III. RAPPORT SÉNAT N° 107 (2011-2012) TOME III

Commentaire : le présent article propose de préciser les conditions dans lesquelles les collectivités pourraient mettre en place une part variable incitative au sein de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM).

I. LE DROIT EXISTANT

La tarification incitative consiste à moduler le coût du service public d'enlèvement des déchets en fonction des quantités produites par les ménages.

Elle s'effectue soit à la pesée soit à la levée.

La pesée permet de connaître très précisément la quantité de déchets jetée par chaque ménage mais elle coûte cher aux communes en investissement et fonctionnement et peut développer des comportements inciviques, sources d'éventuelles contestations.

La levée s'impose comme un critère plus vertueux. Elle amène le citoyen à présenter son bac seulement quand il est plein et engendre ainsi des économies de collecte.

L'article 46 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement fixe comme objectif national au Gouvernement, en matière de déchets, de créer un cadre législatif permettant l'instauration par les collectivités territoriales compétentes d'une tarification incitative pour le financement de l'élimination des déchets des ménages et assimilés.

Cet article précise que la redevance d'enlèvement des ordures ménagères (REOM) et la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) devront intégrer, dans un délai de cinq ans, une part variable incitative devant prendre en compte la nature et le poids et/ou le volume et/ou le nombre d'enlèvements des déchets.

L'introduction d'une tarification incitative ne constitue pas une difficulté particulière lorsque la collectivité finance son service d'élimination des déchets par une redevance d'enlèvement des ordures ménagères (REOM). En effet, la redevance incitative ne constitue qu'une variante de la REOM, prévue à l'article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales. Elle est d'ores et déjà mise en place par un nombre croissant de collectivités.

Il n'en est pas de même lorsque la collectivité a choisi le financement par la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM). En effet, la TEOM étant assise sur la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFB), son assiette n'a pas de rapport direct avec le service et le contribuable ne perçoit pas le lien avec le service rendu.

Une expérimentation de la part variable dans la TEOM est toutefois organisée par la loi du 12 juillet 2010, portant engagement national pour l'environnement, dite loi « Grenelle II ». Dans son article 195, celle-ci permet aux personnes publiques disposant de la compétence d'élimination des ordures ménagères d'instaurer à titre expérimental, pendant une durée de cinq ans à compter de la publication de la loi, une TEOM composée d'une part variable, sur tout ou partie de leur territoire.

Article 195 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 « Grenelle II »

« En application de l'article 37-1 de la Constitution, les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes qui bénéficient de la compétence prévue à l'article L. 2224-13 du code général des collectivités territoriales peuvent, à titre expérimental et pendant une durée de cinq ans à compter de la publication de la présente loi, instaurer sur tout ou partie de leur territoire une taxe d'enlèvement des ordures ménagères composée d'une part variable, calculée en fonction du poids ou du volume des déchets.

« Cette part variable peut également tenir compte des caractéristiques de l'habitat ou du nombre des résidents. Dans le cas d'une habitation collective, la personne chargée de sa gestion est considérée comme l'usager du service public des déchets ménagers et procède à la répartition de la part variable entre ses occupants. »

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article a été adopté par l'Assemblée nationale, avec l'avis de sagesse du Gouvernement , à l'initiative de notre collègue Bertrand Pancher.

Il tend à fixer les modalités techniques de mise en oeuvre de la part variable incitative dans le cadre de la TEOM et insère à cette fin un article 1522 bis dans le code général des impôts .

Le paragraphe I du texte proposé précise que la part incitative est assise sur la quantité et éventuellement la nature des déchets produits, exprimée en volume, en poids ou en nombre d'enlèvement . Le tarif de la part incitative est fixé chaque année de manière à ce que son produit soit compris entre 20 et 45 % du produit total de la taxe. Enfin, à défaut d'une connaissance individuelle de la quantité de déchets produits au sein d'un ensemble de locaux, la répartition est faite au prorata de la valeur locative foncière retenue pour l'établissement de la TEOM.

Le paragraphe II du texte proposé prévoit qu'en vue de l'établissement de l'avis d'imposition, la collectivité qui applique la part incitative doit transmettre aux services fiscaux, avant le 31 mars de l'année d'imposition, le montant en valeur absolue de la part incitative par local au cours de l'année précédente.

Le paragraphe III du texte proposé écarte, pour la part incitative, l'application des dispositions spécifiques aux cas de vacance ainsi que celles permettant l'emploi d'un barème indiciaire tenant compte de la valeur locative réelle des immeubles et des conditions de leur occupation.

Le paragraphe IV du texte proposé prévoit que le contentieux de l'assiette est instruit par la collectivité bénéficiaire de la part incitative.

Le présent article procède également à deux ajouts aux articles 1636 B undecies et 1639 A bis du CGI.

Ils prévoient respectivement :

- que le vote du tarif s'effectue dans les conditions habituelles de délai et que le produit de la taxe ne peut, la première année de mise en application de la part incitative, dépasser le produit de l'année antérieure ;

- qu'en cas de rattachement d'une commune ou d'un EPCI ne faisant pas application de la part incitative, à un EPCI appliquant ce mécanisme, l'application générale de la part incitative peut être reportée à la deuxième année qui suit celle du rattachement.

La rédaction proposée a, enfin, été complétée par un sous-amendement de notre collègue député François Brottes afin de prévoir qu'à « titre transitoire et pendant une durée de 5 ans maximum, la part incitative peut être calculée proportionnellement au nombre de personnes composant le foyer ». Ce dispositif est censé atténuer pour les familles, au moins dans un premier temps, les conséquences du passage à la tarification incitative qui risque d'entraîner des charges supérieures.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteure générale comprend l'impatience de certains élus pour mettre en place une part incitative dans leur TEOM. Elle connaît également les interrogations et les craintes qui s'expriment sur la fiabilité de techniques nouvelles, sur les conséquences sociales de tels dispositifs, leur degré d'acceptabilité par les populations et leur adaptation aux caractéristiques des territoires et de l'habitat.

Dans ce contexte, le caractère « précipité » de l'amendement, même si son texte a été travaillé entre les services du ministre de l'environnement, les associations spécialisées et les représentants des élus, a été relevé à la fois par nos collègues députés Gilles Carrez, rapporteur général, et Jacques Pélissard et par le Gouvernement.

Il n'apparaît pas possible de disposer dans les délais contraints de l'examen d'une loi de finances du recul indispensable pour l'adoption d'un texte techniquement et politiquement satisfaisant.

En application d'un principe de prudence, l'expérimentation n'ayant pas encore fait l'objet d'une évaluation, votre commission a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur l'adoption du présent article.

Décision de la commission : Votre commission a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur cet article.