III. DÉBATS ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE (1ÈRE SÉANCE DU MARDI 15 NOVEMBRE 2011)

Article 42

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous avons souhaité nous arrêter un instant sur cet article, qui aborde un problème que nous n'avons cessé de placer au coeur des débats dans cet hémicycle, celui du caractère exagéré des loyers. L'article 42 propose de taxer annuellement le loyer, dans les zones tendues et pour les tout petits logements, lorsque son montant dépasse une certaine valeur qui sera fixée par décret, avec une amplitude que la loi établit entre 30 et 45 euros par mètre carré. L'expression « zones tendues », nous comprenons bien qu'elle vise la région parisienne et les grandes villes de province.

Je souhaite insister sur trois points. Tout d'abord, depuis quelques semaines sont abordées des questions que notre groupe a lui-même traitées dans les différentes propositions de loi et dans les différents amendements qu'il a déposés tout au long de ces dernières années. Hier, le Scellier a été rasé - maladroitement, selon nous - ; aujourd'hui, le prêt à taux zéro est sur le point d'être remis en cause, dans des conditions que nous connaîtrons prochainement ; et, avec le dispositif de l'article 42, le Gouvernement reconnaît enfin que le niveau des loyers pose un réel problème.

Mais il le fait en adoptant une approche purement fiscale, car il ne veut pas recourir aux techniques pourtant simples et efficaces du blocage.

M. François Goulard. Non !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si le débat sur le blocage gagnerait à être ouvert, nous considérons toutefois que cette prise en considération - tardive ! - par le Gouvernement du caractère inacceptable de la hausse des loyers est en soi un acte qu'il pose.

Deuxième observation, ce dispositif n'est applicable que pour les petites surfaces, inférieures ou égales à 13 mètres carrés.

Ma troisième observation porte sur le niveau des loyers considéré. Car enfin, 40 euros par mètre carré, cela fait un loyer supérieur à 500 euros pour une surface de 13 mètres carrés : c'est proprement scandaleux ! Il y a donc un problème de fond dans la démarche du Gouvernement. Le ministère du logement a découvert, tout d'un coup, que le montant des loyers pose problème, mais il l'aborde dans des conditions inacceptables, en admettant que l'on peut louer 13 mètres carrés à plus de 500 euros par mois. Si l'on considère que c'est une bonne chose, ce n'est même pas la peine de créer cette taxe ! Tant que nous n'entrerons pas dans des logiques de loyer de référence, nous ne parviendrons pas à régler le problème.

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Comme vient de le rappeler Jean-Yves Le Bouillonnec, nous avons, à de multiples reprises, à l'occasion de l'examen de plusieurs textes, défendu l'idée d'un encadrement, d'un plafonnement, voire du blocage des loyers, en particulier en zone tendue.

En Île-de-France comme dans toutes les grandes agglomérations, la flambée des loyers est très impressionnante, et l'appauvrissement des locataires, comme l'a souligné il y a quelques semaines encore une nouvelle étude, est constant.

Vous refusez pourtant systématiquement toute mesure d'encadrement ou de plafonnement des loyers, alors qu'un simple décret suffirait. On n'aurait alors pas besoin d'inventer une taxe dont le rendement est estimé à moins d'un million d'euros et qui ne sera absolument pas dissuasive. Si vous aviez accepté les amendements que nous avons déposés, à l'occasion de différents textes, dans le but d'agir enfin contre la spéculation immobilière et contre des pratiques absolument insupportables, à peine évoquées par cet article, on aurait commencé à résoudre le problème.

Aujourd'hui, à Paris, pour louer un appartement de cinquante mètres carrés, il faut avoir un revenu d'au moins 4 000 euros. Je ne vais rappeler à l'ensemble de mes collègues le montant du salaire médian en France. Chacun sait dans quelles conditions vivent la plupart de nos concitoyens, salariés du privé, à Paris et dans toutes les grandes métropoles en zone tendue.

M. François Goulard. Et la plupart d'entre elles sont des villes socialistes !

Mme Sandrine Mazetier. Quand se décidera-t-on à agir ? Nous vous avons proposé à plusieurs reprises de le faire, madame la ministre. Cette taxe est inadaptée à la situation. Elle ne corrigera rien, pour les raisons que Jean-Yves Le Bouillonnec vient d'expliquer. Le dispositif n'est applicable qu'à partir de 500 euros pour treize mètres carrés, sans parler des loyers exigés pour des surfaces de neuf mètres carrés, des surfaces indignes et indécentes.

Cette taxe, je le répète, ne résoudra pas le problème, parce qu'elle est déphasée par rapport à ce qui se pratique. En plus, s'agissant de son application et donc de sa rentabilité, on ne voit pas bien comment la vérification par les services fiscaux sera effective. Nous avons proposé des amendements à cette micro-taxe, mais il aurait été plus habile et plus efficace d'accepter l'encadrement et le blocage des loyers en zone tendue, que nous avons proposés à plusieurs reprises.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Monsieur le président, plusieurs groupes de notre assemblée ont l'habitude, à cette heure-ci, de tenir une réunion. Je demande donc une suspension de séance d'un quart d'heure pour permettre à certains d'entre nous de participer au moins au début de ces réunions.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinq, est reprise à onze heures vingt-cinq. )

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je profite de l'occasion pour dire à la représentation nationale la satisfaction du Gouvernement de voir que ses hypothèses de croissance pour 2011 se réalisent.

La justesse de nos prévisions - due à la réactivité du Gouvernement qui, le 24 août dernier, a décidé de les réviser à la baisse - nous permet de sécuriser notre trajectoire de réduction des déficits à 5,7 % de la richesse nationale en décembre 2011.

Le Gouvernement a été réaliste, pragmatique. Le Gouvernement est responsable et crédible, dans ses hypothèses de croissance pour 2011 comme dans ses prévisions de réduction des déficits. Il faut le dire et le redire dans cet hémicycle : avec 0,4 % de croissance au troisième trimestre, bon nombre Cassandre voient leurs prédictions déjouées.

M. François Goulard. Bravo !

M. Jean-Paul Lecoq. Rien ne vaut l'autosatisfaction !

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, inscrit sur l'article 42.

M. Charles de Courson. L'article 42 poursuit l'objectif louable d'éviter les loyers abusifs, mais je ne voterai pas en faveur de son adoption, parce qu'il sera contourné de diverses manières.

Premier mécanisme de contournement : la disposition ne s'appliquant qu'à des contrats de plus de neuf mois, il suffira d'établir les contrats sur une durée légèrement plus courte et à un tarif plus élevé, dans le cadre de location à des étudiants par exemple.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Une année universitaire fait dix mois de loyer...

M. Charles de Courson. Il suffira de majorer le loyer d'un tiers et de l'établir sur neuf mois !

Deuxième contournement très simple : une partie, dans la limite du plafond fixé, va être versée régulièrement et une autre va l'être au noir. Autrement dit, vous allez favoriser le « black ».

Troisième mécanisme : les propriétaires vont majorer le loyer à due concurrence de la taxe progressive de 10 % à 40 % instaurée par le Gouvernement. La taxe sera intégrée dans les loyers et vous obtiendrez l'inverse de l'effet recherché, c'est-à-dire une majoration de loyers déjà excessifs.

Ce n'est pas la bonne approche. Vous avouerez, madame la ministre, que cet impôt progressif sur les loyers n'a pas de cohérence intellectuelle. Le vrai problème, c'est celui de l'offre. Nul besoin d'avoir fait des études poussées d'économie pour savoir qu'il faut augmenter l'offre pour faire baisser le prix ; et cela ne se fait pas sur un claquement de doigts mais en menant une politique constante dans le temps.

Au reste, qu'on l'adopte ou non, cet article n'a pas beaucoup d'importance, puisqu'il n'atteindra en rien l'objectif prévu. On s'attendrait d'ailleurs à ce qu'une telle idée vienne de la gauche de l'hémicycle plutôt que de gens comme nous, partisans d'un libéralisme organisé. Même eux n'osent plus défendre une solution de ce genre, et préfèrent reprendre la thèse du plafonnement des loyers. Malheureusement, toutes les expériences en France ou à l'étranger l'ont montré, le plafonnement des loyers n'a jamais abouti qu'à l'aggravation de la pénurie.

La loi de 1948 offre à cet égard un exemple extraordinaire de ce qu'il ne faut pas faire ; tout le monde le reconnaît aujourd'hui.

Je pense donc, madame la ministre, que cette disposition est vraiment une erreur. Sans parler de son rendement : elle ne rapporterait qu'un million d'euros, mais ce ne sera même pas le cas.

Cette manière d'aborder le problème n'est pas la bonne.

M. le président. La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard. C'est avec un certain effroi que j'ai entendu nos collègues socialistes...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Allons !

M. François Goulard. ... réclamer le blocage des loyers, ou sa taxation...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Non ! Son encadrement à la relocation, ce n'est pas la même chose !

M. François Goulard. ...ou son encadrement, peu importe le terme.

Notre pays a vécu longtemps sous l'empire de la loi de 1948. Nous en connaissons les effets, totalement contre-productifs. La loi de 1948 a offert des rentes à ceux qui, installés dans les lieux, se contentaient de payer des loyers devenus dérisoires,...

M. Charles de Courson. Et qui sous-louaient clandestinement !

M. François Goulard. ...et ce sans que la justice ou l'équité sociales y aient la moindre part.

Charles de Courson l'a dit à l'instant : les difficultés liées au niveau des loyers ne sont que la traduction d'une insuffisance de l'offre. Or, depuis cinquante ans, notre pays adopte, année après année, gouvernement après gouvernement, majorité après majorité, des textes qui restreignent le droit de construire. Nous ne cessons de limiter les possibilités de construire, et nous nous étonnons qu'il y ait un déficit de logements, une inadéquation de l'offre à la demande, particulièrement criante dans les grandes villes !

La situation est particulièrement scandaleuse à Paris. Mais le vrai scandale, c'est qu'à Paris, on ne construise pas. Le scandale, madame la ministre, vous qui avez été ministre de l'enseignement supérieur, c'est qu'il n'y ait pas de chambres pour étudiants, que le CROUS n'ait pratiquement aucune résidence dans la première ville universitaire de France. Le scandale, il est là !

C'est à cause de cela que nous sommes dans la situation que nous connaissons. Vous vous trompez radicalement, dans votre analyse, sur les moyens à mettre en oeuvre. Permettez-moi d'ajouter que l'on n'a jamais vu, depuis que l'on sait analyser économiquement les choses, la taxation d'un bien ou d'un service provoquer la baisse de son prix. Si le Gouvernement réussit cette prouesse de faire baisser ainsi le loyer des petits logements, je propose qu'on lui décerne le prix Nobel 2012 d'économie !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Il s'agit d'une disposition importante : elle montre un vrai changement de notre philosophie fiscale.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ça, vous pouvez le dire !

Mme Valérie Pécresse, ministre. C'est une taxe comportementale, c'est-à-dire une taxe comportementale. L'objectif visé est éminemment vertueux : plus on abuse, plus on est taxé.

M. Jean-Paul Lecoq. Ce n'est pas vrai.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ce genre de disposition me paraît mériter toute l'attention de cette assemblée.

M. Jean-Paul Lecoq et M. Jean-Claude Sandrier. Et le prix Nobel !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cette disposition est un premier pas, un premier pas nécessaire. Elle signe l'aveu, par le Gouvernement, du fait que les loyers et la fixation de leur montant sont un des éléments de la crise du logement. Nous en prenons acte, mais la gauche défendra plusiuers amendements pour que cette analyse se traduise vraiment dans les faits.

J'insiste sur un point important : le fait générateur de l'augmentation des loyers, c'est la relocation. C'est là une réalité que confirment toutes les études de l'OCDE, de l'INSEE, et du Centre d'analyse stratégique du Gouvernement, et jusqu'au rapport présenté très récemment par le préfet de la région Île-de-France lors de la réunion du comité régional du logement. Le fait générateur, c'est la relocation. C'est au moment de la relocation, lorsqu'il y a un changement de locataire, que l'augmentation est la plus lourde. C'est cela qui provoque la hausse générale des loyers.

Or ce phénomène touche avant tout les petites surfaces. Pourquoi donc ? Tout simplement parce que l'on recherche ces petits logements lorsqu'on se trouve dans une situation incertaine et temporaire : par exemple, avant de trouver un logement social, pour un jeune couple, ou quand on travaille pour un temps seulement dans un territoire donné, ou encore lorsqu'on connaît la galère de la rupture familiale. C'est toujours dans ces situations que l'on recherche le petit logement à occuper quelques mois avant de repartir. Ainsi ce phénomène est-il, dans les agglomérations les plus peuplées, à l'origine de la progression des loyers.

Le vrai moyen d'agir contre cela, au-delà de la fiscalisation, au-delà de la fiscalisation, c'est l'encadrement à la relocation : lorsque le bail est terminé, on ne peut relouer qu'au montant de l'ancien loyer, ou en le révisant dans la limite de la progression de l'indice de référence. C'est seulement alors que l'on commencera à freiner le processus d'inflation des loyers.

Voilà le problème de fond ; mais sur ce point, le Gouvernement ne nous répond pas. Je dois en revanche reconnaître que le signal de la taxation est important, il fallait le donner. Le Gouvernement a raison de le faire.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Monsieur le président, ainsi que le président Cahuzac l'a dit tout à l'heure, nous avons des réunions de groupe ce matin. Pour que chacun puisse assister au moins au début de ces réunions, et notamment pour que les députés UMP puissent écouter le Premier ministre, je vous demande une suspension d'un quart d'heure.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à douze heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous en venons aux amendements à l'article 42.

L'amendement n° 619 présenté par M. Carrez, est ainsi libellé :

I. - Rédiger ainsi l'alinéa 1 :

« I. - Après la section III du chapitre III du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts, il est rétabli une section IV ainsi rédigée : » ;

II. - En conséquence, au début de l'alinéa 2, substituer à la référence :

« Section XXI »,

la référence :

« Section IV ».

III. - En conséquence, au début de l'alinéa 3, substituer à la référence :

« Art. 235 ter ZG »,

la référence :

« Art. 234 ».

La parole est à M. le rapporteur général pour soutenir l'amendement n° 619.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Amendement de recodification.

(L'amendement n° 619, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, n os 604, 606, 684 et 515, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements n os 606 et 684 sont identiques.

L'amendement n° 604 présenté par M. Sandrier, Mme Amiable, M. Asensi, Mme Billard, M. Bocquet, M. Braouezec, M. Brard, Mme Buffet, M. Candelier, M. Chassaigne, M. Desallangre, M. Dolez, Mme Fraysse, M. Gerin, M. Gosnat, M. Lecoq, M. Muzeau, M. Daniel Paul et M. Vaxès, est ainsi libellé :

À l'alinéa 3, substituer au nombre :

« 13 »

le nombre :

« 20 ».

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l'amendement n° 604.

M. Jean-Claude Sandrier. L'article 42 vise en priorité ce que l'on appelle communément « les chambres de bonne », parfois louées à des prix prohibitifs, pouvant atteindre 700 euros à 800 euros à Paris. Mais le problème se retrouve dans nombre d'autres villes.

Notre amendement n o 604 vise à faire entrer dans le champ de la taxe les logements dont la surface habitable est inférieure ou égale à vingt mètres carrés au lieu des treize mètres carrés prévus dans l'article 43. Nous avons prévu un amendement de repli, n° 606, qui propose un seuil de quinze mètres carrés.

On ne vit pas décemment, c'est le moins que l'on puisse dire, dans un logement de treize mètres carrés. Les personnes louant ces petites surfaces ne sont rien d'autre que des marchands de sommeil. Cette taxe ne doit donc pas concerner que les micro-logements, mais viser toutes les petites surfaces touchées de plein fouet par la spéculation foncière et qui donnent lieu à des loyers démentiels.

La lutte contre la spéculation foncière doit être une des priorités des politiques publiques. Il n'est pas acceptable que les plus précaires et les classes moyennes soient dans l'incapacité de se loger dans les grandes villes. Il n'est pas non plus acceptable que des propriétaires s'enrichissent sur le dos de familles qui, faute de logements sociaux disponibles, se trouvent dans l'obligation de payer des loyers indécents au détriment de tous leurs autres besoins vitaux.

Nous vous appelons à adopter cet amendement, ou à tout le moins notre amendement de repli, n° 606, qui ressemble comme un frère, si je puis dire, à celui de la commission.

M. le président. J'en conclus que vous avez également défendu votre amendement n° 606, monsieur Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Tout à fait, monsieur le président.

L'amendement n° 606 est présenté par M. Sandrier, Mme Amiable, M. Asensi, Mme Billard, M. Bocquet, M. Braouezec, M. Brard, Mme Buffet, M. Candelier, M. Chassaigne, M. Desallangre, M. Dolez, Mme Fraysse, M. Gerin, M. Gosnat, M. Lecoq, M. Muzeau, M. Daniel Paul et M. Vaxès..

Et l'amendement n° 684 est présenté par M. Le Bouillonnec, Mme Mazetier, Mme Lepetit, M. Muet, M. Eckert, M. Sapin, M. Emmanuelli, Mme Filippetti, M. Cahuzac, M. Claeys, M. Baert, M. Carcenac, M Balligand, M. Bartolone, M. Launay, M. Bapt, M. Nayrou, M. Goua, M. Lurel, M. Jean-Louis Dumont, M. Bourguignon, M. Hollande, M. Idiart, M. Habib, M. Rodet, M. Moscovici, M. Vergnier, M. Lemasle, Mme Girardin et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Ces amendements sont ainsi libellés :

À l'alinéa 3, substituer au nombre :

« 13 »,

le nombre :

« 15 ».

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec pour soutenir l'amendement n° 684.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le dispositif proposé à l'article 42 s'attache à régler le problème des petits logements, principale cause, je l'ai expliqué, de la hausse des loyers. Mais l'origine, précisons-le, remonte au jour où l'on a décidé, voilà quelques années, à l'initiative de la majorité, de considérer qu'un logement était habitable au-dessus de neuf mètres carrés - ce qui n'était pas le cas auparavant : le seuil réglementaire était, me semble-t-il, de quatorze ou quinze mètres carrés.

C'est cela, le scandale premier, car cela a généré la reprise de possession de chambres de bonne, qui jusque-là ne pouvaient être louées, pour les rendre accessibles à la location. Mes chers collègues, fermons les yeux quelques instants ou essayons de délimiter au pied de la tribune une surface de neuf mètres carrés : voilà ce que notre République, en 2012, autorise à louer à des gens ! Il faudra bien un jour, madame la ministre, revisiter les conditions d'habitabilité, et comprendre pourquoi un logement en dessous de quinze mètres carrés ne doit pas être considéré comme habitable. Sans même parler du montant du loyer, mais ce n'est pas de cela qu'il est question pour l'instant.

La surface minimale de quinze mètres carrés - qui était la règle il y a quelques années - nous semble être le bon critère en termes habitabilité. C'est ce critère que nous devons reprendre pour appliquer la taxe proposée à l'article 42.

M. le président. L'amendement n° 515 présenté par M. Carrez, Rapporteur général au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

À l'alinéa 3, substituer au nombre :

« 13 »

le nombre :

« 14 ».

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . L'amendement n° 515 de la commission des finances, comme l'a très bien dit M. Sandrier, reprend son amendement de repli et répond aussi, me semble-t-il, à la position de M. Le Bouillonnec.

Si la commission des finances a adopté cet amendement qui porte de treize à quatorze mètres carrés la surface minimale, c'est pour des raisons également juridiques, afin de ne pas multiplier les définitions et les seuils. Or le seuil de quatorze mètres carrés existe déjà dans le code la construction pour la constitution des lots de propriété : il est interdit de créer un lot de copropriété à usage d'habitation dès lors que la surface est inférieure à quatorze mètres carrés. Nous sommes exactement dans la même logique. C'est la raison pour laquelle la commission s'est ralliée à ce seuil de quatorze mètres carrés.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Je précise que la commission des finances s'est prononcée à l'unanimité sur cet amendement. Je n'imagine donc pas que l'unanimité qui s'est manifestée en commission ne se retrouve pas en séance.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement est favorable au seuil des quatorze mètres carrés, qui correspond à celui prévu par le code de la construction. Il se situe dans la fourchette des treize à dix-sept mètres carrés, où les loyers restent abusifs.

M. le président. Autrement dit, madame la ministre, votre préférence va à l'amendement n° 515 de la commission des finances.

La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Par souci de cohérence avec le travail réalisé en commission des finances, notre groupe ne votera que l'amendement de la commission.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je retire donc mon amendement n° 684, conformément à la position que vient d'exprimer le responsable de notre groupe.

L'enjeu de l'habitabilité reste toutefois posé. Il faudra que revoir les conditions dans lesquelles on considère qu'une surface correspond au minimum pour vivre, indépendamment des arguments techniques. Cela me paraît indispensable.

Le jour où l'on a ramené la surface à neuf mètres carrés, on a pris les risques les plus dommageables. Savez-vous qu'actuellement, il se vend dans Paris des surfaces de quatre à cinq mètres carrés pour reconstituer des surfaces de neuf mètres carrés à louer ? Il faudra un jour faire cesser ce véritable scandale.

(L'amendement n° 684 est retiré.)

M. le président. Monsieur Sandrier, pouvez-vous nous éclairer sur votre souhait ?

M. Jean-Claude Sandrier. Nous ne retirons pas nos amendements. L'amendement n° 604 propose un seuil de vingt mètres carrés, qui nous paraît une surface décente. Nous allons jusqu'à la ramener, dans notre amendement de repli n° 606, à quinze mètres carrés. Il me paraît difficile d'aller plus loin.

Nous souhaitons que ces deux amendements soient soumis au vote de l'Assemblée. Pour ce qui est de l'amendement de la commission, vous verrez bien, monsieur le président, quelle sera notre position.

(Les amendements n os 604 et 606, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

(L'amendement n° 515 est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Je suis saisi de deux amendements, n os 605 et 685, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement n° 605 présenté par M. Sandrier, Mme Amiable, M. Asensi, Mme Billard, M. Bocquet, M. Braouezec, M. Brard, Mme Buffet, M. Candelier, M. Chassaigne, M. Desallangre, M. Dolez, Mme Fraysse, M. Gerin, M. Gosnat, M. Lecoq, M. Muzeau, M. Daniel Paul et M. Vaxès, est ainsi libellé :

I. - À l'alinéa 3, substituer aux mots :

« , fixé par décret, compris entre 30 et 45 »,

les mots :

« de 20 ».

II. - En conséquence, à l'alinéa 5, substituer aux mots :

« , ainsi que les limites de 30 et 45 euros mentionnées au premier alinéa sont révisés »,

les mots :

« est révisé ».

La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour soutenir l'amendement n° 605.

M. Jean-Paul Lecoq. Cet amendement poursuit la même logique que le précédent : il vise à améliorer l'efficacité de cette taxe en la faisant s'appliquer sitôt que le loyer mensuel, charges non comprises, excède le loyer moyen au mètre carré à Paris, à savoir 20 euros le mètre carré et non, comme il nous est proposé, un montant, fixé par décret, compris entre 30 et 45 euros par mètre carré de surface habitable. Ce faisant, le Gouvernement manifeste une réticence que nous ne comprenons pas et n'acceptons pas. L'exposé des motifs de l'article 42 indique pourtant clairement que le but est d'interdire les loyers excessifs pour les micro-logements et les petites surfaces. Les personnes qui habitent ces petits locaux ne roulent pas sur l'or ; elles ont besoin d'être aidées. Rien ne justifie que le prix au mètre carré pour ces très petites surfaces, à la limite du vivable, excède le loyer moyen au mètre carré à Paris.

La spéculation foncière doit être jugulée et les dérives doivent cesser. Il faut envoyer, madame la ministre, un message fort au marché de l'immobilier en plafonnant les loyers. Seules des mesures politiques fortes permettront de mettre en oeuvre une politique du logement digne de ce nom.

M. le président. L'amendement n° 685 présenté par M. Le Bouillonnec, Mme Mazetier, Mme Lepetit, M. Muet, M. Eckert, M. Sapin, M. Emmanuelli, Mme Filippetti, M. Cahuzac, M. Claeys, M. Baert, M. Carcenac, M Balligand, M. Bartolone, M. Launay, M. Bapt, M. Nayrou, M. Goua, M. Lurel, M. Jean-Louis Dumont, M. Bourguignon, M. Hollande, M. Idiart, M. Habib, M. Rodet, M. Moscovici, M. Vergnier, M. Lemasle, Mme Girardin et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, est ainsi libellé :

À l'alinéa 3, substituer aux mots :

« 30 et 45 »

les mots :

« 25 et 30 ».

La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l'amendement n° 685.

Mme Sandrine Mazetier. Cet amendement vise à modifier, non pas le critère de surface - même si nous jugeons la surface retenue insuffisante - mais celui du prix au mètre carré, qui nous paraît trop élevé. Nous proposons que la taxe soit appliquée à partir d'un loyer du mètre carré compris, non plus entre 30 et 45 euros, mais entre 25 et 30 euros. Encore une fois, nous ne nous faisons guère d'illusions sur l'effet de cette taxe. Mais si le seuil à partir duquel elle s'applique est inadapté, non seulement elle ne créera pas de recettes pour les finances publiques, mais surtout, elle ne modifiera pas les comportements des propriétaires.

Ainsi que vient de le rappeler Jean-Yves Le Bouillonnec, on en vient à louer à Paris des caves et des placards à balais. Il va donc falloir agir pour lutter contre ce phénomène proprement scandaleux, qui fait l'objet de reportages très fréquents. Certes, cette taxe n'est qu'un alibi destiné à masquer l'inertie du secrétaire d'État au logement en la matière. Mais, quitte à l'appliquer, autant qu'elle le soit à partir de seuils de loyer adaptés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Défavorable. Je rappelle à Mme Mazetier que la fourchette prévue est comprise entre 30 et 45 euros afin que son montant puisse être modulé selon que le logement est meublé ou non et selon sa localisation...

M. Henri Emmanuelli. Voilà qui change tout...

M. Gilles Carrez, rapporteur général . La modulation étant fixée par décret, mieux vaut prévoir une fourchette assez large.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La taxe que vous créez produira, selon moi, un effet pervers, car, lorsque le décret sera publié, on considérera que le loyer de référence se situe entre 30 et 45 euros le mètre carré, alors qu'à Paris, le loyer moyen est actuellement d'un peu plus 20 euros le mètre carré. On voit donc bien le piège du dispositif.

Mme Sandrine Mazetier. Eh oui !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais, puisque vous avez décidé de l'appliquer, essayez au moins d'éviter cet effet pervers ! En outre, ce sont ces petites surfaces qui sont à l'origine de la hausse des loyers : il est démontré que plus le logement est grand, moins le loyer au mètre carré est cher.

Le décret, qui, ainsi que vient de nous l'expliquer notre rapporteur général, modulera le montant de la taxe en fonction du type de logement, de sa localisation et de son caractère meublé ou non, créera immédiatement un barème. Or, s'il se situe à 45 euros le mètre carré, cela signifie qu'un logement de dix mètres carrés sera loué 450 euros par mois ! Ce n'est pas acceptable, mes chers collègues. En envoyant un tel message, en laissant à penser qu'un loyer inférieur à 45 euros le mètre carré est convenable, vous allez provoquer un séisme.

Au reste, la méthode qui consiste à retenir un seuil pour l'application d'une taxe est un piège. La bonne méthode consisterait en réalité à déterminer le loyer de référence au mètre carré, à plus ou moins 5 euros près, et à empêcher les propriétaires de relouer à un prix supérieur à ce loyer de référence. Je ne vous prête pas l'intention de créer un loyer de référence, mais, de fait, c'est cela que vous allez inscrire dans la loi. Or c'est insupportable. Il n'est tout de même pas normal qu'on loue un logement de 10 mètres carrés à 45 euros le mètre carré !

M. Henri Emmanuelli. M. Carrez ne veut pas répondre ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Non, je maintiens ma position.

(Les amendements n os 605 et 685, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 618 présenté par M. Carrez, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le début de l'alinéa 19 :

« II. - L'article 234 s'applique aux loyers ... (le reste sans changement) ».

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Amendement de coordination.

(L'amendement n° 618, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L'article 42, amendé, est adopté.)