III. DÉBATS AN PREMIÈRE LECTURE DU 19 OCTOBRE 2011 (2ÈME SÉANCE)

Article 3

M. le président. « Art. 3. - I. - La section 0I du chapitre III du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts est intitulée : « Contribution exceptionnelle sur les hauts revenus » et il est rétabli un article 223 sexies ainsi rédigé :

« Art. 223 sexies.- I. - 1° Il est institué à la charge des contribuables passibles de l'impôt sur le revenu, une contribution de 3 % sur la fraction du revenu fiscal de référence du foyer fiscal, tel que défini au 1° du IV de l'article 1417 sans qu'il soit fait application des règles de quotient définies à l'article 163-0 A, qui excède les limites suivantes :

« - 500 000 euros pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés ;

« - 1 000 000 euros pour les contribuables soumis à imposition commune.

« 2° La contribution est déclarée, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes garanties et sanctions qu'en matière d'impôt sur le revenu.

« II. - 1° Les contribuables qui remplissent les conditions mentionnées au 1° du I ne sont toutefois pas redevables de la contribution lorsque la moyenne des revenus fiscaux de référence du foyer fiscal de l'année d'imposition et des deux années précédentes est inférieure à 500 000 euros pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés et 1 000 000 euros pour les contribuables soumis à imposition commune.

« Cette disposition est applicable aux contribuables qui ont été passibles de l'impôt sur le revenu au titre des deux années antérieures à celle de l'imposition.

« 2° En cas de modification de la situation de famille du contribuable au cours de la période de référence, la moyenne mentionnée au 1° est établie selon les modalités suivantes :

« a) En cas d'union, à partir des revenus fiscaux de référence du couple et de la somme des revenus fiscaux de référence des foyers fiscaux auxquels les conjoints ont appartenus.

« Toutefois, en cas d'option au titre de l'année d'établissement de la contribution pour l'imposition séparée définie au second alinéa du 5 de l'article 6, les dispositions du présent 2° ne sont pas applicables ;

« b) En cas de divorce, séparation ou décès, à partir des revenus fiscaux de référence du foyer fiscal auquel le contribuable passible de la contribution a appartenu au cours de cette période.

« Le bénéfice des dispositions du présent 2° est subordonné au dépôt d'une réclamation comprenant les informations nécessaires au calcul de la moyenne calculée selon les modalités ainsi précisées.

« Les réclamations sont adressées au service des impôts dans le délai prévu aux articles R. 196-1 et R. 196-3 du livre des procédures fiscales. Elles sont présentées, instruites et jugées selon les règles de procédure applicables en matière d'impôt sur le revenu ;

« 3° Pour le calcul de la moyenne mentionnée au présent II, le revenu fiscal de référence déterminé au titre des années 2009 et 2010 s'entend de celui défini au 1° du IV de l'article 1417. Il s'entend de celui défini au 1° du I du présent article pour les revenus fiscaux de référence déterminés à compter de 2011. »

II. - La fin du dernier alinéa du 1 de l'article 170 du même code est ainsi modifiée :

1° Après la référence : « 163 quinquies C bis », le mot : « et » est remplacé par le signe : « , » ;

2° Après la référence : « 7 du III de l'article 150-0 A », sont insérés les mots : « et le montant net imposable des plus-values mentionnées aux articles 150 U à 150 UD. »

III. - 1° Le I est applicable à compter de l'imposition des revenus de l'année 2011 et jusqu'à l'imposition des revenus de l'année 2013 ;

2° Le II s'applique aux plus-values réalisées au titre des cessions intervenues à compter du 1 er janvier 2011.

Sur l'article 3, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Olivier Carré.

M. Olivier Carré. Tout à l'heure, Mme Mazetier a eu l'amabilité de retracer un bilan. Je me contenterai, pour ma part, alors que nous sommes en 2011 et que nous préparons 2012, de rappeler quelques points.

Premier point : l'imposition des très hauts revenus dont on va bientôt débattre se traduira - et nous avons fait ce calcul avec Gilles Carrez - par une surimposition de 3,9 milliards d'euros uniquement concentrés sur quelques milliers de ménages. Cette mesure, qui n'est peut-être pas suffisante, a été votée par notre majorité. Il faut retrancher de cette somme la partie de l'ISF payée par ces ménages, partie qui a été corrigée, sachant que ce n'est pas forcément les ménages très aisés qui sont le plus épargnés par la réforme de l'ISF, mais plutôt ceux appartenant aux premières tranches et qui ont bénéficié dès 2011 de la modification votée lors du dernier PLFR. Le chiffrage évolue de 1,1 milliard à 1,8 milliard.

Deuxième point, et vous l'avez évoqué, ce qui restera de la loi TEPA est une vraie niche : celle des heures supplémentaires, laquelle s'élève à 4,5 milliards d'euros. Je ne suis pas certain que cette niche favorise les mêmes personnes. Le bilan pour le budget de 2012 se présente ainsi : près de 3 milliards d'impôts en plus pour les uns et 4,5 milliards d'impôts en moins pour ceux qui ont travaillé plus.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Il est bien que j'intervienne après M. Carré, lequel vient de nous donner de drôles de chiffres et de faire de drôles d'additions. C'est ce que l'on appelle, chez moi, mélanger les carottes et les poireaux. Or quand on veut acheter des carottes, on n'a pas envie d'avoir des poireaux, monsieur Carré ! Il faut dire la vérité aux Français !

S'agissant de l'article 3 sur lequel vous venez de vous exprimer, les documents fournis par le Gouvernement mentionnent un rendement de 200 millions d'euros. Il est inutile d'essayer de faire croire que vous allez opérer un prélèvement de 3,9 milliards. Vous avez parlé d'ailleurs d'une déduction sans pour autant en préciser le montant. Il conviendrait ainsi de déduire 1,8 milliard, il ne reste donc plus que 2,1 milliards. Mais nous parlons ici de 200 millions d'euros. Alors, soyons sérieux ! Vous envisagez la création d'une taxe sur les hauts revenus dont vous estimez que la recette s'élèvera à 200 millions d'euros. Il est écrit noir sur blanc que cette taxe sera acquittée par les personnes qui toucheront plus de 500 000 euros de revenus annuels. Chacun comprendra que cela ne concernera que les très hauts revenus, donc peu de monde. De plus, pour un ménage soumis à imposition commune, la somme passe à 1 million d'euros. Nos compatriotes doivent savoir que les 3 % que vous proposez ne portent pas sur les 500 000 euros ou sur le million d'euros, mais sur les sommes supérieures à ces seuils. Et même si vous modifiez le seuil par amendement, vous savez que le raisonnement est identique. Il ne s'agit donc absolument pas d'une mesure de justice fiscale, il n'y a aucune amorce d'une réforme fiscale remettant de la progressivité dans l'impôt sur le revenu, mais c'est bel et bien une mesure de pur affichage.

Je reviendrai sur l'argument selon lequel vous auriez demandé beaucoup d'efforts aux hauts revenus. Vous mélangez, en réalité, les mesures sur les successions et celles sur le patrimoine. En matière de patrimoine, vous avez d'ailleurs consenti un gros cadeau. Est-ce vrai madame la ministre ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Non !

M. François de Rugy. Il s'agit de 700 millions étalés sur trois ans au niveau du bouclier fiscal et de 1,8 milliard s'agissant de l'impôt de solidarité sur la fortune.

Taxer les revenus du travail de préférence au patrimoine dormant ne témoigne pas d'une logique économique et sociale particulièrement glorieuse !

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Vous remarquerez, mes chers collègues, que le groupe socialiste n'a déposé aucun amendement sur l'article 3. Nous allons donc vous laisser vous débrouiller entre vous.

Selon les études portant sur cet article 3, deux options se présentent. La première tend à créer une tranche supplémentaire de l'impôt sur le revenu. L'étude donne les avantages et les inconvénients. La seconde, objet de cet article 3, consiste à prévoir une contribution proportionnelle. Parce que nous sommes cohérents, nous prononçons en faveur de l'option un. J'ai cru comprendre qu'un certain nombre de nos collègues de l'UMP, ce qui semble d'ailleurs embarrasser le Gouvernement, y sont aussi favorables. Nous ne participerons donc pas au débat consistant à s'interroger sur le point de savoir s'il faut situer le seuil à 500 000, à 250 000 ou à 150 000 euros ; à 3, à 5 ou à 10 %. C'est une politique de gribouille. Nous expliquerons, même si nous l'avons déjà précisé, les raisons pour lesquelles nous sommes pour l'option un. Je me permettrai simplement un commentaire. Je n'ai pas été le seul à dire et à répéter que la mesure prévue à l'article 3 est une taxe cosmétique, laquelle ne s'applique, comme l'a rappelé François de Rugy et comme je l'ai précisé cet après-midi ici même, qu'au-delà des 500 000 euros. Donc, une personne qui gagne 510 000 euros par an paiera une taxe de 300 euros. Chacun appréciera. Lorsque l'on gagne quarante fois le SMIC, on paie 300 euros !

Nous sommes très clairs et très cohérents. Nos collègues qui se sont exprimés tout à l'heure à la tribune, dont certains du Nouveau Centre, pour dire qu'ils préféraient, comme nous, l'option un devraient clairement réfléchir et assumer, en toute cohérence, leurs propos. Ils doivent donc persévérer et défendre leurs amendements. Chacun doit prendre ses responsabilités. Nous prenons clairement les nôtres. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Madame la ministre, votre demande de réserve de l'article 2 n'est pas très respectueuse du débat parlementaire et surtout du débat au sein de votre propre majorité. En effet, comme l'a rappelé mon collègue Eckert, remettre un peu de justice dans notre fiscalité suppose de supprimer un certain nombre de niches fiscales permettant d'exonérer d'impôt sur le revenu les contribuables les plus fortunés. Cela suppose de supprimer les prélèvements libératoires qui font que lorsque l'on a beaucoup de revenus du capital, on n'est jamais imposé au barème de l'impôt sur le revenu. Cela implique donc d'asseoir de nouveau notre impôt sur le revenu sur une assiette large et de remettre de la progressivité. Le groupe socialiste proposera un amendement en ce sens, qui tendra à créer une tranche à 45 % pour les revenus supérieurs à 100 000 euros. Je crois me souvenir que cet amendement a souvent été proposé par le groupe Nouveau Centre et que cette disposition était d'ailleurs accompagnée d'une disparition progressive des prélèvements forfaitaires. C'est aussi le sens de l'amendement de M. Piron. En faisant cette pirouette, madame la ministre, vous supprimez tout débat sur une réforme qui s'impose, qui a un sens, qui pourrait être immédiatement décidée et qui se justifierait pleinement dans la conjoncture actuelle. Elle consisterait à corriger une imposition du revenu dont nous savons tous, parce que nous avons tous lu les rapports de notre commission des finances, que, grâce à elle, les mille plus hauts revenus ne sont imposés qu'à 25 % et que les dix plus hauts le sont à moins de 20 %. Il est nécessaire de corriger ce point. Votre taxe ne répond pas à cette question. C'est la raison pour laquelle nous n'avons déposé aucun amendement sur cet article. Nous souhaitons, en revanche, avoir un véritable débat sur une réforme fiscale qui, je le crois, s'impose aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, dans cette affaire, deux solutions s'offraient à nous.

Nous pouvions créer une tranche supplémentaire en retenant le taux et le seuil allemands, c'est-à-dire un taux de 45 % et un seuil de 250 000 euros. Sachant que ce montant outre-rhin ne correspond pas à notre revenu fiscal miné par divers abattements et réductions auxquels s'ajoute le quotient familial qui nous est propre, l'équivalent se situerait donc plutôt aux environs de 180 000 euros. Nous pouvions également nous en tenir à la thèse initialement présentée par le Gouvernement dans le projet de loi de finances : un taux de 3 % s'appliquerait au-delà de 500 000 euros par part avec une conjugalisation plutôt qu'une familialisation.

Monsieur Muet, les députés du Nouveau Centre n'ont jamais changé de position.

Nous avons d'abord dit au Gouvernement que le taux de 3 % n'était pas cohérent. En effet, si l'on ajoute ces 3 % au taux supérieur actuel de 41 %, on obtient 44 %, ce qui ne correspond pas au taux allemand de 45 %. Le Gouvernement a écouté ceux qui lui faisaient cette remarque : il a accepté l'application d'un taux de 4 % au-delà du seuil de 500 000 euros.

Nous avons ensuite débattu du seuil avec le Gouvernement. Celui de 500 000 euros concernait 6 000 à 7 000 foyers fiscaux sur un total de plus de 33 millions. Cela n'était pas suffisant, il fallait se montrer raisonnable. Nous avons finalement accepté les 250 000 euros par part au lieu des 150 000 parce qu'intervient le concept allemand de revenu de référence. Ce point est essentiel et nous met en cohérence avec l'Allemagne, au moins pour la tranche supérieure. En effet, entre le revenu fiscal et le revenu de référence, l'écart est immense. Monsieur Muet, votre thèse serait juste si nous refondions intégralement l'impôt sur le revenu en supprimant toutes les niches et tous les abattements créés par la droite comme par la gauche - en la matière, les choses sont assez bien partagées. Mais, évidemment, nous ne ferons pas cette grande réforme de l'impôt sur le revenu dans la dernière loi de finances de la législature.

Une question se posait enfin sur le caractère temporaire ou permanent de la mesure. Le Gouvernement proposait la suppression du dispositif en 2013 ; nous n'étions pas d'accord. Selon nous, pour être cohérent, il ne fallait la supprimer que lors du futur retour à l'équilibre budgétaire.

M. le président. Monsieur de Courson, je vous prie de bien vouloir conclure.

M. Charles de Courson. Vous l'avez constaté : la majorité a voté en commission des amendements qui nous donnent satisfaction sur les trois points que je viens d'évoquer.

Finalement, le schéma retenu est devenu beaucoup plus dur que celui créant une tranche au taux de 45 % sur la base actuelle de l'impôt sur le revenu.

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Madame la ministre, vous nous avez expliqué que la lutte contre les déficits devait s'appuyer exclusivement sur les réductions de la dépense et des mesures comme la suppression d'un fonctionnaire sur deux. Dans ce contexte, je pense qu'il serait juste que les Français disposant des plus hauts revenus assument aussi une part de la crise. Or nous avons l'impression, sinon la certitude, que la mesure que vous proposez, en restreignant le plus possible le nombre de contribuables concernés, n'est quasiment qu'en geste symbolique.

M. de Courson nous objecte que l'on ne pouvait pas commencer une réforme fiscale durant la dernière année de la législature. Pour ma part, je pense que l'on peut toujours bien faire, y compris pendant la dernière année d'un mandat. Vous auriez pu au moins donner un signe.

Pour lutter contre les déficits, il y a plusieurs possibilités. Votre thèse consiste à ne jouer que sur la réduction des dépenses et, après tout, vous l'assumez. Mais il est aussi possible de considérer que nous ne faisons pas rentrer suffisamment de recettes et que le poids qu'elles font peser n'est pas justement réparti. Lorsque l'on compare ce que rapporte votre politique de réduction d'effectifs dans la fonction publique, soit 500 millions d'euros par an, et le coût annuel de la baisse de la TVA pour le secteur de la restauration, on voit bien l'incohérence de vos choix.

Nos propositions auraient pu vous permettre de faire un premier pas sur le chemin de la justice fiscale car c'est cette injustice qui choque le plus les Français. Songez au discours de Toulon du Président de la République qui, en 2008, s'en prenait aux hauts revenus, aux parachutes dorés et aux rémunérations et aux patrimoines excessifs. Décidément, vous vous êtes arrêtés au discours !

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Je veux rappeler que l'impôt sur le revenu est l'un des grands révélateurs de l'esprit de justice au sein d'une nation.

M. Jean Mallot. Très bien !

M. Daniel Garrigue. L'institution de l'impôt sur le revenu a constitué l'une des grandes conquêtes de la République. Toutes celles qui se sont succédé, et en particulier la V e République à ses débuts, se sont attachées à ce que l'impôt sur le revenu soit un véritable impôt.

Or depuis quelques années aussi bien les rapports de l'Inspection des finances que ceux de la Cour de comptes ou du Conseil des impôts s'accordent pour considérer que cet impôt est complètement dévitalisé et qu'il a perdu tout caractère redistributif.

M. Christian Eckert. C'est vrai !

M. Daniel Garrigue. Dans la situation dramatique qui est celle de nos finances publiques, cet état de fait est tout de même paradoxal. Plus que jamais, l'effort et l'esprit de justice devraient constituer les deux mots d'ordre de notre politique : tous les citoyens devraient être associés à un effort conduit dans un esprit de justice.

Mais cet effort vous ne voulez pas le mener et la justice vous n'en voulez pas ! C'est pour cette raison que vous reportez l'examen de l'article 2 après l'article 3 et que vous préférez céder aux pressions d'un certain nombre de personnages qui sont les bénéficiaires des bonus et des retraites chapeau, lesquels ont, en fait, proposé une taxe exceptionnelle sur les hauts revenus dans le but de se soustraire à l'effort et à la justice qui devraient être au coeur de la République. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean Mallot. Il reste donc un gaulliste dans cette salle !

M. le président. Nous en venons aux amendements.

Je suis saisi de deux amendements identiques, n os 42 rectifié et 94 rectifié.

L'amendement n° 42 rectifié fait l'objet d'un sous-amendement n° 408.

L'amendement n° 42 rectifié est présenté par M. Carrez, rapporteur général au nom de la commission des finances, M. Censi, M. de Courson, M. Giscard d'Estaing, M. Binetruy, M. Michel Bouvard, Mme Brunel, M. Carayon, M. Carré, M. Chartier, Mme Dalloz, M. Dell'Agnola, M. Deniaud, M. Diefenbacher, M. Flory, M. Forissier, M. Francina, M. Ginesta, M. Goulard, Mme Grosskost, Mme Gruny, M. Joyandet, M. Jean-François Lamour, M. Le fur, M. Mallié, M. Mancel, M. Martin-Lalande, M. Mathis, Mme Pavy, M. Pélissard, M. Perruchot, M. Scellier, Mme Vasseur, M. Vigier, M. Yanno et M. de Rocca Serra.

Et L'amendement n° 94 rectifié est présenté par M. Carrez, M. Jacob, M. Lachaud, M. Deflesselles, M. Kert, M. Carré, M. Alain Cousin, M. Aboud, M. Aeschlimann, M. Albarello, Mme Alliot-Marie, M. Almont, Mme Ameline, Mme Antier, M. Auclair, Mme Aurillac, M. Beaudouin, Mme Barèges,Mme Bassot, M. Bénisti, M. Berdoati, M. Bernier, M. Bernard, M. Bignon, M. Birraux, M. Bourdouleix, M. Bodin, M. Bonnot, M. Bossé, M. Bouchet, M. Blessig, M. Bourg-Broc, Mme Bourragué, Mme Branget, M. Breton, M. Philippe Briand, M. Bussereau, M. Calméjane, M. Cherpion, M. Caillaud, M. Christ, M. Cinieri, M. Ciotti, M. Colombier, Mme Colot, M. Copé, M. Cosyns, M. Jean-Yves Cousin, M. Couve, M. de La Verpillière, Mme de Panafieu, M. Debré, M. Decool, M. Degauchy, M. Delatte, Mme Delong, M. Depierre, M. Descoeur, M. D'Ettore, M. Dhuicq, M. Diard, M. Door, M. Dord, M. Dosne, Mme Dubois, Mme Dumoulin, M. Dupont, M. Durieu, M. Estrosi, M. Fasquelle, M. Favennec, M. Ferrand, Mme Fort,M. Fromion, M. Gandolfi-Scheit, M. Garraud, M. Gatignol, M. Gaudron, M. Gaultier, M. Gaymard, M. Geoffroy, M. Gérard, M. Gest, M. Giran, M. Gonzales, M. Gosselin, M. Grall, M. Grand, Mme Grommerch, M. Grosperrin, M. Grouard, Mme Guégot, M. Guibal, M. Guillet, M. Guilloteau, M. Havard, M. Heinrich, M. Herbillon, M. Herth, Mme Hostalier, M. Huyghe, Mme Irles, M. Jacquat, Mme Joissains-Masini, M. Joulaud, M. Julia, M. Kossowski, M. Labaune, Mme Labrette-Ménager, M. Lamblin, Mme Marguerite Lamour, M. Lancelin, M. Lasbordes, M. Lazaro, M. Jacques Le Guen, M. Lefranc, M. Lefrand, M. Lejeune, M. Léonard, M. Lequiller, M. Lett, Mme Levy, Mme Louis-Carabin, M. Luca, M. Mach, M. Malherbe, Mme Marland-Militello, M. Marlin, M. Philippe Armand Martin, M. Marty, M. Maurer, M. Christian Ménard, M. Menuel, M. Meslot, M. Mignon, M. Morange, M. Morel-A-L'Huissier, M. Morisset, M. Mothron, M. Mourrut, M. Moyne-Bressand, M. Muselier, M. Myard, M. Nicolas, M. Nicolin, M. Pancher, M. Paternotte, M. Perben, M. Perrut, M. Poignant, Mme Poletti, M. Poniatowski, Mme Pons, M. Proriol, M. Quentin, M. Regnault, M. Remiller, M. Reynès, M. Riester, M. Roatta, M. Robinet, Mme Roig, M. Rolland, M. Rossi, Mme Rosso-Debord, M. Roubaud, M. Saddier, M. Saint-Léger, M. Salen, M. Schneider, M. Schosteck, M. Sordi, M. Straumann, Mme Tabarot, M. Tardy, M. Teissier, M. Terrot, Mme Thoraval, M. Trassy-Paillogues, M. Ueberschlag, M. Vandewalle, M. Vanneste, M. Vannson, M. Verchère, M. Vialatte, M. Vitel, M. Michel Voisin, M. Woerth, M. Wojciechowski et Mme Zimmermann.

Ces amendements sont ainsi libellés :

Substituer aux alinéas 2 à 4 les trois alinéas suivants :

« Art. 223 sexies. - I. - 1° Il est institué à la charge des contribuables passibles de l'impôt sur le revenu, une contribution sur le revenu fiscal de référence du foyer fiscal, tel que défini au 1° du IV de l'article 1417 sans qu'il soit fait application des règles de quotient définies à l'article 163-0 A. La contribution est calculée en appliquant un taux de :

« - 3 % à la fraction de revenu fiscal de référence supérieure à 250 000 euros et inférieure ou égale à 500 000 euros pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés et à la fraction de revenu fiscal de référence supérieure à 500 000 euros et inférieure ou égale à 1 000 000 euros pour les contribuables soumis à imposition commune ;

« - 4 % à la fraction de revenu fiscal de référence supérieure à 500 000 euros pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés et à la fraction de revenu fiscal de référence supérieure à 1 000 000 euros pour les contribuables soumis à imposition commune. »

Le sous-amendement n° 408 présenté par M. Sandrier, Mme Amiable, M. Asensi, Mme Billard, M. Bocquet, M. Braouezec, M. Brard, Mme Buffet, M. Candelier, M. Chassaigne, M. Desallangre, M. Dolez, Mme Fraysse, M. Gerin, M. Gosnat, M. Lecoq, M. Muzeau, M. Daniel Paul et M. Vaxès, est ainsi libellé :

I. - Substituer aux alinéas 3 et 4 l'alinéa suivant :

« - 4 % à la fraction de revenu fiscal de référence supérieure à 250 000 euros pour tous les foyers fiscaux. »

II. - En conséquence, compléter cet amendement par l'alinéa suivant :

« II. - En conséquence, après la première occurrence du mot : « à », rédiger ainsi la fin de l'alinéa 6 : « 250 000 euros pour tous les foyers fiscaux ». ».

La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire. Permettez-moi, monsieur le président de commencer par une observation. Depuis 2002, l'opposition nous a constamment demandé d'éviter de traiter de sujets majeurs lors de l'examen des lois de finances à une heure très avancée de la nuit. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

C'est donc par respect de l'opposition que nous avons souhaité examiner l'article 3 à un moment (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et protestations sur les bancs du groupe SRC) ...

M. Christian Eckert. C'est ridicule !

M. Gilles Carrez, rapporteur général . ...où votre esprit est encore vif, monsieur Eckert, et où vous ne cédez pas encore au sommeil qui nous guettera vers deux heures du matin.

M. Michel Vergnier. Pas vous ; pas ça !

M. Gilles Carrez, rapporteur général . En conséquence, monsieur Eckert, au lieu de vous emporter, vous devriez plutôt remercier la ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Mallot. C'est nul !

M. Christian Eckert. Vous vous moquez du monde ! Vous savez très bien qu'il s'agit avant tout pour vous de régler un problème de majorité !

M. Gilles Carrez, rapporteur général . J'en viens à l'amendement de la commission des finances.

La contribution exceptionnelle est assise sur le revenu fiscal de référence.

MM. Philippe Vigier , Charles de Courson et Nicolas Perruchot. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Cette précision est essentielle car, contrairement à ce que vient de dire M. Garrigue, le revenu fiscal de référence a pour caractéristique de prendre en compte à égalité les revenus du travail et du patrimoine.

Monsieur Garrigue, dans le revenu fiscal de référence, il y a les dividendes, les plus-values et les produits financiers. Au contraire, et vous le savez parfaitement car vous êtes un expert, le barème de l'impôt sur le revenu ne s'applique pas aux dividendes. Le recours au revenu fiscal de référence est donc particulièrement juste.

Par ailleurs, plus un ménage est aisé et plus la composante de son revenu issue du patrimoine l'emporte sur celle issue du travail. Si vous en restez au barème, monsieur Garrigue, vous imposerez les revenus du travail et vous passerez totalement à côté de la vraie richesse : celle des patrimoines et des plus-values. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Vigier. Évidemment !

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Avec le revenu fiscal de référence, le Gouvernement nous propose une assiette très innovante et il fait oeuvre de justice. Si l'on veut être objectif, il faut donc commencer par saluer ce choix.

La commission des finances l'a approuvé sans aucune retenue, elle a toutefois estimé que le seuil de déclenchement devait être abaissé à 250 000 euros. Elle a ainsi suivi un raisonnement, proche de celui que vient de nous exposer M. Charles de Courson, qui met en avant la nécessité d'une convergence avec l'Allemagne ou avec le Royaume-Uni. En Allemagne, le seuil est fixé à 250 000 euros par part conjugalisée et non familialisée, à l'instar du revenu fiscal de référence. Au Royaume-Uni, le seuil est de 150 000 euros.

Au nom du désir de justice fiscale qui nous anime, il nous a paru important que les plus aisés participent de façon substantielle à l'effort demandé à tout le pays. Cet abaissement du seuil fait ainsi passer le nombre de ménages concernés de 7 000 ou 8 000 à 25 ou 30 000.

Nous avons également pris une deuxième décision, suggérée par nos collègues du Nouveau Centre et par Charles de Courson en particulier. Au-delà de 500 000 euros de revenus, le taux passera de 3 à 4 %. Cela concernera les ménages très très aisés.

Avec ces deux dernières dispositions, le rendement espéré de la mesure n'est plus de 200 millions mais de l'ordre de 420 millions d'euros.

J'ai lu qu'il s'agissait d'une mesure dérisoire. Ceux qui défendent de telles positions sont malhonnêtes.

M. Jean Mallot. Mesurez vos propos !

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Si l'on rapporte le montant de la contribution aux 25 000 ménages concernés, on obtient près de 20 000 euros en moyenne par ménage. Ils paieront ces 20 000 euros en plus de l'impôt sur le revenu - ils sont généralement taxés au taux maximum - et de la CSG. Il s'agit donc d'un véritable effort.

Madame la ministre, en vous proposant d'élargir la contribution exceptionnelle, la commission appuie votre démarche et vous permet de faire un geste de justice fiscale simple et facile à comprendre qui touchera les plus aisés d'entre nous.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour présenter le sous-amendement n° 408.

M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le rapporteur général, vous nous expliquez qu'en moyenne les ménages concernés paieront en contribution exceptionnelle 20 000 euros supplémentaires, certes. Mais combien gagnent en moyenne ces familles ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Nous raisonnons par part !

M. Jean-Claude Sandrier. Qu'importe ! Rapporter ces 20 000 euros aux revenus moyens des familles concernés, vous constaterez qu'en effet, le prélèvement est totalement ridicule.

Les cinq cents plus grosses fortunes françaises se sont enrichies en dix ans de 120 milliards d'euros. Mme la ministre a beau dire qu'elle leur prend 2 milliards, cela ne représente que 1,6 % de cet enrichissement. Désolé, mais nous n'arrivons pas à sortir nos mouchoirs !

M. Jacques Myard et M. Olivier Carré. C'est 2 milliards d'euros en plus de ce qu'ils paient déjà !

M. Jean-Claude Sandrier. Évidemment messieurs, mais les 120 milliards, c'étaient aussi « en plus » !

M. Jacques Myard. C'est du passé !

M. Jean-Claude Sandrier. Le revenu de ces grandes fortunes représentait il y a dix ans 6 % de notre PIB ; aujourd'hui, ce rapport s'élève à 12 %. Il y a donc eu un doublement qui se traduit par un montant de 120 milliards d'euros « en plus » dans leur fortune. Vous voulez leur en prendre 1,6 %, ils ne vont pas en mourir demain matin.

M. Olivier Carré. C'est vrai !

M. Richard Mallié. Ils partiront s'installer à Bruxelles !

M. Jean-Claude Sandrier. Notre sous-amendement a pour objectif de fixer à 250 000 euros par foyer fiscal le seuil à partir duquel la taxe sur les hauts revenus doit s'appliquer.

Il y a de plus de plus de millionnaires dans notre pays. Une nouvelle vient d'ailleurs de tomber ce soir : nous sommes le pays d'Europe qui compte le plus de millionnaires. Alors que certains prétendent que la France est un pays surimposé, je ne sais pas à qui cela fera plaisir. Vous avez bien entendu. Apparemment, ils ne se portent pas si mal que cela !

M. le président. Merci, cher collègue. Nous avons bien compris.

Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement et sur l'amendement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Défavorable sur le sous-amendement. Monsieur Sandrier, ce ne serait pas conforme aux principes de notre droit que de ne pas familialiser l'assiette de cette nouvelle taxe : 250 000 euros pour tout foyer, qu'il soit composé d'une seule ou de deux personnes, ce n'est ni juste ni équitable. Nous prenons comme principe la part fiscale, c'est-à-dire le nombre de personnes dans le foyer.

Cette contribution exceptionnelle, c'est le gros sujet de ce projet de loi de finances. C'est un élément très neuf. L'assiette, je le dis très amicalement à Daniel Garrigue, est bien plus large que celle de l'impôt sur le revenu car elle inclura, au-delà des seuls revenus d'activité ou des seules retraites, toutes les catégories de revenus. Les personnes vraiment aisées, monsieur Garrigue - vous le savez bien car vous les avez citées -, ont pour revenus, certes une part de revenus d'activité, mais aussi des stock-options, des actions gratuites...

M. Christian Eckert. Eh oui !

Mme Valérie Pécresse, ministre. ...des dividendes, des plus-values mobilières ou immobilières...

M. Henri Emmanuelli. Des loyers !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Dans le revenu fiscal de référence qui est notre assiette de base, nous réintégrons tout cela. Pour la première fois, au lieu de taxer, comme le fait l'impôt sur le revenu, des revenus d'activité ou des pensions seulement, nous taxons l'ensemble des sources de profit du ménage. C'est plus juste ainsi car nous taxerons davantage les plus riches, alors qu'avec l'impôt sur le revenu nous taxons beaucoup plus les classes moyennes.

M. Eckert et M. Muet ne seront pas privés de leur débat. Nous avons fait le choix de cette contribution exceptionnelle qui a pour cible les très hauts revenus dans toutes leurs composantes. Les revenus des très grands patrons ne sont pas du salaire...

M. Henri Emmanuelli. Certains en ont quand même de beaux ! M. Mariani a touché 1,2 million d'euros...

M. le président. Vous aurez la parole tout à l'heure, monsieur Emmanuelli !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Et combien perçoit-il, monsieur Emmanuelli, d'actions gratuites, de stock-options, de plus-values sur la vente de titres ?

Notre taxe est plus juste, si notre objectif, monsieur Garrigue, est bien le même, à savoir taxer les très hauts revenus et non taxer davantage les classes moyennes supérieures.

Nous avons eu un long débat avec les membres de la majorité parlementaire, UMP et Nouveau Centre, qui ont considéré que le seuil d'entrée était trop élevé et en ont donc proposé un nouveau, à 250 000 euros par part. De même, ils ont suggéré - c'est l'amendement du Nouveau Centre qui sera présenté et auquel le rapporteur général a déjà dit que la commission des finances y était favorable ; le Gouvernement l'est aussi - que cette taxe ait une durée plus longue. Elle devait ne durer que jusqu'au retour à 3 % de déficit, c'est-à-dire jusqu'à 2013 ; elle durera jusqu'au retour complet à l'équilibre du budget de la France, objectif qui nous tient tous à coeur. Nous augmentons en outre le taux de cette taxe : les députés ont décidé qu'il y aurait deux tranches, une tranche de 3 % jusqu'à 500 000 euros et une tranche de 4 % au-delà.

Puisque la comparaison avec l'Allemagne vous tient à coeur, je tiens à le dire très solennellement : après le vote de ce dispositif, les ménages les plus aisés en Allemagne seront moins taxés que les ménages les plus aisés en France.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas exact !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je vous explique pourquoi, monsieur Méhaignerie. La fiscalité des revenus du patrimoine est taxée en Allemagne à 26,6 %. Nos revenus du patrimoine, dividendes, produits d'action et autres - je sais, monsieur Méhaignerie, que vous avez à coeur de rapprocher la fiscalité du patrimoine de celle du travail, et c'est le cas aussi de l'opposition -, sont désormais à 32,5 % plus 3 %, soit 35 %, pour un ménage qui perçoit entre 250 000 et 500 000 euros par part, ou plus 4 %, soit 36 %, pour un ménage qui perçoit plus de 500 000 euros par part. Cela signifie que les revenus du patrimoine les plus élevés seront taxés dix points au-dessus de l'Allemagne.

En revanche, en ce qui concerne les classes moyennes, notre impôt sur le revenu est plus favorable qu'en Allemagne, il rapporte moins, parce que nous avons quelque chose qui s'appelle la politique familiale et que le quotient familial vient réduire l'impôt. Cela fait partie du pacte national français, et je ne souhaite remettre en cause ni le quotient familial ni notre politique familiale pour les classes moyennes.

M. Camille de Rocca Serra. Très bien !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je conclurai en rappelant à l'opposition tout ce que nous avons fait pour taxer les plus hauts revenus. Car nous avons fait énormément.

M. Henri Emmanuelli. Oui, vous avez fait énormément pour les plus riches !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous avons porté la dernière tranche de l'impôt sur le revenu de 40 à 41 %, nous avons porté les taux de prélèvement libératoire sur les revenus du patrimoine à 19 %, nous avons augmenté les prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine, de 12,3 à 13,5 %, nous avons augmenté les plus-values immobilières sur les cessions des résidences secondaires, et nous créons aujourd'hui cette contribution exceptionnelle. Quand on est riche, on a plus de patrimoine, plus d'immobilier, plus de revenus. Eh bien, nous aurons augmenté trois fois les taxes...

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Vous avez reculé sur les mollusques !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je comprends que cela vous dérange, monsieur Cahuzac !

Enfin, c'est une autre différence avec l'Allemagne : nous avons encore un impôt sur la fortune, qui rapporte 1,9 milliard par an. Nous sommes le seul pays d'Europe à avoir conservé cet impôt. La réforme de l'ISF, contrairement à ce que ne cesse de répéter l'opposition, est, en vitesse de croisière, autofinancée...

M. Henri Emmanuelli. Non !

Mme Valérie Pécresse, ministre. ...puisque ce sont les plus hauts patrimoines qui payent pour la tranche supprimée.

M. Michel Vergnier. Vous ne manquez pas d'air !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Au total, réforme de l'ISF incluse, les prélèvements sur les ménages aux revenus les plus élevés auront augmenté de 1,9 milliard d'euros en deux ans. Je crois que cela correspond à peu près à ce que l'opposition souhaitait. Je vous demande donc de voter cette contribution exceptionnelle de solidarité.

M. Olivier Carré. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Madame la ministre, pour quelqu'un qui n'est pas un initié de l'obscurantisme, ce débat est difficile à suivre ! Je veux bien que vous nous fassiez un numéro toute la soirée sur le thème de l'équité, « On va taxer les riches ! », avec 3 % de surtaxe. Vous avez juste oublié un petit détail, c'est qu'au mois de juin, vous avez sorti de l'ISF la moitié de ses redevables et que cela a coûté 1,8 milliard d'euros à l'État !

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Nous l'avons compensé, vous le savez bien !

M. Henri Emmanuelli. Autant de gagné pour ces contribuables. Tout ce cirque, ce soir, c'est pour nous expliquer qu'on leur reprend 400 millions ! (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC. - Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) C'est ça, la vérité !

M. Richard Mallié. Malhonnête !

M. Henri Emmanuelli. Et tout le monde le sait !

M. le rapporteur général a l'air de se faire du souci sur la distinction entre l'imposition du travail et celle du patrimoine. Il y a un moyen simple de régler ces questions : c'est de supprimer les taxations forfaitaires. Vous verrez que tout rentrera dans l'ordre !

Nous avons donc 1,8 milliard d'un côté et 400 millions de l'autre, et je pense même que cela ne concerne pas les mêmes personnes : les tranches supérieures vont y gagner encore un peu au passage ! Passons : il ne faudrait pas embrouiller le débat davantage.

Vous vous gargarisez, les uns et les autres, sur votre bonne gestion. Parlons-en, 100 000 suppressions d'emplois dans la fonction publique, 100 000 chômeurs de plus, pour 500 millions d'euros !

M. Olivier Carré. 100 000 chômeurs ?

M. Henri Emmanuelli. Ces emplois ne sont pas recréés ! (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Christian Jacob. Ce ne sont pas des chômeurs ! La mauvaise foi a des limites !

M. le président. Nous écoutons M. Emmanuelli, mes chers collègues ! Il va d'ailleurs conclure.

M. Henri Emmanuelli. La même année, en expliquant que cela créerait 70 000 emplois, le taux de TVA dans la restauration vous a coûté 3,5 milliards d'euros : 70 000 d'un côté, 100 000 de l'autre, 500 millions d'euros, 3,5 milliards d'euros. On ne peut pas dire que vous sachiez compter ! (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Gaël Yanno. Vous n'avez rien compris !

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mme la ministre l'a évoqué, nous avons eu une très longue discussion avec elle et le Premier ministre. Ceux qui étaient initialement partisans d'une tranche supplémentaire ont obtenu - c'est l'amendement dont nous discutons - un accord qui est beaucoup plus proche de cette tranche supplémentaire et qui représente une contribution bien plus importante pour les ménages aisés qu'initialement prévu.

M. Christian Eckert. Vous vous couchez !

M. Charles de Courson. Les 25 000 à 27 000 foyers concernés payent actuellement moins de 3 milliards d'impôt sur le revenu, sur les 58 milliards de l'estimation de l'impôt en 2012.

M. Henri Emmanuelli. C'est ça : embrouillez, embrouillez !

M. Gilles Carrez, rapporteur général . C'est très clair !

M. Charles de Courson. Si nous votons cet amendement, ils payeront 420 millions en plus. C'est une augmentation de 15 % de leur impôt.

M. Henri Emmanuelli. Ils ont gagné 1,8 milliard en juin !

M. Charles de Courson. Je vous rappelle, mes chers collègues, que, quand nos homologues allemands ont adopté leur plan de redressement, ils ont créé une cotisation de solidarité de 5,5 % pour tous les contribuables. Là, nous sommes à 15 % d'augmentation. On ne peut donc pas dire que l'amendement n'a aucune portée ! Il a au contraire une portée tout à fait considérable : 15 % ! Vous-mêmes n'auriez pas osé le faire ! (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Vous prenez un luxe de précautions et beaucoup de temps pour discuter de 400 millions d'euros qui concerneront, si j'en crois les chiffres du rapporteur général, entre 7 000 et 25 000 contribuables. Or, il y a quelques semaines, quand il s'est agi de prélever plus d'un milliard d'euros sur les mutuelles, qui touchent plusieurs millions de Français, c'est passé en quelques minutes, sans amendement, sans débat dans la majorité !

Tout le monde sait très bien qu'il va falloir faire un effort pour résorber le déficit que vous avez creusé - car vous le savez, mes chers collègues, la crise n'en est pas la principale cause : ce sont vos dépenses ! Vous dites maîtriser les dépenses, mais il y en a une que vous avez fait exploser, c'est la dépense fiscale. M. le rapporteur général le sait très bien puisqu'il l'a reconnu publiquement à de multiples reprises, y compris dans la presse.

À défaut de la réforme fiscale d'ampleur et nécessaire qu'il faudra mener, vous jouez sur le taux et l'assiette en direction des plus gros contribuables. Puisque notre collègue de Courson a donné des chiffres - il s'est d'ailleurs trompé, l'augmentation sera inférieure à 15 % - voici le chiffrage précis s'agissant d'un célibataire. À ce propos je ne souscrits pas au raisonnement sur la famille que j'ai entendu : si avoir des enfants a beaucoup plus de valeur quand on est riche que quand on est pauvre, je n'appelle pas cela une politique familiale, mais une politique d'injustice sociale. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Je prends le cas d'un célibataire qui gagnerait juste en dessous des 500 000 euros, c'est-à-dire tout de même plus de 40 000 euros par mois ! Je le rappelle parce qu'il faut que nos concitoyens comprennent bien de quoi il s'agit. J'ai calculé qu'avec votre amendement, vous allez lui demander un effort de 625 euros par mois ; il passera de 41 583 euros de revenu mensuel à 40 900 euros. Voilà la réalité de cet article et de l'amendement du rapporteur général. (Protestations sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

Mme Valérie Pécresse, ministre. Mais non !

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Monsieur le rapporteur général, si le revenu fiscal de référence a tant de vertus - je suis d'accord avec vous sur ce point -, pourquoi ne pas en faire la base d'une réforme d'ampleur de l'impôt sur le revenu ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Cela irait dans le sens d'une vraie modernisation, de la simplicité et de la justice. Pourquoi ne pas choisir cette voie ?

Madame la ministre, vous dites à juste titre qu'une des caractéristiques de la France, c'est d'avoir une politique familiale, mais vous oubliez que dans ce domaine aussi, il y a des niches fiscales à propos desquelles M. Piron écrivait, il y a quelques semaines, qu'il vaudrait mieux passer les ciseaux que le rabot.

M. Michel Piron. Ou le rabot, mais jusqu'à l'os !

M. Daniel Garrigue. Si on créait une tranche supplémentaire d'impôt sur le revenu à partir de 100 000, 125 000 ou 150 000 euros, elle correspondrait en réalité à des revenus incomparablement supérieurs. Vous dites qu'une telle disposition toucherait les classes moyennes ; permettez-moi de vous répondre qu'elle toucherait un certain nombre de personnes qui ont des revenus particulièrement élevés.

S'agissant de cette taxation exceptionnelle sur les hauts revenus que vous proposez, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, je vous fais observer que pour un taux de base de 3 %, le seuil sera certes de 250 000 euros pour les contribuables isolés, mais de 500 000 euros pour les contribuables soumis à une imposition commune, et d'un million d'euros pour passer au taux de 4 %. Les seuils que vous avez retenus sont en réalité infiniment plus élevés pour la très grande majorité des contribuables concernés que ceux que vous mettez en avant. En plus, 400 millions d'euros, ce n'est pas à la hauteur des besoins ni à la hauteur d'un véritable esprit de justice. Ce n'est pas non plus à la hauteur des allégements considérables que le Gouvernement a consentis quand, après trois ans de débats, il a enfin fini par renoncer au bouclier fiscal.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Monsieur le rapporteur général, madame la ministre, nous vivons un moment extraordinaire. Vous venez de confirmer - peut-être venez-vous aussi de le découvrir ? - que l'assiette de l'impôt sur le revenu n'est pas la bonne base à choisir pour fixer l'impôt. En effet, selon votre argumentation, pour être plus juste, il faut prendre le revenu fiscal de référence. Pourquoi ? Parce que, comme Henri Emmanuelli l'a rappelé, dans l'assiette de l'impôt sur le revenu ne sont pas inclus les revenus soumis aux prélèvements joliment dits libératoires. Il faut débarrasser notre fiscalité de ces prélèvements libératoires pour constituer une assiette de l'impôt sur le revenu qui se rapprocherait alors du revenu fiscal de référence. C'est la réforme qu'il faudrait faire. C'est notre réforme.

Nous, nous sommes cohérents : nous choisissons l'option de l'impôt sur le revenu, d'autant qu'en plus, il est progressif. Nous défendrons des amendements qui proposent de supprimer les prélèvements libératoires de façon à constituer une assiette large et commune à l'ensemble des revenus, et d'appliquer à ceux-ci un taux d'impôt progressif. Par votre argumentation, vous venez de nous donner raison. Mettez donc vos actes en accord avec votre raisonnement, et suivez-nous : abandonnons cette taxe et préférons lui une tranche supplémentaire à l'impôt sur le revenu, après avoir au préalable, bien sûr, supprimé les prélèvements libératoires.

M. Michel Vergnier. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Dans les débats sur un projet de loi de finances, on est souvent noyés sous l'expertise de spécialistes qui nous empêche de comprendre de quoi il s'agit. Je n'ai pas la prétention d'être un expert. Au passage, madame la ministre, j'aurais pu me prénommer Bernard, mais mon prénom c'est François.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Bernard Brunhes ! (Sourires.)

M. François Brottes. C'est une bonne référence. Paix à son âme. J'ai appris à l'école de M. Jacob qu'il faut prendre des images simples pour expliquer de quoi on parle. Ainsi, si j'ai bien compris, un ménage percevant 510 000 euros contribuera à hauteur de 300 euros - une fortune pour lui, bien évidemment... Transposée à quelqu'un qui touche le SMIC, une telle mesure représente un paquet de cigarettes par an, soit un effort vraiment colossal. Mon image n'est pas très positive en termes de santé publique, mais elle donne l'idée de l'importance de la mesure.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Mais non !

M. François Brottes. Si, madame la ministre, et je crois me souvenir que vous avez augmenté de 6 % les paquets de cigarettes il y a peu : vous avez donc demandé à ceux qui sont au SMIC une contribution de six paquets de cigarettes par an, c'est-à-dire six fois plus que ce que vous demandez aujourd'hui aux riches. Vérifiez les chiffres : ils sont exacts. Mon image donne l'idée du sacrifice insupportable que vous demandez à ceux qui ont beaucoup d'argent ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est tordu ! Il se fait des noeuds dans le cerveau !

M. Christian Jacob. Vous avez un peu fumé la moquette, monsieur Brottes ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. M. Emmanuelli a raison de comparer les 1,8 milliard que coûte la suppression de l'ISF avec les 400 millions que rapporterait cette mesure, mais je veux pour ma part m'intéresser à la logique de votre réforme. Nous savons bien que notre fiscalité a des assiettes totalement mitées qui font que l'impôt n'est pas progressif. Notre fiscalité est également compliquée parce que la CSG a une base individualisée alors que l'impôt sur le revenu est familialisé, avec des concepts hérités du début du vingtième siècle - je pense au quotient familial alors que d'autres pays montrent que l'on peut familialiser autrement et conjugaliser.

Et voici que vous inventez un nouvel impôt sur le revenu, à caractère transitoire, qui aura deux tranches et qui s'appliquera sur une base large, donc un troisième impôt sur le revenu. Nous, nous affirmons que dans une situation de crise, ce serait l'occasion de faire une réforme majeure pour trouver des recettes. On sait très bien que la meilleure façon d'en trouver sans peser sur la croissance, c'est de supprimer des niches fiscales inefficaces ou injustes. Il y aurait de quoi faire en ce domaine. De surcroît, une telle réforme assainirait et simplifierait l'impôt. Il faut reconstruire un impôt sur le revenu qui ait un sens et pas en inventer un nouveau, ce petit impôt qui va perdurer quelques années. On a besoin d'une vraie réforme basée sur la suppression d'un certain nombre de niches fiscales et des prélèvements forfaitaires, pour que tous les revenus passent au barème de l'impôt sur le revenu, y compris les plus-values. Je me souviens du débat que nous avons eu au début du mois de septembre sur la question des plus-values, et je rappelle que vous avez remplacé par un forfait ce qui était auparavant au barème, avec tous les problèmes que cela pose.

En outre, la réforme souhaitable augmenterait la progressivité de l'impôt sur le revenu - porter le taux maximal à 45 % est une façon de le faire.

Vous allez me dire, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, qu'il faut beaucoup de courage pour mener à bien une telle réforme. Il en faut peut-être beaucoup, mais la France a besoin de cette réforme. Et je peux vous affirmer que nous la ferons.

M. Christian Eckert. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Chers collègues, en France, reconnaissons-le, la correction des inégalités s'effectue essentiellement par les prestations sociales. Il y a vingt-quatre prestations sociales entre la naissance et la mort. Si bien que dans le classement des vingt-sept pays de l'Union européenne en termes de lutte contre la pauvreté, la France se situe honorablement, au quatrième ou au cinquième rang. Dans une étude faite par l'INSEE il y a dix-huit mois, il apparaissait qu'au cours des quinze années précédentes, il n'y avait pas eu d'évolution entre le quintile le plus bas et le quintile le plus élevé, entre les 20 % les moins aisés et les 20 % les plus aisés, le rapport était toujours de 3,4, et ce du fait de deux mouvements : la forte montée des prestations sociales en France, beaucoup plus que dans n'importe quel autre pays européen,...

M. Henri Emmanuelli. C'est faux ! Vous oubliez l'Europe du Nord.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. ...et, pour le dernier quintile, la forte baisse de l'impôt sur le revenu additionnée aux niches fiscales.

Le même rapport montrait en revanche que, dans la société française, les frustrations s'établissaient surtout au niveau du troisième quintile de revenus. Celui-ci ne perçoit pas les prestations du premier quintile et il s'estime lésé, d'autant plus que le 1 % le plus aisé a pris l'ascenseur au cours de ces dernières années.

M. Jean-Claude Sandrier. Voilà !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. C'est dans cette perspective qu'il y a deux ans, madame la ministre, j'avais déposé un amendement prévoyant un taux de 45 % pour une tranche à partir de 150 000 euros,...

M. Jean-Claude Sandrier. Très bien !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. ...à la lumière de deux faits : premièrement, nous avons l'un des impôts sur le revenu les plus faibles d'Europe,...

M. Michel Bouvard. Absolument !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. ...même en y intégrant la CSG alors que, c'est le paradoxe, nous avons les dépenses sociales les plus élevées ; deuxièmement, notre système fiscal est perçu comme inégalitaire par nos concitoyens.

Je reconnais parfaitement les efforts du Gouvernement au cours des dernières semaines, et Gilles Carrez les a rappelés. Mais je reste persuadé, dans une période où nous ne pourrons plus faire progresser les dépenses sociales sans risque de peser sur le travail, que la voie française, qui permettra de concilier la réduction de la dette avec l'exigence de maintien ou de restauration de notre compétitivité, passe par l'impôt sur le revenu. C'est la raison pour laquelle, madame la ministre, je reste attaché à la nécessité d'un effort qui passe par l'impôt sur le revenu dans la société française. (Applaudissements sur divers bancs.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, puis nous passons aux votes.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Tout d'abord, s'agissant de la réserve demandée sur l'article 2, je comprends que l'opposition s'en agace, mais elle est de droit ; elle a été utilisée par tous les gouvernements soit pour des raisons d'emploi du temps, soit pour des raisons tactiques. On peut la regretter quand il s'agit d'habileté tactique, mais tout le monde s'y est livré un jour ou l'autre - ou s'y livrera, on peut l'espérer. (Sourires sur les bancs du groupe SRC. - Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.) Il ne me semble donc pas que le débat soit majeur.

Deuxièmement, s'il y a un peu d'agacement de part et d'autre, c'est parce que chacun sent que les débats progressent dans cette assemblée. Souvenons-nous, le président Méhaignerie vient d'y faire référence, de ce qui était affirmé d'un côté et de l'autre il y a encore quelques années, je pense notamment à la fin de l'année 2007 et à l'année 2008. Il est maintenant acquis qu'au-delà d'un certain niveau de revenus annuels, ces revenus proviennent du capital et évidemment pas du travail.

Permettez-moi de vous rappeler, chers collègues, qu'il a fallu quatre ans pour que vous en preniez conscience et pour que vous renonciez au bouclier fiscal. Nous le savons désormais, celui-ci n'a jamais protégé les revenus du travail et il a toujours protégé les revenus du capital, contrairement à ce que beaucoup d'entre vous avaient espéré (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) D'autres n'avaient pas adhéré à cette façon de voir les choses, et savaient qu'il s'agissait de revenus du capital. De ce point de vue, les choses progressent ; nous n'y reviendrons plus et ce n'est pas plus mal.

Troisième remarque : madame la ministre, c'est avec plaisir que je vous ai entendue vous réjouir du maintien de l'ISF. Je constate que, là encore, les choses progressent. Ce côté-ci de l'hémicycle n'aurait peut-être pas modifié l'ISF comme vous l'avez fait, mais une grande partie de vos amis aurait souhaité voir cet impôt disparaître. Nous savons que la réforme récente ancre l'ISF dans notre droit fiscal. Là encore, les positions qui étaient radicalement opposées semblent converger, sans être identiques, loin s'en faut.

Autre position qui traduit une certaine convergence à défaut d'une identité de vue : vous avez annoncé toutes les augmentations d'impôts auxquelles vous avez procédé - hausse du taux marginal, mesures concernant les plus-values de cessions immobilières - quand hier ou avant-hier encore, ce Gouvernement disait qu'il ne les augmenterait pas. De fait, ils ont augmenté. Au demeurant, l'augmentation très sensible des prélèvements obligatoires ne fait que traduire celle des impôts que vous proposez à votre majorité et que celle-ci finit par voter.

Enfin, en ce qui concerne le débat sur le revenu fiscal de référence et l'impôt sur le revenu, Daniel Garrigue a tenu des propos qui sont quand même frappés au coin du bon sens, rejoint en cela par Pierre Méhaignerie. Reconnaissons-le.

Vous pouvez vous réjouir d'une taxation supplémentaire de 3 % à 4 % des revenus au-delà de 250 000 euros l'an par part fiscale. Mais si on fait le calcul, tout cela ne nous amène pas au taux marginal d'impôt sur le revenu auquel devraient normalement être taxés de tels revenus.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Si !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Non, madame la ministre, et je vais vous le démontrer.

Prenez une plus-value de cession de valeurs mobilières. Elle est frappée par le prélèvement forfaitaire libératoire, les prélèvements sociaux, la CSG et la CRDS, ce qui nous amène à un taux de 32,5 %.

M. Charles de Courson. Plus 4 % !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. En rajoutant 3 % ou 4 %, vous n'atteignez pas le taux marginal de l'impôt sur le revenu si cet impôt avait l'assiette qu'il devrait avoir.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous sommes à dix points au-dessus de l'Allemagne !

M. Henri Emmanuelli. En Allemagne, le rendement est deux fois plus élevé que chez nous !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. C'est extrêmement rassurant pour les autorités de ce pays qui savent qu'il y a encore un peu de marge pour trouver des ressources qui seront nécessaires à la restauration des finances de notre État.

Mais ne prétendez pas être arrivés au summum de la justice fiscale, dans la mesure où cet exemple de plus-values de cessions mobilières montre qu'avec des revenus de 250 000 euros par part fiscale l'an, ce foyer-là n'est toujours pas imposé au taux marginal de l'impôt sur le revenu.

Que faut-il gagner pour atteindre le taux marginal ? Il me semble que d'autres pays ont répondu de manière plus flagrante même si le rapporteur général a raison de souligner que nous divergeons de l'Allemagne, où les revenus du capital sont désormais beaucoup moins imposés qu'ils ne le sont en France. Après tout, c'est de votre côté de l'hémicycle et même de la présidence de la République qu'a été lancé le grand débat sur la convergence fiscale avec l'Allemagne. Je constate qu'avec ce projet de budget, madame la ministre, vous vous en écartez.

Mme Sandrine Mazetier. Très bien !

(Le sous-amendement n° 408 n'est pas adopté.)

(Les amendements identiques n os 42 rectifié et 94 rectifié sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, les amendements n os 254, 256, 80, 86, 257, 246, 27, 81, 140, 28, 82, 141 et 212 tombent.

L'amendement n° 248 présenté par M. Sandrier, Mme Amiable, M. Asensi, Mme Billard, M. Bocquet, M. Braouezec, M. Brard, Mme Buffet, M. Candelier, M. Chassaigne, M. Desallangre, M. Dolez, Mme Fraysse, M. Gerin, M. Gosnat, M. Lecoq, M. Muzeau, M. Daniel Paul et M. Vaxès, est ainsi libellé :

Supprimer les alinéas 6 et 7.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier pour défendre l'amendement n° 248.

M. Jean-Claude Sandrier. Le présent amendement poursuit trois objectifs.

Premièrement, il tend à abaisser le seuil d'imposition à la contribution sur les hauts revenus à 250 000 euros par foyer fiscal.

Deuxièmement, il tend à rendre effective cette taxation dès l'année où le foyer dépasse le seuil de 250 000 euros. En effet, les alinéas 6, 7 et 14 de l'article 3 visent à sortir de cette taxation les foyers dont la moyenne des revenus de l'année fiscale d'imposition et des deux années précédentes est inférieure aux seuils qui font débuter la contribution exceptionnelle.

En vertu de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui dispose que « l'impôt doit être également réparti entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés », rien ne justifie cette exonération.

Enfin, rien ne justifie que les très hauts revenus ne contribuent que pendant deux ans au redressement des finances publiques de notre pays. Nous proposons donc de rendre permanente cette contribution, d'autant plus que la réforme de l'ISF a fait cadeau de 1,8 milliard d'euros à ces contribuables.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général, rapporteur . Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Défavorable. L'objectif du Gouvernement et de la commission est de ne pas surimposer un ménage à un moment où il fait une plus-value radicalement exceptionnelle. C'est le cas d'une personne exerçant une profession libérale qui vendrait son fonds de commerce ou sa clientèle une année donnée.

M. Henri Emmanuelli. Au hasard !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Il faut qu'elle puisse étaler ces plus-values exceptionnelles.

(L'amendement n° 248 n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 304 rectifié présenté par M. Carrez, est ainsi libellé :

I. - Substituer à l'alinéa 6 les deux alinéas suivants :

« II. - 1° Toutefois, si au titre de l'année d'imposition à la contribution mentionnée au 1° du I, le revenu fiscal de référence du contribuable est supérieur ou égal à une fois et demi la moyenne des revenus fiscaux de référence des deux années précédentes, la fraction du revenu fiscal de l'année d'imposition supérieure à cette moyenne est divisée par deux, puis le montant ainsi obtenu est ajouté à cette même moyenne. La cotisation supplémentaire ainsi obtenue est alors multipliée par deux.

« Cette disposition est applicable aux contribuables dont le revenu fiscal de référence au titre de l'année précédant celle de l'imposition n'a pas excédé 250 000 euros pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés et 500 000 euros pour les contribuables soumis à imposition commune. ».

II. - En conséquence, rédiger ainsi les alinéas 8 à 11 :

« 2° En cas de modification de la situation de famille du contribuable au cours de l'année d'imposition ou des deux années précédentes, les revenus fiscaux de référence mentionnés au 1° sont ceux :

« a) du couple et des foyers fiscaux auxquels les conjoints ou les partenaires ont appartenus au cours des années mentionnées au 2° en cas d'union.

« Toutefois, en cas d'option au titre de l'année d'établissement de la contribution pour l'imposition séparée définie au second alinéa du 5 de l'article 6, les dispositions du b) du présent 2° s'appliquent ;

« b) du contribuable et des foyers fiscaux auxquels le contribuable passible de la contribution a appartenu au cours des années mentionnées au 2° en cas de divorce, séparation ou décès. ».

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Le sujet de cet amendement est un peu complexe et je vais essayer de l'expliquer le plus simplement possible.

À partir du moment où l'on prend en compte le revenu fiscal de référence dans l'assiette de l'impôt, cela signifie que l'on y intègre notamment les plus-values. Or, un commerçant qui vend son fonds de commerce, par exemple, va faire cette année-là une plus-value très importante. Mais il ne vend pas tous les ans son fonds de commerce. Il faut imaginer un dispositif de lissage qui permette d'étaler sur plusieurs années le surplus exceptionnel de recette qu'il a réalisé à l'occasion de la vente de son fonds de commerce.

Souvenez-vous, il y a quelques années, nous avions eu à traiter de ce sujet à propos de l'imposition sur le revenu des médaillés olympiques. M. Lamour s'en souvient.

M. Jean-François Lamour. C'est exact !

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Le médaillé d'or touche 100 000 euros et nous avions adopté une mesure - sur proposition de M. Bouvard - qui permettait un étalement sur quatre ans.

Le dispositif prévu dans le texte du Gouvernement avait un grand mérite que je reconnais : sa simplicité. Pour être éligible à la contribution exceptionnelle, un célibataire devait avoir perçu au moins trois ans de suite 500 000 euros, devenus 250 000 euros. Mais cette mesure faisait disparaître beaucoup de contribuables.

Nous avons cherché un système un peu plus ample et qui limite les effets de seuil. Nous nous sommes inspirés d'un système que l'on connaît bien : le quotient.

Le quotient fonctionne de la façon suivante. Imaginons qu'en 2011 - première année d'application de la contribution - un contribuable touche un revenu de 600 000 euros, après avoir gagné 200 000 euros en 2009 et en 2010. On prend la moyenne de 2009 et 2010, soit 400 000 euros divisés par deux, ce qui fait 200 000 euros. On compare son revenu exceptionnel de 600 000 euros en 2011 à cette moyenne. On calcule la différence - 400 000 euros - et on divise cette somme par deux, la période de lissage étant de deux ans, ce qui donne 200 000 euros. On rajoute 200 000 euros à la moyenne des deux années 2009 et 2010 et on regarde si ça dépasse les 250 000 euros. Si c'est le cas, le contribuable doit payer la taxe de 3 % sur la différence.

C'est ce système de quotient que la commission des finances a adopté. Il paraît simple et surtout, il a le mérite...

M. Henri Emmanuelli et M. Christian Eckert. C'est vachement simple !

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Pour l'agrégé de mathématiques que vous êtes, monsieur Eckert, c'est très simple !

M. Henri Emmanuelli. Une usine à gaz !

M. Christian Eckert. Combien y en a-t-il qui suivent ici ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Ce système qui fonctionne pour le barème de l'impôt sur le revenu vous est proposé par cet amendement. Je le répète : il a l'avantage de ne pas faire entrer dans la contribution des contribuables qui ont certes un revenu exceptionnel mais qui n'est pas tellement différent de ce qu'ils avaient les années précédentes et, en revanche, de prendre en compte ceux qui dépassent sensiblement le seuil des 250 000 euros sur trois ans.

Pour être complet, je signale que l'amendement doit être légèrement modifié. La rédaction est limpide, mais il faut la rendre encore plus claire et ajouter le mot « supplémentaire » dans la dernière phrase du premier paragraphe, ce qui donne : « La cotisation supplémentaire ainsi obtenue est alors multipliée par deux. »

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Avis favorable. Cela me paraît vraiment juste, comme je l'ai expliqué lors de la discussion sur l'amendement précédent.

M. le président. Chacun a bien compris que l'amendement n° 304 rectifié faisait l'objet d'une deuxième rectification à la fin du deuxième aliéna : « La cotisation supplémentaire ainsi obtenue est alors multipliée par deux. » Cela a bien été enregistré et corrigé.

Par ailleurs, je suis saisi d'un sous-amendement n° 415 qui vous est actuellement distribué et qui s'insérera également après l'alinéa 2.

Le sous-amendement n° 415 présenté par M. Mariton, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 2, insérer l'alinéa suivant :

« Toutefois, lorsque le montant de la réduction d'impôt résultant de l'application du quotient familial à l'impôt sur le revenu est inférieur aux montants mentionnés à l'article 197, la différence entre ces deux montants est imputée sur la contribution prévue au présent 1°. »

La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Tout d'abord, je prie l'assemblée de m'excuser. Idéalement, ce sous-amendement aurait dû être placé après l'amendement n° 42, mais apparemment il s'était perdu en route, et j'ai réussi à le positionner à cet endroit de notre débat.

Quel est le sujet ? Nous sommes attachés à la prise en compte de la famille dans le calcul de l'impôt. C'est un principe de base rappelé par la ministre tout à l'heure, ce dont je me réjouis.

Pour le plus grand nombre de contribuables susceptibles d'être soumis à ce nouvel impôt, nous sommes dans une situation où le quotient familial dans le calcul de l'impôt sur le revenu est déjà saturé. Cela peut ne pas être le cas de tous les contribuables.

M. le rapporteur général avait eu l'occasion de préciser les choses, disant d'ailleurs son intérêt pour la démarche en commission, dans le cas de familles très nombreuses mais que la loi se doit de ne pas oublier. Madame la ministre, il peut y avoir des familles de quatorze enfants.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ah non ! (Sourires )

M. Hervé Mariton. Madame la ministre, ce n'est pas interdit par la loi, à ma connaissance.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Quand on aime, on ne compte pas !

M. Hervé Mariton. Quand on aime, on ne compte pas. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J'aimerais aller au bout de ma démonstration qui saura vous convaincre.

Par conséquent, la loi doit anticiper toutes les situations. Je me permets d'ajouter que si, par malheur, il venait à l'idée de notre majorité, ou d'autres majorités, de diminuer le plancher de cet impôt, il serait alors particulièrement maladroit de ne pas envisager le raisonnement que je vous présente.

Avec le plancher que vous aviez proposé au départ, madame la ministre, on se situait au-delà et la question ne se posait guère en réalité, même si elle avait un intérêt dans le principe. Quand on diminue le plancher à 250 000 euros la question se pose à quatorze enfants. Si d'aventure ce plancher était réduit, la question se poserait pour un nombre plus faible d'enfants.

Même si la situation que j'évoque est sans doute exceptionnelle - mais elle ne serait pas anormale pour autant -, prévoyons clairement que le quotient familial doit pouvoir fonctionner jusqu'à épuisement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . M. Mariton poursuit sa défense et illustration des familles. Elle est légitime et sa ténacité est parfois récompensée. En juin dernier, souvenez-vous, nous avons doublé l'abattement au titre de l'ISF et sommes passés de 150 à 300 euros. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)

M. Hervé Mariton. Il n'avait pas été actualisé depuis plus de vingt ans !

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Pour le calcul de l'impôt sur le revenu, nous avons le quotient familial, c'est-à-dire qu'un contribuable peut diviser son revenu imposable par un nombre de parts correspondant au nombre de ses enfants. Depuis 1982, il est plafonné, et le plafond est fixé en valeur absolue. Aujourd'hui, c'est un peu moins de 2 400 euros.

M. Mariton nous explique que certains contribuables peuvent ne pas saturer leurs droits à réduction d'impôt au titre de l'impôt sur le revenu et qu'ils doivent pouvoir utiliser le reliquat au titre de cette contribution exceptionnelle.

M. Hervé Mariton. C'est évident !

M. Gilles Carrez, rapporteur général . J'ai fait le calcul, parce que nous avons eu ce débat en commission des finances, débat qui est, je le répète, tout à fait légitime. Le problème ne se pose aujourd'hui qu'à partir de quatorze enfants.

M. Hervé Mariton. À ce niveau d'impôt !

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Ce qui est important, c'est d'avoir ce débat ce soir pour bien montrer que nous avons le souci de prendre en compte les familles et de prendre rendez-vous pour l'avenir. Si cette contribution devait toucher des revenus plus bas, il faudrait prendre en compte le reliquat de quotient familial mais au niveau actuel, cela ne me paraît pas utile.

Bref, sur le principe, monsieur Mariton, vous avez raison mais, à ce stade, je suis plutôt enclin à donner un avis défavorable à votre sous-amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je me rangerai à l'avis du rapporteur général, bien que je sois très attachée, je viens de le répéter, à la familialisation de l'impôt. À ces niveaux de revenu, je pense que l'on peut considérer que, si l'on fait le quatorzième, c'est qu'on l'a vraiment voulu. (Rires et applaudissements sur divers bancs.)

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Mes chers collègues, nous vivons une époque formidable. Vous venez de proclamer votre attachement à la familialisation de l'impôt, à ceci près que la taxe que vous venez de créer n'est pas familialisée, elle est conjugalisée. Vous venez d'inventer un machin qui n'est évidemment pas l'impôt sur le revenu puisque vous avez changé l'assiette. C'est quelque chose de totalement nouveau puisque c'est maintenant conjugal. C'est une nouvelle notion dans notre droit fiscal.

Vous venez de nous expliquer que c'était extrêmement simple, monsieur le rapporteur général. Or non seulement vous avez un problème d'annualisation en cas de revenu exceptionnel, mais certains d'entre vous ont en outre des états d'âme en pensant que, lorsqu'il y a des enfants, on pourrait ne pas avoir bénéficié de la totalité du fruit du quotient familial.

Mes chers collègues, vous qui votez des textes sur la simplification du droit, je pense que ceux qui nous observent et même d'ailleurs un certain nombre d'entre nous ne comprennent plus rien à ce que vous mettez en place. Vous venez de changer totalement d'assiette et de méthode. Vous ne familialisez plus, vous conjugalisez et vous lissez sur trois ans quand il y a des revenus exceptionnels. Excusez-moi, mais cela devient du grand guignol !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Je serai bref mais mon intervention ira dans le même sens.

Je disais tout à l'heure que vous étiez en train de créer transitoirement un troisième impôt sur le revenu. Nous avons la CSG, qui est individualisée, avec une base large ; l'impôt sur le revenu, avec une base extrêmement étroite, conjugalisé et familialisé ; et vous inventez un impôt transitoire, avec deux taux, qui est seulement conjugalisé et non familialisé, d'où l'intervention de M. Mariton, que tout le monde pouvait attendre, parce que je connais son attachement à la familialisation de l'impôt. Vous êtes en train de construire une usine à gaz là où nous avons déjà un impôt sur le revenu totalement aberrant.

Il est temps de simplifier les choses, d'instaurer un impôt que tout le monde comprenne, avec une base large, familialisé d'une façon ou d'une autre, par des crédits d'impôt ou un quotient conjugal. Nous avons besoin en tout cas d'une vraie réforme fiscale. Ce que proposaient les amendements retirés par le Nouveau Centre et ce que nous proposons, la création d'une tranche supplémentaire et la suppression des prélèvements forfaitaires et des niches, c'est la vraie première marche d'une réforme de l'impôt sur le revenu, qui est vraiment nécessaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Pour vous, monsieur Muet, c'est un crédit d'impôt ou le quotient conjugal. Vous venez de nous confirmer de manière très explicite, ce qui a le mérite d'être très clair, que le parti socialiste est contre le quotient familial. Les mots ont un sens et vous êtes compétent à cet égard : vous avez choisi de ne pas parler de quotient familial. J'ai eu l'autre jour un débat avec M. Gille, spécialiste des questions de famille au groupe socialiste. Vous êtes pour la suppression du quotient familial, il faut que les Français le sachent. C'est la raison pour laquelle ce débat a sa raison d'être.

Le Gouvernement, madame la ministre, avait au départ, une meilleure idée que ce que vous proposez aujourd'hui. Dans votre première version, cet impôt exceptionnel était non seulement conjugalisé, ce que le PS admettrait du bout des lèvres pour l'impôt sur le revenu, mais même familialisé puisqu'il tenait compte du nombre d'enfants.

Ma proposition est beaucoup plus modeste puisque j'explique simplement qu'il faut assumer jusqu'au bout le quotient familial tel qu'il existe. Je crois vraiment que, sur le fond, j'ai raison.

On peut m'objecter que ce que je propose n'est pas assez simple. Il est plus simple, en effet, de ne pas tenir compte du nombre d'enfants. C'est un débat que nous pouvons avoir souvent. Je veux le dire aussi aux socialistes, qui veulent un impôt sur le revenu extrêmement simple, au mieux conjugalisé, et, éventuellement, un simple crédit d'impôt : vous nous proposez une réforme simple mais il y a un certain nombre de gros enjeux pour notre pays et, parfois, il est plus important d'avoir une réforme juste qu'une réforme simple. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

(Le sous-amendement n° 415 n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 304 deuxième rectification est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements n° s 406, 60 rectifié, 407, 307, 306 rectifié, 305 et 308 tombent.

L'amendement n° 303 présenté par M.  Carrez, est ainsi libellé :

Après le mot :

« années »,

rédiger ainsi la fin de l'alinéa 7 :

« précédant celle de l'imposition pour plus de la moitié de leurs revenus de source française ou étrangère de même nature que ceux entrant dans la composition du revenu fiscal de référence. ».

L'amendement n° 303 du rapporteur est un amendement de précision.

(L'amendement n° 303, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 250 présenté par M. Sandrier, Mme Amiable, M. Asensi, Mme Billard, M. Bocquet, M. Braouezec, M. Brard, Mme Buffet, M. Candelier, M. Chassaigne, M. Desallangre, M. Dolez, Mme Fraysse, M. Gerin, M. Gosnat, M. Lecoq, M. Muzeau, M. Daniel Paul et M. Vaxès, estainsi libellé :

Supprimer l'alinéa 14.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Cet amendement poursuit le même objectif que notre amendement précédent, à savoir rendre effective cette taxation dès l'année où le seuil est dépassé au lieu de faire une moyenne sur trois ans. C'est une question de justice fiscale et sociale.

Il n'est pas normal que les plus démunis subissent votre politique de classe qui a mis notre pays dans la situation financière que nous connaissons. Il y a de plus en plus de riches dans notre pays. Nous avons appris ce matin que la France comptait plus de millionnaires que n'importe quel autre pays européen, ce qui montre qu'ils ne se portent pas si mal chez nous. Il est temps que les hauts revenus participent à hauteur de leurs facultés.

(L'amendement n° 250, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 87 présenté par M. de Rugy, est ainsi libellé :

Après la première occurrence du mot :

« année »,

rédiger ainsi la fin de l'alinéa 18 :

« 2010. ».

La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. L'amendement est défendu.

(L'amendement n° 87, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 251 présenté par M. Sandrier, Mme Amiable, M. Asensi, Mme Billard, M. Bocquet, M. Braouezec, M. Brard, Mme Buffet, M. Candelier, M. Chassaigne, M. Desallangre, M. Dolez, Mme Fraysse, M. Gerin, M. Gosnat, M. Lecoq, M. Muzeau, M. Daniel Paul et M. Vaxès, est ainsi libellé :

Après l'année :

« 2011 »,

supprimer la fin de l'alinéa 18.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. La contribution dont nous parlons est dite exceptionnelle, ce qui signifie qu'elle est limitée dans le temps, normalement à deux ans. Elle sera donc supprimée dès 2013 si aucun changement n'intervient. La réforme de l'ISF prive chaque année l'État de 1,8 milliard d'euros de ressources, sans date de fin. Faites le calcul : les privilégiés sont gagnants et l'intérêt général est perdant.

Plus généralement, d'après un rapport de la Cour des comptes de juin 2011, le déficit budgétaire serait dû pour deux tiers à la politique que vous menez depuis 2007. En dix ans, la dette de la France est passée de 900 à 1 800 milliards. La situation économique de notre pays vous est donc directement imputable.

Madame la ministre, les finances publiques souffrent non pas d'un excès de dépenses mais d'un déficit de recettes. Il faut donc aller chercher l'argent là où il se trouve, à savoir chez les plus riches. Cet amendement va dans ce sens.

(L'amendement n° 251, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, n os 213, 43 et 154, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement n° 213 présenté par M. Lachaud, M. de Courson, M. Perruchot, M. Vigier, M. Benoit et les membres du groupe Nouveau centre, est ainsi libellé :

Après la dernière occurrence du mot :

« année »,

rédiger ainsi la fin de l'alinéa 18 :

« au titre de laquelle le déficit public des administrations publiques est nul. Ce déficit est constaté dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 3 du règlement (CE) n° 479/2009 du Conseil du 25 mai 2009 relatif à l'application du protocole sur la procédure concernant les déficits excessifs annexé au traité instituant la Communauté européenne. ».

Les amendements n os 43 et 154 sont identiques.

L'amendement n° 43 est présenté par M. Carrez, rapporteur général au nom de la commission des finances, et M. Carré.

Et L'amendement n° 154 est présenté par M. Charasse, Mme Girardin, Mme Berthelot, M. Giacobbi, M. Giraud, M. Likuvalu, Mme Jeanny Marc, Mme Orliac, Mme Pinel et Mme Robin-Rodrigo.

Ces amendements sont ainsi libellés :

À la fin de l'alinéa 18, substituer à l'année :

« 2013 »,

les mots :

« où est atteint l'équilibre des comptes des administrations publiques ».

La parole est à M. Philippe Vigier, pour défendre l'amendement n° 213.

M. Philippe Vigier. Nous avons eu un débat sur l'opportunité de créer une taxe exceptionnelle et nous avons expliqué dans quelles conditions, à savoir un taux de 3 % à partir de 250 000 euros et de 4 % à partir de 500 000 euros, nous apportions notre soutien au Gouvernement.

Il faut ensuite se demander, une fois qu'elle est créée, si elle a oui ou non un caractère pérenne. Je rappelle qu'il était prévu initialement une taxation sur deux années.

Ce n'est pas, comme j'ai pu le lire quelque part, un amendement « cosmétique », qui ne rapporte rien. Dans la copie initiale du Gouvernement, il était question de 210 millions d'euros, on arrive à 420 millions. Depuis trente ans, tous les budgets sont en déséquilibre. Ce que nous proposons donc maintenant, c'est la pérennisation de cette taxe, qui sera évidemment payée par ceux qui ont le plus, comme nous l'avons expliqué avec la notion de revenu fiscal de référence. J'ai été un peu surpris d'ailleurs que le président Cahuzac se soit montré plutôt favorable à l'idée qu'on continue de taxer plus les revenus du travail que ceux du patrimoine. Cela ne va pas dans le sens de ce que nous souhaitons.

Nous proposons donc, madame la ministre, de pérenniser la taxation jusqu'à ce que le solde des comptes des administrations publiques transmis à la Commission européenne avant le 1 er avril de chaque année soit nul.

Ce n'est pas rien, monsieur Brottes : 400 millions d'euros sur 20 000 familles, cela fait 20 000 euros par famille en moyenne, ce qui fait tout de même 3 000 paquets de cigarettes par an.

C'est une inflexion majeure par rapport à tout ce qui avait été fait jusqu'à présent et ceux qui paieront sont ceux qui bénéficient des plus gros revenus.

M. le président. La parole est à M. Gérard Charasse, pour défendre l'amendement n° 154.

M. Gérard Charasse. Notre amendement n° 159 à l'article 2 visait à instaurer une tranche supplémentaire dans le barème de l'impôt sur le revenu avec un taux plus élevé, pour permettre le rétablissement des finances publiques, introduire davantage de progressivité dans l'impôt et institutionnaliser cette tranche supplémentaire et ce nouveau taux supplémentaire.

La discussion de l'article 2 ayant été reportée après l'article 3, l'amendement n° 154 n'a pas plus de raison d'être et je le retire.

(L'amendement n° 154 est retiré.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n os 43 et 213 ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. L'amendement n° 43 de la commission propose de maintenir la contribution exceptionnelle jusqu'à ce que l'équilibre des comptes soit atteint. Nous avons beaucoup discuté en commission sur cette notion d'équilibre, difficile à définir.

Je me rallie cependant bien volontiers à l'amendement que vient de présenter M. Vigier et je retire celui de la commission des finances.

(L'amendement n° 43 est retiré.)

M. Christian Jacob. J'espère, monsieur Vigier, que cela ne vous aura pas échappé ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 213 ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. L'amendement du Nouveau Centre auquel se sont ralliés M. Charasse et M. le rapporteur général est très important. Le Nouveau Centre, on le sait, nous a toujours incités à conduire une politique visant à ramener le budget de l'État à l'équilibre. Il est très important de le rappeler.

M. Philippe Vigier. C'est la règle d'or !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous avons une trajectoire de finances publiques qui, en 2013, nous conduit à revenir dans les clous des 3 % de déficit pour respecter les critères de Maastricht, mais cela ne sera pas suffisant. Compte tenu du niveau d'endettement de la France, nous devons désormais nous désendetter. Nous savons que le déficit stabilisant la dette se situe un peu au-dessus de 2,5 %, mais cela ne suffit pas. Pour réduire la dette, nous devons retourner à l'équilibre. En adoptant l'amendement du Nouveau Centre, qui prend en compte l'amendement Charasse, nous permettons d'inscrire la volonté de retour à l'équilibre dans la loi de finances. C'est un signe majeur et j'invite l'opposition à voter cet amendement avec nous.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Très bien.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Madame la ministre, excusez-moi, mais prétendre qu'avec cet amendement, vous inscrirez la règle d'or dans la loi de finances, cela fait presque sourire. C'est faire preuve d'une incroyable naïveté. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Un peu de modestie ne nuit pas !

M. Christian Eckert. Je veux d'abord faire remarquer à nos collègues, qui vont probablement triompher avec cet amendement auquel on essaie de donner une importance phénoménale, que le mot « pérenne » signifie durable. Or pour vous, cela ne vaut que jusqu'au retour de l'équilibre.

M. Philippe Vigier. Trente ans. Vous allez gouverner moins longtemps !

M. Richard Mallié. 255 milliards.

M. Christian Eckert. Cela dépend de qui sera aux manettes, nous en reparlerons.

Ensuite, j'ai à plusieurs reprises employé l'adjectif « cosmétique » pour qualifier cette proposition. Bien sûr, je ne dis pas que 400 millions, ce n'est rien, mais au regard du cadeau de 1,8 milliard au titre de l'ISF, ce n'est pas grand-chose. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Hervé Mariton. On vous a déjà répondu !

M. Christian Eckert. Sans parler du fait que, pour la deuxième année consécutive, vous avez ponctionné 1,2 milliard sur les mutuelles de santé.

M. le président. Merci.

M. Christian Eckert. J'assume donc le choix du mot « cosmétique ».

M. Philippe Vigier. C'est très désobligeant.

(L'amendement n° 213 est adopté.)

(L'article 3, amendé, est adopté.)