M. Edmond HERVÉ, rapporteur spécial

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL
SUR LE PROGRAMME 101
« ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE »

- Les moyens du programme « Accès au droit et à la justice » diminuent en autorisations d'engagement de 15,5 %, en passant de 402,9 millions d'euros à 340,4 millions d'euros, et de 4,1 % en crédits de paiement , en passant de 354,9 millions d'euros à 340,4 millions d'euros .

- L'action 1 « Aide juridictionnelle » voit sa dotation baisser de 5,2 % pour s'établir à 319 millions d'euros . Cette baisse résulte d'un ajustement de la prévision de dépense en matière de garde à vue, celle-ci s'avérant en 2012 très inférieure à la prévision faite lors de l'entrée en vigueur de la réforme.

- Ce budget est construit sur une hypothèse de 882 600 admissions à l'aide juridictionnelle (AJ) en 2013, soit un nombre inchangé par rapport à 2012.

- Un effort particulier est accordé à l'aide aux victimes : 100 nouveaux bureaux d'aide aux victimes seront créés.

- Les associations de médiation familiale et d'espaces de rencontres voient leurs crédits progresser de 0,8 million d'euros pour s'établir à 3,2 millions d'euros.

- Le « taux de recouvrement des frais avancés par l'Etat au titre de l'AJ » enregistre une performance très médiocre en 2012 (comme en 2011) : 5 % en prévision actualisée . Le reversement au budget général des montants recouvrés, à compter de 2013, ne doit pas avoir pour conséquence un relâchement de l'attention s'agissant des mises en recouvrement.

V. LE PROGRAMME 101  « ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE »

A. UN PROGRAMME ESSENTIELLEMENT TOURNÉ VERS L'AIDE JURIDICTIONNELLE (AJ)

Bien qu'il ne contienne que 4,4 % des moyens de la mission « Justice » (en crédits de paiement), le programme « Accès au droit et à la justice » revêt une importance singulière, car il vise à répondre à l'aspiration des citoyens à connaître leurs droits et à pouvoir agir en justice .

L'aide juridictionnelle (AJ) constitue la première action du présent programme, avec 93,7 % de ses moyens. Le « passage en limitatif » des crédits d'AJ, à compter du 1 er janvier 2006 avec l'entrée en vigueur de la LOLF, a marqué une étape essentielle pour ces dépenses dont, d'une certaine manière, l'ordonnateur est le justiciable, puisque l'AJ est un droit pour ceux qui répondent aux conditions légales.

L'AJ (totale ou partielle) concerne les personnes dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice , en matière gracieuse ou contentieuse, en demande ou en défense, devant toute juridiction, et s'applique aux procédures, actes ou mesures d'exécution. Les prestations sont versées aux avocats par l'intermédiaire des caisses de règlements pécuniaires des avocats (CARPA) 55 ( * ) et directement pour les autres auxiliaires de justice.

Le développement de l'accès au droit et du réseau judiciaire de proximité , objet de l'action 2 du présent programme, est mis en oeuvre par les conseils départementaux de l'accès au droit (CDAD), actuellement au nombre de 100. Ces groupements d'intérêt public (GIP) sont des opérateurs de l'Etat chargés, notamment, de coordonner les activités des « maisons de la justice et du droit » (MJD), implantées principalement dans les quartiers difficiles ainsi que les « points d'accès au droit » (PAD). Cette action dispose de 1,5 % des moyens du programme.

La politique d'aide aux victimes d'infraction pénale (action 3, dotée de 3,8 % des crédits de paiement du programme) consiste principalement dans le soutien des associations d'aide aux victimes, dont le réseau assure l'accueil, l'information et l'orientation auprès des TGI. L'action vise, également, des dispositifs plus ciblés de réponse en urgence, tels que le numéro 08VICTIMES 56 ( * ) . Enfin, elle renvoie aux bureaux d'aide aux victimes implantés au sein des principaux TGI.

Enfin, l'action 4 « Médiation familiale et espaces de rencontre » représente 1 % des crédits de paiement du programme et s'inscrit dans les orientations du ministère de la justice et des libertés qui visent à maintenir les liens familiaux au-delà des séparations et des divorces. L'intégration de dispositions spécifiques sur la médiation familiale dans le code civil et le nouveau code de procédure civile 57 ( * ) a, en effet, été l'occasion de promouvoir ce mode de résolution amiable des conflits et de mieux prévenir les conflits ou leur multiplication. La mise en oeuvre de ces dispositions repose essentiellement sur le réseau des associations et des services de médiation familiale.

Gérés par des associations, des espaces de rencontre parent(s) / enfant(s) , organisent, le plus souvent sur décision du juge aux affaires familiales (JAF), un droit de visite entre un enfant et l'un de ses parents, lorsqu'un accompagnement particulier est requis. La loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection de l'enfance permet au JAF de recourir à un tel espace.

B. LA BAISSE DE 4,1 % DES CRÉDITS DE PAIEMENT : LE MOINDRE IMPACT BUDGÉTAIRE DE LA RÉFORME DE LA GARDE À VUE

Les moyens du programme « Accès au droit et à la justice » diminuent en autorisations d'engagement de 15,5 %, en passant de 402,9 millions d'euros à 340,4 millions d'euros, et de 4,1 % en crédits de paiement , en passant de 354,9  millions d'euros à 340,4 millions d'euros.

L'action 1 « Aide juridictionnelle » voit sa dotation passer de 336,3 millions d'euros en 2012 à 319 millions d'euros dans le présent projet de loi de finances (- 5,2 %). Cette baisse des crédits d'AJ résulte d'un ajustement de la prévision de dépense en matière de garde à vue , celle-ci s'avérant en 2012 très inférieure à la prévision faite lors de l'entrée en vigueur de la réforme.

L'impact budgétaire de la réforme de la garde à vue

La loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue a renforcé les droits de la défense des personnes placées en garde à vue ou en retenue douanière.

L'aide à l'intervention de l'avocat au cours de la garde à vue ou de la retenue douanière concerne les personnes gardées à vue, les victimes confrontées avec une personne gardée à vue, et les personnes en retenue douanière qui peuvent demander à être assistées par un avocat choisi ou désigné d'office dès le début de la garde à vue, au cours des auditions et confrontations et pendant la prolongation de cette mesure.

Le décret n° 2011-810 du 6 juillet 2011 relatif à l'aide à l'intervention de l'avocat au cours de la garde à vue et de la retenue douanière a modifié en conséquence le barème de la contribution de l'Etat à la rétribution de l'avocat et prévoit la rétribution suivante pour les interventions de l'avocat :

- un forfait de 61 euros hors taxe (HT) , lorsque la mission d'assistance se traduit par un simple entretien préalable d'une demi-heure au début de la garde à vue ou de la prolongation sans assistance de l'avocat aux auditions ;

- un forfait de 300 euros HT , dès lors que la personne est assistée par un avocat commis d'office au-delà de l'entretien de début de garde à vue qui dure une demi-heure. En cas de prolongation, la rémunération complémentaire sera de 150 euros HT . De même, en cas de confrontation entre la victime et la personne gardée à vue, la rétribution de l'avocat commis d'office assistant la victime sera de 150 euros HT.

Dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2012, une dotation à hauteur de 103,8 millions d'euros avait été réservée pour couvrir le coût de cette réforme. Or, la prévision de dépense budgétaire est inférieure à la prévision initiale. En effet, les données actuellement disponibles pour 2012 permettent d'estimer la dépense pour l'exercice en cours à 48 millions d'euros au maximum.

Dans ces conditions, il est prévu dans le présent projet de loi de finances une enveloppe d'un montant identique, soit 48 millions d'euros .

Source : ministère de la justice

L'hypothèse pour bâtir le budget de l'AJ en 2013 s'appuie sur une prévision de 882 600 admissions (contre 882 607 en 2011 et une prévision également de 882 600 en 2012).

Etant donnée la nature des différentes actions composant le programme, il apparaît logique que la totalité des moyens du programme soient constitués de crédits d'intervention 58 ( * ) .

Les crédits de paiement de l'action 2 « Développement de l'accès au droit et du réseau judiciaire de proximité » sont minorés de 10,1 % et s'élèvent désormais à 5,3 millions d'euros. Cette évolution s'explique par un maillage du territoire en voie d'achèvement pour les CDAD .

En revanche, les crédits en direction de l'action 3 « Aide aux victimes » enregistrent une augmentation sensible (2,6 millions d'euros supplémentaires, pour une dotation totale de 12,8 millions d'euros). Le triplement du nombre de bureaux d'aide aux victimes est en effet prévu pour 2013. Ces bureaux ont commencé à être mis en place en 2009 et ils seront généralisés l'année prochaine avec la création de 100 nouveaux bureaux.

En outre, les crédits destinés aux associations de médiation familiale et d'espaces de rencontre (action 4) progressent de 0,8 million d'euros pour s'établir à 3,2 millions d'euros . Le maintien de la politique de médiation familiale et de consolidation des espaces de rencontre assurés par le réseau associatif demeure donc une priorité.

Il convient en fin de relever une modification de périmètre pour 2013 : les sommes recouvrées au titre de l'AJ auprès du justiciable condamné aux dépens en matière civile et non bénéficiaire de l'AJ ne sont plus imputées comme les années antérieures en atténuation de la dépense sur l'action 1 du présent programme. Cette décision fait suite aux difficultés de traiter dans Chorus une procédure dérogatoire en matière de rétablissement de crédit. Ainsi et dorénavant, ces sommes seront rattachées au budget général : un montant de 14 millions d'euros représentant la recette prévisible a été intégré dans la dotation budgétaire.

C. LES MISES EN RECOUVREMENT : UNE DÉGRADATION DE LA PERFORMANCE

Le projet annuel de performances du programme « Accès au droit et à la justice » est essentiellement axé sur deux problématiques : l'AJ et l'aide aux victimes.

Il convient, tout d'abord, de relever une amélioration des délais de traitement des demandes d'AJ par les bureaux d'AJ (BAJ). Ainsi, alors qu'en 2009 18 % des BAJ dépassaient le délai cible de deux mois et que ce taux avait augmenté en 2010 (23 %), il est redescendu à 19 % en 2011 et la prévision actualisée pour 2012 est de 12 % (la prévision pour 2013 est identique).

L'effort de maîtrise du coût de gestion des dossiers d'AJ peine en revanche à faire pleinement sentir ses effets . En effet, le coût de traitement d'un dossier était de 17,09 euros en 2009, de 17,39 euros en 2010 et de 17,45 euros en 2011. En prévision actualisée pour 2012, cette charge devrait se situer encore à 17 euros. L'objectif du programme consiste à faire passer ce coût sous la barre des 17 euros l'année prochaine, ce qui n'a pas été réalisé au cours du présent exercice.

En outre, le « taux de mise en recouvrement des frais avancés par l'Etat au titre de l'AJ » enregistre une performance très médiocre en 2012 (comme en 2011) : 5 % en prévision actualisée. Le projet annuel de performances précise que « la dégradation du taux de mise en recouvrement en 2011 résulte des délais de mise en oeuvre de la réforme de la procédure de recouvrement - qui soumet le recouvrement en matière d'aide juridictionnelle aux règles de recouvrement régissant les produits divers de l'Etat - et notamment de la stabilisation par la DGFIP (avril 2011) de la circulaire relative au recouvrement des dépenses d'aide juridictionnelle et au circuit de rétablissement de crédits ». Cette explication vaut pour 2011, mais pas pour 2012. Il convient de rappeler que l'article 74 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 ayant aligné les modalités de recouvrement de l'AJ sur celles des produits divers de l'Etat 59 ( * ) , il en était espéré une amélioration du taux de recouvrement en 2012.

Le reversement au budget général des montants recouvrés, à compter de 2013 ( cf. supra ), ne doit pas avoir pour conséquence un relâchement de l'attention s'agissant des mises en recouvrement .

Concernant l'aide apportée aux victimes, l'indice de satisfaction des victimes d'infraction se stabilise à un niveau de 70 % (en réalisation pour 2011, en prévision actualisée pour 2012 et en cible pour 2013). Votre rapporteur spécial considère toutefois qu'en la matière des marges de progrès doivent encore pouvoir être exploitées .


* 55 Votre commission, en application de l'article 58-2° de la LOLF, a demandé à la Cour des comptes une enquête sur la gestion de l'AJ par les CARPA. Une audition « pour suite à donner » à cette enquête s'est déroulée le 29 octobre 2008, qui a donné lieu à un rapport d'information n° 63 (2008-2009), « Vers un regroupement des caisses de règlements pécuniaires des avocats ? ».

* 56 Ce numéro offre une écoute et une orientation personnalisée, 7 jours sur 7, de 9 h à 21 h. Il est géré par l'institut national d'aide aux victimes et de médiation (INAVEM) et subventionné en majorité par le ministère de la justice et des libertés.

* 57 Loi n° 2002-305 du 2 mars 2002 sur l'autorité parentale et loi n° 2004-439 du 26 avril 2004 sur le divorce.

* 58 Depuis le 1 er janvier 2007 et afin d'assurer une meilleure gestion des personnels des services judiciaires, les ETPT servant le présent programme sont portés par le programme « Justice judiciaire ».

* 59 Cf . rapport général n° 111 (2010-2011), Philippe Marini.