraste avec celle des sociétés de négoce, qui pour bénéficier de la même garantie ont dû créer une société de caution mutuelle.

Les négociants sont ainsi parmi les plus ardents opposants aux régimes fiscaux dérogatoires des coopératives, récemment remis en cause, non pas au titre des distorsions de concurrence induites par ces régimes, mais sur le fondement de la réglementation européenne sur les aides d'Etat , en France, en Espagne, en Italie ou, encore, en Norvège.

2. Les contentieux communautaires en cours

Plusieurs dossiers ayant trait à des dispositifs en faveur de coopératives sont aujourd'hui en cours d'examen au niveau communautaire et mettent en cause notamment la France .

La confédération française du commerce de gros et du commerce international (CGI), sous l'impulsion de la fédération du négoce agricole (FNA), a ainsi porté plainte en 2004 auprès de la Commission européenne à l'encontre de l'Etat français à propos de différents avantages, notamment fiscaux, accordés par la France aux coopératives agricoles. La CGI observe que les coopératives agricoles françaises bénéficient de nombreux avantages sous forme d'exonérations ou d'abattements de taxes et d'impôts ou de garantie d'Etat, et considère que ces avantages sont constitutifs d'aides d'Etat au sens du droit communautaire, « incompatibles avec le marché commun et illégales ».

Notifiée au Gouvernement français le 22 juillet 2004, cette plainte a suscité trois demandes d'informations de la Commission européenne, donnant lieu à trois réponses de la France en octobre 2004, avril 2006 et novembre 2009. Notre pays a fait notamment valoir les contraintes légales et réglementaires auxquelles sont soumises les coopératives, contraintes qui ont été largement reconnues au niveau communautaire dans le préambule du règlement (CE) n° 1435/2003 du Conseil du 22 juillet 2003 relatif au statut de la société coopérative européenne ainsi que dans la communication de la Commission européenne sur la promotion des sociétés coopératives en Europe, en date du 23 février 2004. Dans ses observations écrites, la France reprend d'ailleurs ces travaux communautaires pour étayer ses observations.

Les chiffrages fournies par le Gouvernement ne permettent pas de répondre pleinement à la Commission, en particulier sur la question de la proportionnalité du régime fiscal et sur la possibilité de ventiler le coût budgétaire des exonérations entre PME et grandes entreprises .

Mais en dépit de ces insuffisances, la Commission européenne n'a, pour l'instant , pas ouvert de procédure formelle d'examen à l'encontre des autorités françaises. Elle pourrait donc laisser la procédure en suspens , ou bien proposer à la France de simples «mesures utiles» pouvant aller de la modification (plus ou moins étendue) du régime fiscal des coopératives agricoles à sa suppression . A ce jour, la Commission européenne n'a toujours pas conclu dans un sens ou dans un autre son examen du régime français 72 ( * ) .

En 2008, la Cour de cassation italienne a saisi la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) d'une question préjudicielle sur le régime fiscal des coopératives de production italiennes. L'audience a eu lieu le 11 mars 2010 mais la CJUE n'a pas encore statué sur cette question préjudicielle. Sous réserve que la CJUE se déclare compétente, son arrêt sera doublement déterminant pour le dossier français :

- en termes de calendrier puisqu'une fois l'arrêt rendu, la Commission européenne pourrait statuer plus rapidement sur le dossier français ;

- sur le fond, la Commission devra tenir compte de l'arrêt pour définir la position qu'elle prendra sur les coopératives agricoles françaises.

Il conviendrait d' attendre le résultat de ces procédures avant de prendre une initiative, quelle qu'elle soit, en matière de réforme des avantages fiscaux accordés aux coopératives agricoles.

D. UNE ÉVOLUTION POSSIBLE A MINIMA CONCERNERAIT LE DISPOSITIF ISSU DE LA SUPPRESSION DE LA TAXE PROFESSIONNELLE

1. L'exonération de contribution économique territoriale dont bénéficient les coopératives agricoles paraît peu équitable...

Sans remettre en cause l'ensemble des mesures fiscales destinées aux coopératives agricoles, votre rapporteur spécial estime possible de remanier l'exonération partielle de contribution économique territoriale (CET) dont ces dernières bénéficient.

Cet impôt, issu de la suppression de la taxe professionnelle (TP), est composé de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Pour les coopératives, l'exonération de TP a été remplacée par une exonération de CFE et de CVAE selon les modalités suivantes :

- les coopératives qui étaient exonérées de TP sont désormais exonérées de CET . A l'instar de toutes les autres exonérations de plein droit de TP, l'exonération bénéficiant à la plupart des coopératives agricoles est reconduite à l'identique pour l'application de la CFE et, par voie de conséquence, pour l'application de la CVAE. Le champ de l'exonération propre aux coopératives agricoles, prévue à l'article 1451-I du CGI, est circonscrit soit par le nombre de salariés (trois salariés au plus, ce qui concerne a priori les coopératives de taille modeste), soit par l'activité, qui doit figurer dans une liste limitative établie par l'article 73 ( * ) ;

- les coopératives qui étaient taxées à la TP sur une base réduite sont désormais taxées à la CFE sur une base réduite ;

- enfin, les activités imposables à la CFE exercées par les coopératives sont imposables à la CVAE dans les conditions de droit commun . Et la réduction de base n'étant pas étendue à la CVAE, les coopératives sont imposables à la CVAE dès lors que leur chiffre d'affaires est supérieur à 500 000 euros, comme pour tous les redevables.

Ce régime n'est guère équitable puisqu'il conduit les coopératives à être exonérées de CFE et de CVAE y compris pour les opérations réalisées avec des tiers , ce qui semble difficilement justifiable aux yeux de votre rapporteur spécial.

2. ... il conviendrait donc de réfléchir à en limiter le champ

Le régime fiscal dérogatoire bénéficiant aux coopératives agricoles pourrait être limité s'agissant de la CET et ce, d'au moins trois manières comme l'ont souligné les représentants du ministère de l'Economie, de l'industrie et de l'emploi lors de leur audition par votre rapporteur spécial. Il pourrait ainsi s'agir :

- d'une limitation du champ de l'exonération de CET , à l'instar du dispositif d'exonération d'impôt sur les sociétés, aux seules opérations réalisées avec les coopérateurs . Cette solution présente l'avantage de la cohérence entre les impôts mais se heurte à la difficulté de sectoriser les activités en matière de CFE dont la base est constituée de biens ;

- d'un plafonnement des avantages fiscaux . L'exonération et la réduction de base seraient placées sous un encadrement de minimis . Mais si cette solution présente l'avantage de la simplicité, elle risque de fragiliser les autres exonérations de plein droit de CET dont la plupart, héritées de la patente, n'ont de ce fait été ni notifiées ni plafonnées ;

- d'une limitation du bénéfice de l'exonération aux seules coopératives de taille modeste , soit en généralisant l'actuel seuil de trois salariés au plus, ce qui aurait pour effet d'exclure la plupart des coopératives d'utilisation de matériel agricole (CUMA), qui emploient plus de trois salariés tout en étant de taille modeste, soit en se référant à la définition communautaire de la PME.


* 64 Ces deux chiffres, fournis par Coop de France, correspondent à un périmètre économique incluant les filiales des sociétés coopératives, quel que soit leur statut.

* 65 38 millions d'euros si l'activité concerne le commerce de gros.

* 66 Sont toutefois exclues du champ de cette enquête la boulangerie-pâtisserie artisanale, la charcuterie artisanale et la fabrication de boissons.

* 67 Liste établie par le Haut Conseil de la Coopération agricole (HCCA).

* 68 La TFPB, créée par la loi du 31 décembre 1973, frappe les propriétaires d'immeubles bâtis (en application, aujourd'hui, de l'article 1380 du code général des impôts). Il existe une exemption pour les « bâtiments ruraux », c'est-à-dire les bâtiments à usage agricole autres que les locaux d'habitation (article 1382-6-a du code général des impôts). Cette exemption bénéficie, pour leurs bâtiments ruraux, aux sociétés coopératives agricoles (article 1382-6-b du code général des impôts).

* 69 Les sociétés coopératives de culture en commun et les sociétés coopératives d'utilisation en commun de matériel agricole (CUMA) ne sont redevables de la taxe que pour les salaires alloués aux membres de leur personnel occupés dans leurs services administratifs et leurs ateliers de réparation.

* 70 La taxe (article 224 du code général des impôts) n'est pas réclamée aux sociétés et collectivités passibles de l'IS mais qui en sont intégralement exonérées. Seules sont assujetties les coopératives de production, transformation, conservation et vente de produits agricoles, ainsi que leurs unions (article 224 2 3° du code général des impôts).

* 71 Il s'agit de droits proportionnels (4,89 %) perçus, depuis la loi du 22 frimaire An VII, à l'occasion de certains actes juridiques soumis à la formalité de l'enregistrement. Deux types de coopératives agricoles sont soumis au taux réduit de 0,60 % du droit de mutation (auquel s'ajoute un prélèvement de 2,50 %) :

- les coopératives de blé ou de céréales ;

- les coopératives d'insémination artificielle (CIA) ou d'utilisation du matériel agricole (CUMA).

* 72 En décembre 2009, la Commission a toutefois conclu à l'incompatibilité de certaines dispositions du régime fiscal des coopératives agricoles espagnoles avec la réglementation européenne sur les aides d'Etat. Le gouvernement espagnol n'a pas fait appel. Cette décision est l'application d'une doctrine que la Commission avait déjà appliquée à propos des coopératives (non agricoles) norvégiennes dans le cadre d'une décision prise par l'Autorité de surveillance de l'Espace économique européen en juillet 2009. Cette décision de la Commission sur le régime fiscal des coopératives agricoles espagnoles pourrait constituer un précédent.

* 73 Il s'agit des coopératives agricoles qui se consacrent à l'électrification ; à l'habitat ou à l'aménagement rural ; à l'utilisation de matériel agricole ; à l'insémination artificielle ; à la lutte contre les maladies des animaux et des végétaux ; à la vinification ; au conditionnement des fruits et légumes ; et, enfin, à l'organisation des ventes aux enchères.