V. RAPPORT SÉNAT N° 107 (2011-2012) TOME III

Commentaire : le présent article instaure la prise en charge, par les opérateurs de téléphonie mobile titulaires d'une autorisation d'utilisation de fréquences de la bande 800 MHz, des coûts de gestion par l'Agence nationale des fréquences (ANFR) des réclamations relatives aux brouillages causés à la réception des services de la TNT.

I. LE DROIT EXISTANT

A. L'AGENCE NATIONALE DES FRÉQUENCES (ANFR)

1. Les missions de l'Agence nationale des fréquences

L'Agence nationale des fréquences est un établissement public administratif , dont la mission est d'assurer la planification, la gestion de l'implantation des émetteurs , le contrôle de l'utilisation, y compris privative, du domaine public des fréquences radioélectriques au profit des opérateurs de télécommunication et de l'audiovisuel, et la délivrance de certaines autorisations et certificats radios. En effet, les autorisations d'utilisation des fréquences radioélectriques sont des autorisations d'occupation du domaine public hertzien . A ce titre, l'ANFR prépare et soumet à l'approbation du Premier ministre, en application de l'article L. 41 du code des postes et des communications électroniques, la répartition des bandes de fréquences entre administrations et autorités affectataires 1 ( * ) .

En outre, aux termes de l'article L. 43 du code des postes et télécommunications électroniques, elle « recueille les réclamations et instruit les cas de brouillage de fréquences radioélectriques qui lui sont signalés ».

Au surplus, elle coordonne l'implantation sur le territoire national des stations radioélectriques de toute nature afin d'assurer la meilleure utilisation des sites disponible, et veille au respect des valeurs limites d'exposition du public aux champs électromagnétiques.

Enfin, elle peut , pour ce qui concerne le contrôle de l'utilisation des fréquences, et de manière proportionnée aux besoins liés à l'accomplissement de ses missions, procéder à des enquêtes auprès des personnes physiques ou morales exploitant des équipements, des réseaux de communications électroniques, des installations radioélectriques ou fournissant des services de communications électroniques.

2. L'organisation de l'ANFR

Sous la tutelle du ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique , l'ANFR compte près de 320 agents. Elle est organisée en cinq directions. Elle est en relation quotidienne avec les ministères et les autorités affectataires de fréquences, ainsi qu'avec les opérateurs et les industriels.

De plus, elle est administrée par un conseil d'administration composé de représentants des administrations, notamment de celles qui sont attributaires de bandes de fréquences, du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), ainsi que, pour au moins un tiers de ses membres, de personnalités choisies en raison de leurs compétences.

3. Les ressources de l'ANFR

Aux termes du V de l'article L. 43 du code des postes et des communications électroniques, « les ressources de l'ANFR comprennent la rémunération des services rendus, les revenus du portefeuille, les subventions publiques, ainsi que le produit des dons et legs ».

En outre, l'agence perçoit, au bénéfice du Fonds de réaménagement du spectre, les contributions des personnes publiques ou privées versées à des fins de réaménagement du spectre.

B. LA BANDE 800 MHZ

Les fréquences radioélectriques appartiennent au domaine de l'Etat.

Les fréquences de la bande 790-862 MHz (dite bande 800 MHz), actuellement occupées par les services audiovisuels analogiques, seront libérées au terme de la transition vers la télévision numérique terrestre (TNT), à la fin de l'année 2011.

Elles ont été affectées aux communications électroniques dès 2007. Les autorisations d'utilisation de fréquences , dites « licences 4 G », dans cette bande, seront délivrées aux opérateurs de téléphonie mobile par l'Autorité de régulation des postes et des télécommunications électroniques (ARCEP), au début de l'année 2012 .

La procédure d'attribution a été lancée par le Gouvernement en juin 2011. Les sociétés désirant obtenir un ou plusieurs des quatre blocs de fréquences (A, B, C et D) doivent déposer leur offre avant le 15 décembre 2011 2 ( * ) . La procédure permet l'attribution d'autorisations à quatre opérateurs de téléphonie mobile au maximum . Elle est ouverte aux opérateurs de téléphonie mobile existants (Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free mobile), ainsi qu'aux sociétés désirant devenir opérateurs de téléphonie mobile en France.

TNT

Téléphonie mobile (bande 800 MHz)

774 782 790 791 801 806 811 821 832 842 848 852 862

canal

canal

stations relais vers terminaux

terminaux vers stations relais

58

59

60

A

B

C

D

A

B

C

D

8

8

8

1

10

5

5

10

11

10

5

5

10

Source : DGCIS

NB : la dernière ligne indique la taille du bloc (en MHz)

C. LES CONSÉQUENCES DE L'UTILISATION DES FRÉQUENCES DE LA BANDE 800 MHZ

L'utilisation des fréquences radioélectriques de la bande 800 MHz par les opérateurs mobiles est susceptible de causer des brouillages à la réception de la TNT en dessous de 790 MHz , en raison de la proximité des bandes de fréquences concernées.

Deux phénomènes principaux sont à l'origine de ces brouillages, qui se produiront quelle que soit la proximité du bloc de fréquences avec les canaux réservés à la TNT : d'une part, le débordement de la bande adjacente ; d'autre part, la saturation des récepteurs de télévision.

Le nombre de foyers potentiellement concernés par un tel brouillage est estimé à 500 000 environ , sur toute la période de déploiement des réseaux mobiles. Le problème dépasse donc les capacités actuelles de gestion des réclamations des téléspectateurs par l'ANFR, qui traite aujourd'hui de l'ordre de 2 000 réclamations par an .

D'après les informations transmises à votre rapporteure générale, cette estimation a été réalisée grâce aux études de l'ANFR portant sur les risques de brouillage de la télévision. Ces études complètent celles réalisées au niveau européen au sein de la CEPT 3 ( * ) , et intègrent des résultats d'une expérimentation réalisée dans les environs de Laval début 2011.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article vise à donner à l'Agence nationale des fréquences les moyens de gérer la recrudescence des réclamations relatives à la réception des services de communication audiovisuelle à la suite du déploiement des réseaux mobiles de la bande 800 MHz.

Pour cela, il prévoit la prise en charge, par les opérateurs de téléphonie mobile titulaires de licences 4 G, des coûts de gestion par l'ANFR des réclamations relatives aux brouillages causés à la réception des services de la TNT.

A. LA CRÉATION D'UNE TAXE AU PROFIT DE L'ANFR

Le présent article insère un nouvel alinéa I bis après le I de l'article L. 43 du code des postes et des communications électroniques.

Le premier alinéa de ce I bis crée une taxe , dont le produit abondera l'ANFR, afin de couvrir les coûts qu'elle engagera pour le recueil et le traitement des réclamations des usagers de la TNT victimes des brouillages causés par la mise en service des licences 4 G.

B. LA TAXE SERA ACQUITTÉE PAR LES TITULAIRES DES LICENCES 4 G SELON UNE CLÉ DE RÉPARTITION

Le deuxième alinéa du I bis définit les modalités de répartition du produit global de la taxe entre ses redevables, « dans la limite de deux millions d'euros par an ».

D'après les informations transmises à votre rapporteure générale, cette limite a été fixée à partir de l'expérience acquise dans le cadre du passage à la TNT . En effet, pendant plusieurs années, le groupe d'intérêt public (GIP) France Télé Numérique s'est chargé de l'accompagnement des téléspectateurs afin de faciliter la transition de la télévision analogique vers la télévision numérique. L'expérience acquise par cette opération a permis à l'ANFR d'estimer le coût moyen de réception d'une réclamation et de son traitement, et de chiffrer ainsi un coût total plafond.

Les opérateurs visés par la taxe sont les futurs titulaires d'autorisation d'utilisation de fréquences dans la bande 800 MHz, c'est-à-dire ceux qui seront retenus à l'issue de la procédure d'attribution précitée .

Les coûts engagés par l'ANFR pour recueillir et traiter les réclamations des téléspectateurs liées aux brouillages causés par les réseaux du service mobile dans la bande 800 MHz seront répartis entre les titulaires de chaque bloc de fréquences , en fonction de la part de brouillages susceptible d'être causée par chacun des blocs.

La clé de répartition des coûts entre les titulaires d'autorisations dans la bande 800 MHz sera définie par décret en Conseil d'Etat . Cette clé correspond à la part des foyers qui seraient brouillés par le titulaire de chacun des blocs de fréquences s'il déployait seul son réseau, établie à partir des probabilités de brouillage résultant des études et expérimentations précitées. D'après les informations transmises à votre rapporteure générale, il est prévu de fixer par décret la clé de répartition suivante :

- 57 % des coûts pour le titulaire du bloc A (791-801 MHz et 832-842 MHz) ;

- 12 % des coûts pour les titulaires du bloc B (801-806 MHz et 842-847 MHz) et du bloc C (806-811 MHz et 847-852 MHz) ;

- 19 % des coûts pour le titulaire du bloc D (811-821 MHz et 852-862 MHz).

Le recouvrement de la taxe sera effectué par l'agent comptable de l'ANFR.

C. L'OBLIGATION D'INFORMATION RELATIVE À LA MISE EN SERVICE DES LICENCES 4 G

Enfin, le troisième alinéa du I bis de l'article L. 43 créé par le présent article prévoit que les titulaires de licences 4 G informeront l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), en tant qu'attributaire des fréquences concédées aux opérateurs de téléphonie mobile, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), en tant qu'attributaire des fréquences accordées aux opérateurs de communication audiovisuelle, et l'ANFR, de la date effective de mise en service de chacune de leurs stations radioélectriques .

L'exposé des motifs souligne en effet que cette information est « essentielle à la définition de la cause des brouillages signalés à l'Agence », qui pourra alors prendre les mesures nécessaires pour y mettre fin et garantir la continuité de la réception des services de communication audiovisuelle.

Le dernier alinéa du présent article est une disposition de coordination , qui complète la liste des ressources de l'ANFR par la mention de la taxe créée.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté un amendement à l'initiative de notre collègue député Gilles Carrez, rapporteur général. Celui-ci précise les modalités de recouvrement de la taxe due par les opérateurs de téléphonie mobile à l'ANF , notamment la date à laquelle la contribution devra être acquittée par les opérateurs.

L'exposé des motifs de l'amendement explique ainsi que « cette taxe ne pourra être liquidée qu'en début d'année suivant celle au titre de laquelle elle est due, car son assiette repose sur les dépenses engagées au cours de l'année par l'Agence pour traiter les réclamations de brouillage ».

A cette fin, l'amendement introduit par l'Assemblée nationale propose une nouvelle rédaction de la dernière phrase du deuxième paragraphe du I bis créé par l'article 47 : « les redevables acquittent en début d'année la taxe due au titre de l'année civile précédente auprès de l'agent comptable de l'Agence nationale des fréquences, dans un délai de trente jours à compter de l'émission du titre de recettes correspondant à la liquidation de la taxe ».

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Cet article porte une disposition d'ordre technique, qui ne pose pas de problème particulier, dans la mesure où, d'après les informations transmises à votre rapporteure générale, les opérateurs de téléphonie mobile ont été consultés sur la future taxe.

En effet, deux réunions de concertation entre les pouvoirs publics et les opérateurs de téléphonie mobile ont eu lieu le 13 juillet et le 26 septembre 2011. Elles ont permis d'échanger autour du projet de dispositif envisagé et de le faire évoluer.

Il en est ressorti que les opérateurs comprennent l'objectif de cette taxe au montant modéré, et qu'ils n'ont pas manifesté d'opposition à la prise en charge du recueil et du traitement des réclamations des téléspectateurs de façon centralisée par l'ANFR.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.


* 1 Un affectataire de bande de fréquences est un département ministériel ou une autorité administrative indépendante (AAI) ayant accès à une ou plusieurs bandes de fréquences pour des services spécifiques et pour son propre usage dans le cas d'un département ministériel, ou en vue de l'attribution de fréquences à des tiers dans le cas d'une AAI.

* 2 Cette procédure de mise aux enchères résulte d'un arrêté du 14 juin 2011 relatifs aux modalités et aux conditions d'attribution des autorisations d'utilisation de fréquences dans les bandes 800 MHz et 2,6 GHz en France métropolitaine pour établir et exploiter un système mobile terrestre.

* 3 Conférence européenne des administrations des postes et télécommunications.