V. RAPPORT SÉNAT N° 107 (2011-2012) TOME III ANNEXE 22

Commentaire : afin de conformer le droit à une décision du Conseil constitutionnel, le présent article vise à supprimer le plafond global de la rente viagère d'invalidité et de la majoration de pension pour enfants, afin de ne pas défavoriser les agents invalides ayant élevé trois enfants par rapport aux agents valides bénéficiant également de la majoration pour enfants.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LE PLAFONNEMENT DE LA RENTE VIAGÈRE D'INVALIDITÉ ET DE LA MAJORATION POUR ENFANTS

L'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite (CPCM), ouvre droit à une rente viagère d'invalidité (RVI) pour un fonctionnaire civil radié des cadres par anticipation, car se trouvant dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées, notamment en service, ou atteint d'une maladie professionnelle dont l'imputabilité au service a été reconnue.

Le montant de la RVI est calculé en multipliant le taux d'incapacité par les émoluments de base servant au calcul de liquidation de la pension. Le fonctionnaire doit être atteint d'une invalidité à un taux au moins égal à 60 % pour bénéficier d'une RVI, qui ne peut être inférieure à 50 % du traitement indiciaire afférent à l'emploi occupé.

La RVI est cumulable avec la pension de retraite, mais la somme de la pension de retraite et de la RVI est plafonnée et ne peut dépasser le montant des émoluments de base, ainsi définis à l'article L. 15 du CPCM : « le traitement ou la solde soumis à retenue afférents à l'indice correspondant à l'emploi, grade, classe et échelon effectivement détenus depuis six mois au moins par le fonctionnaire ou militaire au moment de la cessation des services valables pour la retraite ». En revanche, le plafond de la RVI n'intègre pas la majoration en cas de recours constant, par la personne invalide, à une tierce personne pour accomplir les actes ordinaires de la vie.

Par ailleurs, l'article L. 18 du CPCM prévoit une majoration de pension pour les agents ayant élevé trois enfants. La pension majorée ne peut excéder le montant des émoluments de base.

L'application combinée des articles L. 18 et L. 28 du CPCM tend donc à plafonner, au niveau des émoluments de base, le montant cumulé d'une pension de retraite, de la majoration pour enfant et de la RVI .

B. LA CENSURE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Dans sa décision n° 2010-83 QPC du 13 janvier 2011, le Conseil constitutionnel a estimé que l'application des deux plafonnements, prévus aux articles L. 18 et L. 28 du CPCM, entraînait une inégalité de traitement entre les fonctionnaires valides et invalides ayant élevé plus de trois enfants . En effet, les fonctionnaires invalides, du fait qu'ils perçoivent une RVI, se voient appliquer un écrêtement de leur majoration pour enfant plus important que les fonctionnaires valides.

En conséquence, le Conseil constitutionnel a abrogé , à compter du 1 er janvier 2012, la première phrase du cinquième alinéa de l'article 28 du CPCM, laquelle plafonne le montant de la rente viagère d'invalidité à un montant qui, cumulé à celui de la pension, ne peut être supérieur aux émoluments de base.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le dispositif proposé vise à plafonner séparément le montant de la RVI et le montant de la majoration de pension pour enfants .

Tant la majoration pour enfants que la rente viagère d'invalidité demeurent chacune plafonnées dans leurs limites actuelles , à savoir que son bénéficiaire ne peut percevoir une rémunération totale supérieure au traitement indiciaire afférent à l'emploi qu'il occupait au moment de sa cessation de fonctions. Toutefois, des simplifications rédactionnelles suppriment la référence aux « émoluments de base » pour se référer directement aux sommes que recouvre cette notion (nouvelles rédactions proposées pour le V de l'article L. 18 du CPCM et l'article L. 30 du CPCM, respectivement par les 1° et 3° du I du présent article) .

En revanche, le total des prestations n'est pas plafonné : en application des dispositions du nouvel article L. 30 ter du CPCM que propose de créer le 4° du I du présent article, le montant total des prestations accordées au fonctionnaire invalide ne peut excéder le traitement indiciaire afférent à l'emploi occupé au moment de la cessation de fonctions, « à l'exclusion des majorations prévues [à l']article L. 18 (... ) » qui vise la majoration pour enfants.

Le 2° du I du présent article propose des modifications rédactionnelles et de coordination.

Les dispositions proposées par le 4° du I pour l'article L. 30 bis du CPCM réécrivent le deuxième alinéa de l'article L. 30 du CPCM, en actualisant une référence aux indices utilisés pour les barèmes de la fonction publique.

Le II du présent article prévoit l'application de ces dispositions aux fonctionnaires relevant de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, ainsi qu'aux personnels relevant du régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

Le IV fixe la date d'entrée en vigueur de ces dispositions au 1 er janvier 2012, sous réserve des dispositions du III du présent article, lequel prévoit que les agents qui « avaient formé un recours sur ces mêmes fondements et dont l'instance était en cours au 13 janvier 2011, date de la décision [du Conseil constitutionnel], se voient appliquer les dispositions de cet article à compter de la date à laquelle ils ont formulé leur demande à l'administration ».

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable de la commission des finances, un amendement de coordination du Gouvernement.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

La mesure proposée répond à l'objectif d'équité fixé par le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée du 13 janvier 2011, entre agents valides et invalides bénéficiant de la majoration pour enfants.

Les autres options possibles - le déplafonnement soit de la RVI, soit de la majoration pour pensions - ne pouvaient être retenues, car elles auraient pu conduire à ce que l'agent percevant ces prestations bénéficie de revenus supérieurs à ceux dont il disposait quand il travaillait.

Cette mesure a un coût pour le budget de l'Etat, estimé à 3,3 millions d'euros : fin 2010, elle concernerait 940 ayants droit et 1 230 ayants cause, pour un bénéfice moyen de 2 130 euros par ayant droit et 1 060 euros par ayant cause.

Le dispositif proposé prévoit bien son extension aux agents des trois fonctions publiques et aux ouvriers des établissements industriels d'Etat dès le 1 er janvier 2012.

Décision de la commission : votre commission des finances vous propose d'adopter cet article sans modification.