ARTICLE 42 BIS (DEVENU ARTICLE 80 DE LA LOI DE FINANCES POUR 2012)
REFONTE DU RÉGIME DES ABATTEMENTS POUR DURÉE DE DÉTENTION SUR LES PLUS-VALUES DE CESSIONS DE TITRES DE SOCIÉTÉS

I. DÉBATS ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE (1ÈRE SÉANCE DU MARDI 15 NOVEMBRE 2011)

Article additionnel après l'article 42

M. le président. L'amendement n° 516 (troisième rectification) présenté par M. Carrez, Rapporteur général au nom de la commission des finances et M. Goulard, est ainsi libellé :

Après l'article 42, insérer l'article suivant :

I. - L'article 150-0 D bis du code général des impôts est ainsi modifié :

A) Le I est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« I. 1. L'imposition de la plus-value retirée de la cession à titre onéreux d'actions ou de parts de sociétés ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts peut être reportée si les conditions prévues au II sont remplies.

« Le report est subordonné à la condition que le contribuable en fasse la demande et déclare le montant de la plus-value dans la déclaration prévue à l'article 170. » ;

2° Au 2. les mots : « est réduit de l'abattement » sont remplacés par les mots : « fait également l'objet du report d'imposition » ;

B) Le II est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « de l'abattement » sont remplacés par les mots : « du report d'imposition » ;

2° Le 1° est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« 1° Les titres ou droits cédés doivent avoir été détenus de manière continue depuis plus de huit ans ;

« 1° bis Les titres ou droits détenus par le cédant, directement ou par personne interposée ou par l'intermédiaire du conjoint, de leurs ascendants et descendants ou de leurs frères et soeurs, doivent avoir représenté, de manière continue pendant les huit années précédant la cession, au moins 10 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société dont les titres ou droits sont cédés ; » ;

3° À la dernière phrase du b) du 2° , le nombre : « cinq » est remplacé par le nombre : « huit » ;

4° Il est complété par six alinéas ainsi rédigés :

« 3° Le report d'imposition est en outre subordonné au respect des conditions suivantes :

« a) Le produit de la cession des titres ou droits doit être investi, dans un délai de trente-six mois et à hauteur de 80 % du montant de la plus-value net des prélèvements sociaux, dans la souscription en numéraire au capital initial ou dans l'augmentation de capital en numéraire d'une société ;

« b) La société bénéficiaire de l'apport doit exercer l'une des activités mentionnées au b) du 2° du présent II et répondre aux conditions prévues aux a) et c) du même 2° ;

« c) Les titres représentatifs de l'apport en numéraire doivent être entièrement libérés au moment de la souscription ou de l'augmentation de capital ou, au plus tard, à l'issue du délai mentionné au a) du présent 3° et représenter au moins 5 % des droits de vote et des droits dans les bénéfices sociaux de la société ;

« d) Les titres représentatifs de l'apport en numéraire doivent être détenus directement et en pleine propriété par le contribuable pendant au moins cinq ans ;

« Lorsque les titres font l'objet d'une transmission, d'un rachat ou d'une annulation ou, si cet événement est antérieur, lorsque le contribuable transfère son domicile fiscal hors de France dans les conditions prévues à l'article 167 bis , avant le délai prévu à l'alinéa précédent, le report d'imposition prévu au I est remis en cause dans les conditions du deuxième alinéa du III ;

« e) Le contribuable, son conjoint, leurs ascendants et descendants ou leurs frères et soeurs, ne doivent ni être associés de la société bénéficiaire de l'apport préalablement à l'opération d'apport ni y exercer les fonctions énumérées au 1° de l'article 885 O bis depuis sa création et pendant une période de cinq ans suivant la date de réalisation de l'apport. » ;

« f) La société bénéficiaire de l'apport ne doit pas avoir procédé à un remboursement d'apport au bénéfice du cédant, de son conjoint, de leurs ascendants et descendants ou de leurs frères et soeurs, au cours des douze mois précédant le remploi du produit de la cession. » ;

C) Le III est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :

« III. - Le report d'imposition prévu au présent article est exclusif de l'application des dispositions des articles 199 terdecies -0 A et 885-0 V bis .

« Le non-respect de l'une des conditions prévues par le II du présent article entraîne l'exigibilité immédiate de l'impôt sur la plus-value, sans préjudice de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 décompté de la date à laquelle cet impôt aurait dû être acquitté.

« L'imposition de la plus-value antérieurement reportée peut, à la demande du contribuable, être reportée de nouveau lorsque les titres souscrits conformément au 3° du II font l'objet d'une opération d'échange dans les conditions prévues à l'article 150-0 B. Dans ce cas, le délai de cinq ans est apprécié à compter de la date de souscription des titres échangés.

« III. bis - Lorsque les titres ayant fait l'objet de l'apport prévu au a du 3° du II sont détenus depuis plus de cinq ans, la plus-value en report d'imposition est définitivement exonérée. Cette exonération est applicable avant l'expiration du délai de cinq ans en cas de licenciement, d'invalidité correspondant au classement dans la deuxième ou la troisième des catégories prévues à l'article L. 341-4 du code de la sécurité sociale, du décès du contribuable ou de l'un des époux soumis à imposition commune ou en cas de liquidation judiciaire de la société.

« Les dispositions du premier alinéa du présent III bis ne s'appliquent pas en cas de remboursement des apports avant la dixième année suivant celle de l'apport en numéraire. » ;

D) Le V est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, la référence : « I » est remplacée par la référence : « II » ;

2° Aux 1°, 2°, 3° et 4°, les mots : « à partir du 1 er janvier 2006 ou, si elle est postérieure, » sont supprimés ;

3° Le 6° est supprimé ;

4° Au b) du 8° et au deuxième alinéa du a) du 9°, les mots : «  à partir du 1 er janvier 2006 ou » et les mots « , si cette date est postérieure » sont supprimés. ».

II. - Au premier alinéa des I et II de l'article 150-0 D ter du même code, après les mots : « l'article 150-0 D bis », sont insérés les mots : « dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° du              de finances pour 2012 ».

III. - L'article 167 bis du même code est ainsi modifié :

1° Après la première occurrence du mot : « prévu », la fin du premier alinéa du 3. du I. est ainsi rédigée : « à l'article 150-0 D ter , lorsque les conditions mentionnées à cet article sont remplies. » ;

2° Au II., les mots : « et de l'article 150-0 B bis » sont remplacés par les mots : « de l'article 150-0 B bis et de l'article 150-0 D bis » ;

3° La première phrase du a du 1. du VII est complétée par les mots : « , à l'exception des cessions auxquelles l'article 150-0 D bis s'applique. » ;

4° Après le d du 1. du VII, il est inséré un e ainsi rédigé :

e) La transmission, le rachat ou l'annulation, avant l'expiration du délai de cinq ans mentionné au III bis de l'article 150-0 D bis , des titres et droits reçus en contrepartie de l'apport en numéraire conformément au II de l'article 150-0 D bis, pour l'impôt afférent aux plus-values de cession reportées en application du même article. » ;

5° Après le second alinéa du 3 du VII, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'impôt établi dans les conditions du II et afférent aux plus-values de cession reportées en application de l'article 150 0 D bis est dégrevé, ou restitué s'il avait fait l'objet d'un paiement immédiat lors du transfert du domicile fiscal hors de France, à l'expiration du délai de cinq ans mentionné au premier alinéa du III bis du même article. » ;

6° Aux deux premiers alinéas du 3. du VIII, les mots : « aux articles 150-0 D bis et » sont remplacés par le mot : « à l'article ».

IV. - Au dernier alinéa du 1 de l'article 170 et au a bis du 1° du IV de l'article 1417 du même code, les mots : « de l'abattement mentionné à l'article 150-0 D bis » sont remplacés par les mots : « des plus-values en report d'imposition en application du I de l'article 150-0 D bis ».

V. - L'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

« 1° Au e bis du I., après les mots : « des plus-values » sont insérés les mots : « et des créances » et après les mots : « mentionnées au I » sont insérés les mots : « et au II » ;

« 2° Après le e bis du I, il est inséré un e ter ainsi rédigé : « e ter Les gains nets placés en report d'imposition en application des I et II de l'article 150-0 D bis du code général des impôts ; » ;

« 3° Au neuvième alinéa, la référence : « 150-0 D bis » est remplacée par la référence : « 150-0 D ter ».

La parole est à M. le rapporteur général, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . L'amendement n° 516, troisième rectification, est un amendement important sur lequel notre commission travaille depuis bientôt deux ans. Vous vous souvenez peut-être que, dans le cadre de la loi de finances pour 2006, nous avons adopté le principe d'une exonération fiscale des plus-values mobilières, dès lors que les titres concernés étaient détenus pendant une durée supérieure à huit ans - plus exactement, l'abattement se faisait par tiers à partir de la sixième année. Considérant, en 2006, que l'incitation créée par cette mesure allait être très coûteuse - un milliard d'euros en régime de croisière -, nous avons jugé opportun d'en différer l'application en 2012, date à laquelle nous pensions que la situation des finances publiques se serait améliorée. Hélas, ce pari n'a pas été couronné de succès.

Nous proposons par conséquent de modifier le dispositif en recentrant l'exonération sur les petites et moyennes entreprises. Si un chef d'entreprise réalise une plus-value en revendant sa société, il pourra bénéficier d'une exonération, à deux conditions : premièrement, détenir au moins 10 % des titres de cette société depuis au moins huit ans ; deuxièmement, réinvestir 80 % de la plus-value nette de prélèvements sociaux dans une autre société - de préférence une PME - et conserver ces titres durant au moins cinq ans.

En 2006, nous étions partis du constat selon lequel les créateurs d'entreprise ayant connu la réussite - à l'époque, le secteur des nouvelles technologies nous avait donné de nombreux exemples de succès rapide - avaient envie de réinvestir leurs gains dans la création d'autres entreprises. Cependant, plusieurs cas avaient défrayé la chronique, de chefs d'entreprises obligés de s'expatrier pour la Belgique pour y céder leur société en bénéficiant d'une exonération sur les plus-values ; malheureusement, ces personnes étaient restées outre-Quiévrain pour y créer de nouvelles entreprises, ce qui se traduisait par un appauvrissement pour notre pays.

Le dispositif que nous avions conçu initialement était beaucoup trop large, et pouvait aboutir à exonérer d'imposition sur les plus-values le détenteur d'actions Total les ayant conservées plus de huit ans, ce qui n'était pas l'objectif poursuivi ! C'est pourquoi nous proposons de modifier ce dispositif, en créant une incitation vertueuse à apporter des fonds propres à des petites et moyennes entreprises. Plutôt que de raisonner en termes de seuils, avec tous les problèmes que cela comporte, nous avons préféré nous baser sur un pourcentage de détention : il faut donc avoir détenu au moins 10 % de l'entreprise que l'on vend, et réinvestir en s'assurant de détenir au moins 5 %, ce qui permet de mettre en place un mécanisme fluide.

Notre collègue François Goulard nous a fait remarquer, à juste titre, que le délai de réinvestissement de deux ans que nous avions prévu était trop court, compte tenu de la difficulté qu'il peut y avoir à trouver un nouveau projet pour investir. Nous avons donc porté ce délai à trois ans. Le dispositif ainsi obtenu me paraît très intéressant et, comme celui résultant des amendements Forissier, évoqué tout à l'heure par Mme la ministre, est de nature à constituer un vecteur assez puissant de financement de la création ou du développement d'entreprises.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Nous avons eu un long débat relatif au financement en fonds propres des petites et moyennes entreprises. Je rappelle que le réinvestissement permettant de maintenir l'exonération de 80 % n'est pas conditionné à un type d'entreprise : en réalité, tous les types de société donnent droit à exonération, monsieur le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . La condition réside dans les seuils de détention !

M. Charles de Courson. Certes, mais une personne peut très bien détenir 10 % d'une grande entreprise. Votre proposition est donc plus large que celle présentée par notre collègue Forissier, et sans doute les deux dispositifs sont-ils complémentaires. En tout état de cause, nous redéposerons notre proposition dans le cadre du collectif budgétaire, quitte à la recentrer pour tenir compte des observations qui ont été faites à ce sujet tout à l'heure. Il faut absolument que, durant la période difficile que nous traversons, nous conservions, voire amplifiions certains dispositifs permettant aux entreprises de se développer - car l'avenir du pays est là : on ne peut se contenter d'une politique se résumant à rogner aveuglément de tous côtés !

Vous savez, madame la ministre, que nous traversons une crise de l'engagement. Dernièrement, les responsables de la Caisse des dépôts nous disaient regorger de liquidités, du fait de l'absence d'entrepreneurs disposés à s'engager à moyen ou long terme. Or, les petites et moyennes entreprises ont un besoin vital d'investissements.

M. le président. La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard. L'amendement présenté par Gilles Carrez constitue, à mes yeux, l'exemple même d'une mesure fiscale intelligente. Le dispositif fiscal en place jusqu'alors incitait les personnes s'apprêtant à céder leur entreprise à partir à l'étranger - ce qui, vous en conviendrez, est assez dommage. Par ailleurs, une défiscalisation totale des plus-values mobilières est une perte de ressources fiscales injustifiée.

En introduisant la condition de réinvestissement des fonds dans une autre entreprise, on corrige ce que la mesure d'exonération totale pouvait avoir d'excessif, tout en permettant le réinvestissement en France. Je tenais à souligner à quel point cette mesure est exemplaire.

M. Yves Censi. Très bien !

(L'amendement n° 516 troisième rectification est adopté.)