M. Claude BELOT, rapporteur spécial

III. LE PROGRAMME 334 « LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES »

Le programme 334 se compose de deux actions :

- « Livre et lecture » (action 1) , divisée en quatre sous-actions : Bibliothèque nationale de France (BnF) ; Quadrilatère Richelieu ; développement de la lecture et des collections ; éditions, librairie et professions du livre.

- « Industries culturelles » (action 2) , composée de trois sous-actions : soutien dans le domaine de la musique enregistrée ; soutien dans le domaine du cinéma ; Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI).

A. UNE ÉVOLUTION DIFFÉRENCIÉE DES AUTORISATIONS D'ENGAGEMENT ET DES CRÉDITS DE PAIEMENT

Les ressources consacrées, en 2014, au programme 334, s'élèveront à 316 millions d'euros en AE et 262 ,2 millions d'euros en CP , soit une évolution respective de + 21,5 % et de - 2 % par rapport à 2013.

Par ailleurs, l'évolution générale des crédits du programme occulte des disparités entre les deux actions . En effet, les autorisations d'engagement de l'action 1 connaîtront une hausse de 23,3 %, tandis que l'action 2 subira une réduction de plus de 15 % de ses dotations (AE=CP).

Dans le détail, l'action 1, qui regroupe 96,7 % des ressources du programme, sera dotée de 305,5 millions d'euros en AE et 251,7 millions d'euros en CP. L'action 2, qui représente 3,3 % des crédits du programme, disposera quant à elle de 10,5 millions d'euros en AE et en CP.

Le décalage entre le montant des autorisations d'engagement et celui des crédits de paiement concerne l'action 1 et s'explique par le degré d'avancement du chantier de rénovation du Quadrilatère Richelieu (cf. infra).

B. LES ACTIONS EN FAVEUR DU LIVRE ET DE LA LECTURE

En 2014, les principaux enjeux pour le livre et la lecture tiendront à :

- la mise en oeuvre des orientations stratégiques définies dans le cadre du nouveau contrat de performance pour la période 2014-2016 de la Bibliothèque nationale de France (BnF), en cours d'élaboration ;

- la poursuite de la mise en oeuvre des actions prioritaires engagées depuis 2011 en faveur du développement de la lecture, au niveau central avec la poursuite du projet de rénovation de la Bibliothèque publique d'information et au niveau déconcentré (contrats territoire lecture) ;

- la mise en oeuvre des préconisations du plan librairie 7 ( * ) annoncé par la ministre le 25 mars 2013 ;

- la poursuite de l'adaptation aux enjeux du numérique du cadre normatif applicable à l'économie du livre 8 ( * ) .

1. La Bibliothèque nationale de France subit une baisse de sa dotation

Pour financer les mesures de titularisation prévues par la loi dite « Sauvadet », une ouverture de crédits d'un montant de 3,7 millions d'euros est inscrite en 2014. Ce montant étant intégré en base à la subvention de fonctionnement de la Bibliothèque nationale de France (BnF), celle-ci augmente de ce fait, entre 2013 et 2014, de 0,44 %.

Hors compensation de l'impact prévisionnel de la loi Sauvadet, les crédits de l'établissement subiront une baisse globale de 1,53 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2013 (- 2,8 millions d'euros en fonctionnement, et - 0,33 million d'euros en investissement).

De surcroît, le plafond d'emploi de l'opérateur diminue de 29 équivalents temps plein (ETP) par rapport à l'année dernière.

La BnF participe donc à l'effort de maîtrise des dépenses.

2. Le chantier de rénovation de la BnF devra être suivi avec attention

La sous-action 2 « Quadrilatère Richelieu » sera dotée de 63,9 millions d'euros en AE et 10,2 millions d'euros en CP d'investissement. Pour mémoire, cette sous-action retrace les crédits nécessaires à la rénovation complète du site historique de la BnF , dont la phase des travaux est prévue de 2011 à 2017. Ce chantier représente pour l'État une charge globale réévaluée à 217,8 millions d'euros en 2014, contre 212 millions d'euros l'an dernier , dont 141,5 millions sont imputés sur le programme 334 (contre 125,63 millions d'euros dans l'estimation 2013).

Le Quadrilatère Richelieu

La rénovation du quadrilatère Richelieu, site historique de la BNF, constitue une des priorités des grands projets immobiliers du ministère de la culture et de la communication. Ce chantier d'envergure, dont la phase des travaux est prévue de 2011 à 2017, représente pour l'État un investissement de 212 millions d'euros, dont 171 millions d'euros la charge de la Culture et 40 millions d'euros à la charge de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.

Étroitement lié à l'installation des bibliothèques de l'Institut national d'histoire de l'art (INHA) et de l'École nationale des Chartes, le projet Richelieu a pour objectif de mieux assurer la sécurité des personnes et des biens et la sûreté des collections patrimoniales. Il s'agit également de renouveler et de moderniser les services offerts aux publics pour constituer un grand pôle de ressources en histoire de l'art (rénovation des salles de lecture, augmentation du

nombre de places, nouvelles surfaces d'accueil et de rencontres pour le public).

Source : ministère de la culture et de la communication

D'après le ministère de la culture et de la communication, « la chronique des crédits d'investissement inscrits au programme pour le financement de l'opération de rénovation du quadrilatère Richelieu varie chaque année en fonction du séquencement des travaux et a par ailleurs été révisée par rapport à la programmation pluriannuelle 2011-2014, compte tenu des besoins prévisionnels actualisés exprimés par l'opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC), mandaté pour la conduite de l'opération ».

Pour mémoire, l'inscription budgétaire en loi de finances initiale pour 2013 était de 6,8 millions d'euros en AE et de 14,2 millions d'euros en CP, et la prévision inscrite au titre de 2014 dans la programmation pluriannuelle 2011-2014 s'élevait à 61 millions d'euros en AE et 7,2 millions d'euros en CP.

Les montants inscrits en projet de loi de finances pour 2014 dépassent les prévisions parce que de nouveaux surcoûts sont apparus à la suite d'aléas rencontrés sur le chantier (découverte d'amiante et de plomb), entraînant une hausse globale de 4,6 millions d'euros du budget de la phase 1 des travaux 9 ( * ) .

L'évolution du chantier, de son coût et de son calendrier devra donc être suivie attentivement.

3. Une stabilisation des crédits d'intervention pour le livre et la lecture

La sous-action 3 « Développement de la lecture et des collections » sera dotée de 19,4 millions d'euros (AE=CP), dont 12 millions d'euros de crédits d'intervention et 7 millions d'euros de subventions pour charges de service public à destination de la Bibliothèque publique d'information. Ces montants sont identiques à l'année dernière.

Les crédits centraux (1,8 million d'euros) financeront trois types d'action : les interventions en direction des bibliothèques territoriales (crédits destinés aux bibliothèques municipales ou intercommunales pour des acquisitions d'intérêt national), le soutien à la conservation et à la diffusion du patrimoine écrit, et le soutien au développement de la lecture (subventions aux associations oeuvrant dans ce domaine).

L es crédits déconcentrés (10,2 millions d'euros) financeront des actions en faveur de la conservation et de la mise en valeur du patrimoine écrit, à travers le soutien apporté à l'Institut de la mémoire de l'édition contemporaine et la mise en oeuvre du plan d'action pour le patrimoine écrit. Par ailleurs, ces crédits soutiendront les acquisitions et l'enrichissement des collections à travers les fonds régionaux d'acquisition des bibliothèques (FRAB). Enfin, les crédits financeront des actions en faveur du développement de la lecture, à travers le soutien à des médiathèques notamment.

La sous-action 4 « Edition, librairie et professions du livre » disposera pour sa part de 18,7 millions d'euros (AE=CP) de crédits d'intervention en 2014, en très légère hausse par rapport à 2013 (après une forte baisse l'année dernière, due à la suppression de la subvention pour charge de service public précédemment attribuée au Centre national du livre).

15,7 millions d'euros de crédits centraux abonderont le droit de prêt en bibliothèque et soutiendront le secteur de l'édition et des librairies. Par ailleurs, trois millions d'euros de crédits déconcentrés abonderont le soutien aux libraires et aux maisons d'édition pour leurs projets de création, de développement et de diversification, afin de favoriser le maintien d'un réseau de librairies et éditeurs indépendants sur l'ensemble du territoire.

C. LA POLITIQUE EN FAVEUR DES INDUSTRIES CULTURELLES

La politique en faveur des industries culturelles (action 2) est retracée dans les crédits dévolus à trois sous-actions .

1. Un renforcement des crédits centraux d'intervention en faveur de la musique enregistrée

La sous-action 1 « Soutien dans le domaine de la musique enregistrée » bénéficiera en 2014 d'un renforcement des crédits centraux d'intervention pour le soutien à la musique enregistrée 10 ( * ) permis par le redéploiement des crédits associés au projet de Centre national de la musique, qui a été abandonné, pour un montant proche de deux millions d'euros . Ces crédits financeront en particulier différentes manifestations et structures dans le domaine de la musique enregistrée (Victoires de la musique, Fonds pour la création musicale...).

2. Une dotation stable en faveur du soutien dans le domaine du cinéma

Les crédits en faveur du secteur du cinéma s'élèveront l'année prochaine à 2,6 millions d'euros, montant en reconduction par rapport à l'année dernière. Il s'agit exclusivement de crédits déconcentrés, qui financeront différentes manifestations.

3. Une forte réduction de la subvention dédiée à la HADOPI, pour la deuxième année consécutive

La sous-action 3 « Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet » (HADOPI), subira, cette année encore, une très forte réduction de sa subvention, puisqu'elle passera de 8 millions d'euros à 6 millions d'euros, soit une baisse de 25 %. Pour mémoire, cette subvention était passée de 11 millions à 8 millions d'euros entre 2012 et 2013, soit une baisse de 27,3 %.

D'après les documents budgétaires, le recalibrage de la subvention allouée à la HADOPI est rendu possible par le niveau de son fonds de roulement.

Votre rapporteur spécial estime que cette évolution des crédits est de nature à compromettre l'action de la HADOPI .

Pourtant, cette dernière a tenu ses objectifs en ce qui concerne sa mission de dissuasion pédagogique à travers la procédure de « réponse graduée ». En effet, le rapport annuel d'activité de la Haute autorité publié en octobre 2013 fait apparaître que le piratage des oeuvres culturelles a plongé dans les mois qui ont suivi sa création, mais qu'il est de nouveau reparti à la hausse, évolution que sa présidente impute aux manques de moyens de la HADOPI. Le rythme des avertissements envoyés aux internautes français est soutenu. Depuis trois ans, 1,9 million d'e-mails de recommandations ont été expédiés, dont 759 000 entre 2012 et 2013, pour seulement 51 dossiers transmis aux procureurs de la République.

La seconde mission de la HADOPI, relative au développement de sites de téléchargement légal, n'atteint pas encore les résultats espérés.

La réponse graduée

Après saisine par les représentants des ayants droit (sociétés de perception et de répartition des droits, organismes de défense professionnelle, Centre national du cinéma) ou par le procureur de la République, la Commission de  protection des droits de la HADOPI a deux mois pour enclencher la première étape de la réponse graduée. Si elle constate un fait susceptible de constituer un manquement à l'obligation de surveillance de l'accès à internet, elle peut envoyer une recommandation.

Cette première recommandation est envoyée par courrier électronique (mail) au titulaire de l'abonnement et l'avertit qu'il a manqué à son obligation de surveillance de sa connexion à internet. Cette recommandation l'informe de l'existence de moyens de protection et d'offres légales.

En cas de réitération dans un délai de six mois, la Commission de protection des droits peut lancer la seconde étape : l'envoi d'une recommandation par courrier électronique, doublée d'une lettre remise contre signature .

En cas de nouvelle réitération dans un délai d'un an suivant l'envoi de la seconde recommandation, la Commission de protection des droits informe l'abonné par lettre remise contre signature que ces faits sont susceptibles de poursuites pénales.

L'abonné peut alors présenter ses observations dans un délai de 15 jours. Il peut également solliciter une audition auprès de la Commission de la protection des droits ou être convoqué par cette dernière.

Source : site Internet de la HADOPI

Votre rapporteur spécial considère que ce n'est pas en réduisant drastiquement les moyens de la HADOPI que l'on parviendra à progresser en matière de développement d'une offre légale. Il considère que c'est un très mauvais signal quant à la volonté du Gouvernement de lutter contre le téléchargement illégal.

De façon plus générale, votre rapporteur spécial regrette le manque d'ambition du Gouvernement dans ce domaine. À cet égard, il s'étonne de l'absence de traduction des propositions de la mission confiée à Pierre Lescure sur « l'Acte II de l'exception culturelle » dans le projet de loi de finances pour 2014.

La mission Lescure sur l'Acte II de l'exception culturelle

Le 13 mai, Pierre Lescure a remis au Président de la République et à la ministre de la culture et de la communication son rapport sur la politique culturelle à l'ère des contenus numériques : 80 propositions concernant le cinéma, la musique, la télévision, le livre, les jeux vidéos, le net et ses bons usages.

Les trois objectifs de la mission étaient les suivants :

* dans le souci de défendre les créateurs, la mission devait produire des conclusions sur les termes d'une lutte efficace contre les pratiques illégales, mise en place avec nos partenaires européens et qui tienne compte des attentes et des pratiques sociales ;

* la régulation des flux associés à la création impliquait aussi de définir les mécanismes susceptibles de garantir un meilleur équilibre et d'éviter la concentration progressive de la valeur créée par les échanges, du côté des opérateurs les plus puissants ;

* la prise en compte des attentes et des publics et la volonté d'offrir un accès au numérique au plus grand nombre supposaient de faire des propositions sur le financement de la numérisation, sur l'adaptation de l'offre à la demande, sur les mécanismes de financement de la création, sur les modalités de gestion des droits.

Les principaux axes du rapport sont les suivants :

* un accès des publics aux oeuvres et une offre culturelle en ligne : dynamiser l'offre en améliorant la disponibilité numérique des oeuvres ; favoriser le développement d'un tissu de services culturels numériques innovants et porteurs de diversité culturelle ; proposer aux publics une offre abordable, ergonomique et respectueuse de leurs droits ;

* la rémunération des créateurs et le financement de la création : garantir la rémunération des créateurs au titre de l'exploitation numérique de leurs oeuvres ; renforcer la contribution des acteurs numériques au financement de la création ; soutenir les nouvelles formes créatives et les nouveaux modes de financement ;

* la protection et l'adaptation des droits de propriété intellectuelle : réorienter la lutte contre le piratage en direction de la contrefaçon lucrative et alléger le dispositif de la réponse graduée ; adapter le droit de la propriété intellectuelle aux usages numériques ; faciliter l'accès aux métadonnées 11 ( * ) .

La proposition phare du rapport pour financer la transition numérique des industries culturelles consiste à taxer les smartphones et les tablettes, à hauteur, par exemple, de 1 % .

Source : site Internet du ministère de la culture et de la communication


* 7 Les deux principales mesures annoncées par la ministre sont la mise en place d'un médiateur du livre et la création d'un fonds d'avance de trésorerie de 5 millions d'euros destinés aux libraires, géré par l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles. Par ailleurs, le dispositif d'aide à la transmission des fonds de libraires sera renforcé : à ce titre, 4 millions d'euros supplémentaires seront alloués à l'Association pour le développement de la librairie de création.

* 8 Cf. par exemple la proposition de loi tendant à ne pas intégrer la prestation de la livraison à domicile dans le prix unique du livre, n° 1189, déposée par le groupe UMP à l'Assemblée nationale le 26 juin 2013, adoptée par l'Assemblée le 3 octobre 2013 et transmise au Sénat. Notre collègue Bariza Khiari a été nommée rapporteur du texte le 23 octobre par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.

* 9 Cette hausse est prise en charge conformément à la clé de répartition de la convention de mandat, soit 80 % à la charge du ministère de la culture et de la communication, et 20 % à la charge du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le programme 334 financera en conséquence 3,68 millions d'euros au titre du surcoût.

* 10 + 0,6 million d'euros.

* 11 Ensemble structuré d'informations servant à décrire une ressource.