II. RAPPORT AN N°3805 XIIIÈME LÉGISLATURE PREMIÈRE LECTURE

Observations et décision de la Commission :

Le présent article tend à instaurer une contribution supplémentaire à la charge des contribuables les plus aisés assise sur leur revenu fiscal de référence (RFR). Exceptionnelle au regard de sa durée d'application puisqu'elle a vocation à disparaître dès le retour du déficit public sous le seuil de 3 % de PIB, cette contribution accroît la progressivité de l'imposition des contribuables disposant des plus hauts revenus, tout en poursuivant :

- un objectif de justice fiscale avec la fixation d'un seuil de taxation acceptable au regard du niveau de contribution actuelle des foyers fiscaux concernés ;

- un objectif d'efficacité fiscale reposant sur la définition d'une nouvelle assiette taxable neutralisant les différences de traitement selon la composition des revenus dont disposent les contribuables visés et permettant d'appliquer un taux bas.

Cette contribution très ciblée doit donc rester exceptionnelle et tendre uniquement à mieux répartir la charge des efforts à réaliser entre les différents contribuables pour parvenir aux résultats de réduction du déficit public que la France s'est engagée à respecter.

I.- CHARGE DE L'IMPÔT PORTANT SUR LES CONTRIBUABLES LES PLUS AISÉS ET PROGRESSIVITÉ DE LEUR IMPOSITION

S'ajoutant aux impositions déjà acquittées au titre de l'impôt sur le revenu, la contribution exceptionnelle renforce la progressivité de l'imposition des contribuables les plus aisés. Elle s'inscrit en ce sens dans la continuité des réformes menées depuis 2008, notamment en matière d'encadrement des avantages fiscaux, tout en marquant une étape supplémentaire puisqu'il ne s'agit plus seulement de préserver l'imposition, mais bien de l'augmenter si la capacité contributive du contribuable le permet.

Au travers de cette nouvelle contribution, le présent article souligne également en creux les imperfections de l'impôt sur le revenu pour parvenir au résultat recherché. Celles-ci sont bien connues et n'appellent pas de réponse simple. Néanmoins, elles contribuent à expliquer la perte du poids de cet impôt dans l'ensemble des prélèvements obligatoires, sa moindre progressivité sur la dernière décennie et la légitimité d'une solution temporaire visant à introduire une nouvelle contribution plutôt que de majorer les taux d'imposition en vigueur.

A.- LA CHARGE DE L'IMPÔT PORTANT SUR LES PLUS AISÉS

Le Conseil des prélèvements obligatoires souligne dans son rapport de mai 2011, « Prélèvements obligatoires sur les ménages : progressivité et effets redistributifs », que la concentration de l'impôt sur le revenu n'a cessé de s'accroître depuis vingt ans.

Sur le fondement de l'impôt acquitté sur les revenus de 2009, il apparaît ainsi que les 10 % des foyers disposant des plus hauts revenus ont supporté 74 % de l'impôt net alors qu'ils n'en acquittaient que 62 % en 1975.

La concentration de l'imposition est d'autant plus forte que le niveau des revenus progresse. À titre d'illustration, les contribuables représentant 1 % des foyers les plus aisés (soit 360 000 foyers) concentrent 8,1 % du revenu brut déclaré contre 37,3 % de l'impôt acquitté.

Cette concentration rend compte notamment de la hausse du nombre des contribuables non imposables qui représentent actuellement 46,5 % du total des foyers fiscaux ( 1 ) (avec un effet difficilement mesurable des dispositifs PPE et RSA « chapeau ») et de la hausse des revenus des contribuables les plus aisés. La concentration de l'impôt ne signifie donc pas que les contribuables les plus aisés s'acquittent d'une plus forte imposition pour un même niveau de revenu et donc que l'impôt soit devenu plus progressif qu'il ne l'était.

Cette plus forte concentration ne signifie pas non plus que l'impôt est plus redistributif. L'effet redistributif de l'impôt sur le revenu est ainsi resté stable depuis la fin des années 1990 et ce malgré l'instauration de la PPE et du RSA, du fait du moindre poids de l'impôt sur le revenu dans l'ensemble des prélèvements obligatoires (il ne représente ainsi plus que 5,7 % en 2009 contre 9 % en 1995).

B.- LE MOINDRE POIDS DE L'IMPÔT SUR LE REVENU AU REGARD DU REVENU BRUT DES MÉNAGES

Cette évolution est d'autant plus remarquable que l'impôt sur le revenu est assis sur une assiette très dynamique, dont le taux de croissance annuelle moyen sur la décennie est de 3,6 % ( 2 ) , ce qui traduit une augmentation de 37 % du revenu brut déclaré depuis 2000.

(en milliards d'euros)

Revenu de l'année

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Produit net de l'IR

47,3

44,5

46,5

48,5

49,9

49,9

45,9

49,1

44,9

47,5

Indice

100

94

94

98

102

106

97

104

95

100

Revenu brut déclaré

702,3

731,6

763,5

784,7

819,3

843,2

884,9

921,8

935,5

963,1

Indice

100

104

109

112

117

120

126

131

133

137

Part de l'IR dans le revenu brut déclaré

6,7 %

6,1 %

6,1 %

6,2 %

6,1 %

5,9 %

5,2 %

5,3 %

4,8 %

4,9 %

Source : CPO, données DGFIP.

Certaines mesures d'allègement de l'impôt sur le revenu ont donc permis de minorer progressivement les montants d'imposition, de sorte que le produit net de l'impôt sur le revenu n'évolue plus depuis dix ans.

C.- LA MOINDRE PROGRESSIVITÉ DE L'IMPOSITION DES PLUS AISÉS ET LES MESURES PRISES DEPUIS 2008 POUR LA RENFORCER

La baisse de produit de l'impôt s'accompagne d'une moindre progressivité : le taux d'effort 1 ( * ) au regard de l'impôt sur le revenu des ménages appartenant aux cinq premiers déciles est resté stable (notamment parce qu'ils demeurent peu ou pas imposables), alors que ce taux d'effort a fortement baissé depuis 2000 à mesure que le niveau des revenus des contribuables augmente.

Les causes de la moindre progressivité de l'impôt sur le revenu sont à rechercher dans les nombreux leviers dont ont bénéficié les plus aisés pour s'acquitter d'une imposition plus faible. Ce constat doit néanmoins être nuancé pour la période récente au regard des réformes entreprises depuis 2008 visant notamment à encadrer le recours à la défiscalisation.

1.- La moindre progressivité des taux marginaux, liée notamment à la simplification du barème de l'impôt sur le revenu, devrait pour partie être corrigée par la remontée des taux moyens d'imposition au barème

Plusieurs réformes du barème de l'impôt sur le revenu ont été menées depuis 2000, la plus décisive étant la réforme de simplification du barème et d'allègement de l'imposition de l'ensemble des contribuables entreprise en 2006 qui reposait sur une réduction du nombre de tranches et sur l'intégration de l'abattement de 20 % dans le barème (qui s'est traduite par une baisse de 20 % des taux). La suppression de cet abattement ne s'est toutefois pas accompagnée de mesure visant à neutraliser la suppression du plafonnement de cet avantage qui fonctionnait comme une huitième tranche pour les contribuables concernés. La répartition du gain de la réforme s'est donc faite en faveur des contribuables les plus aisés. Les contribuables appartenant au dernier décile de RFR en 2005 ont ainsi bénéficié au total d'un peu moins du tiers de l'allègement d'imposition opéré par la réforme, soit de plus d'un milliard d'euros.

Cependant, l'évolution des seuls taux marginaux ne permet pas d'appréhender la progressivité réelle de l'imposition du fait de l'existence de nombreux avantages fiscaux venant minorer le montant de l'imposition et de modalités particulières du calcul de l'impôt reposant sur l'application de taux forfaitaires. Pour ces mêmes raisons, la seule modification du barème par l'ajout d'une tranche supplémentaire n'est pas en mesure de répondre à l'objectif d'une meilleure progressivité de l'impôt sur le revenu si aucune correction n'est apportée à son assiette ou si son montant est constamment minoré par l'activation d'avantages fiscaux. Ainsi, le choix a été fait depuis 2008 d'encadrer au préalable le recours à la défiscalisation, puis de majorer progressivement l'imposition des plus aisés.

Depuis les années 1990, le nombre de réductions d'impôt et de crédits d'impôt a fortement augmenté. Or, l'avantage en impôt retiré de ces dispositifs est très différent selon le décile de revenu auquel le contribuable appartient. Ainsi, les déciles supérieurs sont d'autant plus fortement incités à réduire leur imposition qu'ils disposent des moyens d'actionner les niches fiscales et qu'ils peuvent maximiser le montant de l'avantage obtenu. Selon le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires précité, les contribuables appartenant au dernier décile concentrent ainsi 62 % des réductions d'impôt. Au contraire, les contribuables appartenant aux quatre premiers déciles bénéficient en moyenne de moins d'un quart du montant de réductions d'impôt auquel ils pourraient prétendre en raison de la faiblesse de leur imposition. Hors PPE, les crédits d'impôt auraient également un impact régressif puisqu'ils bénéficient à 63 % aux 20 % des contribuables les plus aisés (48 % si l'on inclut la PPE).

Parmi les contribuables imposables à la dernière tranche du barème de l'impôt sur le revenu au titre des revenus 2009, 6 497 ont ainsi annulé leur imposition grâce aux réductions d'impôt et crédits d'impôt dont ils ont bénéficié (4 799 au titre des revenus de 2010), 3 738 ont réduit leur imposition de 90 % à 100 % (3 222 au titre des revenus 2010) et 6 229 l'ont réduite entre 70 % et 90 % (5 897 au titre des revenus de 2010). Néanmoins, ces comportements d'optimisation importante du montant de l'imposition devraient très fortement diminuer dans les années à venir du fait de la mise en oeuvre de plus en plus stricte du plafonnement global et des rabots opérés sur les taux des principales niches fiscales.

En effet, les nombreuses mesures d'encadrement de la dépense fiscale votées ces trois dernières années devraient, après épuisement du stock de réductions d'impôt acquises au titre d'années antérieures, se traduire par une augmentation sensible du taux d'imposition des contribuables les plus aisés au titre de l'imposition au barème. Quatre mesures principales ont ainsi été prises :

- le plafonnement individuel des réductions d'impôt dont l'avantage n'était pas limité (à l'exception du régime fiscal des monuments historiques) et un plafonnement spécifique aux niches outre-mer ;

- la transformation des mesures d'assiette en réductions d'impôt plafonnées, à l'instar du dispositif Malraux ou des dispositifs en faveur du logement locatif ;

- l'introduction d'un plafonnement global de l'avantage retiré de l'utilisation de certaines niches dont le niveau n'a cessé d'être abaissé depuis sa première application aux revenus 2009. Il limite actuellement l'avantage en impôt obtenu par les contribuables à un montant égal à 18 000 euros plus 6 % de leur revenu imposable ;

- la mise en oeuvre d'un rabot sur les taux des principales niches à l'impôt sur le revenu en loi de finances pour 2011 qui est doublé dans le cadre du présent projet de loi.

En 2012, l'effet de ces mesures sera d'ailleurs sensible puisque le coût prévisionnel de certaines des niches les plus mobilisées par les contribuables souhaitant minorer leur imposition ne progresse plus ou diminue même pour la première fois. À titre d'exemple, le coût annuel de la réduction d'impôt en faveur de l'investissement productif en outre-mer baisse de 730 millions d'euros en 2011 à 470 millions prévus pour 2012.

2.- L'effet des modalités d'imposition particulières selon la composition des revenus sur les taux d'imposition moyens à l'impôt sur le revenu

La faiblesse relative des taux d'imposition moyens à l'impôt sur le revenu (sans distinction des modalités d'imposition) s'explique également par l'existence de prélèvements forfaitaires libératoires et de taux forfaitaires inférieurs à ceux applicables au barème. Or, on constate que la part des revenus imposés au barème diminue fortement avec le niveau de revenu perçu. Par conséquent, les taux des prélèvements forfaitaires libératoires et les taux forfaitaires étant moins élevés pour ces contribuables que ceux du barème de l'impôt sur le revenu, le taux moyen total d'imposition aura tendance à baisser au fur et à mesure que le niveau de revenu augmente.

Les trois tableaux ci-dessous permettent ainsi d'apprécier la répartition des différents revenus composant le revenu des contribuables imposés à la tranche marginale de 41% de l'impôt sur le revenu, puis de ceux des contribuables disposant de plus de, respectivement, 250 000 euros et 500 000 euros de RFR par parts de quotient conjugal 2 ( * ) . Ils détaillent également les catégories de revenus entrant dans la composition du revenu fiscal de référence.

REVENUS COMPOSANT LE RFR DES CONTRIBUABLES IMPOSÉS
À LA DERNIÈRE TRANCHE MARGINALE DU BARÈME DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

328 396 foyers

Montant (M€)

Répartition (%)

Traitements et salaires

28 336

43,40

Pensions et retraites

3 451

5,29

Autres revenus catégoriels dont :

- RCM barème

2 970

4,55

- RF

6 297

9,64

- BIC

3 195

4,89

- BNC

12 979

19,88

- BA

885

1,36

- Autres revenus

27

0,04

Revenu brut global

58 140

89,04

Minoration de revenu, dont déficits antérieurs, charges et abattements spéciaux

- 1 325

- 2,03

Total Revenu net imposable

56 815

87,01

Revenus soumis au PFL

4 414

6,76

Plus-values et gains taxables au taux proportionnel

2 743

4,20

Total revenu imposé hors barème

7 157

10,96

Total revenu avant retraitement

65 297

100

Autres retraitements (revenus exonérés, abat sur dividendes, cotisations d'épargne retraite, etc...)

3 212

Revenu fiscal de référence

67 185

Les contribuables imposés à la dernière tranche marginale de l'impôt sur le revenu disposent donc d'une part de revenus imposés en dehors du barème de 11%.

REVENU COMPOSANT LE RFR DES CONTRIBUABLES DISPOSANT DE PLUS DE 250 000 EUROS PAR PART DE RFR

25 779 foyers

Masse de revenus (M €)

Répartition (%)

Traitements et salaires

5 282

27,96

Pensions et retraites

366

1,94

Autres revenus catégoriels dont :

RCM barème

1 180

6,25

RF

1 351

7,15

BIC

489

2,59

BNC

2 153

11,40

BA

107

0,57

autres revenus

1

0,01

Revenu brut global

10 929

57,85

Minoration de revenu, dont déficits antérieurs, charges et abattements spéciaux

-273

-1,44

Total revenu net imposable

10 656

56,40

Revenus soumis au PFL

3 993

21,13

Plus-values et gains taxables au taux proportionnel

3 971

21,02

Total revenu imposé hors barème

7 964

42,15

Total revenu avant retraitement

18 893

100

Autres retraitements (revenus exonérés, abat sur dividendes, cotisations d'épargne retraite, etc...)

2 934

Revenu fiscal de référence

21 554

Les contribuables disposant de 250 000 euros par part conjugalisée de RFR bénéficient de 42,15% de revenus non imposés au barème sur le total de leurs revenus.

REVENU COMPOSANT LE RFR DES CONTRIBUABLES DISPOSANT DE PLUS DE 500 000 EUROS PAR PART DE RFR

7 162 foyers

Masse de revenus (M €)

Répartition (%)

Traitements et salaires

2 311

23,50

Pensions et retraites

126

1,28

Autres revenus catégoriels dont :

RCM barème

726

7,38

RF

501

5,09

BIC

199

2,02

BNC

755

7,68

BA

41

0,42

Autres revenus

1

0,01

Revenu brut global

4 660

47,38

Minoration de revenu, dont déficits antérieurs, charges et abattements spéciaux

- 116

- 1,18

Total revenu net imposable

4 544

46,20

Revenus soumis au PFL

2 401

24,41

Plus-values et gains taxables au taux proportionnel

2 891

29,39

Total revenu imposé hors barème

5 292

53,80

Total revenu avant retraitement

9 952

100,00

Autres retraitements (revenus exonérés, abat sur dividendes, cotisations d'épargne retraite, etc...)

2 186

Revenu fiscal de référence

12 023

La part des revenus imposés hors barème des contribuables disposant de plus de 500 000 euros par part conjugalisée de RFR est donc de 53,80 % dans le total de leurs revenus.

Par conséquent, alors que le taux moyen d'imposition des contribuables répartis selon leur tranche d'imposition au barème augmente rapidement pour atteindre 20,75 % pour les contribuables imposés à la tranche marginale, l'imposition n'est plus progressive à partir du niveau de revenus pour lequel les revenus imposés hors barème sont prépondérants.

Taux marginal

Nombre de foyers

Revenu brut global moyen

RFR
(milliards €)

Impôt barème
(milliards €)

Impôt PFL
(millions €)

Impôt effectivement acquitté

Hors PFL (milliards €)

Moyenne des taux moyens

Nombre

moyen de parts

0 %

9 725 265

5 948

56,0

0,1

22,5

- 1,32

0,09 %

1,8

5,50 %

10 405 790

17 364

178,4

3,2

22,4

- 2,01

0,25 %

1,9

14 %

13 082 553

27 837

370,2

21,5

86,3

15,18

4,12 %

1,7

30 %

3 057 193

55 557

176,7

21,9

301,0

19,80

10,87 %

1,7

40 %

328 396

177 719

67,2

13,7

624,4

13,81

20,75 %

2,2

TOTAL

36 599 197

284 425

848,38

60,30

1 056,6

45,47

2,66  %

1,8

Source : Direction de la législation fiscale, revenus 2009.

Ainsi, on peut estimer que les contribuables disposant de plus de 250 000 euros de RFF par part conjugalisée sont soumis à un taux moyen d'imposition de 28,5 % contre 26% pour les contribuables disposant de 500 000 euros de RFR par part conjugalisée. La dégressivité de ces taux au regard de l'évolution des taux moyens d'imposition des contribuables répartis par tranche s'explique notamment par la part de plus en plus importante des revenus non imposés au barème dans le total de ces RFR.

Ces exemples permettent de souligner le tassement des niveaux d'imposition moyens au barème au sein de la dernière tranche d'imposition et la dégressivité de l'imposition moyenne totale des contribuables dont les revenus imposés hors barème sont majoritaires dans leur revenu global.

2.- Les réformes entreprises depuis 2010 pour majorer l'imposition des plus aisés

Le meilleur encadrement des possibilités d'optimisation s'est accompagné de la majoration de certains taux d'imposition depuis la loi de finances pour 2011. Le tableau ci-dessous retrace ainsi les mesures prises et les suppléments d'imposition dont devront s'acquitter désormais les contribuables disposant de hauts revenus ou de patrimoines importants. Ces mesures représenteront en 2012 une recette fiscale de 1,9 milliard d'euros, hors effet de la contribution prévue par le présent article.

Rendement 2011

Rendement 2012

Taux marginal à 41 % à l'IR (LFI 2011)

230 millions

230 millions

Augmentation des PFL de 1% et de 3 % pour PVI (LFI 2011) *

277 millions

277 millions

Augmentation de 0,2 % des PS sur les revenus du patrimoine (LFI 2011) *

103 millions

103 millions

Contribution supplémentaire retraites par capitalisation (LFI 2011)

55 millions

60 millions

Majoration de 2,5 % à 8 % de la contribution salariale sur les stock-options et attributions gratuites d'actions (LFSS 2011)

-

10 millions

Suppression du bouclier fiscal (LFR 2011 I)

-

720 millions

Réforme de l'ISF (LFR 2011 I)

- 400 millions

- 1 857 millions

Augmentation de 5 % des DMTG (LFR 2011 I)

23 millions

185 millions

Suppression de l'abattement pour les donations (LFR 2011 I) *

65 millions

145 millions

Augmentation du délai du rapport fiscal (LFR 2011 I) *

9 millions

225 millions

Augmentation de 5 % pour la transmission de l'assurance vie (LFR 2011 I)

10 millions

20 millions

Imposition des trusts à l'ISF (LFR 2011 I)

-

30 millions

Exit tax (LFR 2011 I)

-

87 millions

Augmentation de 1,2 % des PS sur les revenus du patrimoine (LFR 2011 II) *

95 millions

665 millions

Réduction des abattements sur les PVI (LFR 2011 II) *

90 millions

1 000 millions

Total

557 millions

1 900 millions

* : Les lignes comprenant l'astérisque correspondent à des chiffrages pour lesquels seule la moitié du rendement a été retenue (en raison d'un champ d'application dépassant les seuls hauts revenus et hauts patrimoines)

II.- ÉLÉMENTS DE COMPARAISON INTERNATIONALE

La France n'est pas le seul pays à avoir consenti un relèvement de l'imposition des plus aisés. La présentation de l'imposition des revenus de ces contribuables chez certains de nos plus proches partenaires permet en effet d'illustrer la proximité des niveaux d'imposition applicables.

Depuis la réforme de 2007, l'Allemagne applique un taux marginal de 42 % pour la fraction de revenus supérieure à 52 882 euros, puis de 45 % pour les revenus supérieurs à 250 730 euros. Une taxe supplémentaire de solidarité de 5,5 % et, le cas échéant, l'impôt cultuel de 8 à 9 % s'ajoutent à ces taux marginaux. L'ensemble des revenus financiers (produits de taux, dividendes, gains de change, plus-values de cession) sont imposés au taux de 25 % (auquel s'ajoutent la taxe de solidarité de 1,375 % et l'impôt cultuel). Si le contribuable est imposé à un taux inférieur au titre du barème à l'impôt sur le revenu, il peut néanmoins opter pour une taxation de ses revenus du capital au barème.

Au Royaume-Uni , un nouveau taux de 50 % s'applique aux revenus supérieurs à 150 000 livres (soit 170 000 euros) depuis 2010. Les revenus du capital sont imposés, en vertu de la capital gain tax au taux unique de 18 % (après application d'un abattement plafonné à 10 600 livres en 2011). Cette imposition vise les gains perçus sur des biens de toute nature. On notera qu'à partir de juin 2010 a été introduit un taux supérieur de 28 % réservé aux contribuables les plus aisés.

Aux États-Unis , le taux marginal résulte de la somme de l'impôt fédéral, de l'impôt de l'État et de l'impôt de la ville (et/ou du comté). À New York, par exemple, la somme des taux marginaux atteint 47,846 %. Le taux marginal du barème de l'impôt sur le revenu est quant à lui de 35 % pour la fraction des revenus supérieure à 379 150 euros. Les revenus du capital détenus depuis plus d'un an sont taxés au taux forfaitaire de 15 % ou, s'ils ont été détenus pendant moins d'un an, au barème de l'impôt sur le revenu.

En Italie , le taux maximum est de 43 % au titre de l'impôt d'État pour la fraction des revenus supérieure à 75 000 euros. Si les plus values-immobilières sont soumises au barème de l'impôt sur le revenu, les revenus du capital sont taxés au taux forfaitaire de 12,5 %.

Par ailleurs, les projets de contribution exceptionnelle sur les contribuables les plus aisés font l'objet de débats au sein de l'opinion publique notamment aux États-unis, en Italie, en Espagne et en Allemagne.

III.- LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article introduit 3 ( * ) une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus à la charge des contribuables passibles de l'impôt sur le revenu. Cette contribution donne lieu à la définition d'une nouvelle assiette et de modalités d'imposition particulières.

A.- L'ASSIETTE DE LA CONTRIBUTION

L'assiette de la nouvelle contribution est assise sur le revenu fiscal de référence prévu au 1° du IV de l'article 1417 du CGI. Ce revenu, introduit dans la loi de finances pour 1991 afin de garantir l'octroi des dégrèvements d'impôts locaux et de la prime du plan d'épargne populaire aux contribuables les plus modestes, était utilisé jusqu'à présent comme une référence permettant d'apprécier le niveau de revenu total d'un contribuable.

De plus en plus utilisé pour conditionner les bénéfices de dispositifs fiscaux dérogatoires du droit commun et de certaines politiques en faveur des populations les plus fragiles (inactifs, personnes âgées ou invalides), le RFR propose une assiette de revenus large, à même de représenter la capacité contributive réelle du contribuable. En effet, ce revenu agrège différentes catégories de revenus (revenu d'activité, de capital et de patrimoine), réintègre certains revenus exonérés et neutralise une partie des niches minorant le montant de l'imposition à l'impôt sur le revenu.

Le revenu fiscal de référence reconstitue ainsi une assiette composée de revenus nets imposés à l'impôt sur le revenu (sauf revenus non réintégrés et retraitement de revenus particuliers qui peuvent n'avoir jamais été imposés).

Exemples de régimes conditionnés par un niveau de RFR

- les exonération et dégrèvement de taxe foncière en faveur des personnes âgées et des titulaires de l'allocation aux adultes handicapées ;

- le plafonnement de la taxe foncière afférente à l'habitation principale en fonction du revenu ;

- l'exonération de taxe d'habitation en faveur des personnes âgées de plus de 60 ans, des veufs et des veuves, des personnes atteintes d'une invalidité ou d'une infirmité et des titulaires de l'allocation aux adultes handicapés ;

- le plafonnement de la taxe d'habitation en fonction du revenu ;

- les abattements en matière de taxe d'habitation ;

- le crédit d'impôt en faveur des jeunes salariés exerçant un métier connaissant des difficultés de recrutement ;

- la prime pour l'emploi ;

- l'exonération des plus-values immobilières réalisées par les titulaires de pensions de vieillesse ou de la carte d'invalidité ;

- l'exonération de CSG et de CRDS sur certains revenus de remplacement ;

- les chèques-vacances ;

- le dispositif Scellier intermédiaire pour l'appréciation des plafonds de ressources des locataires

Le champ des bénéficiaires de ces régimes et les nombreuses situations de ressaut d'imposition important en cas de dépassement d'un plafond de RFR (notamment du fait du cumul de différents allègements fiscaux pour les contribuables les plus modestes) appellent à considérer avec prudence toute modification du périmètre de cette assiette qui ne soit pas strictement applicable à la nouvelle contribution. En effet, si ce périmètre reste perfectible, comme le montre l'analyse des revenus concernés, une telle évolution ne peut être envisagée que dans le cadre d'une refonte plus générale de la fiscalité des personnes.

1.- Les éléments de revenus pris en compte pour l'appréciation du revenu fiscal de référence

Le RFR est l'outil codifié le plus satisfaisant en termes d'appréciation des revenus réels dont disposent les contribuables. Son montant s'entend du montant net des revenus (après application du système de quotient pour les revenus différés ou exceptionnels) et des plus-values retenus pour l'établissement de l'impôt sur le revenu. Par ailleurs, il est majoré de certaines charges déduites, de revenus bénéficiant d'allégements fiscaux (exonération, abattement) ou qui sont soumis à l'impôt par un prélèvement ou une retenue à la source libératoire. À l'inverse, il est également minoré de certaines charges.

Schéma des revenus pris en compte pour la détermination du revenu fiscal de référence 4 ( * )

Revenus perçus

Revenus exonérés

Revenus bruts déclarés imposés au barème

TS
et assimilés

Revenu brut

- 10 %

ou frais réels

Revenus imposés au taux proportionnel

Revenu brut global

Charges et abattements réintégrés

RFR net

RF

Revenu brut

-

Charges

RCM

Revenu brut

- abattements

BIC,BNC,BA

Revenu brut

-

charges professionnelles

Revenu net catégoriel

Le cas échéant, déficit imputable sur le revenu global dans la limite de 10 700 euros ou sans limitation de montant pour les déficits résultant de certains immeubles.

Revenu net catégoriel

Le cas échéant, déficit non imputable sur le revenu global.

Revenu net catégoriel

Le cas échéant, déficit imputable sur le revenu global, lorsque l'activité est exercée à titre professionnel (BIC), lorsque le total des autres revenus est inférieur à 101 300 € (BA) ou lorsqu'ils proviennent de l'exercice d'une profession libérale ou d'une charge (BNC).

Revenu net catégoriel

RFR brut

Revenus perçus

Revenus exonérés

Revenus bruts déclarés imposés au barème

TS
et assimilés

Revenu brut

- 10 %

ou frais réels

Revenus imposés au taux proportionnel

Revenu brut global

Charges et abattements réintégrés

RFR net

RF

Revenu brut

-

Charges

RCM

Revenu brut

- abattements

BIC,BNC,BA

Revenu brut

-

charges professionnelles

Revenu net catégoriel

Le cas échéant, déficit imputable sur le revenu global dans la limite de 10 700 euros ou sans limitation de montant pour les déficits résultant de certains immeubles.

Revenu net catégoriel

Le cas échéant, déficit non imputable sur le revenu global.

Revenu net catégoriel

Le cas échéant, déficit imputable sur le revenu global, lorsque l'activité est exercée à titre professionnel (BIC), lorsque le total des autres revenus est inférieur à 101 300 € (BA) ou lorsqu'ils proviennent de l'exercice d'une profession libérale ou d'une charge (BNC).

Revenu net catégoriel

RFR brut

Afin de présenter de façon plus précise les différentes composantes du RFR, le tableau suivant détaille les revenus, ainsi que les déficits, charges et abattement pris en compte pour son calcul.

Revenus composant le RFR

- les traitements et salaires (après déduction des frais professionnels forfaitaires ou réels) ;

- les rémunérations nettes des gérants et associés de certaines sociétés / art. 62 du CGI (après déduction des frais professionnels) ;

- les pensions et retraites nettes (après l'abattement de 10 %), rentes viagères nettes

- les revenus professionnels nets imposés à l'IR au barème progressif (BIC, BNC, BA)

- les revenus professionnels nets imposés à l'IR selon le régime dit des « auto-entrepreneurs » ;

- les plus-values professionnelles nettes soumises à l'impôt au taux proportionnel ;

- les revenus de capitaux mobiliers (RCM) nets soumis au barème progressif de l'IR (pour leur montant avant abattement de 40 % mais après l'abattement forfaitaire) ;

- les revenus de capitaux mobiliers (RCM) nets soumis au prélèvement forfaitaire libératoire (pas d'abattement) ;

- les revenus fonciers nets

- les revenus exceptionnels ou différés soumis à l'IR selon le système du quotient

- les revenus soumis à l'IR selon une base moyenne ou fractionnée

- les plus-values et gains divers nets sur cessions de valeurs mobilières soumis à l'impôt au taux proportionnel (PVM)

- les plus-values et gains nets exonérés (JEI, SCR, FCPR, régime des impatriés, ou du fait de l'abattement pour durée de détention)

- les plus-values immobilières (PVI) imposables

- les revenus professionnels nets exonérés (BIC, BNC, BA)

- les plus-values professionnelles soumises à l'impôt au taux proportionnel (BA, BNC, BIC)

- certaines plus-values professionnelles exonérées (BA, BNC, BIC)

- les traitements et salaires afférents aux heures supplémentaires ou complémentaires exonérés d'IR

- les droits tirés d'un compte-épargne temps (CET) versés sur un plan d'épargne retraite collectif (PERCO)

- l'indemnité de fonction perçue par les élus locaux soumise à la retenue à la source prévue par l'article 204-0 bis du CGI

- l'indemnité de fonction perçue par les élus locaux imposée à l'IR selon les règles des traitements et salaires

- les revenus exonérés d'IR en France (fonctionnaire des organisations internationales ou application d'une convention fiscale internationale)

- les revenus exonérés d'IR en France (régimes des impatriés et des expatriés)

- les revenus de capitaux mobiliers exonérés (FCPR, SUIR, SCR, régime des impatriés)

- les produits tirés des contrats d'assurance-vie en euros imposés à l'IR au barème progressi

- les produits tirés des contrats d'assurance-vie en unités de compte imposés à l'IR au barème progressif

- les produits tirés des contrats d'assurance-vie en euros imposés au prélèvement forfaitaire libératoire

- les produits tirés des contrats d'assurance-vie en unités de compte imposés au prélèvement forfaitaire libératoire

Déficits imputables

- les déficits globaux imputables des années antérieures

- les déficits professionnels imputables (BIC, BNC, BA)

- le déficit foncier imputable

Charges et abattements

- les pensions alimentaires versées aux ascendants et descendants (sous certaines conditions et limites)

- l'abattement en faveur des personnes de condition modeste âgées ou invalides

- l'abattement en faveur des enfants majeurs mariés rattachés au foyer

- les charges foncières des monuments historiques ou assimilés qui ne produisent pas de recettes

- les prestations compensatoires (versement en capital ou en rente) et contributions aux charges du mariage

- les frais d'accueil des personnes âgées de plus de 75 ans

- les dépenses supportées par le nu-propriétaire au titre des grosses réparations (sous certaines conditions)

- les versements effectués à titre de cotisations de sécurité sociale, à l'exception de ceux effectués pour les gens de maison

- les versements en vue de la retraite mutualiste du combattant

- les cotisations mentionnées aux articles L612-2 et L612-13 du code de la sécurité sociale, lorsqu'elles n'ont pas été déduites d'un revenu catégoriel

- les primes ou cotisations des contrats d'assurances conclus en application des articles L. 752-1 à L. 752-21 du code rural relatifs à l'assurance obligatoire contre les accidents de la vie privée, les accidents du travail et les maladies professionnelles des non salariés des professions agricoles

- les cotisations versées par les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole au titre des contrats d'assurance de groupe mentionnés au 2° de l'article L. 144-1 du code des assurances, dans les limites prévues par l'article 154 bis -0 A du CGI (déduction des cotisations facultatives d'épargne retraite « Madelin agricole du revenu global à titre supplétif)

Charges réintégrées dans le RFR

- les cotisations ou primes d'épargne-retraite versées à titre facultatif aux plans d'épargne retraite populaire (PERP), au volet facultatif des plans d'épargne retraite d'entreprise (PERP d'entreprise ou « PERE »), aux régimes PREFON, COREM et CRH (article 163 quatervicies du CGI) ;

- souscription de parts de copropriétés de navires de commerce

- souscription au numéraire au capital des Sofipêche

Par ailleurs, certains revenus ne sont pas pris en compte. Parmi ceux-ci, on peut mentionner 5 ( * ) :

Revenus non pris en compte dans le RFR

- les revenus des produits d'épargne réglementée exonérés d'IR (livret A, LDD, LEP ...) ;

- les produits exonérés d'IR tirés des comptes épargne logement, PEP et de certains contrats d'assurance-vie (DSK, NSK notamment) ;

- les prestations sociales et familiales exonérées d'IR (RMI, allocation logement, allocation parent isolé...) ;

- les produits de l'épargne salariale (droits en principal et revenus) exonérés d'IR

- Salaires des étudiants (notamment perçus les samedis et dimanches)

- la plupart des indemnités versées au titre de l'emploi exercé (indemnité de licenciement, indemnité de fonction des parlementaires...)

- prise en charge par l'employeur des frais de déplacement domicile-travail

- Abondement de l'employeur pour le financement des services à la personne (aide ménagère, cours pour apprendre à nager, jardinage...)

- les prestations familiales, AAH, AFEAMA, AGED, APJE

- Bénéfices provenant d'activités créées par les entreprises dans les bassins d'emploi à redynamiser

- Revenus des immeubles dont le propriétaire se réserve la jouissance

- Plus-values immobilières des premières cessions des non-résidents

- Plus-values immobilières des titulaires de pensions de vieillesse ou carte d'invalidité

- Plus-values immobilières en cas de cessions aux organismes concourant au logement social

- Plus-values professionnelles en cas cession d'une entreprise individuelle ou d'une branche complète d'activité (à l'instar d'entreprises spécialisées dans la production de biens (pendules, carrioles...) ou de distribution).

- Plus-values professionnelles en cas de départ à la retraite

- Plus-values professionnelles en cas de cession au profit de sociétés agrées pour la recherche scientifique

- Abattement annuel applicable aux produits tirés de certains bons de capitalisation et contrats d'assurance-vie, pour la détermination de l'assiette du prélèvement libératoire au taux réduit de 7,5 %

- Abattement fixe sur certains revenus distribués

Cette présentation illustre les avantages du RFR pris comme assiette de la nouvelle taxation. Il permet une taxation supplémentaire plus juste au regard de celle qui aurait résulté de la création d'une nouvelle tranche d'impôt sur le revenu et du relèvement des taux des PFL puisqu'il intègre l'ensemble des revenus d'activité et de patrimoine et neutralise ainsi tout traitement distorsif selon la composition des revenus des contribuables visés. Par ailleurs, cette assiette permet d'assurer que le seuil de revenus requis corresponde réellement aux capacités contributives des contribuables, grâce à la prise en compte de certains revenus exonérés.

2.- Le RFR retenu dans le cadre de la nouvelle contribution

Le présent article propose de modifier à la marge la définition du RFR dans le cadre de son utilisation comme assiette de la nouvelle contribution. Il est ainsi prévu de ne plus prendre en compte les effets du quotient prévu à l'article 163-0 A du CGI visant à atténuer la progressivité du barème de l'impôt sur le revenu lors de la perception d'un revenu exceptionnel au motif que la contribution est dotée d'un dispositif de lissage propre pour traiter les cas de ressaut d'imposition.

Une disposition particulière a également été prévue au II de l'article afin d'assurer la prise en compte des montants de plus-values immobilières perçues par les contribuables à l'occasion de la cession d'un bien sur leur déclaration d'impôt sur le revenu. En effet, bien que le RFR intègre en théorie ce revenu, faute de déclaration par le contribuable 6 ( * ) , l'administration fiscale ne prend actuellement pas en compte cet élément de revenu dans le RFR.

Par conséquent, deux RFR distincts coexisteront : celui prévu dans le cadre de l'article 1417 du CGI intégrant les effets du quotient et celui présenté par le présent article, excluant le lissage des revenus exceptionnels en amont de la nouvelle contribution. Par ailleurs, tous deux intégreront désormais les plus-values immobilières nettes, soit après application, le cas échéant, du mécanisme d'abattement.

B.- LE SEUIL D'ASSUJETTISSEMENT DES CONTRIBUABLES ET LA PRISE EN COMPTE DE LEUR SITUATION FAMILIALE

La nouvelle contribution serait acquittée sur la fraction de RFR supérieure à :

- 500 000 euros pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés ;

- 1 million d'euros pour les contribuables soumis à imposition commune.

Le seuil d'assujettissement retenu repose donc sur la seule application d'un quotient conjugal, sans prise en compte des autres personnes à la charge du foyer.

Ainsi, un couple s'étant uni l'année de réalisation des revenus imposables à la nouvelle contribution bénéficie d'un seuil de un million d'euros pour apprécier le montant de l'assiette imposable.

Au contraire, dans le cas d'un couple qui divorce en cours d'année d'imposition, les deux nouveaux contribuables seront imposés, au titre de l'année, à compter d'un seuil de 500 000 euros. Il en va de même en cas de séparation ou de veuvage. On notera que seul ce dernier cas est ainsi moins favorablement traité qu'en matière d'impôt sur le revenu 7 ( * ) .

La non prise en compte de la composition du foyer au-delà de l'application du quotient conjugal est justifiée pour plusieurs raisons. En premier lieu, les contribuables soumis à la contribution ont bénéficié, dans la grande majorité des cas, des dispositifs de familialisation existants au titre de l'impôt sur le revenu à leur plafond. La composition familiale a donc été prise en compte en amont de la contribution.

En second lieu, les niveaux de seuil d'assujettissement sont suffisamment élevés pour assurer que la capacité contributive des contribuables ait été bien prise en compte. La solution proposée par le Conseil constitutionnel lors d'une récente décision relative à l'ISF pourrait ainsi être retenue. Le Conseil a en effet considéré qu'« en prenant en compte les capacités contributives selon d'autres modalités, (le législateur) n'a pas méconnu l'exigence résultant de l'article 13 de la Déclaration de 1789, qui ne suppose pas l'existence d'un quotient familial ».

Une solution contraire aurait d'ailleurs eu pour conséquence de remettre en cause la constitutionnalité de l'ensemble des impositions qui n'appliquent pas de quotient familial, à l'instar de la CSG.

Le Conseil constitutionnel reconnaît dans cette même décision l'incidence particulière du quotient familial dans la détermination de l'imposition des foyers à l'impôt sur le revenu au regard des autres impositions. Selon l'objet et la structure des impositions, ainsi que le niveau du seuil d'assujettissement des contribuables, le législateur peut apprécier, dans le respect des règles constitutionnelles, la justesse de la contribution supplémentaire demandée.

En troisième lieu, l'application d'un quotient familial distinct de celui applicable au barème de l'impôt sur le revenu aurait pour conséquence de favoriser davantage les contribuables les plus aisés au regard de leurs charges de famille que les contribuables non soumis à la nouvelle taxation. Une telle réintégration pourrait remettre en cause l'objectif de plus grande progressivité de l'imposition des contribuables visés, alors même que tous les dispositifs de redistribution horizontale ont fonctionné en amont de la taxation. En effet, la contribution vise à alourdir l'imposition de revenus déjà taxés aux différents impôts existants afin de répartir en fonction de la capacité contributive des contribuables les efforts nécessaires à la réduction des déficits publics. Elle prend donc intrinsèquement en compte cette capacité et ne nécessite pas de correctifs.

Par ailleurs, l'effet du quotient familial tel qu'il existe au barème (avec notamment l'application de plafonds spécifiques selon la qualité des personnes à charge) n'aurait pas la même portée dans le cadre de la nouvelle contribution. Celle-ci étant forfaitaire, le principal effet du quotient familial, soit corriger la progressivité de l'impôt sur le revenu en permettant aux contribuables ayant de nombreuses personnes à charge de descendre dans les tranches du barème, serait très limité et, par conséquent, ce mécanisme fonctionnerait davantage comme un abattement forfaitaire ou comme un mécanisme d'exonération.

Or, les montants de la contribution exceptionnelle devant être beaucoup plus modestes que ceux de l'imposition au barème (le taux étant de 3 % alors que le taux moyen d'imposition au barème est de plus de 30 % pour les contribuables visés), le maintien d'un plafond d'avantage équivalent à celui de l'impôt sur le revenu n'est pas souhaitable, sauf à exonérer la majeure partie des redevables.

On perçoit donc, qu'à moins de fixer à un montant symbolique l'avantage procuré par les demi-parts supplémentaires, un tel mode de prise en compte de la composition familiale aurait des effets très différents de ceux que l'on constate à l'impôt sur le revenu, puisque dans bien des cas, ils conduiraient à fortement affaiblir le montant de la contribution sans que le nombre d'enfants soit élevé ou à exonérer totalement les contribuables, ce qui serait simplement impossible à l'impôt sur le revenu pour ce niveau de revenus.

C.- L'IMPOSITION À LA CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE

Les contribuables disposant d'une fraction de RFR supérieure à 500 000 euros pour un célibataire ou à un million d'euros pour un couple seraient donc imposés sur cette assiette au taux de 3 %.

Les exemples ci-dessous illustrent le supplément d'imposition qui sera à verser par ces contribuables selon le niveau de richesse dont ils bénéficient.

RFR

Montant
d'imposition

Célibataire 1

550 000

1 500

Célibataire 2

900 000

12 000

Célibataire 3

1 500 000

30 000

Couple 1

1 005 000

150

Couple 2

1 500 000

15 000

Couple 3

2 000 000

30 000

Les montants d'imposition supplémentaires sont donc relativement bas au regard des niveaux de revenus de ces mêmes contribuables. Ils sont également modestes au regard des autres impositions qui touchent cette population.

La contribution est déclarée, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes garanties et sanctions qu'en matière d'impôt sur le revenu. Ce sont donc les revenus perçus lors de l'année d'imposition qui donneront lieu au recouvrement de l'impôt l'année suivante . Ainsi, la contribution s'appliquant à compter des revenus de l'année d'imposition 2011, les premiers recouvrements interviendront au cours de l'année 2012. Le présent article prévoit par ailleurs que la contribution s'appliquera jusqu'à l'imposition des revenus de l'année de retour sous le seuil des 3 % de PIB du déficit public.

Cependant, afin de préserver les contribuables qui ne seraient assujettis à la nouvelle contribution que de manière exceptionnelle (par exemple, du fait de la réalisation d'une plus-value), le présent article propose un mécanisme de lissage.

D.- LE MÉCANISME DE LISSAGE

Le II du nouvel article 223 sexies prévoit un dispositif visant à lisser l'imposition des revenus exceptionnels. En effet, l'esprit de la nouvelle contribution est d'augmenter l'imposition des seuls contribuables disposant d'un niveau de revenus élevé. Or, la vente d'une résidence secondaire ou la réalisation occasionnelle d'une plus-value, si elles constituent des événements exceptionnels, ne concernent pas nécessairement que des contribuables très aisés. Le choix a donc été fait d'instaurer un dispositif de lissage de ces revenus exceptionnels afin de s'assurer que l'objectif de la contribution ne soit jamais dévoyé.

Le dispositif de lissage proposé a pour principal avantage la simplicité. Cependant, l'examen des deux étapes préalables à l'application de ce dispositif, soit l'appréciation du caractère exceptionnel des revenus à lisser et la prise en compte de la modification de la situation familiale du contribuable, appelle ainsi certains commentaires.

1.- La définition des revenus exceptionnels

a) La définition des revenus exceptionnels proposée par le présent article

Le présent article propose que lorsque la moyenne des revenus fiscaux de référence du foyer de l'année d'imposition et des deux années précédentes est inférieure au seuil d'imposition, le revenu de l'année d'imposition est considéré comme exceptionnel et ne donne pas lieu à imposition. Ce système de lissage serait appliqué automatiquement sans que le contribuable ait besoin d'opter pour son bénéfice. Ainsi, seule la moyenne des revenus perçus sur une période de trois ans permet de déterminer si le revenu est exceptionnel ou non. Cette appréciation pourrait créer des effets de seuil au sein de la population visée.

En effet, ce dispositif s'inspire du mécanisme de quotient applicable à l'impôt sur le revenu, tout en le simplifiant. Il ne reprend qu'une partie de la définition des revenus exceptionnels applicable à l'impôt sur le revenu et ne propose qu'une imposition totale ou une exonération totale plutôt qu'un mode de calcul différent de l'imposition liée à ces revenus. Les exemples suivants tentent de mettre en lumière les avantages et les inconvénients de cette solution.

CAS EXONÉRÉS

n-2

n-1

n (année
d'imposition)

Moyenne
des 3 années

Montant
d'imposition

Revenus personne aisée qui vend un bien de façon exceptionnelle

200 000

200 000

900 000

430 000

0

Revenus personne aisée qui ne perçoit pas de revenus exceptionnels

400 000

450 000

550 000

466 000

0

Revenus personne aisée dont les revenus varient fortement et régulièrement

700 000

100 000

699 900

499 960

0

CAS IMPOSABLES

n-2

n-1

n (année d'imposition)

Moyenne des 3 années

Montant d'imposition

Revenus personne aisée qui vend un bien de façon exceptionnelle

200 000

200 000

1 150 000

516 000

19 500

Revenus personne aisée qui ne perçoit pas de revenus exceptionnels

500 000

450 000

550 000

500 000

1 500

Revenus personne aisée dont les revenus varient fortement et régulièrement

700 000

100 000

700 500

500 200

6 015

Le principal avantage de ce mécanisme de lissage est qu'il permet d'exonérer totalement les contribuables qui, ayant bénéficié de revenus ordinaires très inférieurs au seuil d'imposition, perçoivent un revenu exceptionnel. En effet, le niveau de leurs revenus ordinaires permet d'atteindre une moyenne de revenus inférieure au seuil, même dans le cas d'un revenu exceptionnel important. Cet avantage disparaît néanmoins si le revenu exceptionnel est très élevé et qu'il suffit à rendre la moyenne des revenus supérieure au seuil d'imposition. On soulignera que l'objectif recherché par le dispositif est donc moins de lisser l'imposition des revenus pour limiter tout ressaut d'imposition, plutôt que d'exonérer totalement les contribuables bénéficiant du dispositif. En ce sens, il est plus favorable aux contribuables que les mécanismes de lissage existant à l'impôt sur le revenu.

Deux inconvénients persistent cependant :

- il exonère a priori les personnes qui sont juste en dessous du seuil et le dépassent au titre d'une année de peu alors même que ce dépassement n'est pas lié à un revenu exceptionnel ;

- il crée un effet de seuil important puisque selon que la moyenne est inférieure ou supérieure au seuil, le contribuable est soit totalement exonéré, soit totalement imposé sur la fraction dépassant le seuil.

Les impositions de contribuables dans des situations très semblables pourraient être différentes, alors même que les différences de revenus sur la période de référence sont minimes.

Enfin, comme le mécanisme de moyenne proposé par le présent article repose sur un écart de revenu par rapport au seuil d'imposition, un célibataire devra avoir perçu au moins 1,5 million d'euros sur trois ans pour être imposable au titre de l'année où son RFR dépasse 500 000 euros. Un couple devra quant à lui avoir perçu 3 millions d'euros.

Par conséquent, comme le montre l'exemple ci-dessous, un contribuable pourra être totalement exonéré de la contribution deux années de suite ou même davantage à la condition d'optimiser la répartition de ses revenus et ce bien qu'il ait régulièrement des revenus supérieurs à 500 000 euros.

CAS D'EXONÉRATIONS CONSÉCUTIVES

n-2

n-1

n (année d'imposition)

n+1

n+2

Revenus personne aisée dont les revenus varient fortement et régulièrement

700 000

100 000

600 000

700 000

100 000

Imposition

-

0

0

0

0

Par rapport au traitement des revenus exceptionnels à l'impôt sur le revenu par le système de quotient, le dispositif proposé par le présent article apprécie différemment les revenus exceptionnels.

Les revenus exceptionnels sont définis, dans le cadre de l'impôt sur le revenu, à l'article 163-0 A du CGI. Cet article prévoit notamment l'application d'un système de quotient permettant de limiter le ressaut d'imposition lié à la perception d'un tel revenu en divisant son montant par quatre et en l'ajoutant au revenu ordinaire. L'imposition supplémentaire ainsi obtenue est alors multipliée par quatre. Le principal effet du quotient est de permettre d'assouplir les effets de la progressivité de l'impôt sur le revenu.

Il faut souligner que ce système de quotient ne s'applique qu'aux revenus soumis au barème. Les revenus assujettis aux prélèvements forfaitaires libératoires ou à des taux forfaitaires profitent en effet de dispositifs spécifiques d'abattement ou d'exonération. Cette différence de traitement s'explique par la volonté du législateur à une époque récente de traiter les revenus exceptionnels de façon à aboutir le plus souvent à des situations d'exonération de fait. Au regard des conditions budgétaires actuelles, cette volonté a été progressivement remise en cause, tout en préservant les possibilités de lisser l'imposition ou d'en optimiser le montant dans le respect de certaines conditions.

Le système de quotient au barème ne s'applique qu'aux revenus qui remplissent la double condition suivante :

- ils sont exceptionnels par nature et ne sont donc pas susceptibles d'être recueillis annuellement ;

- leur montant dépasse la moyenne des revenus nets d'après lesquels le contribuable a été soumis à l'impôt sur le revenu au titre des trois dernières années.

L'appréciation de la nature d'un revenu exceptionnel permet a priori de ne pas considérer comme tels tous les revenus qui peuvent se reproduire chaque année. À titre d'exemple, ne sont donc pas considérés comme tels :

- les indemnités représentatives d'avantages en nature (visant par exemple des situations où le salarié déjeune chez son employeur ou s'il déjeune au restaurant et se fait rembourser) ;

- les variations, mêmes particulièrement importantes que peuvent connaître les recettes ou les rémunérations procurées par une activité professionnelle (comme la vente de ses oeuvres par un artiste ou d'omnibus anciens par un antiquaire, mais aussi les honoraires d'un avocat) ;

- les revenus distribués susceptibles d'être recueillies chaque année (ex : dividendes) ;

- le profit exceptionnel mais résultant d'opérations sur les marchés à terme ordinairement effectuées par le contribuable.

Or, le mécanisme de lissage proposé par le présent article n'intègre plus ce critère de nature afin de simplifier le dispositif. Des revenus amenés à se reproduire chaque année sont donc potentiellement considérés comme exceptionnels.

Par ailleurs, ces revenus doivent être exceptionnels au regard de leur montant apprécié par rapport à la moyenne des précédents revenus ordinaires du contribuable. Si ce dernier bénéficie de revenus ordinaires de 200 000 euros depuis trois années et que la quatrième il bénéficie d'un revenu exceptionnel de 300 000 euros, ce revenu fera l'objet de l'application du système de quotient. Si le montant du revenu exceptionnel est inférieur à 200 000 euros, le système de quotient ne s'applique pas.

Le dispositif existant à l'impôt sur le revenu consiste donc à imposer différemment le seul revenu exceptionnel. Pour cette raison, seul son montant est comparé à la moyenne de l'ensemble des revenus des trois années précédent sa perception par le contribuable. Au contraire, dans le dispositif du présent article, ce sont les montants totaux de revenus de l'année d'imposition et des deux années précédentes qui sont comparés au travers de la moyenne de trois revenus.

Les exemples suivants illustrent les différences de qualification qui résultent des deux mécanismes :

n-3

n-2

n-1

n (année d'imposition)

Qualification du revenu

Moyenne du lissage de la contribution exceptionnelle

-

300 000

300 000

600 000

Exceptionnel

-

200 000

200 000

500 000

Exceptionnel

-

400 000

450 000

550 000

Exceptionnel

-

700 000

100 000

700 000

Non exceptionnel

-

200 000

200 000

1 200 000

Non exceptionnel

Moyenne du Système de quotient

300 000

300 000

300 000

600 000

Non exceptionnel

200 000

200 000

200 000

500 000

Exceptionnel

350 000

400 000

450 000

550 000

Non exceptionnel

100 000

700 000

100 000

700 000

Exceptionnel

200 000

200 000

200 000

1 200 000

Exceptionnel

On constate que le système de quotient prend davantage en compte les fortes variations annuelles de revenus que le dispositif du présent article qui, au contraire, lisse davantage des variations relativement plus faibles.

b) Les solutions alternatives

? Un mécanisme de lissage reposant sur l'écart des revenus de l'année d'imposition et de ceux de l'année précédente

Il pourrait être envisagé de maintenir un mécanisme de lissage fondé sur l'écart de revenus perçus entre l'année d'imposition et l'année précédente. Cette solution poursuivrait le même objectif de simplicité que celui défendu par le présent article. On considérerait ainsi que le revenu de l'année d'imposition est exceptionnel s'il représente plus de 50 % du revenu de l'année précédente. Ce dispositif ne s'appliquerait qu'aux contribuables dont le RFR de l'année précédente est inférieur aux seuils d'imposition à la contribution.

Par exemple, si un contribuable a bénéficié en 2010 de 200 000 euros et de 700 000 euros en 2011, son revenu exceptionnel est de 500 000 euros (soit un écart de revenus représentant bien plus de 50% du revenu de l'année précédente).

On appliquerait alors à ce revenu exceptionnel un système de quotient : il serait divisé par deux, puis ajouté au revenu ordinaire. Si le revenu ainsi reconstitué est supérieur au seuil d'imposition, l'imposition obtenue serait multipliée par deux. Si le revenu est inférieur, le contribuable serait exonéré.

EXEMPLES PROPOSITION ALTERNATIVE 1

(en euros)

n-1

n (année
d'imposition)

Revenu
exceptionnel

Nouvelle assiette
taxable

Imposition

Revenus d'une personne aisée qui vend un bien procurant une plus value importante

200 000

700 000

500 000

450 000

(200 000 + 500 000/2)

0

Revenus personne aisée qui vend un bien procurant une forte plus value

200 000

900 000

700 000

550 000

(200 000+700 000/2)

3 000

Revenus personne aisée qui ne perçoit pas de revenus exceptionnels

450 000

550 000

Revenu pas exceptionnel

550 000

1 500

Même dans des situations d'optimisation et sauf à ce que le contribuable ait la possibilité de faire varier son revenu très fortement, cette solution permet de récupérer une partie de l'assiette taxable.

? Un mécanisme de lissage reposant sur la prise en compte de revenus exceptionnels ainsi définis au regard de leur nature et de leur montant

Une autre solution serait de réintroduire le critère de la nature des revenus pour apprécier leur caractère exceptionnel, comme cela se fait à l'impôt sur le revenu.

Les revenus exceptionnels seraient ceux pris en compte dans le cadre de l'article 163-0 A du CGI, ainsi que certains revenus non imposés au barème dont on considérerait a priori qu'ils peuvent constituer des revenus exceptionnels, à l'instar des plus-values réalisées sur des biens immobiliers ou mobiliers, à condition de représenter un montant significativement plus important que le montant des revenus ordinaires du contribuable.

Par ailleurs, l'appréciation du caractère exceptionnel du montant perçu reposerait, comme dans la première solution, sur un écart significatif (50%) entre le revenu « ordinaire » de l'année précédente et le revenu de l'année donnant lieu à imposition.

Les revenus ainsi définis bénéficieraient d'un dispositif de quotient visant à diviser leur montant par deux, à l'ajouter au revenu ordinaire, puis si l'assiette taxable ainsi reconstituée est supérieure à 500 000 euros, à multiplier par deux l'imposition obtenue.

EXEMPLES PROPOSITION ALTERNATIVE 2

(en euros)

n-1

n (année
d'imposition)

Revenu
exceptionnel

Nouvelle assiette
taxable

Imposition

Revenus personne aisée qui vend un bien et réalise une plus-value importante

200 000

600 000

400 000

400 000

(200 000+400 000/2)

0

Revenus personne aisée qui vend un bien et réalise une très forte plus-value

200 000

900 000

700 000

550 000

(200 000+700 000/2)

3 000

(1 500*2)

Revenus personne aisée qui ne touche pas de revenus exceptionnels

450 000

550 000

Non car pas plus de 50 %

550 000

1 500

À l'instar de la première proposition, ce mécanisme de quotient ne s'appliquerait qu'aux seuls contribuables dont le RFR de l'année précédente est inférieur aux seuils d'imposition à la contribution. Cependant, une telle option serait beaucoup plus complexe et nécessiterait d'adapter, à la présente taxe, la définition des revenus exceptionnels actuellement applicable à l'impôt sur le revenu.

2.- La prise en compte des modifications de la situation familiale du contribuable

a) La prise en compte des modifications de situation familiale pour l'application du dispositif de lissage prévu par le présent article.

Dans le cadre du dispositif d'exonération prévu par le Gouvernement, l'article prévoit une série de dispositions afin de prendre en compte les modifications de la situation de famille du contribuable au cours de la période dite de référence, couvrant l'année d'imposition et les deux années précédentes. En effet, les seuils applicables étant fonction de l'application du quotient conjugal, la situation familiale du contribuable détermine in fine l'assujettissement et le montant d'imposition.

Ainsi, le 2° du II du nouvel article 223 sexies prévoit qu'en cas de modification de la situation de famille, la moyenne des revenus est calculée de façon à prendre en compte les revenus des foyers auxquels le contribuable a appartenu au cours de la période de référence.

On notera que, dans le cadre du système de quotient applicable à l'impôt sur le revenu pour lequel les revenus sont également appréciés au regard de la moyenne des revenus d'années passées, il n'existe aucune précision légale ou réglementaire sur la prise en compte de ces modifications de situation familiale. Par conséquent, les services des impôts gèrent ces situations au cas par cas. L'article a donc pour mérite de proposer des règles précises.

? Les cas d'union au cours de l'année d'imposition ou des années précédentes.

Si l'union intervient l'année d'imposition ou si cette union, intervenue au cours de la période de référence, perdure jusqu'à l'année d'imposition, le seuil d'imposition est de 1 million d'euros pour le couple. Les revenus pris en compte seront alors ceux des deux conjoints au cours de la période de référence.

EXEMPLES - REVENUS NON EXCEPTIONNELS

n-2

n-1

n (année d'imposition et de conclusion de l'union)

Montant d'imposition

Conjoint 1

400 000

600 000

1 500 000

15 000

Conjoint 2

200 000

800 000

n-2

n-1(année de conclusion de l'union)

n (année d'imposition)

Montant d'imposition

Conjoint 1

400 000

1 400 000

1 500 000

15 000

Conjoint 2

200 000

EXEMPLE - REVENUS EXCEPTIONNELS

n-2

n-1

n (année d'imposition et de conclusion de l'union)

Montant d'imposition

Conjoint 1

400 000

500 000

1 100 000

0

Conjoint 2

400 000

550 000

n-2

n-1(année de conclusion de l'union)

n (année d'imposition)

Montant d'imposition

Conjoint 1

400 000

1 050 000

1 100 000

0

Conjoint 2

400 000

? Les cas d'unions au cours de l'année d'imposition ayant conduit à l'option d'une imposition séparée au cours de la première année :

Le texte précise que « toutefois, en cas d'option au titre de l'année de l'établissement de la contribution pour l'imposition séparée » prévue à l'article 6 du CGI 8 ( * ) , les dispositions relatives à la prise en compte de l'évolution de la situation de famille au cours de la période de référence ne sont pas applicables.

A priori, cette disposition prend acte que les contribuables mariés ayant décidé d'être imposés séparément seront considérés comme des célibataires pour la détermination du seuil de taxation. Ils seront donc imposés séparément à la contribution exceptionnelle. Toutefois, il faut souligner que cette disposition particulière privilégie potentiellement ces contribuables au regard du traitement des personnes mariés et imposés conjointement.

EXEMPLE - CAS D'UNION AVEC IMPOSITION CONJOINTE

n-2

n-1

année de séparation entre conjoint A et conjoint B

n (année d'imposition et de conclusion de l'union entre conjoint A et célibataire C)

Montant d'imposition

Contribuable 1 (conjoint A et conjoint B)

1 100 000

400 000

1 200 000

6 000

Contribuable 2

(Célibataire C)

350 000

500 000

EXEMPLE - CAS D'UNION AVEC IMPOSITION SÉPARÉE

n-2

n-1

année de séparation entre conjoint A et conjoint B

n (année d'imposition et de conclusion de l'union entre conjoint A et célibataire C)

Montant d'imposition

Contribuable 1 (conjoint A et conjoint B)

1 100 000

400 000

600 000

3 000

Contribuable 2

(Célibataire C)

350 000

500 000

600 000

0

Cet avantage constitue un effet d'aubaine pour certains des contribuables qui optent pour l'imposition séparée, alors même que ce choix d'imposition est davantage dicté par la moindre imposition attendue de l'impôt sur le revenu que de la contribution exceptionnelle.

? Les cas de divorce, de séparation ou de décès l'année d'imposition ou les années précédentes.

En cas de divorce, séparation ou décès intervenu au cours de la période de référence, la moyenne des revenus est calculée en fonction des RFR des foyers fiscaux auxquels le contribuable a appartenu. Un contribuable célibataire récemment divorcé dont le RFR dépasse 500 000 euros ne se verra appliquer le dispositif de lissage que si la moyenne de ses revenus actuels et des revenus de son couple au titre des deux années précédentes est inférieure à 500 000 euros. Il en va de même pour un contribuable devenu veuf au cours de l'année d'imposition, puisque contrairement aux règles applicables à l'impôt sur le revenu, il ne conserve pas son quotient conjugal pour la détermination du seuil d'imposition la première année de veuvage.

n-2

revenus du couple

n-1

revenus du couple

n

revenus de chacun des contribuables séparés

Montant d'imposition

1 000 000

700 000

550 000

1 500

600 000

3 000

On soulignera que, dans le cadre des propositions alternatives présentées supra, l'appréciation du caractère exceptionnel des revenus se faisant à partir des revenus de la seule année précédente, la question de la prise en compte des revenus d'anciens conjoints est résolue plus rapidement, ce qui peut être plus favorable aux contribuables.

b) La subordination de la prise en compte des modifications de famille à l'envoi d'une réclamation

Le présent article est rédigé de telle sorte que les dispositions relatives aux modifications de situation de famille telles que présentées ci-dessus ne s'appliquent que si le contribuable adresse une réclamation au service des impôts dans le cadre des délais applicables à l'impôt sur le revenu. Cette réclamation est alors présentée, instruite et jugée selon les règles de procédure également applicables à l'impôt sur le revenu.

Étant donné que le lissage s'applique automatiquement sans que le contribuable ait besoin d'opter pour un tel dispositif (ce qui est possible à partir du moment où ne sont pas dissociés revenus ordinaires et revenus exceptionnels), la rédaction proposée indique que les revenus pris en compte pour réaliser la moyenne n'intégreront ces modifications que si le contribuable a adressé une réclamation aux services des impôts.

L'intention des rédacteurs de l'article est en fait d'assurer qu'en cas de modification de la situation familiale, le dispositif de lissage ne s'applique que si le contribuable adresse une réclamation au service des impôts. En effet, tout changement de situation familiale conduit à la création de nouveaux contribuables et il n'est pas possible pour l'administration fiscale de déterminer quel était leur RFR au titre des années précédant celle donnant lieu à imposition.

3.- Le principe de non-application du lissage aux personnes qui n'ont pas été passibles de l'impôt sur le revenu au titre des deux années précédant celle de l'imposition

Le lissage ne s'applique qu'aux contribuables qui ont été passibles de l'impôt sur le revenu au titre des deux années antérieures à celle de l'imposition. Cette disposition tend à éviter que les contribuables qui ont réalisé la totalité de leurs revenus à l'étranger au titre des deux années précédant l'année d'imposition bénéficient systématiquement du dispositif de lissage. En effet, en l'absence de déclaration et donc de RFR, le montant de ce dernier serait considéré comme nul. Les contribuables célibataires qui rentreraient en France auraient bénéficié ainsi du dispositif de lissage au titre de l'année d'imposition jusqu'à 1,5 million d'euros.

Si l'intention est légitime, le dispositif proposé ne permet pas de répondre à l'objectif d'encadrement des situations abusives. En effet, il suffira à un contribuable qui réalise la majeure partie de ses revenus à l'étranger de déclarer une somme minime à l'impôt sur le revenu pour bénéficier du mécanisme de lissage comme le montre l'exemple ci-dessous.

n-1

n-2

n (année d'imposition)

Imposition

Contribuable non passible de l'impôt sur le revenu au titre des 2 années précédant l'année d'imposition

0

0

700 000

6 000

Contribuable passible de l'impôt sur le revenu au titre des 2 années précédant l'année d'imposition

1 000

1 000

700 000

0

Pour éviter ces distorsions de traitement, il pourrait être envisagé de n'appliquer le lissage qu'aux seuls contribuables qui ont été passibles de l'impôt sur le revenu au titre des deux années précédant celle de l'imposition pour la moitié au moins de leurs revenus de source française ou étrangère de même nature que ceux entrant dans la composition du RFR. Ainsi, on s'assurerait de l'existence d'un RFR représentatif de la richesse du contribuable, quelle que soit sa situation (primo-déclarant, résident étranger, résident français bénéficiant d'importants revenus de source étrangère...), avant d'appliquer le dispositif de lissage.

4.- Le RFR pris en compte pour l'application du mécanisme de lissage

Pour le calcul de la moyenne des revenus perçus au titre de l'année d'imposition et des deux années précédentes, le RFR des années 2009 et 2010 s'entend comme le RFR défini à l'article 1417 du CGI, tandis que le RFR de l'année 2011 correspond au RFR tel que prévu par le présent article (soit sans application du système de quotient).

Si la solution retenue par le présent article répond aux difficultés techniques que poserait la correction a posteriori de RFR anciens de deux années au cours desquelles les plus-values immobilières ne sont pas prises en compte alors même que la loi le prévoit, et qui intègrent le système de quotient, on peut regretter que la justesse du mécanisme de lissage, déjà limitée par l'absence de prise en compte d'un écart significatif avec les revenus perçus l'année précédente et de la nature du revenu pour la détermination de son caractère exceptionnel, soit encore plus relative si les RFR de référence diffèrent d'une année sur l'autre.

Les solutions de lissage alternatives proposées supra auraient pour mérite de solder plus vite le passé, puisque dès l'imposition des revenus de 2012, les RFR pris en compte seraient identiques, alors qu'il faudrait attendre l'imposition des revenus de 2013 pour atteindre ce résultat dans le cadre du dispositif proposé par le présent article.

E.- LE RENDEMENT DE LA CONTRIBUTION

Le rendement attendu de la nouvelle contribution est de 200 millions d'euros à compter de 2012, la première année d'imposition portant sur les revenus de 2011.

Cette évaluation a été réalisée sur le fondement du fichier exhaustif et définitif des déclarations d'impôt sur les revenus de 2009. 7 162 contribuables seraient ainsi concernés par la contribution avant les effets du lissage des revenus exceptionnels.

RÉPARTITION DU SUPPLÉMENT D'IMPOSITION À ACQUITTER POUR LES CONTRIBUABLES RÉPARTIS PAR DÉCILES DE RFR
AVEC DES SEUILS A 500 000 ET 1 MILLION D'EUROS

Déciles de revenu fiscal de référence

Nombre de foyers

Montant de la
contribution avec taux
de 3 %(en M€)

Répartition de la
contribution en %

< 574 341 €

716

0,74

0,38

Entre 574 341 et 694 490 €

716

2,78

1,42

Entre 694 490 et 922 108 €

716

6,3

3,22

Entre 922 108 et 1 068 036 €

716

4,53

2,32

Entre 1 068 036 et 1 179 462 €

717

4,73

2,42

Entre 1 179 462 et 1 327 838 €

716

7,28

3,73

Entre 1 327 838 et 1 577 571 €

716

11,69

5,98

Entre 1 577 571 et 1 942 128 €

716

18,36

9,40

Entre 1 942 128 et 2 763 062 €

716

29,6

15,15

>= 2 763 062 €

717

109,35

55,97

Total

7 162

195,36

100

Source : direction de la Législation fiscale

MONTANT MOYEN DE L'IMPOSITION ACQUITTÉE PAR LES CONTRIBUABLES RÉPARTIS PAR DÉCILE DE RFR

(en euros)

Il pourrait être envisagé d'abaisser le seuil d'imposition de façon à imposer les contribuables célibataires, divorcés, séparés ou veufs sur la fraction de leur RFR supérieure à 250 000 euros et les contribuables soumis à une imposition commune sur la fraction de leur RFR supérieure à 500 000 euros. Le rendement de la contribution serait alors de 350 millions d'euros 9 ( * ) en 2012, tandis que 25 778 contribuables seraient concernés avant les effets du lissage des revenus exceptionnels.

Ces nouveaux seuils d'imposition ne remettraient pas en cause l'objectif poursuivi par le Gouvernement de ne taxer que les foyers disposant de revenus composés d'une part importante de revenus du capital ou du patrimoine puisqu'à partir de ce niveau de RFR, seul 58 % des revenus constituent des revenus d'activité.

RÉPARTITION DU SUPPLÉMENT D'IMPOSITION À ACQUITTER POUR LES CONTRIBUABLES RÉPARTIS PAR DÉCILES DE RFR AVEC DES SEUILS A 250 000 ET 500 000 EUROS

Déciles de revenu fiscal de référence

Nombre
de foyers

Montant de la
contribution avec taux
de 3 %(en M€)

Répartition de la
contribution en %

< 283 803 €

2 577

1,25

0,36

Entre 283 803 et 337 505 €

2 578

4,5

1,29

Entre 337 505 et 439 561 €

2 578

10,29

2,94

Entre 439 561 et 527 402 €

2 578

8,99

2,57

Entre 527 402 et 580 723 €

2 578

7,44

2,13

Entre 580 723 et 652 627 €

2 577

12,44

3,56

Entre 652 627 et 768 027 €

2 578

19,77

5,66

Entre 768 027 et 967 830 €

2 578

31,41

8,98

Entre 967 830 et 1 415 420 €

2 578

54,03

15,46

>= 1 415 420 €

2 578

199,47

57,06

Total

25 778

349,59

100,00

MONTANT MOYEN DE L'IMPOSITION ACQUITTÉE PAR LES CONTRIBUABLES RÉPARTIS PAR DÉCILE DE RFR

(en euros)

Il faut souligner que, avec des seuils fixés à 250 000 et 500 000 euros, l'imposition est plus concentrée sur les hauts revenus notamment parce que ceux-ci ne bénéficient pas du dispositif de lissage tel que proposé par le présent article, la moyenne de leurs revenus sur trois années ne devant pas être, dans la grande majorité des cas inférieure au seuil d'imposition. Contrairement aux premiers déciles de RFR, peu de contribuables des derniers déciles échappent ainsi à l'imposition.

*

* *

La Commission examine, en discussion commune, les amendements I-CF 169 du rapporteur général, I-CF 14 de M. Dominique Baert, I-CF 160 de M. Daniel Garrigue, I-CF 12 de M. Dominique Baert, les amendements identiques I-CF 5 de M. Marc Le Fur et I-CF 161 de M. Daniel Garrigue, et l'amendement I-CF 18 de M. Hervé Mariton.

M. le rapporteur général. L'amendement I-CF 169 tend, d'une part, à abaisser de 500 000 à 250 000 euros le seuil d'imposition à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, pour la part conjugalisée et, d'autre part, à porter le taux de cette contribution de 3 à 4 % au-delà du seuil de 500 000 euros par part.

Le revenu fiscal de référence, qui est l'assiette de cette contribution, présente l'énorme avantage, contrairement à l'assiette actuelle de l'impôt sur le revenu au titre du barème, d'intégrer sur un pied d'égalité à la fois les revenus du travail et les revenus du patrimoine, y compris les plus-values. Or, plus le revenu augmente, plus la composante « revenus du patrimoine » devient prépondérante. Au-delà de 250 000 euros, elle le demeure par rapport aux revenus du travail. En abaissant le seuil de 500 000 à 250 000 euros, nous ne pénalisons donc pas le travail, même s'il est correctement rémunéré : nous faisons porter l'effort essentiellement sur les revenus du patrimoine. Ce faisant, nous nous inscrivons dans le cadre de la politique de réduction des déficits publics conduite par le Gouvernement depuis deux ans. En effet, la quasi-totalité des mesures adoptées au titre de la réforme des retraites, puis dans les différents collectifs, y compris dans le dernier, il y a un mois, a tendu à alourdir la fiscalité sur cette composante patrimoine des revenus. Nous préservons ainsi le pouvoir d'achat, moteur de la consommation. Nous cherchons plutôt à alourdir la fiscalité sur les revenus de l'épargne à un moment où ceux-ci augmentent.

Quant aux revenus très élevés, au-delà de 500 000 euros par part, il nous paraît juste d'accroître leur participation à l'effort qui est demandé à tous les Français en cette période de crise. Voilà pourquoi nous proposons, pour ces revenus, de porter le taux de la contribution de 3 à 4 %.

En abaissant le seuil de 500 000 euros à 250 000 euros par part, nous toucherions environ 25 000 ménages au lieu de quelque 7 000 - il faut néanmoins observer une certaine prudence car ces chiffres exigent un croisement statistique entre les revenus et les éléments de patrimoine - en particulier les plus-values - dont nous ne disposons pas de façon fiable. Quant à la recette engendrée par la mesure, elle passerait de 200 millions à 410 millions environ.

Enfin, j'insiste sur le fait qu'il faut raisonner de façon conjugalisée. En effet, à ce niveau de revenu, y compris en descendant à 250 000 euros, le ménage a épuisé son quotient familial puisque celui-ci est plafonné depuis 1982 - aujourd'hui, le plafond est de 2 385 euros. À 250 000 euros, une famille normale, qui n'a pas plus de sept ou huit enfants (Exclamations), a déjà atteint le plafond du quotient familial. Il a donc été décidé de conjugaliser et de ne pas appliquer un quotient supplémentaire qui serait un avantage indu.

M. Dominique Baert. Puisque la majorité elle-même parle de taxe sur les riches à propos de ce prélèvement exceptionnel, et compte tenu des besoins de nos finances publiques et des inégalités relevées par le Conseil des prélèvements obligatoires, l'amendement I-CF 14 vise à faire passer de 3 % à 10 % le taux de cette taxe, dont le rendement passerait de 200 à 700 millions.

Quant à l'amendement I-CF 12, il vise à ramener de 500 000 à 100 000 euros de revenus par part le seuil à partir duquel s'appliquerait la contribution exceptionnelle.

M. Daniel Garrigue. Cette taxation n'est qu'un pis-aller. C'est une réponse à l'initiative de certains bourgeois de Calais qui sont venus, la corde au cou, demander une taxation exceptionnelle, mais nous sommes loin de la création de tranches supplémentaires de l'impôt sur le revenu que je demandais tout à l'heure. La tête des bourgeois de Calais mérite d'être estimée à un prix un peu plus élevé !

M. Hervé Mariton. J'étais tout à fait favorable à l'idée, exprimée sur différents bancs ici et par l'exécutif il y a quelques mois, d'une taxation des revenus extravagants, dont le rendement serait toujours bon à prendre mais qui était surtout proposée pour des raisons de cohésion sociale. Mais à partir du moment où l'on baisse le plancher à partir duquel l'impôt est prélevé, des questions de principe d'une autre nature apparaissent.

Ma première question est à la fois technique et politique. Pourquoi seuls les contribuables passibles de l'impôt sur le revenu sont-ils assujettis à cette taxation ? Dès lors que l'on prend en compte le revenu fiscal de référence, il est en effet techniquement possible que certains contribuables ayant des revenus fiscaux de référence élevés, voire très élevés, n'acquittent pas cette nouvelle contribution parce qu'ils ne paient pas l'impôt sur le revenu. Il y a là quelque chose dont je ne comprends pas la cohérence.

Ensuite, il nous est proposé de baisser le plancher. Je comprends que notre majorité n'ait pas rejoint les positions de la gauche qui met en cause, de façon très générale, la notion de prélèvement libératoire. Avec un niveau de plancher très élevé, la prise en compte du revenu fiscal de référence a le mérite de renvoyer à un impôt différent, par construction, de l'impôt sur le revenu, mais à mesure que l'on abaisse le plancher, l'impôt que l'on invente commence à se rapprocher curieusement, et à certains égards dangereusement, de l'impôt sur le revenu. Et plus le plancher est bas, plus la mise en oeuvre du revenu fiscal de référence fragilise les modalités actuelles de calcul de cet impôt.

J'en viens à la non-familialisation. Initialement, le Gouvernement avait envisagé la familialisation. Comme le dit très justement M. le rapporteur général - en utilisant une expression qui confine sans doute à l'humour mais que je ne trouve pas très heureuse -, pour un grand nombre de foyers, le quotient familial est saturé avant que le nouvel impôt ne soit déclenché. Mais cela peut ne pas être le cas. Sans doute y a-t-il très peu de familles concernées, mais il y a bien là une injustice, fût-elle faite à un seul contribuable. Il n'est pas interdit par la loi d'avoir quinze enfants - ce n'est pas anormal ! Je ne sais d'ailleurs ce qu'est une famille « normale ».

M. le rapporteur général. Il faudrait remplacer « normale » par « exceptionnelle » !

M. Michel Bouvard. La normalité est à la mode !

M. Hervé Mariton. Assumez votre propos, monsieur le rapporteur général ! En outre, dans un contexte de familles recomposées, la situation peut ne pas être si rare. La question de la familialisation est donc légitime. Mon amendement n'est pas parfait et je suis ouvert à des modifications de rédaction, mais il est anormal d'imaginer un prélèvement qui ne s'appliquerait pas à des contribuables sous prétexte qu'ils ne paient pas l'impôt sur le revenu, si élevé que soit leur revenu fiscal de référence, mais qui par ailleurs ne serait pas familialisé alors même que le quotient familial peut ne pas être saturé s'agissant de familles très nombreuses.

L'amendement I-CF 5 est retiré .

M. le rapporteur général. Je suis défavorable aux amendements I-CF 14, I-CF 160, I-CF 12 et à l'amendement I-CF 18 qui donnerait un avantage indu. Que l'on traite le cas de la famille de quinze enfants, pour la beauté de la pensée, je veux bien, mais je suis défavorable à tout amendement qui viserait à dupliquer le quotient familial pour l'application de la contribution exceptionnelle.

M. le président Jérôme Cahuzac. Monsieur Mariton, vous avez utilisé l'expression « passibles de l'impôt sur le revenu ». Il s'agit de préciser que les personnes concernées sont dans le champ de l'impôt. C'est donc une condition de territorialité plus que d'éligibilité stricto sensu à l'impôt sur le revenu.

M. Hervé Mariton. Merci, monsieur le président, pour cette précision. Si je comprends bien, le rapporteur général serait ouvert à un amendement qui jouerait jusqu'à la saturation du quotient familial ! Je comprends qu'il considère comme abusif d'aller au-delà de celle-ci, mais serait-il favorable à un dispositif permettant au contribuable d'aller jusqu'à ce que serait cette saturation du quotient familial dans l'impôt sur le revenu tel qu'il est aujourd'hui ?

M. le rapporteur général. Non, j'y suis défavorable. Je comprends l'objectif théorique, mais la loi doit être simple et juste. J'ai accepté, lors de la réforme de l'ISF, un amendement portant l'avantage familial de 150 à 300 euros, et je le regrette parfois un peu.

M. Jean-Claude Sandrier. Cette imposition des hauts revenus n'est qu'un coup d'épingle qui, de surcroît, ne sera que provisoire. C'est contraint et forcé que le Gouvernement a été amené à faire cette proposition, après avoir très longtemps résisté à la taxation des plus hauts revenus et à la suppression du bouclier fiscal. En outre, c'est une très mauvaise imitation de la mesure demandée par les milliardaires américains lorsque, par la voix de Warren Buffett, ils ont dit que la seule solution face à la crise était d'augmenter fortement les impôts des plus hauts revenus. Ce n'est pas ce que vous faites. En outre, cette petite piqûre de 200 millions d'euros, de 400 millions peut-être, a déjà été compensée au mois de juin par la réforme de l'ISF grâce à laquelle vous avez fait un cadeau de 1,8 milliard aux plus riches. Je rappelle à cet égard que, selon la Cour des comptes, pour le 1 % des Français les plus riches, le taux réel d'impôt sur le revenu n'est que de 17 %. Il y a donc une marge énorme pour récupérer des recettes. En outre, les 500 plus grosses fortunes françaises qui, il y a dix ans, possédaient 6 % du produit intérieur brut, en possèdent aujourd'hui 12 %, soit le double. Il faudrait donc relever rapidement le taux marginal de l'impôt sur le revenu, augmenter les tranches, et taxer le capital comme le travail. Cela permettrait d'engranger plusieurs dizaines de milliards d'euros. L'argent est là !

Henri Emmanuelli. Monsieur le rapporteur général, vous avez parlé tout à l'heure des gens qui étaient venus dans votre permanence se plaindre de ne pouvoir faire des heures supplémentaires, mais vous rendez-vous compte de ce que la majorité est en train de faire ? Moi, je ne cesse de voir des gens qui ne parviennent pas à croire qu'on puisse gagner 250 000 euros par an ! Ignorez-vous que le salaire moyen tourne autour de 1 800 euros ? Si j'étais pervers, je voterais votre mesure parce qu'elle fera plus de dégâts que de bien !

M. Michel Piron. Je suis favorable à l'abaissement du seuil d'imposition à la contribution exceptionnelle à 250 000 euros. Compte tenu des difficultés économiques extrêmes auxquelles l'Europe est confrontée, l'effort collectif qu'il va falloir consentir est en effet davantage devant nous que derrière nous, mais, pour que cet effort soit acceptable, il doit être justement partagé.

Je suis cependant étonné de constater, monsieur le rapporteur général, que vous placez le seuil à partir duquel les revenus du patrimoine l'emportent sur les revenus du travail à 250 000 euros. L'an dernier, il se situait à 100 000 euros. Vous avez évoqué l'intégration des plus-values : est-ce l'élément qui explique cette remontée du seuil ? Ou s'agit-il de la barémisation éventuelle d'une partie des revenus du patrimoine ?

M. Charles de Courson. Nous étions nombreux, tant au sein de la majorité que de l'opposition, à demander une nouvelle tranche d'imposition à 45 % avec un seuil à 150 000 euros de revenu fiscal, qui correspondait à peu près au seuil de 250 000 euros prévu en Allemagne. D'autres, en revanche, souhaitaient taxer les revenus extravagants à titre exceptionnel. Ce type de revenus étant difficile à définir, la baudruche s'est peu à peu dégonflée et le Gouvernement nous a finalement proposé d'instituer un prélèvement exceptionnel de 3 % au-delà de 500 000 euros par part.

Nous avons considéré pour notre part que cette mesure n'était pas cohérente au regard de la nécessaire convergence franco-allemande, ni en ce qui concerne le taux - il fallait 4 % pour atteindre les 45 % allemands - ni pour ce qui est du seuil.

Après bien des débats, le rapporteur général nous a finalement proposé un amendement de compromis, l'amendement I-CF 169. Les montants prévus étant « conjugalisés » et non pas « familialisés », veillons cependant, comme l'a souligné notre collègue Mariton, à ne pas démanteler notre système fiscal qui prend en compte, normalement, le nombre d'enfants dans le calcul de l'impôt. Nous portons là un coup de canif dans le contrat.

S'agissant enfin de la durée de la mesure, le Gouvernement avait prévu qu'elle s'applique pendant trois ans. Nous considérons pour notre part qu'elle devrait rester en vigueur tant que nous n'aurons pas supprimé le déficit de fonctionnement du budget de l'État, actuellement de l'ordre de 63 milliards. C'est le respect de la règle d'or.

Nous sommes donc favorables à l'amendement I-CF 169 sous les réserves que je viens de formuler.

M. Christian Eckert. Le seuil doit-il être de 500 000 ou de 250 000 euros ? Le taux de 3 % ou de 3,5 % ? Je n'entrerai pas dans ce débat. Je resituerai simplement ces chiffres dans le contexte : il s'agissait de trouver 11 ou 12 milliards d'euros de recettes supplémentaires. Or, avec la mesure proposée, on ne parviendra à récupérer que, au mieux, 500 millions d'euros, ce qui est de l'ordre du cosmétique. Certes, cela va occuper les journalistes et animer une bonne partie de nos discussions. Mais le coeur du débat n'est pas là. Vous allez vous entre-déchirer pour trouver quelque 400 ou 500 millions mais vous n'hésitez pas à faire porter l'effort sur les mutuelles, pour 1,2 milliard ! Ce prélèvement exceptionnel ne touchera que deux ou trois foyers fiscaux par département mais, dans ma circonscription, j'ai déjà reçu plus de 500 pétitions protestant contre votre ponction sur les mutuelles.

Monsieur le rapporteur général, j'ai bien entendu ce que vous avez dit et vous ne pourrez donc pas émettre un avis défavorable sur celui de nos amendements qui vise à supprimer le doublement de l'avantage de 150 euros consenti sur l'ISF !

M. Olivier Carré. Monsieur Sandrier, depuis deux ans, les très hauts revenus ont fait l'objet d'une imposition supplémentaire de 3,8 milliards, desquels il faut effectivement retirer 1,8 milliard. Mais, compte tenu de l'évolution du barème, cette diminution ne concerne que les premières tranches touchées par l'ancien ISF. Si nous ajoutons à ces 2 milliards les 450 millions que devrait rapporter l'amendement I-CF 169, nous en serions donc à 2,4 milliards d'impôt supplémentaire. Selon les spécialistes, nous remontons ainsi de près de trois points la fin de la fameuse courbe qui concerne les 20 000 ou 30 000 personnes les plus aisées de notre pays. Cela va dans le sens de l'égalité. Et comme l'a souligné Michel Piron, c'est absolument nécessaire compte tenu des efforts qu'il nous faut consentir et qu'il faudra sans doute accentuer.

De grâce, chers collègues, cessez de caricaturer ! Considérez simplement les chiffres : les additions s'alourdissent - et je ne le regrette pas : comme l'ensemble de mes collègues de l'UMP, j'ai voté toutes les mesures qui allaient dans le sens de cette augmentation. Cela a rarement été votre cas.

M. Pierre-Alain Muet. Notre discussion montre que vous avez conscience que cette taxe n'est pas une vraie taxe sur les plus riches ! Dans un système d'imposition totalement mité, cette taxe ne va augmenter le taux de prélèvement sur les plus aisés que de quelque 3 %. Au sommet de l'échelle, Mme Bettencourt ne paie que 15 % de son revenu en impôt sur le revenu. Avec la nouvelle taxe, elle passera peut-être à 17 %, ce qui n'est pas considérable.

Notre débat montre qu'il faut une réforme de l'assiette de l'impôt sur le revenu. Charles de Courson se félicitait que la nouvelle taxe ne puisse faire l'objet de niche. Eh bien, supprimons toutes les niches et les prélèvements forfaitaires, l'impôt sera ainsi plus progressif. Alignons-nous sur ce que font l'Allemagne et le Royaume-Uni et portons la tranche la plus élevée du barème à 46 %. Voilà une vraie réforme, bien loin du petit bricolage que vous proposez !

M. François Goulard. Je suis favorable à l'amendement du rapporteur général qui répond à plusieurs préoccupations.

Tout d'abord, il est normal de demander une contribution supplémentaire aux plus aisés en période de crise et de déficits exceptionnels.

Il importe ensuite de prendre en compte l'apparition, depuis un certain nombre d'années, de revenus tout à fait extravagants. Le défenseur du système libéral que je suis ne peut que constater la dérive des rémunérations offertes aux dirigeants d'entreprise. Chacun le déplore mais aucun pays n'a réussi à trouver de réponses convaincantes. Le plafonnement étant absurde car facile à contourner et pouvant donner lieu à des effets pervers considérables, la seule parade d'une démocratie, c'est l'imposition. Le prélèvement prévu va donc dans le bon sens. Je rejoins à cet égard l'opposition, il va falloir instaurer un prélèvement plus élevé sur les revenus très élevés. Il faut contrer l'emballement délirant des revenus des dirigeants d'entreprise.

Enfin, je veux revenir sur les remarques de M. Mariton et sur le mode de calcul de l'impôt en France. On peut contester le quotient familial, la France fait d'ailleurs exception en la matière. J'y suis pour ma part attaché. Il est plafonné et ses effets sont limités, mais il existe en tant que principe. Le prélèvement conjugalisé est donc pour moi un inconvénient. Que risque-t-il de se produire à l'avenir ? Je connais par exemple un parti politique qui, s'il arrive au pouvoir prochainement, abaissera le seuil de la contribution exceptionnelle. Or cela entraînera une transformation de principe de l'impôt sur le revenu en France avec la disparition, à terme, du quotient familial. Heureusement, il n'y a pas de famille de taille « normale » dans notre pays ! Il est tout à fait légitime que le nombre d'enfants soit pris en compte dans l'établissement de l'impôt sur le revenu, quel que soit le niveau de ces revenus.

M. Philippe Vigier. Ces revenus extravagants sont effectivement perçus comme un scandale par l'opinion publique. Il fallait donc agir. Je me félicite à cet égard que le seuil de taxation exceptionnelle soit passé à 250 000 euros. C'est une avancée importante. On instaure ainsi dans les faits une tranche à 45 % et on progresse sur la voie de l'harmonisation franco-allemande. Enfin, le rapporteur général a souligné qu'à partir de 250 000 euros, les revenus du patrimoine étaient supérieurs à ceux du travail : on prend justement en compte l'ensemble des revenus dans le revenu fiscal de référence.

M. Jean-Michel Fourgous. Il est dommage que nous ne disposions pas d'une étude d'impact. Est-on certain de récupérer 200 millions d'euros ? Quelle incidence cette disposition aura-t-elle sur les rémunérations des dirigeants du CAC 40, sachant que des montages à l'étranger sont toujours possibles ? Ces questions sont-elles taboues ?

Par ailleurs, il m'avait semblé que la commission des finances avait culturellement évolué ces dernières années et qu'elle considérait à présent qu'au lieu de taxer le riche, le fameux riche, il fallait plutôt l'inciter à investir en France. Ne vaudrait-il donc pas mieux développer des dispositifs de type ISF-PME qui, au final, se révèlent beaucoup plus rentables pour l'État ? L'enjeu, aujourd'hui, c'est de réussir à attirer tous les talents, pas de montrer du doigt les acteurs économiques, qui ont aujourd'hui toute facilité pour organiser leur rémunération à l'étranger. Ne se fait-on pas un peu plaisir avec ce débat ?

Je rappellerai enfin à nos collègues qui en sont restés au discours marxiste sur le capital et les riches que 10 % seulement des Français paient 80 % de l'impôt sur le revenu. Arrêtons de stigmatiser ces gens ! Ce n'est pas en attirant des personnes sous-qualifiées et en faisant fuir les sur-qualifiées qu'on sortira notre pays de la crise.

M. Marc Le Fur. Philosophiquement, je suis très attaché à la familialisation de l'impôt. Mais j'ai été convaincu par le rapporteur général qu'en l'occurrence, le problème ne se posait pas puisque le quotient familial est saturé. Ce problème peut néanmoins devenir bien réel demain. Dès lors, pourquoi ne pas préciser qu'il n'y a pas familialisation que dans la mesure où il y a saturation de l'avantage lié au quotient familial ? Nous préserverions ainsi l'avenir. N'oublions pas que l'impôt, c'est comme le pétrole : on est amené à forer de plus en plus bas. Et on risque de creuser très profondément dans les années à venir...

M. Jean-Yves Cousin. J'étais de ceux qui souhaitaient qu'on aille plus loin dans la taxation des hauts revenus. Je me rallierai cependant à la proposition de Gilles Carrez. S'agissant de revenus extravagants, la familialisation n'a plus de sens et prendre en compte le revenu fiscal de référence me paraît aller dans le sens d'une plus grande équité. C'est une idée moderne vers laquelle il faut évoluer.

M. Jean-Claude Sandrier. Il ne s'agit pas de montrer les riches du doigt : il faut répondre à un problème de justice fiscale et d'efficacité économique. Certains ont pu considérer qu'il valait mieux taxer les pauvres parce qu'ils étaient plus nombreux ; nous préférons quant à nous taxer les riches parce qu'ils ont plus d'argent. C'est un débat de fond.

Olivier Carré nous a dit qu'on avait alourdi de 2 à 3 milliards d'euros la taxation des plus riches. Mais à quoi cela se rapporte-t-il ? Le montant des 500 plus grosses fortunes françaises est passé de 6 % du PIB il y a dix ans à 12 % aujourd'hui, soit une augmentation de quelque 120 milliards d'euros. La nouvelle taxe revient donc à prendre 3 à 4 milliards sur 120 milliards, soit 2 ou 2,5 %. Qui donc a augmenté sa richesse de 100 % en dix ans en France ? Il faut que les personnes dans ce cas soient amenées à contribuer plus fortement que les autres. C'est là que la progressivité de l'impôt prend tout son sens.

M. le rapporteur général. Je partage l'avis de François Goulard sur les rémunérations extravagantes. La contribution exceptionnelle, qui est un bon instrument pour la prise en compte des revenus du patrimoine, n'est cependant pas celui qui convient pour régler ce problème. Il faudra donc revenir sur ce point.

Monsieur Piron, j'ai introduit dans le commentaire de cet article une série de tableaux qui compare tous les éléments de revenus figurant dans le revenu fiscal de référence des contribuables les plus aisés. Il apparaît qu'à partir de 250 000 euros, 42 % du revenu moyen sont soumis aux prélèvements fiscaux libératoires ou aux taux forfaitaires. Pour tout ce qui relève des revenus de capitaux mobiliers au barème, la proportion est d'un peu plus de 6 %. On atteint donc près de 50 % sans même prendre en compte la catégorie des bénéfices non commerciaux.

Pour l'ensemble des 330 000 foyers imposés à la tranche marginale à 41 % - je rappelle qu'on y entre à partir de 72 000 euros par part de quotient familial - les revenus soumis aux prélèvements forfaitaires libératoires et aux taux forfaitaires ne représentent que 11 % et ceux du patrimoine au barème que 4,5 %. On est alors à 15,5 %, et non plus à 50 %.

Entre 250 000 et 500 000 euros, on constate une déformation à la hausse, mais beaucoup plus lente, du pourcentage des revenus du patrimoine. Le seuil de 250 000 euros présente donc un grand intérêt.

S'agissant des comparaisons internationales, les Anglais ont adopté une tranche supplémentaire à 50 % à partir de 150 000 livres, soit à peu près 170 000 euros ; en Allemagne, elle est de l'ordre de 45 % et frappe les revenus supérieurs à 250 000 euros. Mais, et c'est fondamental, les Allemands ont gardé un système de prélèvement forfaitaire libératoire sur les revenus du capital de 26,375 % en prenant en compte le prélèvement social. Il est donc très inférieur à notre prélèvement qui est de 32,5 % - 19 % de prélèvement fiscal, plus 13,5 % de CSG.

Je mets en garde la Commission : ne divergeons pas trop de nos voisins européens proches. Jean-Michel Fourgous l'a dit, les talents sont mobiles mais les capitaux le sont plus encore.

Sur la familialisation, je suggère à Hervé Mariton de déposer un amendement prenant en compte les contribuables qui, tout en étant au-delà de 250 000 euros au titre du revenu fiscal de référence, n'auraient pas saturé leurs droits à quotient familial. Comme le quotient familial ne peut pas donner lieu à un crédit d'impôt, le supplément d'avantage non imputé serait reporté sur la contribution exceptionnelle. Cela vous convient-il, monsieur Mariton ?

M. Hervé Mariton. C'est parfait.

La Commission adopte l'amendement I-CF 169 ( amendement n° I-42 ).

En conséquence, les amendements I-CF 14, I-CF 160, I-CF 12, I-CF 161 et I-CF 18 deviennent sans objet.

La Commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF 111 de M. Charles de Courson et I-CF 170 du rapporteur général.

M. Charles de Courson. Le Gouvernement souhaite que la contribution exceptionnelle soit appliquée pendant trois ans. Nous préconisons qu'elle le soit tant que persistera le déficit de fonctionnement du budget de l'État, actuellement de l'ordre de 63 milliards comme je l'ai dit. Pour la définition de l'équilibre de fonctionnement, je vous renvoie à l'article 51 de la loi organique relative aux lois de finances.

M. le rapporteur général. L'amendement de M. de Courson, qui s'adosse à l'article 51 de la LOLF, porte sur le seul équilibre du budget de l'État. Celui que je propose avec Olivier Carré fixe quant à lui comme limite le moment où sera rétabli « l'équilibre des comptes des administrations publiques », conformément à l'expression inscrite dans la Constitution en 2008.

M. Charles de Courson. Les « administrations publiques » comprennent l'État, la sécurité sociale et les collectivités territoriales. Mais la notion d'« équilibre des comptes des administrations publiques » n'est pas définie avec précision.

M. le rapporteur général. Elle figure dans la Constitution.

M. Charles de Courson. Mais celle-ci n'en donne aucune définition précise. Mon amendement, outre qu'il est « lolfien », a l'avantage de la clarté.

La Commission rejette l'amendement I-CF 111.

Elle adopte l'amendement I-CF 170 ( amendement n° I-43 ).

Puis elle adopte l'article 3 ainsi modifié .


* 1 Pour calculer le taux d'effort ou taux d'imposition, le conseil des prélèvements obligatoires retient une méthode consistant à diviser au numérateur les prélèvements par le nombre d'unité de consommation du ménage (ces unités permettant d'affecter un coefficient à chaque membre du ménage afin d'en pondérer le poids sur le niveau de vie global de ce ménage) et, au dénominateur, le revenu du ménage également par ce même nombre d'unités de consommation.

* 2 Ces deux niveaux de RFR correspondent aux seuils, pour l'un proposé par le présent article, pour l'autre à l'étude, de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. Les revenus pris en compte sont les revenus de 2009.

* 3 À la section 0I du chapitre III intitulé « Taxes diverses » du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts.

* 4 Seuls certains revenus exonérés sont pris en compte, comme le montre le détail des revenus composant le RFR présenté ci-dessous.

* 5 Plus de 60 revenus ne sont ainsi pas intégré dans le RFR.

* 6 C'est en effet le notaire qui renseigne, à l'occasion des transactions immobilières, le formulaire de déclaration à l'attention des services des impôts.

* 7 En effet, à l'impôt sur le revenu, les personnes devenues veuves l'année d'imposition conservent le bénéfice du quotient conjugal au titre de cette même année.

* 8 En effet, depuis la loi de finances initiale pour 2011, les contribuables mariés ont la possibilité de ne pas être soumis à imposition commune au titre de la première année de leur union

* 9 Le rendement de la contribution serait alors de 397 millions d'euros si l'on considère le fichier exhaustif des déclarations d'impôt sur les revenus de 2010 à la deuxième édition. 26 766 contribuables seraient concernés.