MM. Thierry FOUCAUD et Claude HAUT, rapporteurs spéciaux

PREMIÈRE PARTIE : LA MISE EN oeUVRE DE LA LOI DE REFONDATION DE L'ÉCOLE

Avant d'étudier les crédits de la mission « Enseignement scolaire » au sein du projet de loi de finances pour 2014, vos rapporteurs spéciaux ont souhaité, comme les années passées, replacer l'examen des moyens budgétaires dans le contexte de la politique éducative. Poser la question de l'avenir de notre école les avait conduit à souligner les échecs de la politique menée par le précédent Gouvernement, tant en termes d'amélioration des résultats des élèves que de gestion des ressources humaines.

Aujourd'hui, une priorité nouvelle a été accordée à la jeunesse. Le lancement d'une vaste concertation ayant conduit à l'adoption de la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République 1 ( * ) a témoigné de sa volonté de replacer l'éducation au coeur de l'action gouvernementale.

Après un rappel du contexte d'adoption de la loi d'orientation et de programmation, deux politiques publiques seront plus particulièrement examinées : la mise en oeuvre de la réforme des rythmes scolaires, et les réseaux d'aide spécialisée aux élèves en difficulté (RASED), qui ont donné lieu à un contrôle budgétaire de vos rapporteurs spéciaux au premier semestre 2013.

I. LES AMBITIONS NOUVELLES DE LA LOI D'ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION POUR LA REFONDATION DE L'ÉCOLE

A. UN CHANGEMENT DE CAP ENGAGÉ DÈS LE PRINTEMPS 2012

Une des premières décisions prises par le Gouvernement a été, par un décret du 27 juin 2012, de procéder à la revalorisation de l'allocation de rentrée scolaire (ARS), qui n'est pas financée sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire » mais est à la charge de la branche « famille » du budget de la sécurité sociale.

L'ARS est versée, sous conditions de ressources, aux familles ayant au moins un enfant scolarisé et âgé de 6 à 18 ans. Elle est fixée en pourcentage de la base mensuelle de calcul des allocations familiales, pour chacune des trois tranches d'âge définies par le code de la sécurité sociale. La revalorisation intervenue en 2012, à hauteur de 25 %, représente un coût annuel de près de 400 millions d'euros.

La loi de finances rectificative du 16 août 2012 a ensuite abondé les crédits de la mission « Enseignement scolaire » de 89,5 millions d'euros. Ces moyens supplémentaires ont permis de recruter dès la rentrée 2012 :

- 1 000 professeurs des écoles ;

- 100 conseillers principaux d'éducation ;

- 1 500 auxiliaires de vie scolaire individualisés au service des élèves handicapés ;

- 2 000 assistants d'éducation qui assurent l'accompagnement des élèves ;

- 500 agents chargés de la prévention et de la sécurité scolaire dans les établissements en difficulté ;

- ainsi que 50 emplois dans l'enseignement technique agricole.

La priorité ainsi donnée au rétablissement des moyens humains du service public de l'éducation , détaillée dans la deuxième partie du présent rapport, vise à permettre un meilleur encadrement des élèves, ainsi qu'à tenir compte d'une augmentation des effectifs scolarisés :

- dans le premier degré, à hauteur de 34 200 élèves supplémentaires pour la rentrée 2013 et 32 000 pour la rentrée 2014, représentant des hausses annuelles de 0,5 % pour des effectifs scolarisés s'élevant à 6,7 millions d'élèves ;

- dans le second degré, à hauteur de 38 200 élèves supplémentaires pour la rentrée 2013 (+ 0,7 %) et 13 500 pour la rentrée 2014 (+ 0,2 %), pour des effectifs scolarisés s'élevant à 5,8 millions d'élèves.

B. LE RÉTABLISSEMENT DES POSTES SUPPRIMÉS SOUS L'ANCIENNE LÉGISLATURE : UN CIBLAGE DES CRÉATIONS D'EMPLOIS POUR RÉDUIRE LES INÉGALITÉS SOCIALES ET TERRITORIALES

En stabilisant le nombre d'emplois publics, le Gouvernement s'engage dans une nouvelle politique de l'emploi public, après la suppression de 147 000 ETPT 2 ( * ) en exécution de 2008 à 2012 (hors impact de la seconde loi de finances rectificative du 16 août 2012).

Ces baisses d'effectifs ont tout particulièrement mis à contribution l'éducation nationale, où les suppressions d'emplois se sont élevées à 65 600 ETPT, comme détaillé dans le tableau ci-après.

Evolution des emplois par ministère (2008-2012, hors LFR du 16 août 2012)

(en ETPT)

Source : ministère du budget

L'objectif du Gouvernement est de procéder à une stabilisation des effectifs sur l'ensemble de la durée du quinquennat . Ainsi, les créations de postes dans les ministères prioritaires - dont 55 000 sur 5 ans pour la mission « Enseignement scolaire » (se répartissant entre 54 000 postes pour les programmes relevant du ministère de l'éducation nationale et 1 000 postes dans l'enseignement technique agricole) - sont gagées par des suppressions de postes à due concurrence dans les missions non prioritaires.

Ce renforcement des moyens s'inscrit dans une perspective de réduction des disparités sociales et territoriales , en ciblant les créations de postes dans les territoires dits fragiles, suivant une définition relativement souple qui doit permettre une adaptation aux contextes locaux dans la déclinaison des objectifs par académie. Le rétablissement d'une formation initiale des maîtres donne lieu à des effectifs dédiés. En outre, la priorité est accordée au premier degré, à une étape de la scolarisation où se cristallisent les inégalités scolaires.

La répartition des 54 000 emplois créés au ministère de l'éducation nationale dans la loi d'orientation et de programmation

(en ETP)

Réforme de la formation initiale

27 000

dont enseignants stagiaires

26 000

dont enseignants titulaires formateurs

1 000

Enseignants titulaires

21 000

dont premier degré (public et privé)

14 000

Scolarisation des enfants de moins de 3 ans

3 000

Renforcement de l'encadrement pédagogique dans les zones difficiles

7 000

Amélioration de l'équité territoriale interacadémique

4 000

dont second degré (public et privé)

7 000

Collèges en difficultés professionnelles et lycées professionnels : lutte contre le décrochage

4 000

Amélioration de l'équité territoriale interacadémique

3 000

Accompagnement des élèves en situation de handicap, conseillers principaux d'éducation, personnels administratifs, médico-sociaux, vie scolaire

6 000

TOTAL

54 000

Source : rapport annexé à la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école

C. L'ÉVALUATION ET LA MODERNISATION DE L'ACTION PUBLIQUE : DES LEVIERS DE RATIONALISATION DES DÉPENSES

Le programme ministériel de modernisation et de simplification (PMMS) de l'Education nationale s'inscrit dans le contexte de la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République du 8 juillet 2013 en en reprenant les objectifs.

Le PMMS se décline en deux volets : améliorer le service aux citoyens et aux usagers, ainsi que le fonctionnement et l'organisation des administrations.

Pour améliorer le service aux usagers et partenaires de l'école, particuliers comme entreprises, le PMMS vise à :

- simplifier les démarches et mettre à la disposition de la communauté éducative de nouveaux services en ligne ;

- poursuivre un travail en profondeur visant à dématérialiser certaines procédures et les outils qui les portent, du livret scolaire pour les élèves et leurs parents aux conventions de stage pour les entreprises, et à moderniser et simplifier les échanges avec les citoyens par un travail sur le traitement des courriers ;

- simplifier des processus et des normes pour permettre aux personnels de se concentrer sur leur coeur de mission.

S'agissant de l'amélioration du fonctionnement et de l'organisation des administrations, la poursuite de cet objectif suit deux axes :

- accroître le périmètre de responsabilité des acteurs déconcentrés et améliorer la coordination entre l'Etat et les collectivités locales ; à cet égard, le ministère estime que « les évolutions qui se profilent dans le positionnement des services déconcentrés représentent une opportunité pour renforcer les missions de pilotage pédagogique du directeur académique des services départementaux de l'éducation nationale (DASEN) » 3 ( * ) ;

- moderniser et professionnaliser les fonctions support, en opérant :

. la refonte des systèmes d'information et la mutualisation de compétences ministérielles ou interministérielles, notamment dans le domaine des ressources humaines et dans le domaine financier ;

. l'enrichissement de l'animation des filières métier ;

. l'encouragement et la valorisation de l'innovation des agents ;

. l'anticipation des conséquences des nouvelles missions et des nouvelles organisations sur les compétences et les profils.

Parallèlement au PMMS, l'éducation nationale procède à une évaluation des politiques publiques, dans le cadre de la modernisation de l'action publique (MAP).

Pour 2013, le ministère de l'éducation nationale a choisi de lancer l'évaluation de quatre politiques publiques :

- la scolarisation des enfants en situation de handicap,

- l'éducation prioritaire,

- la lutte contre le décrochage (cf. infra ),

- les relations entre l'école et l'entreprise, cette évaluation devant être engagée en fin d'année.

S'agissant de l'éducation prioritaire , selon les données du ministère de l'éducation nationale, « la France est aujourd'hui classée 27 ème sur les 34 pays de l'OCDE pour ce qui est de l'équité de son système éducatif. Dans ce contexte, la politique d'éducation prioritaire, qui a un peu plus de trente ans, est interrogée quant à sa pertinence et aux résultats obtenus.

« A ce stade, les éléments de diagnostic mené dans le cadre de la MAP sont les suivants.

« L'éducation prioritaire bénéficie de moyens supplémentaires évalués à près de 1,1 milliard d'euros. Ce supplément de dotation qui représente 1,8 % du budget du ministère de l'éducation 4 ( * ) , est essentiellement consacré à la diminution du nombre d'élèves par classe, à des indemnités versées aux personnels et à la mise en place de dispositifs d'accompagnement.

« La carte de l'éducation prioritaire n'a cessé de s'étendre, au point de concerner aujourd'hui 18 % des écoliers et 20 % des collégiens, sans évolution de son adéquation supposée avec les difficultés scolaires et sociales rencontrées.

« Malgré les efforts, les mesures mises en oeuvre n'ont pas répondu aux attentes. Globalement, les résultats des élèves de l'éducation prioritaire sont stables dans le premier degré et en baisse dans le second degré. Ils sont inégaux selon les académies et les réseaux.

« Ont aussi été identifiées des réussites remarquables dans de nombreux territoires, mais insuffisamment connues. Les observations conduites dans des écoles et établissements en réussite, les comparaisons internationales et la recherche valident pourtant un certain nombre de leviers particulièrement efficaces .

« Sur la base de ce diagnostic, le Gouvernement a décidé de maintenir la politique d'éducation prioritaire dans un esprit de justice sociale et d'équité, mais d'en repenser les modalités. Outre les mesures issues de la « refondation de l'école de la République », la réforme reposera sur quatre axes :

- l'évolution des pratiques pédagogiques et éducatives ;

- le renforcement de l'accompagnement et de la formation des personnels ;

- le renforcement du pilotage de la politique ;

- la révision des modes d'allocation des moyens.

« Les travaux d'évaluation se concentrent actuellement sur les différents scénarios de transformation envisageables. Ces derniers seront notamment discutés lors des assises de l'automne 2013 associant largement les acteurs. Un rapport final sera établi pour décembre 2013 ou janvier 2014 » 5 ( * ) .

Si ce constat ne peut qu'être partagé, les solutions fondées sur un ciblage des aides sur les zones les plus prioritaires et une évolution des pratiques pédagogiques requerront un nécessaire consensus et la mise en place d'outils d'évaluation communs fiables. En outre, au regard de ces objectifs, vos rapporteurs spéciaux expriment leur souhait d'être informés de l'évolution des travaux d'évaluation en temps réel, et pas seulement lors de la discussion des crédits ou dans le cadre de missions de contrôle budgétaire.


* 1 Loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013.

* 2 Equivalent temps plein travaillé.

* 3 Source : réponse au questionnaire budgétaire.

* 4 Souligné par vos rapporteurs spéciaux.

* 5 Réponse au questionnaire budgétaire.