II. TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE

Article 47 bis (nouveau)

Le 2 de l'article 275 du code des douanes est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La minoration des taux kilométriques prévue au premier alinéa du présent 2 est portée à 40 % pour les régions qui ne disposent pas d'autoroute dont l'usage fait l'objet d'un péage, conformément à l'article L. 122-4 du code de la voirie routière. »

III. RAPPORT SÉNAT N° 107 (2011-2012) TOME III

Commentaire : le présent article a pour objet de porter de 25 % à 40 % la réduction du taux de l'éco-redevance poids lourds applicable aux régions périphériques qui ne disposent pas d'une autoroute à péage, soit à la région Bretagne.

I. LES PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DE LA TAXE POIDS LOURDS

A. LE CADRE JURIDIQUE ET LES OBJECTIFS DE LA TAXE

L'article 153 de la loi de finances pour 2009 1 ( * ) a introduit une taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises, dite « taxe poids lourds » (TPL) ou « éco-redevance poids lourds », qui devrait entrer en vigueur sur le territoire national courant 2013 après avoir fait l'objet d'une expérimentation en Alsace. Celle-ci a été reportée à l'été 2012.

Ce dispositif techniquement et juridiquement complexe s'insère dans un contrat de partenariat public-privé, dont le titulaire , Autostrade per l'Italia , a été désigné par le ministère chargé des transports le 14 janvier 2011. Après quelques péripéties 2 ( * ) , le contrat a été signé le 20 octobre .

Le dispositif de TPL est codifié aux articles 269 à 283 quinquies du code des douanes, et l'expérimentation en Alsace à l'article 285 septies du même code.

Cette taxe a pour objectifs :

- d'externaliser et réduire les impacts environnementaux du transport routier de marchandises, et de favoriser le report modal sur le fret ferroviaire ;

- de mieux faire payer les coûts d'investissement et d'exploitation du réseau routier par les poids-lourds, quelle que soit leur nationalité ;

- de rationaliser à terme le transport routier sur les moyennes et courtes distances ;

- et de dégager une ressource pérenne pour l'Agence de financement des infrastructures de transports de France ( AFITF ), en lui affectant la fraction de la taxe relevant du réseau routier national.

La fraction revenant à l'AFITF s'élèverait à environ 790 millions d'euros sur un produit brut estimé à 1,24 milliard d'euros en année pleine, sur la base d'un taux moyen de 12 centimes par kilomètre. Le solde est constitué de la rémunération du prestataire par l'Agence (290 millions d'euros, dont 50 millions d'euros de TVA) et du produit revenant aux collectivités locales concernées par un report de trafic (160 millions d'euros).

B. L'ASSIETTE ET LE TAUX DE LA TAXE

L'assiette de la taxe est constituée des véhicules de transport de marchandises d'un poids supérieur ou égal à 3,5 tonnes (douze tonnes s'agissant de l'expérimentation en Alsace) et inférieur à 44 tonnes, qui utilisent des itinéraires routiers métropolitains alternatifs à des autoroutes à péage , relevant du domaine public routier national non concédé 3 ( * ) ou appartenant aux collectivités territoriales 4 ( * ) , dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat.

Les 190 km de voies du dispositif expérimental en Alsace (dont 135 km du réseau national) ont ainsi été arrêtés par un décret du 18 décembre 2009 5 ( * ) . La liste des itinéraires du réseau routier national exonérés pour faible trafic a été fixée par un décret du même jour 6 ( * ) , et celle des itinéraires du réseau routier local soumis à la taxe par un décret du 27 juillet 2011 7 ( * ) . La longueur totale du réseau soumis à la TPL pourrait ainsi être comprise entre 12 000 et 15 000 km , dont environ 10 500 km relevant du réseau national.

Le fait générateur est le franchissement d'un point de tarification 8 ( * ) , et l'assiette de la taxe est constituée par la longueur des sections de tarification empruntées par le véhicule. Aux termes du 3 de l'article 275 du code des douanes, le taux kilométrique de la taxe est compris entre 0,025 euro et 0,20 euro par essieu et par kilomètre . Il est modulé en fonction de la catégorie du véhicule (correspondant à son nombre d'essieux et à son poids total autorisé en charge), de la classe d'émission de CO 2 et du niveau de congestion de la section de tarification.

Le 2 de l'article 275 précité dispose que les taux sont réduits de 25 % pour les régions comportant au moins un département métropolitain classé dans le décile le plus défavorisé selon le critère communautaire de « périphéricité », apprécié au regard de leur éloignement des grandes unités urbaines européennes de plus d'un million d'habitants.

La liste de ces départements a été fixée par un décret du 2 mars 2011 9 ( * ) . Les trois régions périphériques sont ainsi l'Aquitaine, la Bretagne et Midi-Pyrénées , et les dix départements concernés sont l'Aveyron, le Finistère, le Gers, la Gironde, les Landes, le Lot-et-Garonne, les Pyrénées-Atlantiques, les Hautes-Pyrénées et le Tarn .

Cette réduction de taux a vocation à compenser le handicap de compétitivité résultant de la TPL pour ces territoires enclavés, excentrés ou offrant peu d'alternatives à un réseau routier taxé, dont la desserte serait donc plus coûteuse pour les transporteurs routiers, au détriment du tissu économique local.

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de nos collègues députés Pierre Méhaignerie et Marc Le Fur, avec l'avis de sagesse du Gouvernement, relève à 40 % la réduction du taux de TPL pour la région périphérique de Bretagne .

Il complète ainsi le 2 de l'article 275 par un alinéa qui dispose que la réduction du taux de TPL est portée à 40 % pour les régions qui ne disposent pas d'autoroute dont l'usage fait l'objet d'un péage, conformément aux dispositions de l'article L. 122-4 du code de la voirie routière, qui prévoit que l'usage des autoroutes est « en principe » gratuit 10 ( * ) . Les départements concernés sont de facto ceux de la région Bretagne, l'Aquitaine et Midi-Pyrénées étant au moins partiellement traversées par des autoroutes concédées à péage 11 ( * ) , non soumises à la TPL.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Cette réduction supplémentaire de taux de la TPL est motivée par les spécificités économiques et géographiques de la région Bretagne et avait été annoncée par le Premier ministre François Fillon lors d'un déplacement en Bretagne le 20 octobre dernier. Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, a ainsi considéré, à l'occasion des débats en séance, que la Bretagne est « la plus périphérique des régions périphériques ». Pierre Méhaignerie a également fait valoir que le poids de l'industrie agro-alimentaire dans cette région induit des charges de transport disproportionnées par rapport au PIB local 12 ( * ) .

La Bretagne se distingue également par la gratuité de ses autoroutes , depuis que le général de Gaulle, avec le Plan routier breton du 9 octobre 1968, a accédé à la demande d'une gratuité du réseau au titre du désenclavement. De fait, cette région est desservie non par des autoroutes au sens strict mais par des voies rapides , limitées à 110 km/h.

Pour autant, on ne peut considérer que cette gratuité compense le surcoût de TPL lié à la position géographique et aux structures économiques de la Bretagne. En effet, le coût de sa desserte par des poids lourds ne doit pas être envisagé à l'aune du seul territoire breton, mais de la position excentrée de la région en France et en Europe , qui implique de longs trajets. La réduction supplémentaire de taux permet donc de diminuer le coût marginal du transport sur le dernier segment du parcours et de rétablir un certain équilibre par rapport aux autres régions métropolitaines.

Le coût de cette réduction, d'environ 16 millions d'euros, serait supporté par le principal bénéficiaire de la TPL, soit l'AFITF .

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

* 1 Loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008.

* 2 A la suite d'une requête déposée par un candidat non retenu, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prononcé le 8 mars 2011 une ordonnance d'annulation de la procédure de passation du marché. L'Etat s'est pourvu en cassation le 22 mars et le Conseil d'Etat a annulé l'ordonnance par une décision du 24 juin 2011.

* 3 A l'exception des sections de routes et autoroutes soumises à péages et des itinéraires n'appartenant pas au réseau transeuropéen et sur lesquels le niveau de trafic des véhicules assujettis, antérieur à l'entrée en vigueur de la taxe, est « particulièrement bas ».

* 4 Lorsqu'elles supportent ou sont susceptibles de supporter un report significatif de trafic en provenance des voies taxées.

* 5 Décret n° 2009-1589 du 18 décembre 2009 relatif à la consistance du réseau routier alsacien soumis à la taxe sur les véhicules de transport de marchandises.

* 6 Décret n° 2009-1588 du 18 décembre 2009 relatif à la consistance du réseau routier national non soumis à la taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises.

* 7 Décret n° 2011-910 du 27 juillet 2011 relatif à la consistance du réseau routier local soumis à la taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises.

* 8 Le réseau concerné est découpé en sections de tarification d'une longueur maximum de 15 km. A chaque section est associé un point de tarification, définis les uns comme les autres par arrêté conjoint des ministres chargé des transports et du budget.

* 9 Décret n° 2011-233 du 2 mars 2011 relatif à la liste des départements prévus au 2° de l'article 275 du code des douanes.

* 10 Il dispose également que « toutefois, il peut être institué par décret en Conseil d'Etat un péage pour l'usage d'une autoroute en vue d'assurer la couverture totale ou partielle des dépenses de toute nature liées à la construction, à l'exploitation, à l'entretien, à l'aménagement ou à l'extension de l'infrastructure.

« En cas de délégation des missions du service public autoroutier, le péage couvre également la rémunération et l'amortissement des capitaux investis par le délégataire. »

* 11 En particulier une portion de l'ex RN 10 en Aquitaine, désormais concédée sous le nom d'A 63, ou l'autoroute A 61 en Midi-Pyrénées.

* 12 Selon un document de la Cellule économique régionale des transports d'Aquitaine de décembre 2009, la TPL conduirait à augmenter le coût du transport routier de marchandises de 1,8 % en Aquitaine, la hausse la plus forte étant de 4,4 % en Bretagne , et la plus faible de 1 % en Languedoc Roussillon.