M. Jean-Claude FRECON, rapporteur spécial

II. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « ACCORDS MONÉTAIRES INTERNATIONAUX »

Le compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux » est dédié à la coopération monétaire avec la zone franc . Il est destiné à garantir, en tant que de besoin, l'ancrage de la parité du taux de change sur l'euro et la garantie de convertibilité illimitée. A cet effet, il retrace, en recettes et en dépenses, les opérations d'octroi et de remboursement des appels en garantie de convertibilité effectuées par le Trésor au profit des banques centrales liées à la France par un accord monétaire international.

Conformément à l'article 24 de la LOLF, la mission « Accords monétaires internationaux » a vocation à être dotée de crédits évaluatifs. Toutefois, eu égard aux niveaux importants de réserves détenues par les banques centrales de la zone franc et à la très faible probabilité d'appel en garantie de l'Etat qui en résulte, cette mission n'est dotée d'aucun crédit pour 2014, comme les années précédentes . En conséquence, elle ne fait pas l'objet d'un PAP annexé au présent PLF, de même qu'elle n'a pas fait celui, notamment, d'un RAP joint au projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour 2012.

III. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PARTICIPATION DE LA FRANCE AU DÉSENDETTEMENT DE LA GRÈCE »

A. LA CRÉATION DU COMPTE PAR LA SECONDE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2012

Créé par l'article 21 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012, le compte d'affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce » retrace :

- en recettes , le produit de la contribution spéciale versée par la Banque de France au titre de la restitution des revenus qu'elle a perçus sur les titres grecs détenus en compte propre ;

- en dépenses, le versement de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet Etat de ces revenus (faisant l'objet du programme 795), et les rétrocessions éventuelles d'éventuels trop-perçus à la Banque de France (inscrites au programme 796) 24 ( * ) . Le projet annuel de performances précise que « le versement annuel à la Grèce sur le compte bloqué pour le service de la dette est conditionné au respect par l'Etat grec de ses engagements dans le cadre de son programme d'assistance financière ».

Dans le PLF 2014, le programme 795 « Versement de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet Etat des revenus perçus par la Banque de France sur les titres grecs détenus en compte propre » est renommé « Versement de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet Etat des revenus perçus sur les titres grecs », suite à la décision de l'Eurogroupe du 26 novembre 2012, détaillée ci-après.

B. UN DISPOSITIF S'INSCRIVANT DANS LE CADRE DES PROGRAMMES D'AIDE À LA GRÈCE

1. Deux programmes d'aide à la Grèce

La Grèce a bénéficié de deux programmes d'aide.

Le premier programme, à hauteur de 107,3 milliards d'euros , a consisté en des prêts bilatéraux décidés par l'Eurogroupe le 2 mai 2010, complétés par des prêts du FMI ; il s'est réparti entre 77,3 milliards d'euros apportés par les Etats de la zone euro et 30 milliards d'euros pour le FMI.

Le second programme s'élève à 130 milliards d'euros de prêts publics en 2012-2014 (dont 120 milliards pour le FESF). Il prévoit également une participation du secteur privé comprenant :

- une décote de 53,5 % sur la dette négociable (soit plus de 100 milliards d'euros sur un total de 200 milliards) ;

- pour la centaine de milliards d'euros restants, un échange le 12 mars 2012 par le secteur privé des titres existants contre des titres à très long terme, à des taux plus faibles ;

- au total, des pertes actualisées de plus de 70 % (contre 21 % pour le programme annoncé en juillet 2011).

En outre, le second programme a comporté également deux autres dispositifs :

- une réduction supplémentaire rétroactive des taux d'intérêt du dispositif de prêts bilatéraux à la Grèce ;

- le reversement par les Etats membres à la Grèce des revenus futurs tirés jusqu'en 2020 par leurs banques centrales de leurs obligations souveraines grecques, qui fait l'objet du présent compte d'affectation spéciale , pour un coût total estimé à 4 milliards d'euros.

Le compte a été ouvert à compter du 1 er septembre 2012, jusqu'à la fin prévue de ces remboursements, le 31 décembre 2020.

2. L'accord du 26 novembre 2012 ayant entraîné une modification de l'intitulé du programme 795

Le programme 795 « Versement de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet Etat des revenus perçus sur les titres grecs » a été ainsi requalifié en conséquence de la décision de l'Eurogroupe, le 26 novembre 2012, de rétrocéder à la Grèce un montant équivalent aux profits perçus par les banques centrales nationales sur les titres obligataires grecs achetés sur le marché secondaire, au titre du « programme pour les marchés de titres » (plus connu sous son acronyme anglais SMP, pour Securities Market Program ). Les banques centrales nationales reverseront aux Etats membres les revenus qu'elles perçoivent au titre de ces profits réalisés, au prorata de leur quote-part au capital de la BCE (environ 20 % pour la Banque de France), revenus ensuite restitués à la Grèce.

Par ailleurs, l'accord du 26 novembre 2012 a prévu le rachat par la Grèce de créances obligataires décotées, afin de réduire son endettement à l'égard du secteur privé, et le rééchelonnement des prêts bilatéraux et des prêts consentis par le FESF sur une durée supplémentaire de quinze ans et une nouvelle baisse du taux d'intérêt sur les prêts bilatéraux de 100 points de base.

Le Gouvernement a ainsi décidé de mettre en oeuvre cet accord en 2013 en recourant au présent compte d'affectation spéciale, dont l'objet est comparable, et en a informé les commissions des finances.

Le rapport présenté par le Gouvernement en vue du débat d'orientation des finances publiques (DOFP) au mois de juillet 2013 traduisait cette décision, en modifiant l'intitulé du programme 795, de manière à englober à la fois les reversements de la Banque de France correspondant à ses revenus issus de titres qu'elle détient en compte propre et ceux issus de titres détenus au titre du portefeuille SMP.

C. LES PRÉVISIONS DE RECETTES ET DE DÉPENSES : UN SOLDE EN DÉFICIT EN 2014 ET REVENANT À L'ÉQUILIBRE EN 2021

Selon l'évaluation préalable de l'article 21 de la seconde loi de finances rectificative pour 2012, faisant suite à la convention signée entre l'Etat et la Banque de France le 3 mai 2012, « la Banque de France versera à l'Etat l'intégralité du montant décidé par l'Eurogroupe, dont une première tranche de 198,7 millions d'euros en 2012 et l'intégralité du solde en 2013.

« Les décaissements du CAS au profit de la Grèce s'étaleront jusqu'en 2020 conformément au calendrier arrêté par l'Eurogroupe. Celui-ci consiste en un premier versement de 198,7 millions d'euros en 2012, puis de versements annuels jusqu'en 2020 pour atteindre à cette date, en cumulé, le montant de 754,3 millions d'euros ».

Ainsi, toujours selon l'évaluation préalable de l'article 21 de la seconde loi de finances rectificative pour 2012, « l'impact de ce nouveau CAS sur le déficit budgétaire annuel de l'Etat sera neutre en 2012, positif en 2013 pour environ 400 millions d'euros, puis négatif sur la période 2014-2020 pour ce même montant cumulé ».

Le compte d'affectation spéciale ne pourra pas lui-même être en déficit chaque année à compter de 2014. En effet, l'article 21 de la LOLF prévoit qu'« en cours d'année, le total des dépenses engagées ou ordonnancées au titre d'un compte d'affectation spéciale ne peut excéder le total des recettes constatées ». En pratique, les « recettes constatées » comprennent le solde du compte en début d'année.

Aux termes de la seconde convention entre l'Etat et la Banque de France, conclue le 26 juin 2013, et qui met en oeuvre l'accord du 26 novembre 2012, la rétrocession au compte d'affectation spéciale des revenus des titres détenus au portefeuille SMP porte sur un montant total de 2,06 milliards d'euros au cours de la période 2013-2025. La convention prévoit que la Banque procèdera à un versement annuel du montant des revenus perçus dans l'année, selon un échéancier annexé à la convention.

En combinant la mise en oeuvre des conventions du 3 mai 2012 et du 26 novembre 2012, le solde du compte d'affectation spéciale évolue donc conformément à la chronique ci-après : en 2014, les recettes du CAS s'élèvent ainsi à 399 millions d'euros et les dépenses à 500,8 millions d'euros, soit un solde de - 101,8 millions d'euros. La diminution progressive des recettes et l'augmentation parallèlement des dépenses conduiront à un solde nul à horizon 2021 (hors impact pour l'Etat du moindre dividende de la Banque de la France).

Le solde du compte d'affectation spéciale

(en millions d'euros)

NB : Ce tableau fait l'hypothèse que les versements de la Banque de France au titre du programme SMP seront identiques au montant des décaissements par le CAS, en ligne avec le commentaire du PAP selon lequel « l'impact du compte sur le déficit budgétaire de l'Etat sera donc nul chaque année ».

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Interrogé en ce qui concerne l'incidence de ces versements de la Banque de France sur le dividende qu'elle verse chaque année à l'Etat, le Gouvernement a formulé les observations suivantes, en reconnaissant la difficulté à mesurer cet impact dans un contexte financier toutefois favorable pour la Banque de France :

« L'impact des versements au CAS sur le dividende perçu par l'Etat est difficilement mesurable bien que réel. Il convient cependant de noter que, dans le contexte d'une hausse sensible du résultat financier de la Banque (7,068 milliards d'euros en 2011 et 9,61 milliards d'euros en 2012), il a été possible de concilier à la fois l'abondement au CAS et le versement d'un dividende conséquent à l'Etat. Ainsi, en 2013, le montant du dividende s'est établi en forte hausse, passant à 1 381 millions d'euros après 877 millions d'euros en 2012 » 25 ( * ) .


* 24 Ces rétrocessions de trop-perçus concerneraient le cas où, la Grèce ne respectant pas les conditionnalités de l'aide, la France serait amenée à cesser ses versements.

* 25 Source : réponse au questionnaire budgétaire.