ARTICLE  61 BIS A (NOUVEAU) : RAPPORT SUR L'INSTAURATION D'UNE ALLOCATION D'AUTONOMIE JEUNESSE

I. DÉBATS SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE (SÉANCE DU LUNDI 28 NOVEMBRE 2011)

Article additionnel après l'article 61

M. le président. L'amendement n° II-161, présenté par Mmes Pasquet, Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 61

Insérer un article ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au plus tard, le 31 janvier 2012, un rapport portant sur les coûts financiers et les avantages pour les bénéficiaires, de l'instauration d'une allocation d'autonomie jeunesse accordée à tous les jeunes de 18 à 24 ans.

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Comme le soulignait la journaliste Anne Rodier, « depuis bientôt trente ans, le marché du travail est peu accueillant pour les jeunes. Derniers entrés, premiers sortis : en période de crise les moins de 25 ans sont les premiers à être «remerciés» par l'entreprise ». Les statistiques sont claires et, selon un rapport de l'Association pour l'emploi des cadres, l'APEC, en date de septembre 2010, huit mois après la sortie de l'école, le taux des jeunes diplômés en emploi est passé de 77 % pour la promotion 2007 à 64 % pour la promotion 2009.

On parle d'emplois, mais ce sont des emplois dont la règle voudrait qu'ils soient nécessairement précaires, limités dans leur durée et surtout dans le montant de leur rémunération, un peu comme s'il était normal que les jeunes parce qu'ils sont jeunes, soient exposés à la précarité.

Et ces jeunes devraient se sentir privilégiés si on les compare à l'immense majorité des jeunes d'une même classe d'âge qui ne connaissent que les stages peu ou pas rémunérés, ou qui ne vivent que des quelques heures effectuées dans les fastfood ou des quelques euros que leurs parents peuvent leur donner !

Comme le souligne fort à propos le Secours catholique dans son dernier rapport, « les jeunes subissent de plein fouet la crise économique et sociale ». Ce constat, unanimement partagé par les acteurs de terrain, ne vous a toutefois pas empêchés, à l'Assemblée nationale, de supprimer l'exonération de taxe sur les conventions d'assurance, ou TSCA, sur les contrats solidaires et responsables souscrits par les étudiants, comme s'ils n'étaient pas suffisamment précarisés. La réalité est bien plus dure et nous savons tous dans nos départements que le nombre de jeunes ayant recours aux aides alimentaires et aux structures d'urgences est de plus en plus important. À titre d'exemple, ils sont 36 % à habiter dans des substituts de logement de type centres d'hébergement, caravanes ou hôtels et 50 % font face à des impayés.

Dans ce contexte, il nous semble important de tout faire pour mettre progressivement en oeuvre une allocation d'autonomie jeunesse, c'est-à-dire, comme le décrit l'Union nationale des étudiants de France, l'UNEF, de créer un véritable statut social pour les jeunes, nécessaire pour couvrir la période de formation initiale et d'insertion.

Nous souhaiterions que cette allocation soit délivrée à tous les jeunes de 18 à 24 ans, sur la base de leur propre situation, sans référence à la situation financière des parents. Ce serait une aide universelle, comme cela existe déjà pour d'autres allocations, comme les aides au logement ou les allocations familiales, permettant aux jeunes de mener à bien leur projet de formation et d'insertion.

Cette mesure, dont nous estimons qu'elle doit être évaluée, présenterait par ailleurs l'avantage de lutter contre le salariat contraint qui concerne bon nombre d'étudiants. Je pense en l'occurrence à la situation des jeunes qui travaillent au détriment de leurs études.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Éric Bocquet, rapporteur spécial. Par cet amendement, il est demandé la remise d'un rapport sur une allocation d'autonomie jeunesse accordée à tous les jeunes de 18 à 24 ans. La commission n'a pas examiné cet amendement. À titre personnel, j'y suis tout à fait favorable.

Je formulerai une suggestion : serait-il possible de reporter la date de remise du rapport du 31 janvier 2012 au 31 mars 2012 afin que le Gouvernement puisse travailler plus sereinement ?

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Claude Greff, secrétaire d'État. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement, tout simplement parce que nous avons vu comment Martin Hirsch a travaillé - vous en êtes évidemment, vous aussi, tous conscients - en respectant toujours les droits et devoirs de chacun.

Vous demandez un énième rapport, je vous rappelle simplement qu'il y en a déjà eu un.

La loi du 1 er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion prévoyait, justement dans son article 5, la remise d'un rapport par le Gouvernement - rapport qui a été réalisé - sur la situation des jeunes non étudiants âgés de moins de 25 ans au regard de l'insertion sociale et professionnelle, de l'accès au service public de l'emploi et des sommes qu'ils perçoivent au titre de la prime pour l'emploi et du revenu de solidarité active.

Sans attendre ce rapport, le Président de la République a lancé un plan « Agir pour la jeunesse »...

M. Jean-Louis Carrère. Cela n'a pas fait agir beaucoup !

Mme Claude Greff, secrétaire d'État. ... le 29 septembre 2009 à Avignon,...

M. Alain Néri. Il y a 2 millions de jeunes en dessous du seuil de pauvreté !

Mme Claude Greff, secrétaire d'État. ... et plusieurs dispositifs d'aide visant à renforcer l'autonomie financière des jeunes de moins de 25 ans ont été mis en place.

Ainsi, introduite par l'article 135 de la loi de finances pour 2010, l'ouverture du revenu de solidarité active - le fameux RSA - aux jeunes actifs de moins de 25 ans a été mis en oeuvre par le décret du 25 août 2010 relatif à l'extension du RSA aux jeunes de moins de 25 ans.

Ce texte, sans instaurer une prestation nouvelle ou un régime juridique du RSA dérogatoire pour une population ciblée, permet depuis le 1 er septembre 2010, d'accorder à un jeune inséré dans la vie active et âgé au moins de 25 ans, les mêmes droits que ceux dont jouit un travailleur de plus de 25 ans exerçant la même activité...

M. Robert Hue. Cela ne marche pas !

Mme Claude Greff, secrétaire d'État. ... et percevant la même rémunération, ...

M. Robert Hue. Il faut aller plus loin !

Mme Claude Greff, secrétaire d'État. ... sans distinction d'âge sous la seule réserve qu'il ait exercé une activité professionnelle antérieure équivalant à deux ans d'activité à temps plein sur une période de référence de trois ans précédant la date de la demande.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Deux ans, c'est énorme !

Mme Claude Greff, secrétaire d'État. Par ailleurs, a été autorisée également par la loi de finances de 2010 la création, à titre expérimental pour trois ans, d'un revenu contractualisé d'autonomie et d'une dotation d'autonomie financée par le Fonds d'appui aux expérimentations en faveur des jeunes.

Ces prestations sont attribuées à des jeunes volontaires de 18 ans à 25 ans répondant à des conditions de ressources, de difficultés d'insertion et de situation familiale, sélectionnés de manière aléatoire et résidant dans des territoires présentant un intérêt particulier au regard de l'objet des expérimentations et de la situation des jeunes qui y résident.

Compte tenu de tous ces éléments, la remise d'un rapport par le Gouvernement sur les coûts financiers et avantages pour les bénéficiaires de l'instauration de ces différentes mesures d'aides financières accordées aux jeunes de moins de 25 ans n'apparaît évidemment pas opportun.

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, rapporteur pour avis.

Mme Aline Archimbaud, rapporteur pour avis. Madame la secrétaire d'État, l'explosion de la pauvreté et de la précarité dans la jeunesse est suffisamment dramatique actuellement pour que l'on s'émeuve du fait - nous l'avons dit tout à l'heure - que le RSA jeunes fonctionne mal : ils ne sont que 10 000 sur l'ensemble des jeunes à en bénéficier actuellement. Il y a manifestement des difficultés et il faut réexaminer le problème.

Cette proposition d'un rapport permettrait au moins, me semble-t-il, d'analyser la situation.

M. Robert Hue. Très bien !

Mme Aline Archimbaud, rapporteur pour avis. Il n'est pas possible d'accepter la situation actuelle, qui est dramatique.

Madame la secrétaire d'État, il s'agit simplement de réaliser un rapport ! La commission des affaires sociales pourrait en fixer le cadre et définir son objet d'une façon plus large de façon à répondre à la question suivante : comment faire aujourd'hui reculer la pauvreté dans la jeunesse ? On ne peut pas accepter la situation actuelle qui est extrêmement préoccupante.

M. le président. Madame Pasquet, acceptez-vous la rectification suggérée par M. le rapporteur spécial ?

Mme Isabelle Pasquet. Oui, c'est une excellente idée.

Je le répète, madame la secrétaire d'État, il ne s'agit que d'une demande de rapport. Vous n'étiez pas présente lors de mon intervention générale, mais vous devez bien avoir conscience du fait que le chômage et la précarité des jeunes sont inquiétants pour l'avenir de notre société.

Ce rapport serait donc bienvenu, car il faut absolument procéder à une évaluation précise de la situation.

M. Robert Hue. Absolument !

Mme Isabelle Pasquet. Le RSA n'est pas la bonne réponse : aujourd'hui, le RSA jeunes concerne 10 000 jeunes, alors que 25 % des jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans sont au chômage. On est donc très loin de la réponse à apporter aux jeunes qui vivent dans la précarité.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° II-161 rectifié, présenté par Mmes Pasquet, Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :

Après l'article 61

Insérer un article ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au plus tard, le 31 mars 2012, un rapport portant sur les coûts financiers et les avantages pour les bénéficiaires, de l'instauration d'une allocation d'autonomie jeunesse accordée à tous les jeunes de 18 à 24 ans.

La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.

M. Alain Néri. Madame la secrétaire d'État, vous nous refusez un rapport visant à analyser les causes d'un mal endémique qui frappe notre pays, à savoir le chômage des jeunes.

Pourtant, les derniers chiffres publiés par le ministère du travail devraient vous conduire à la prudence : la France compte ce mois-ci 37 000 chômeurs de plus !

Aujourd'hui, ce sont plus de 3 millions de jeunes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, avec moins de 954 euros par mois ; ...

M. Roland Courteau. Eh oui !

M. Alain Néri. ... ils ont des emplois précaires, des emplois à temps partiel subi et non pas voulu. En réalité, que leur offrez-vous, madame la secrétaire d'État ? Vous ne voulez pas d'un rapport plus détaillé, faisons donc une analyse rapide de la situation !

Le Président de la République a dit : « Il faut agir, agir... » Ce sont des mots, mais qu'en est-il de l'action ? Les chiffres du chômage que je viens d'annoncer le démontrent à l'évidence. Comment voulez-vous, madame la secrétaire d'État, que ces jeunes aient confiance en l'avenir ?

Que leur proposez-vous ? D'être chômeur ou, au mieux, d'être travailleur pauvre ?

Mme Isabelle Pasquet. Ou de travailler le dimanche !

M. Alain Néri. Comment voulez-vous qu'ils aient la possibilité de fonder une famille, de s'installer, en ayant un travail précaire, souvent à durée déterminée, ce qui ne leur permet même pas de contracter un prêt bancaire ?

Madame la secrétaire d'État, je veux attirer votre attention sur le fait suivant : dans notre pays, les parents sont convaincus que leurs enfants vivront moins bien qu'eux, et les jeunes en sont aussi persuadés.

Aujourd'hui, nous devons tous ensemble nous mobiliser pour leur apporter une solution. Mais encore faut-il procéder à une analyse précise de la situation ! Et c'est pour cette raison que nous demandons ce rapport !

Nous avons connu l'urgence sociale. Aujourd'hui, l'exaspération est dépassée ; je crains que nous ne soyons en situation de pré-explosion sociale à cause de la politique que conduit le Gouvernement depuis quatre ans, une politique qui ne prend pas en compte l'avenir de cette jeunesse. Pourtant, un pays n'est fort que s'il s'appuie sur une jeunesse qui a foi en l'avenir ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-161 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 61.

II. TEXTE ADOPTÉ PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE

Article 61 bis A (nouveau)

Le Gouvernement remet au plus tard le 31 mars 2012 un rapport portant sur le coût financier et les avantages pour les bénéficiaires de l'instauration d'une allocation d'autonomie jeunesse accordée à tous les jeunes de 18 à 24 ans.