ARTICLE  ADDITIONNEL AVANT L'ARTICLE 48 A (NOUVEAU) : FINANCEMENT DES AIDES À LA SCOLARITÉ DES ENFANTS FRANÇAIS SCOLARISÉS DANS LE RÉSEAU DE L'AEFE

I. DÉBATS SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE (SÉANCE DU MARDI 29 NOVEMBRE 2011)

Article additionnel avant l'article 48 A

Mme la présidente. L'amendement n° II-30, présenté par M. Yung, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

I. - Avant l'article 48 A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 141 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En outre, un décret pris après avis de l'Assemblée des Français de l'étranger et, au plus tard, le 31 juillet 2012, détermine les conditions dans lesquelles le niveau de revenu des familles peut faire obstacle à une telle prise en charge. »

II. - En conséquence, faire précéder cet article de l'intitulé :

Action extérieure de l'État

La parole est à M. Richard Yung, rapporteur spécial.

M. Richard Yung, rapporteur spécial . Cet amendement concerne les aides à la scolarité pour les enfants français scolarisés à l'étranger, question qui a déjà été évoquée.

Comme vous le savez, ces aides prennent deux formes : d'une part, les bourses, à caractère social, attribuées pendant toute la scolarité et, d'autre part, la prise en charge par l'État des frais de la scolarité se déroulant au lycée, la PEC, d'une durée de trois ans.

Les crédits dévolus à ces aides ont considérablement augmenté depuis 2007. Cela a été indiqué, en 2012, ils s'élèveront à 125 millions d'euros, 93 millions d'euros pour les bourses et 32 millions d'euros pour la PEC.

La question revêt deux aspects.

Sur l'aspect financier, le Parlement a déjà agi. En effet, l'an dernier, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2011, le Sénat avait introduit un plafonnement des droits d'écolage. Depuis cette rentrée, la PEC se limite donc aux frais constatés depuis l'année scolaire 2007-2008, afin d'éviter la très forte tentation pour un certain nombre d'établissements de gonfler leurs frais.

L'économie a été significative puisque, aujourd'hui, la PEC s'élève à 76 % des frais d'écolage.

Malgré cette action, si, pour 2012, aucune difficulté n'est à craindre, tel ne sera pas le cas dès 2013. Sous l'effet du dynamisme des bourses, le coût réel des aides devrait alors, semble-t-il, excéder de 23 millions d'euros les crédits prévus par la loi de programmation. Un problème d'enveloppe budgétaire se posera donc.

Quant à l'aspect social, il s'agit en fait de prévoir une mesure plus juste non seulement pour ceux qui n'y ont pas accès, mais aussi pour les parents non français qui doivent acquitter des frais d'écolage de plus en plus élevés.

M. Robert del Picchia. Mais non !

M. Richard Yung, rapporteur spécial . Nous risquons de créer une machine à exclusion.

C'est pourquoi je vous propose de compléter la loi de finances pour 2011 en instaurant un plafond de revenus. Ainsi, au-delà d'un certain niveau de revenus, très variable selon les pays et que devra définir le pouvoir réglementaire - je ne dispose pas des moyens adéquats pour le fixer moi-même -, la PEC ne s'appliquerait plus sous cette forme.

Les économies ainsi dégagées pourraient s'élever chaque année à environ 10 millions d'euros et serviraient utilement à financer une partie de l'augmentation des bourses.

Cette proposition figurait d'ailleurs dans le rapport de la mission d'études et de contrôle de l'Assemblée nationale qui comprenait des représentants de toutes tendances politiques. Elle est beaucoup moins radicale, si je puis dire, que la solution qu'a proposée M. Rochebloine à l'Assemblée nationale qui visait purement et simplement à la suppression de la PEC.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Juppé, ministre d'État . Je voudrais tout d'abord rappeler que, dans la ligne du rapport élaboré par Geneviève Colot et Sophie Joissains, qui vient d'être évoqué, un système de plafonnement a été mis en place et il a fait la preuve de son efficacité.

Au sein de la couverture des frais de scolarité, ce n'est pas la PEC qui augmente, ce sont les bourses, attribuées, bien entendu, sous conditions de ressources. Les prévisions pour 2013 montrent que ce budget devrait être stabilisé.

Je signale également que le coût administratif de la mise en place d'une telle mesure ne serait pas nul. Il est très difficile d'établir un bilan exact de l'économie qui serait réalisée.

Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe-André Frassa, pour explication de vote.

M. Christophe-André Frassa. Je veux dès à présent mettre un terme au suspense : je voterai contre cet amendement.

Je vais maintenant vous expliquer les raisons de mon vote, puisque je dispose d'un temps de parole de quatre minutes quarante-cinq.

M. Jean-Yves Leconte. Vous n'êtes pas obligé de l'utiliser en totalité !

M. Christophe-André Frassa. J'en conviens, mon cher collègue, mais plus vous m'interrompez, moins je peux m'exprimer... Par conséquent, nous allons tous perdre du temps !

Je ne trouve aucune once d'intérêt général vis-à-vis des finances publiques dans l'amendement que nous examinons. En revanche, j'y vois la poursuite du dogme rabâché depuis quatre ans par l'opposition nationale : « Il faut en finir avec la PEC ! » Vous étiez, chers collègues, philosophiquement opposés à cette prise en charge et vous continuez ce combat.

Déjà, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2011, nous avons accepté, à votre demande, mais aussi par souci de l'intérêt général et des finances publiques, d'instaurer un plafonnement. Aujourd'hui, vous finissez de dénaturer complètement la prise en charge en la rabaissant au rang de simple bourse, alors qu'elle n'a jamais été conçue comme telle. En fin de compte, vous voulez fondre les deux dispositifs !

Or ce sont les personnes que vous pensez défendre avec ce plafonnement, celles qui appartiennent aux classes moyennes, qui seront les premières exclues. En effet, le pouvoir réglementaire n'aura pas les moyens d'instituer un plafonnement juste et équitable partout dans le monde. On a d'ailleurs constaté les excès auxquels a donné lieu le plafonnement de la prise en charge dans certains pays. À titre d'exemple, en Argentine, la prise en charge ne représente plus que 42 % des frais de scolarité, tandis qu'elle est même tombée en deçà de 40 % à Pondichéry, pour ne plus être que de 35 % environ.

Pour ces raisons, et bien d'autres encore, je voterai contre l'amendement n° II-30. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Jean Besson. Vous défendez les riches !

M. Christophe-André Frassa. Voilà une remarque intelligente !

Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Lepage, pour explication de vote.

Mme Claudine Lepage. Je ne prolongerai pas inutilement le débat, que j'ai envie de qualifier de « dialogue de sourds ».

Je souhaite cependant indiquer que le présent amendement répond à une véritable demande de justice sociale. Son adoption permettrait de revenir à une aide à la scolarité fondée exclusivement sur des critères sociaux. Parce que nous devons tout mettre en oeuvre pour préserver l'enseignement français à l'étranger, je vous demande, mes chers collègues, de voter cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Mme la présidente. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.

M. Robert del Picchia. Comme je suis quelque peu responsable de la prise en charge des frais de scolarité, j'essaie chaque fois de fournir des explications, mais il est parfois bien difficile de se faire comprendre.

Monsieur Yung, vous savez très bien que votre argument selon lequel la PEC exclut des élèves étrangers est faux. Prenez les chiffres réels, que l'AEFE peut vous confirmer. Au lycée, le nombre des élèves étrangers est deux fois plus élevé que celui des élèves français. La proportion des premiers a augmenté de 4,5 %, tandis que celle des seconds a enregistré une hausse de 4,7 %.

M. Jean-Yves Leconte. Combien paient-ils ?

M. Robert del Picchia. Monsieur Leconte, je ne vous ai pas interrompu ; je vous demande de bien vouloir me laisser m'exprimer !

Le coût de la PEC est stabilisé, comme l'a fort bien expliqué M. le ministre d'État, et le restera.

Réalisez une étude afin de savoir qui actuellement « profite » de la PEC. Au lycée, 44 % des enfants bénéficient d'une aide à la scolarité, que ce soit par le biais d'une bourse ou de la PEC. Quant aux autres élèves, les enfants des fonctionnaires, des diplomates, des expatriés de l'AEFE, ils sont pris en charge par ailleurs. Par conséquent, l'État ne va pas payer deux fois.

Si je voulais être encore plus méchant, je rappellerais aux diplomates qui sont opposés à la PEC que, eux, en profitent dès la naissance de leur enfant, et pas seulement à partir du moment où celui-ci est scolarisé.

M. Richard Yung, rapporteur spécial . C'est méchant !

M. Jean-Yves Leconte. La situation est différente !

M. Robert del Picchia. Cela revient au même, puisqu'il s'agit de l'aide attribuée aux familles pour la scolarité de leurs enfants. (M. Jean-Yves Leconte proteste.) Madame la présidente, puis-je poursuivre ?

Mme la présidente. Mes chers collègues, la parole est à M. Robert del Picchia, et à lui seul !

M. Robert del Picchia. On nous dit encore que les sociétés ne paient plus. C'est faux !

Mme Claudine Lepage. Mais non, et vous le savez !

M. Robert del Picchia. Selon les enquêtes réalisées, seules quatre sociétés ont adopté ce comportement.

Et quand bien même leur nombre serait deux ou trois fois plus élevé ! Tout ce qui aide les PME-PMI aide notre pays. Si nos PME-PMI peuvent exporter, c'est tant mieux ! La France a besoin des exportations en cette période. Soyez contents si les PME-PMI peuvent envoyer des cadres à l'étranger, à l'instar des sociétés allemandes. Regardez les exportations allemandes ! Si le nombre de cadres français présents à l'étranger était plus élevé, la rentabilité de nos entreprises serait peut-être meilleure. Par conséquent, l'utilité de la PEC ne peut pas être niée.

M. Yung veut un plafond de ressources pour le bénéfice de la PEC. Mais c'est impossible. D'ailleurs, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger le reconnaît elle-même, car les revenus exacts de tous les expatriés ne pourront pas être vérifiés.

M. Alain Néri. Ah bon ?

M. Robert del Picchia. Quel serait le résultat de l'adoption de l'amendement n° II-30 ? Qui fréquenterait encore ces classes ? Les enfants des expatriés riches, ceux des fonctionnaires et ceux des familles aux revenus les plus faibles, qui bénéficient d'une bourse. En réalité, sont les familles à revenu moyen qui seraient pénalisées.

M. Jean-Yves Leconte. Il faut augmenter le montant des bourses pour les classes moyennes !

M. Robert del Picchia. Ces familles ne sont pas assez riches pour payer les frais de scolarité (On en doute sur les travées du groupe socialiste-EELV.), mais le sont trop pour prétendre à une bourse. Vous allez donc empêcher cette catégorie moyenne, qui représente la plus grande partie des Français expatriés, d'accéder à la PEC.

Je souhaite apporter une précision supplémentaire. Les 30 millions d'euros ont été affectés à la PEC pour une fin précise. Si on supprime cette somme, croyez-vous que Bercy ne la reprendra pas ?

M. Jean-Yves Leconte. C'est le Parlement qui décide, et non Bercy !

M. Robert del Picchia. Quant au montant des bourses, monsieur Leconte, il a doublé depuis l'instauration de la PEC ; il est passé de 46 millions d'euros à 93 millions d'euros.

M. Jean-Louis Carrère , président de la commission des affaires étrangères. Ce n'est pas une explication de vote, c'est un débat !

M. Robert del Picchia. Mon cher collègue, j'explique simplement les raisons pour lesquelles je ne voterai pas l'amendement n° II-30 et j'utilise le même temps de parole que l'orateur précédent.

Monsieur le ministre d'État, à une époque - vous en souvenez-vous ? -, la somme dédiée aux bourses a été augmentée de 50 millions de francs, ce qui fut une très bonne chose. Tous les membres de l'opposition de l'Assemblée des Français de l'étranger avaient alors applaudi debout.

Mes chers collègues, vous feriez bien aujourd'hui, comme les membres de mon groupe, de ne pas voter cet amendement.

M. Christophe-André Frassa. Très bien !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-30.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, avant l'article 48 A.