VII. DÉBATS SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE (SÉANCE DU MARDI 29 NOVEMBRE 2011)

Séance du mardi 29 novembre 2011

Article 64

M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l'économie.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. J'avais cru comprendre que la réforme de la Constitution était censée valoriser le travail des commissions. Dans cet esprit, il me paraîtrait logique que lorsque des amendements identiques sont appelés en discussion, celui de la commission soit examiné en priorité, ce qui ne sera pas le cas en l'occurrence.

M. le président. Notre assemblée a longtemps procédé de la façon que vous décrivez, mais un groupe, voilà quelques années, a estimé qu'il serait plus pertinent et plus équitable d'appeler en discussion les amendements identiques selon l'ordre chronologique de leur dépôt. L'usage a alors évolué en ce sens, et la direction de la séance applique cette règle jusqu'à nouvel ordre.

La parole est à M. le président de la commission de l'économie.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. J'insiste sur le fait que si l'on entend valoriser le travail des commissions, il serait cohérent d'appeler par priorité leurs amendements en discussion, d'autant que les autres peuvent avoir été déposés pour des motifs n'ayant rien à voir avec la position de la commission concernée.

M. le président. Acte vous est donné de cette observation, monsieur le président de la commission de l'économie.

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les amendements n os II-23 rectifié et II-79 sont identiques.

L'amendement n° II-23 rectifié bis est présenté par Mme Keller, MM. J. C. Gaudin, Gilles et Falco, Mme Sittler, MM. Milon, Laménie, Reichardt, Grignon et Delattre, Mme Mélot, M. Dufaut, Mmes Cayeux et Primas et MM. B. Fournier et J. P. Fournier.

L'amendement n° II-79 est présenté par M. Dilain, au nom de la commission de l'économie.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. - Alinéa 2

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

1° La première phrase du premier alinéa du I est ainsi modifiée :

a) Les deux occurrences de l'année : « 2011 » sont remplacées par l'année : « 2016 » ;

b) L'année : « 2010 » est remplacée par l'année : « 2016 » ;

II. - Alinéas 8, 10 et 13

Remplacer l'année :

2014

par l'année :

2016

III. - Alinéa 15

Remplacer l'année :

2015

par l'année :

2017

IV. - Compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :

III. - La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

IV. - La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

V. - La perte de recettes pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration du prélèvement sur les recettes de l'État au titre de la compensation d'exonérations relatives à la fiscalité locale et, corrélativement pour l'État, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est donc à M. Bruno Gilles, pour présenter l'amendement n° II-23 rectifié bis .

M. Bruno Gilles. Cet amendement dont notre collègue Fabienne Keller est la première signataire a trait, comme ceux que notre groupe présentera ensuite, au devenir des ZFU, les zones franches urbaines.

Alors que le dispositif des ZFU a largement fait la preuve de son utilité, son extinction est, hélas ! programmée.

Depuis leur lancement en 1997, les zones franches urbaines se sont révélées être d'excellents outils de développement de territoires urbains touchés par des difficultés économiques et sociales importantes, dont elles ont changé l'image. Elles ont enclenché un processus de revitalisation urbaine, économique et sociale en accélérant l'implantation d'entreprises et en permettant la création d'emplois sur ces territoires, auparavant exclus des dynamiques de développement économique.

C'est ainsi que les zones franches urbaines sont devenues un auxiliaire indispensable de la politique de la ville.

J'évoquerai, à cet égard, un exemple que je connais bien, celui de Marseille, en profitant de cette occasion pour rendre hommage à son maire, Jean-Claude Gaudin, qui a créé les ZFU lorsqu'il était ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration.

Dans cette ville, le nombre d'établissements du parc de la ZFU Nord Littoral a été multiplié par quatre entre 1997 et 2010, passant de 668 à 2 719, soit une progression de 307 %. Le nombre d'établissements du parc de la ZFU des 14 ème et 15 ème arrondissements a quant à lui presque doublé depuis 2004, passant de 1 625 à 3 034.

La réussite des ZFU n'est pas due au hasard : le dispositif est simple, stable et durable. Cette réussite est aussi la conséquence de l'engagement fort des collectivités territoriales dans la mise en oeuvre de programmes de développement urbain des quartiers concernés, auxquels elles ont alloué des moyens humains et financiers. Les équipes travaillent de façon transversale, du foncier à vocation économique est mis à disposition, l'accessibilité est améliorée...

Par conséquent, il convient de proroger le dispositif pour les ZFU des deuxième et troisième générations. Il n'est par ailleurs pas envisageable de laisser sans outils de développement économique les quelques ZFU de première génération où les effets escomptés n'ont pas été observés à ce jour.

Il faut bien considérer, mes chers collègues, que la période 2008-2011 a constitué une séquence incomplète de développement des zones franches urbaines, dès lors que ces années ont été marquées par une crise financière et économique internationale majeure.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la pérennisation jusqu'au 31 décembre 2016 de ce dispositif qui a fait ses preuves.

M. le président. La parole est à M. Claude Dilain, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° II-79.

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission de l'économie. Je partage, monsieur le ministre, vos propos sur l'intérêt du dispositif des zones franches urbaines et sur la nécessité de le prolonger.

En revanche, la prolongation que vous proposez nous paraît trop courte pour permettre un retour sur investissement pour les entreprises, et surtout pour les aménageurs qui réalisent les infrastructures destinées à l'accueil de ces dernières.

Nous proposons donc de proroger le dispositif jusqu'au 31 décembre 2016, comme les auteurs de l'amendement précédent. À ce propos, je regrette, à l'instar de M. Raoul, de n'avoir pu présenter en premier l'amendement de la commission.

M. le président. L'amendement n° II-24 rectifié bis , présenté par Mme Keller, MM. J. C. Gaudin, Gilles et Falco, Mme Sittler, MM. Milon, P. André, Laménie, Reichardt, Grignon et Delattre, Mme Mélot, M. Dufaut, Mmes Cayeux et Primas et MM. B. Fournier et J. P. Fournier, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

et après le mot : « créent », sont insérés les mots : « ou implantent » ;

II. - Alinéas 4 et 5, premières phrases

Après le mot :

créent

insérer les mots :

ou implantent

III. - Compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :

III. - La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

IV. - La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

V. - La perte de recettes pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration du prélèvement sur les recettes de l'État au titre de la compensation d'exonérations relatives à la fiscalité locale et, corrélativement pour l'État, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Fabienne Keller.

Mme Fabienne Keller. Cet amendement très technique vise à préciser la définition des établissements bénéficiaires des exonérations fiscales propres aux zones franches urbaines, une petite ambiguïté semblant exister en matière d'application concrète du dispositif par les services fiscaux et sociaux dans certains départements. Il s'agit de préciser que sont concernés les établissements implantés dans ces zones, et non pas seulement ceux qui y sont créés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Germain, rapporteur spécial. La commission des finances avait décidé d'adopter sans modification l'article 64.

S'agissant des deux amendements identiques, nous pouvons comprendre que nos collègues souhaitent pérenniser le dispositif pour donner une plus grande visibilité aux entreprises implantées en ZFU et aux autorités locales, mais, d'un autre côté, repousser sa prolongation au-delà de 2014 retarderait la remise à plat globale des instruments de la politique de la ville, 2014 étant aussi l'échéance qui a été retenue pour les contrats urbains de cohésion sociale. La commission a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat.

La commission n'a pas examiné l'amendement n° II-24 rectifié bis , mais elle croit pouvoir dire que la rédaction actuelle de l'article vise à la fois les créations et les implantations d'entreprise. Elle estime donc que l'amendement est satisfait et elle en demande le retrait.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l'économie.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. M. le ministre a évoqué tout à l'heure un certain nombre de dérives et d'effets d'aubaine. Or je crois qu'introduire la notion d'implantation aggraverait encore les choses à cet égard.

Viser les créations d'entreprise nous paraît tout à fait pertinent : il ne doit pas suffire, pour bénéficier des exonérations prévues par le dispositif, de déplacer une entreprise du centre-ville vers une ZFU ! (Mme Fabienne Keller s'exclame.) Je vous le dis posément, ma chère collègue, cela ne manquerait pas d'entraîner des effets pervers !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Maurice Leroy, ministre. Nous sommes tous d'accord, monsieur Gilles, pour proroger le dispositif des ZFU, qui s'est révélé tout à fait efficace. C'est l'objet de l'article 64. J'avais d'ailleurs personnellement rendu hommage dans cette enceinte, à l'occasion d'une séance de questions d'actualité au Gouvernement, à Jean-Claude Gaudin et à Éric Raoult, alors ministre délégué à la ville et à l'intégration, pour avoir mis en place les zones franches urbaines dans le cadre du pacte de relance pour la ville.

Notre proposition de proroger le dispositif jusqu'au 31 décembre 2014 témoigne de la volonté du Gouvernement de le maintenir. Nous avons retenu cette échéance car, comme l'a fort justement relevé M. le rapporteur spécial, 2014 marquera le terme de l'expérimentation des contrats urbains de cohésion sociale, dont on pourra alors tirer les leçons en vue de réviser la géographie prioritaire de la politique de la ville. Cette date n'a donc pas été choisie au hasard. En revanche, fixer le terme de la prorogation à 2016 n'aurait objectivement pas de sens : pourquoi pas 2017 ou 2018 ? Je le dis sans aucun esprit polémique, et j'ai d'ailleurs fait la même réponse à l'Assemblée nationale pour des amendements similaires.

Voilà pourquoi, ce débat ayant eu lieu, je souhaite le retrait des amendements n os II-23 rectifié bis et II-79. Cela étant, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée...

S'agissant de l'amendement n° II-24 rectifié bis , je souscris totalement aux propos de M. le président de la commission de l'économie. J'ajoute qu'il est satisfait par l'article 44 octies du code général des impôts, comme j'ai eu l'occasion de le démontrer à l'Assemblée nationale à M. Pupponi, auteur d'un amendement ayant le même objet. On voit que la question soulevée transcende les clivages politiques !

J'invite donc Mme Keller à retirer son amendement, comme l'a fait M. Pupponi.

M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, pour explication de vote.

Mme Fabienne Keller. Monsieur le ministre, je salue votre engagement ferme et résolu en faveur du maintien du dispositif des zones franches urbaines. Je rappelle que celui-ci est très lié à l'action de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU, qui permet en effet de libérer des terrains et des bâtiments pour l'accueil des entreprises. Le processus d'installation des entreprises dans les ZFU prend du temps ; elles ont également besoin de visibilité pour mettre en place leur plan de financement. C'est la raison pour laquelle prévoir un délai de cinq ans nous semble plus réaliste et plus en adéquation avec la réalité du terrain. Certes, la géographie prioritaire de la politique de la ville est un sujet important, mais qui relève plutôt d'un débat interne à l'administration. Si l'on veut véritablement favoriser l'emploi dans les quartiers sensibles, il importe avant tout de répondre aux préoccupations des entreprises. Je maintiens donc l'amendement n° II-23 rectifié bis .

S'agissant de l'amendement n° II-24 rectifié bis , monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir confirmé que les entreprises qui s'installent dans les ZFU bénéficient des exonérations fiscales et sociales prévues. Je ne méconnais pas l'effet d'aubaine qu'a évoqué M. le président de la commission de l'économie, mais il s'agit là d'un autre sujet, qui relève d'une analyse globale du dispositif des zones franches urbaines. Cela étant, je retire l'amendement.

M. le président. L'amendement n° II-24 rectifié bis est retiré.

La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote sur les amendements identiques n os II-23 rectifié bis et II-79.

M. Philippe Dallier. Après avoir longuement hésité à cosigner les amendements déposés par Fabienne Keller, je me suis finalement rangé à l'avis du Gouvernement.

Je voudrais faire observer que lorsque nous avons franchi le seuil de 100 zones franches urbaines, il a fallu obtenir l'accord de Bruxelles ; ce n'était pas acquis d'avance !

M. Maurice Leroy, ministre. C'est juste !

M. Philippe Dallier. Nous allons prolonger le dispositif jusqu'en 2014, échéance dont le choix est excellent, puisque cette année-là verra le terme de l'expérimentation des contrats urbains de cohésion sociale, tandis que se tiendront des élections municipales.

Je comprends que les entreprises aient besoin de temps pour s'installer et pouvoir bénéficier d'un retour sur investissement, mais si nous tirons davantage sur la corde en prorogeant la mesure jusqu'en 2016, nous risquons de nous heurter à l'opposition de la Commission européenne, même s'il est vrai qu'elle a d'autres chats à fouetter en ce moment... Mes chers collègues, j'attire votre attention sur ce risque. J'ai apprécié que le Gouvernement prenne l'initiative de proposer une prolongation du dispositif des zones franches urbaines : l'article 64 est tout à fait bienvenu à cet égard, mais n'allons pas trop loin, car l'enfer est pavé de bonnes intentions !

M. Maurice Leroy, ministre. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n os II-23 rectifié bis et II-79.

M. Philippe Dallier. Je vote contre par précaution !

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. L'amendement n° II-27 rectifié bis , présenté par Mme Keller, MM. J. C. Gaudin, Gilles et Falco, Mme Sittler, MM. Milon, P. André, Laménie, Reichardt, Grignon et Delattre, Mmes Mélot, Cayeux et Primas et M. B. Fournier, est ainsi libellé :

I. - Alinéas 3 et 4

Supprimer ces alinéas.

II. - Compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :

III. - La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

IV. - La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

V. - La perte de recettes pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration du prélèvement sur les recettes de l'État au titre de la compensation d'exonérations relatives à la fiscalité locale et, corrélativement pour l'État, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à Mme Fabienne Keller.

Mme Fabienne Keller. Cet amendement tend à revenir sur le projet de subordonner, en zone franche urbaine, le bénéfice de l'exonération fiscale à celui de l'exonération sociale. En effet, une telle mesure instaurerait un système en cascade. Outre que celui-ci serait difficile à mettre en oeuvre, le dispositif d'exonération fiscale deviendrait inaccessible à un certain nombre d'entrepreneurs qui n'ont pas recours à l'exonération sociale parce qu'ils bénéficient déjà d'autres mesures.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Germain, rapporteur spécial. La commission a décidé d'adopter l'article 64 sans modification. Elle n'a pas examiné cet amendement, néanmoins on comprend mal pourquoi il serait malvenu d'établir un lien entre les deux types d'exonération. Ne pas le faire créerait au contraire un effet d'aubaine extrêmement important. En conséquence, j'appelle au retrait de cet amendement.

Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Maurice Leroy, ministre. Je rejoins tout à fait l'avis de M. le rapporteur spécial. Conditionner l'ensemble des exonérations fiscales et sociales au respect d'une clause d'embauche locale permettra de renforcer l'incitation à employer des personnes résidant dans les zones urbaines sensibles et, ainsi, de réduire l'écart entre le taux de chômage dans ces quartiers et celui que l'on constate dans les zones urbaines environnantes, ce qui est tout de même l'objectif principal du dispositif.

De ce point de vue, le rapport de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles est tout à fait éclairant. M. Dilain et moi-même avons rappelé quels sont les taux de chômage dans les quartiers concernés. Dissocier les deux types d'exonération irait à l'encontre de ce que nous recherchons tous, madame Keller. Je vous invite donc à retirer cet amendement ; à défaut, le Gouvernement serait contraint d'émettre un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l'économie.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. L'adoption d'un tel amendement fragiliserait à terme le dispositif des ZFU aux yeux de Bruxelles et risquerait de provoquer des effets d'aubaine. Par conséquent, si vous entendez défendre les zones franches urbaines, il serait préférable de retirer cet amendement.

M. le président. Madame Keller, l'amendement n° II-27 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Fabienne Keller. L'amendement vise en fait les entreprises implantées dans les zones franches urbaines qui bénéficient du dispositif Fillon, plus favorable dans certaines circonstances. Cela ne les empêche pas, le plus souvent, de recruter des jeunes issus des zones urbaines sensibles. Il serait d'ailleurs utile de disposer d'outils de mesure permettant d'évaluer la situation sans a priori .

Ce qui me préoccupe, c'est que l'on impose des contraintes administratives très fortes à des entreprises qui créent des emplois et de l'activité dans les quartiers sensibles.

Néanmoins, ayant entendu les arguments qui m'ont été opposés, je retire cet amendement, en espérant qu'un regard plus bienveillant sera porté sur les suivants. (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° II-27 rectifié bis est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° II-211, présenté par MM. Dilain et Repentin, Mme Lienemann, M. Vaugrenard, Mme Bourzai, MM. M. Bourquin, Germain et Carvounas, Mme Ghali, M. Berson et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

I. - Après l'alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° La seconde phrase du premier alinéa du I de l'article 12 est supprimée.

II. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Claude Dilain.

M. Claude Dilain. On le sait, c'est en matière d'emploi que le bilan du dispositif des zones franches urbaines est le plus mitigé : tous les rapports en attestent, en particulier ceux de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale des affaires sociales. Il importe donc de renforcer les mesures d'incitation à l'embauche pour la nouvelle génération de zones franches urbaines.

Monsieur le ministre, après un débat en commission au cours duquel certains ont exprimé le souhait de revenir à l'ancien système, nous avons donc considéré que vous aviez raison de proposer que la moitié des embauches concernent à l'avenir des personnes résidant dans les zones urbaines sensibles.

Toutefois, les entreprises se plaignent de ne pas trouver de salariés qualifiés dans ces quartiers. De façon un peu caricaturale, elles disent être contraintes d'embaucher des gardiens ou des femmes de ménage pour respecter le seuil prévu par la loi. Par conséquent, si l'on veut augmenter l'efficacité du dispositif en matière d'emploi, il ne faut pas plafonner le niveau de salaire ouvrant droit à exonération de cotisations sociales. Sinon, l'emploi dans les ZFU se trouvera stigmatisé.

Par ailleurs, il faut souligner que le chômage des personnes diplômées de l'enseignement supérieur est aussi choquant, sinon plus, que celui des non-diplômés. C'est un autre argument en faveur du déplafonnement.

M. le président. L'amendement n° II-25 rectifié bis , présenté par Mme Keller, MM. J. C. Gaudin, Gilles et Falco, Mme Sittler, MM. Milon, P. André, Laménie, Reichardt, Grignon et Delattre, Mme Mélot et MM. B. Fournier et J. P. Fournier, est ainsi libellé :

I. - Après l'alinéa 12

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

La dernière phrase du premier alinéa du I de l'article 12 est ainsi modifiée :

a) Le début est ainsi rédigé : « Entre le 1 er janvier 2009 et le 31 décembre 2011, le montant de l'exonération est minoré de manière (le reste sans changement) » ;

b) À la fin, les mots : « à partir du 1 er janvier 2011 », sont remplacés par les mots : « du 1 er janvier 2011 au 31 décembre 2011 inclus ».

II. - Compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :

III. - La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

IV. - La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

V. - La perte de recettes pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration du prélèvement sur les recettes de l'État au titre de la compensation d'exonérations relatives à la fiscalité locale et, corrélativement pour l'État, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. ».

La parole est à Mme Fabienne Keller.

Mme Fabienne Keller. Le dispositif des ZFU comporte bien un effet de seuil : pour les salaires supérieurs à deux fois le SMIC, plus aucune exonération de cotisations sociales n'est accordée, ce qui pénalise les entreprises en bonne santé qui offrent des promotions ou des augmentations à leurs salariés. Un tel plafond peut également dissuader de recruter des personnes diplômées. Les entreprises craindront une forte hausse de leurs charges, et nous devons les protéger des effets déstabilisants de dispositions technico-administratives qui vont à l'encontre de leur développement normal.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Germain, rapporteur spécial. Prévoir que désormais 50 % des embauches devront concerner des personnes résidant dans les zones urbaines sensibles paraît tout à fait justifié. Par ailleurs, il est souhaitable de favoriser la création d'emplois qualifiés dans les ZFU pour leur donner un attrait supplémentaire. En conséquence, la commission émet un avis favorable sur les deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Maurice Leroy, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

Les différents rapports publiés sur le sujet montrent clairement que la dynamique de création d'entreprises n'a pas été freinée par le plafonnement du niveau de salaire ouvrant droit aux exonérations de cotisations sociales.

À la vérité, comme l'a très bien dit tout à l'heure M. Dallier, la dernière version du dispositif n'a pas été aussi efficace que les précédentes. Comme souvent dans notre pays, en voulant élargir le champ d'une mesure, on aboutit à un saupoudrage. En réalité, ce n'est pas le plafonnement qui pose problème : nous avons peut-être simplement été trop laxistes en matière de création de nouvelles zones franches urbaines. On peut d'ailleurs dire la même chose pour d'autres outils d'aménagement du territoire, par exemple les clusters ou les pôles d'excellence.

Le plafonnement permet de concentrer les aides sur les salariés les plus modestes, peu qualifiés et dont la rémunération n'est pas supérieure à deux fois le SMIC.

Jean-Claude Gaudin avait créé le dispositif des zones franches urbaines, lorsqu'il était ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration, sur le modèle des empowerment zones imaginées par le vice-président américain Al Gore, afin de fournir des emplois aux personnes faiblement qualifiées vivant dans ces quartiers. Si on l'aménage en vue de favoriser le recrutement de personnes très diplômées, il ne sera plus lisible au titre de la politique de la ville. Les habitants des zones urbaines sensibles possèdent un niveau de qualification souvent moins élevé celui du reste de la population, et leur rémunération est rarement supérieure à deux fois le SMIC. Le déplafonnement profiterait donc surtout à des personnes ne résidant pas dans les zones urbaines sensibles, ce qui pénaliserait évidemment l'embauche locale et serait contraire à la vocation originelle du dispositif.

Je suis donc obligé d'émettre, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur ces deux amendements. S'ils devaient être adoptés, le maintien de la clause selon laquelle la moitié des embauches devront concerner des personnes résidant dans les zones urbaines sensibles n'en prendrait que plus d'importance !

J'attire votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le fait qu'à trop vouloir aménager le dispositif des ZFU, vous risquez de le dénaturer. Il relève de la géographie prioritaire de la politique de la ville, alors que le dispositif Fillon que vous avez évoqué tout à l'heure, madame Keller, n'a pas cette spécificité : il est de portée nationale.

N'essayons donc pas de régler tous les problèmes par le biais des cent zones franches urbaines qui existent aujourd'hui, car tel n'est pas leur objet.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-211.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° II-25 rectifié bis n'a plus d'objet.

L'amendement n° II-26 rectifié ter , présenté par Mme Keller, MM. J. C. Gaudin, Gilles et Falco, Mme Sittler, MM. Milon, Laménie, Reichardt, Grignon et Delattre, Mmes Mélot, Cayeux et Primas et MM. B. Fournier et Dallier, est ainsi libellé :

I. - Alinéas 16 à 22

Supprimer ces alinéas.

II. - Compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :

III. - La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

IV. - La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

V. - La perte de recettes pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration du prélèvement sur les recettes de l'État au titre de la compensation d'exonérations relatives à la fiscalité locale et, corrélativement pour l'État, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à Mme Fabienne Keller.

Mme Fabienne Keller. J'ai la conviction profonde, que je sais partagée par beaucoup d'entre vous, mes chers collègues, que les zones franches urbaines ont permis de recréer des emplois dans des quartiers où ils ne faisaient que disparaître. Or le retour de l'emploi offre une perspective aux jeunes, revitalise les quartiers, rééquilibre la vie locale, ouvre des possibilités de stages... Je l'ai vécu très concrètement, à Strasbourg, dans le quartier extrêmement difficile du Neuhof. Je tiens à rendre hommage, à cet instant, à la belle initiative prise par Jean-Claude Gaudin et à Éric Raoult Alain Juppé étant alors Premier ministre.

Le présent amendement porte sur un sujet difficile, celui de la clause selon laquelle la moitié des salariés des entreprises installées dans les ZFU devront être issus des zones urbaines sensibles.

Nous sommes tous d'accord sur l'objectif : les entreprises bénéficiant de ce statut fiscal dérogatoire très avantageux doivent recruter massivement des jeunes issus des quartiers sensibles. J'indique au passage que si certaines préfèrent recourir au dispositif Fillon, c'est parce qu'elles ont le sentiment qu'il est plus stable que le dispositif des ZFU, modifié plusieurs fois au cours des dernières années.

Pour atteindre cet objectif, il faut que les jeunes issus des quartiers sensibles soient recrutés - c'est le travail des missions locales et des autres acteurs du marché de l'emploi - et formés - cela relève de la compétence des régions et des nombreux organismes de formation. C'est cette dynamique partagée qui permet de donner leur chance à ces jeunes.

La rédaction actuelle de l'article 64 prévoit que la clause d'embauche précitée s'imposera directement aux entreprises. Pour ma part, je propose d'en faire un objectif fixé aux parties prenantes, donnant lieu à une évaluation régulière, qui pour l'heure n'est pas assurée par les comités d'orientation et de surveillance.

Cet amendement vise donc à revenir sur le « relèvement » de la clause d'embauche s'appliquant aux entreprises installées dans les ZFU, en prévoyant qu'un tiers des emplois devront être pourvus par des personnes résidant dans les zones urbaines sensibles, comme c'est le cas aujourd'hui.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Germain, rapporteur spécial. Par l'adoption de l'amendement n° II-211, le Sénat vient de déplafonner le niveau de salaire ouvrant droit à exonération de cotisations sociales. La commission des finances considère donc que, même s'il est vrai que la clause d'embauche prévue sera peut-être difficile à respecter, un véritable effet d'aubaine pourrait résulter de l'adoption de la proposition de Mme Keller. L'avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Maurice Leroy, ministre. Par cohérence avec les votes qui viennent d'intervenir, j'invite le Sénat à suivre l'avis de M. le rapporteur spécial. Si l'amendement n° II-26 rectifié ter était adopté après celui qui a instauré le déplafonnement, ce serait la double peine pour les habitants des zones urbaines sensibles !

Le Gouvernement n'a fait que reprendre, dans le dispositif de l'article 64, les préconisations du rapport du groupe de travail pluraliste présidé Éric Raoult, qui a procédé à de larges consultations.

Le renforcement de la clause d'embauche vise avant tout à favoriser l'accès à l'emploi pour les habitants des zones urbaines sensibles. Il s'agit d'un dispositif destiné à promouvoir leur insertion professionnelle et sociale. L'objectif est non pas d'attirer des entreprises qui viendraient s'installer dans les ZFU pour profiter d'un simple effet d'aubaine, mais de cibler les aides sur des entreprises faisant un effort réel en matière d'embauche des habitants des quartiers les plus en difficulté.

On ne peut pas à la fois se plaindre que les médecins de centre-ville partent s'installer en zone franche urbaine pour bénéficier d'un effet d'aubaine ( Mme Fabienne Keller proteste.) ... Je n'invente rien, madame Keller, cela existe ! Je suis interpellé tous les jours à ce sujet par des maires de toutes sensibilités politiques. C'est une réalité de terrain !

Nous avons obtenu la prorogation du dispositif pour trois ans : ce n'est pas rien, dans le contexte actuel ! En contrepartie, il n'est pas illogique de renforcer le dispositif : c'est du donnant-donnant ! M. Dallier a rappelé avec raison tout à l'heure que lorsque Jean-Claude Gaudin et Éric Raoult ont voulu créer ce dispositif dérogatoire, la Commission européenne a été difficile à convaincre : elle a imposé que les zones franches urbaines ne regroupent que 1 % de la population française au maximum... Cela explique d'ailleurs pourquoi les préfets et les services fiscaux se sont montrés à l'époque si pointilleux dans la délimitation des ZFU, ce qui était mal compris par les acteurs de terrain.

J'émets donc un avis très défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Je suis très ennuyé : bien que j'aie cosigné cet amendement, car je ne souhaite pas que l'on touche au dispositif des ZFU, je ne le voterai pas, par souci de cohérence. En effet, le Sénat ayant adopté les amendements précédents, les effets d'aubaine seraient trop importants si nous votions l'amendement n° II-26 rectifié ter .

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-26 rectifié ter .

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 64, modifié.

(L'article 64 est adopté.)