V. DÉBATS SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE (SÉANCE DU VENDREDI 25 NOVEMBRE 2011)

Séance du vendredi 25 novembre 2011

Article 52 ter (nouveau)

M. le président. » Art. 52 ter . - Le dernier alinéa du VI de l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le cas échéant, le montant de cette compensation est réduit à due concurrence du montant des recettes propres excédant le produit attendu de ces mêmes recettes tel que déterminé par le contrat d'objectifs et de moyens ou ses éventuels avenants conclus entre l'État et la société mentionnée au même I. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° II-110 est présenté par M. Assouline et Mme Blandin, au nom de la commission de la culture.

L'amendement n° II-133 est présenté par Mme Morin-Desailly, M. Maurey, Mme Férat et MM. Guerriau et Détraigne.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. David Assouline, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n°II-110.

M. David Assouline, rapporteur pour avis. Cet amendement, que nous avons présenté en commission, est à nos yeux très important. Quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, mes chers collègues, il vous est facile d'en comprendre l'objet.

La régie publicitaire de France Télévisions concourt, grâce à l'argent des annonceurs qu'elle va chercher, à un équilibre absolument nécessaire au groupe.

D'ailleurs, quand on a projeté de vendre cette régie, on a reculé parce qu'on s'est rendu compte que d'aussi bons résultats, une telle manne récoltée, les fruits d'un travail si efficace ne pouvaient pas être bradés.

Peut-on imaginer que, si l'État retirait à la régie publicitaire de France Télévisions ses excédents de recettes, les personnels qui y travaillent garderaient le même enthousiasme, la même énergie et le même esprit d'entreprise dans leur travail de collecte des fonds ? En fait, on aboutirait à ce que même l'objectif fixé dans le contrat d'objectifs et de moyens ne soit pas atteint, tant la démotivation du personnel serait générale !

Je sais que des discussions sont en cours et que la navette permettra de poursuivre la réflexion.

Pour ma part, je pense qu'il n'est vraiment pas de bonne politique de ponctionner les excédents de recettes de la régie publicitaire de France Télévisions.

C'est la raison pour laquelle je vous invite, mes chers collègues, à supprimer l'article 52 ter .

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour présenter l'amendement n° II-133.

Mme Catherine Morin-Desailly. Pour les raisons que j'ai déjà exposées dans le débat, je vous propose, avec plusieurs de mes collègues, de supprimer la disposition, introduite par les députés, qui prévoit la restitution à l'État des recettes publicitaires de France Télévisions excédant le montant anticipé par le contrat d'objectifs et de moyens.

Il ne s'agit pas d'une idée nouvelle. Mais, en ce qui me concerne, je la trouve toujours aussi injustifiée.

D'une part, il est évident qu'elle contribuera à démotiver grandement tout le personnel de la régie publicitaire.

D'autre part, je rappelle que France Télévisions a déjà consenti l'effort nécessaire de 15 millions d'euros dont nous avons parlé tout à l'heure.

Dès lors, contraindre France Télévisions à restituer ses excédents de recettes publicitaires reviendrait à lui imposer une pénalité non justifiée.

Lors de l'audition du nouveau président de France Télévisions, Rémy Pflimlin, à l'Assemblée nationale, mercredi dernier, certains députés ont estimé que les prévisions de recettes publicitaires inscrites au contrat d'objectifs et de moyens pour les années à venir étaient follement optimistes... Pourquoi donc prévoir une mesure qui n'aura pas l'occasion d'être appliquée ?

Je rappelle enfin que nous avons choisi de proposer un moratoire jusqu'à 2016, c'est-à-dire le temps que l'indexation et la revalorisation de la contribution à l'audiovisuel public, que nous avons décidées, produisent leurs effets.

Dès lors qu'on fait le choix de maintenir la publicité avant 20 heures, il faut être cohérent et en accepter toutes les implications, y compris celles qui pourraient, éventuellement, être très positives.

Il est souhaitable que des excédents de recettes puissent être réinvestis dans la modernisation de l'audiovisuel public, en particulier dans son évolution vers le global media .

C'est donc par souci de cohérence que nous avons déposé cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Belot, rapporteur spécial. Nous assistons ce soir à un jeu de rôle : M. le ministre est plein d'humour et les séances de nuit permettent, à partir d'une certaine heure, de ne plus compter le temps...

J'ai pour ma part le rôle de l'affreux et je persévère dans ce jeu ! La commission des finances est en effet défavorable à ces deux amendements.

Je suis tout à fait d'accord avec Mme Morin-Desailly lorsqu'elle souhaite le développement du média global. Il est évident que ce développement est nécessaire. Il y faut certes des moyens, mais aussi une volonté et une capacité technique. Or, à mon avis, France Télévisions se cherche un peu sur ce terrain - il est vrai que ce n'est pas facile.

S'agissant des recettes publicitaires, notre débat me rajeunit d'un certain nombre d'années... Ici même, j'ai été rapporteur sur la loi de privatisation du 19 juillet 1993. Dans ce cadre, j'avais reçu les représentants d'une bonne partie des entreprises du CAC 40 d'aujourd'hui. Ils m'avaient dit « en avoir marre » d'essayer de faire des bénéfices que Bercy leur cravatait le 2 janvier au matin !

Je comprends ce qu'une telle situation peut avoir de décourageant. Toutefois, mes chers collègues, je vous rappelle que la régie publicitaire de France Télévisions est un cas très particulier.

Le contrat d'objectifs et de moyens doit obéir à un certain nombre de principes budgétaires : sincérité des comptes et sincérité des prévisions.

Or ces prévisions sont très difficiles à réaliser dans le domaine de la publicité, parce que la facturation repose sur l'audimat qui est une donnée constatée : à la commande, le prix d'une heure de télévision n'est pas connu. C'est une situation assez unique dans l'ensemble du droit commercial.

Quand on négocie un contrat d'objectifs et de moyens, on émet une certaine prévision ; ensuite, l'audimat peut se révéler très favorable. C'est ce qui s'est passé avec l'embellie générale de la conjoncture que France Télévisions a connue.

Or il y a des besoins d'argent criants partout et les recettes ainsi dégagées peuvent servir de leviers pour diverses actions.

La commission des finances demande donc aux auteurs de ces deux amendements de bien vouloir les retirer.

Si toutefois il y a d'autres solutions, elles seront les bienvenues.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Le Gouvernement émet un avis de sagesse.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n os II-110 et II-133.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l'article 52 ter est supprimé.