M. Edmond HERVÉ, rapporteur spécial

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE
RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LE PROGRAMME 335
« CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE »

- La création de ce programme en 2012 a permis de conforter l'indépendance du Conseil supérieur de la magistrature (CSM).

- Ce progrès ne doit toutefois pas pâtir, dans sa mise en oeuvre pratique, des aléas liés aux contraintes de l'architecture du système Chorus .

- Le programme « Conseil supérieur de la magistrature » est doté de 8,4 millions d'euros en autorisations d'engagement (+ 133,3 % par rapport à 2012) et de 4,6 millions d'euros en crédits de paiement (+ 32,1 % par rapport à 2012) pour l'exercice 2013. Cette forte progression des crédits s'explique par la problématique immobilière propre au CSM.

- Ses missions se prêtent mal à la mesure de la performance , telle que l'entend la LOLF. On peut toutefois indiquer que le délai de traitement des plaintes des justiciables se voit fixer une cible de 120 jours en 2013.

VII. LE PROGRAMME 335 « CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE »

A. L'INDÉPENDANCE CONFORTÉE DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE (CSM)

Le programme 335 « Conseil supérieur de la magistrature » a été créé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012. En effet, jusqu'alors, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) ne correspondait qu'à une action au sein du programme « Justice judiciaire ».

Le choix initialement fait par l'Exécutif s'expliquait par des contingences liées à la LOLF, la surface financière réduite du budget de cette institution (4,6 millions d'euros pour 2013) n'incitant pas à la création d'un programme spécifique.

Pour autant, il pouvait également sembler paradoxal de soumettre les décisions budgétaires prises concernant le CSM à l'aval du responsable du programme « Justice judiciaire », soit le directeur des services judiciaires . Telle était pourtant la logique induite par l'effet combiné de la LOLF et du choix initial de l'Exécutif.

L'article 9 de la loi organique n° 2010-830 du 22 juillet 2010 relative à l'application de l'article 65  de la Constitution précisant que « l'autonomie budgétaire du Conseil supérieur est assurée dans les conditions déterminées par une loi de finances », la création du présent programme permet de mettre en oeuvre la disposition votée par le législateur organique afin d'assurer l'autonomie budgétaire de cette institution. Elle conforte l'indépendance du CSM .

Votre rapporteur spécial se félicite de cette création et rappelle qu'elle correspondait à un voeu exprimé depuis 2010 par votre commission .

Ce progrès dans l'indépendance budgétaire du CSM ne doit toutefois pas souffrir, dans sa mise en oeuvre pratique, des aléas liés aux contraintes de l'architecture du système d'information financière Chorus . Il apparaît en effet que, du fait de sa faible surface financière, le CSM est rattaché à la plate-forme Chorus de la direction des services judiciaires (DSJ), de même d'ailleurs que la Cour de cassation.

En 2012, des retards de paiement ont été générés en raison du rythme de mise en paiement par le service facturier relevant du ministère des finances, malgré les efforts déployés par ce service. Le Conseil doit donc prendre en considération le risque de devoir supporter, sur le budget de l'année à venir, des charges à payer liées au retard pris dans le paiement des factures. Une telle situation n'est pas satisfaisante car elle peut aboutir à limiter l'autonomie financière du CSM.

Votre rapporteur spécial reste attentif à ce que le CSM ne soit pas dépossédé, dans les faits, d'une autonomie budgétaire dont le Conseil jouit de droit .

B. UN PROGRAMME MONO-ACTION

Le programme « Conseil supérieur de la magistrature » présente la spécificité de ne comporter qu'une seule action, l'action 1 « Conseil supérieur de la magistrature ». Cette spécificité tient à la particularité de la mission de cette institution , résumée par trois « défis » dans la présentation stratégique proposée par le projet annuel de performances.

Le premier défi consiste à contribuer à la continuité du fonctionnement de l'institution judiciaire par des nominations rapides et de qualité . Le CSM s'assure de la haute qualité des nominations de magistrats, selon des critères de professionnalisme et d'adéquation du profil à la fonction. Il veille à ce que ces nominations interviennent dans un délai réduisant au maximum le temps de vacance d'un poste.

A cet égard, la mise en oeuvre de la réforme de l'article 65 de la Constitution par la loi n° 2008-274 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la V ème République, offre au Conseil des possibilités nouvelles, marquées par le pouvoir qui lui est dorénavant confié de fixer son propre ordre du jour. L'année 2013, dans la continuité de 2012, devrait ainsi être marquée par cette souplesse de fonctionnement , propre à réduire des délais de vacances de postes parfois importants.

Le deuxième défi est d' assurer la transparence de l'exercice de l'autorité judiciaire tout en garantissant le respect de son indépendance . De ce point de vue, la présentation stratégique du présent programme précise qu'« il est nécessaire que le dispositif de traitement des plaintes des justiciables, résultant de la réforme constitutionnelle, permette un traitement dans un délai raisonnable de ces réclamations ».

Le troisième défi, pour garantir la continuité du fonctionnement de l'institution judiciaire et la transparence de son exercice, correspond à la volonté d' assurer un niveau élevé d'activité des membres du CSM en optimisant la gestion de l'institution .

C. UN BUDGET DE 4,6 MILLIONS D'EUROS EN CRÉDITS DE PAIEMENT POUR 2013

Le programme « Conseil supérieur de la magistrature » est doté de 8,4 millions d'euros en autorisations d'engagement (soit + 133,3 % par rapport à 2012) et de 4,6 millions d'euros en crédits de paiement (soit + 32,1 % par rapport à 2012) pour l'exercice 2013.

La forte progression des crédits du CSM s'explique par la problématique immobilière qui lui est propre.

Le siège du CSM a été transféré , à compter du 1 er mai 2011, du 15, quai Branly (où il était installé depuis 1953), dans des locaux dépendant des services du Premier ministre, au 20, avenue de Ségur (7 ème arrondissement de Paris). Pour cet immeuble, le Conseil ne s'acquitte que des charges pour un montant annuel de 60 000 euros environ.

Si la convention d'occupation fixe un terme au 31 décembre 2012, le CSM a été informé (par France Domaine) que cette occupation se prolongera au moins jusqu'au 30 juin 2013 . Le maintien du Conseil en ces lieux semble dépendre de la décision d'entreprendre de profonds travaux de rénovation dans l'immeuble du 20, avenue de Ségur.

En raison de cette incertitude quant au maintien dans les locaux actuels, l'éventualité d'un transfert du siège du Conseil, dès le début de l'année 2013, été prise en compte.

Le CSM ayant vocation en 2018 à s'installer durablement dans une des parties des locaux laissés vacants par le TGI de Paris, le calcul a été effectué sur la base d'un bail ferme de 5 ans, ce qui justifie que le loyer 74 ( * ) équivaut à 3,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 772 771 euros en crédits de paiements pour l'année 2013.

Parallèlement ont été calculés, sur trois ans, les marchés afférant au fonctionnement de ces locaux (nettoyage, gardiennage, maintenance et contrôle réglementaire), ainsi que le coût du déménagement et l'aménagement des locaux, d'un montant total de 1,2 million d'euros en autorisations d'engagement et de 450 121 euros en crédits de paiements pour l'année 2013.

En conclusion, si le CSM n'a pas de visibilité quant à son maintien, durant l'année 2013, sur le site du 20, avenue de Ségur, son budget a, par précaution , pris en compte l'éventualité d'un tel transfert.

Les dépenses de personnel progressent, en revanche, de 9,9 % en passant de 2,4 millions d'euros en 2012 à 2,7 millions d'euros en 2013. Ces dépenses représentent 58,8 % du budget total du CSM

En 2012, le plafond d'emplois de l'institution était fixé à 22 ETPT , soit 9 ETPT supplémentaires par rapport à 2011 75 ( * ) . Ce plafond reste inchangé en 2013.

D. LA PERFORMANCE DU CSM EST-ELLE MESURABLE ?

Ainsi que le souligne la présentation stratégique du programme figurant dans le projet annuel de performances, « le Conseil supérieur de la magistrature exerce principalement une mission de conseil de l'Etat, dont la mesure en termes de performance n'est pas aisée . L'indicateur le plus pertinent pour mesurer sa performance serait en effet un indicateur de qualité des nominations, lequel est difficile à construire et à documenter. Aussi, les indicateurs (...) ne reflètent que partiellement la mission principale du Conseil ».

Trois indicateurs ont néanmoins étaient retenus.

Le premier mesure le « délai utile d'examen des propositions de nomination du garde des Sceaux » et la prévision pour 2013 s'établit à 80 jours (soit un délai égale à celui mesuré en prévision actualisée pour 2012), tant pour les magistrats du siège que pour ceux du parquet. Le délai utile commence à courir à compter du moment où le délai de recours contre les propositions de nomination est expiré. Il s'agit ainsi d'atteindre un délai d'examen des propositions formulées par le garde des Sceaux respectant la nécessité d'assurer un traitement approfondi de la demande, tout en permettant que la proposition soit examinée dans un délai réduit, de nature à éviter des vacances de postes.

Le deuxième indicateur s'attache à rendre compte du « délai d'examen de recevabilité des plaintes des justiciables » , avec une cible de 120 jours pour 2013 (identique à la prévision actualisée pour 2012).

Le troisième et dernier indicateur met en évidence la « dépense de fonctionnement par membre » qui est, selon la prévision actualisée, de 46 894 euros en 2012.


* 74 Calculé selon les normes de France Domaine.

* 75 Cette augmentation provenait d'un transfert de 6 ETPT, précédemment portés par l'action 3 « Cassation » du programme « Justice judiciaire » mais qui exerçaient déjà de fait leur mission pour le compte du CSM. Par ailleurs, la création de 3 ETPT (un secrétaire général adjoint, un greffier et deux agents non titulaires recrutés pour six mois) résultait de la décision de renforcer le Conseil afin de mettre en oeuvre, dans les meilleures conditions, la loi organique précitée du 22 juillet 2010 relative à l'application de l'article 65 de la Constitution (du fait de cette réforme, le CSM est passé de quinze à vingt deux membres, il a créé un département disciplinaire ainsi qu'un département de gestion des plaintes du justiciable).