M. Francis DELATTRE, rapporteur spécial

DEUXIÈME PARTIE
COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PENSIONS »

Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » retrace les opérations relatives aux pensions civiles et militaires de retraite des agents de l'État et leurs avantages accessoires . Le CAS retrace également la contribution employeur invalidité et le versement des allocations temporaires d'invalidité (ATI). Il est structuré en trois programmes, représentant chacun une section du compte spécial :

- le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité » est consacré aux régimes de retraite et d'invalidité des fonctionnaires civils et militaires de l'État, gérés par le service des retraites de l'État (SRE), créé en 2009. Il représente près de 93 % des crédits du CAS ;

- le programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'État » retrace les opérations du fonds spécial des pensions des établissements industriels de l'État (FSPOEIE) et du fonds gérant les rentes d'accident du travail des ouvriers civils des établissements militaires (RATOCEM). Ces deux fonds sont gérés par la Caisse des dépôts et consignations. Ils représentent seulement 3 % des crédits du CAS ;

- le programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions » regroupe les pensions dues au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (PMIVG) ainsi que des pensions financées par l'État au titre d'engagements historiques et de reconnaissance de la Nation. Sa part dans les crédits du CAS « Pensions » est en légère diminution, de 4,3 % en 2013 à 4 % en 2014.

Graphique n° 8 : Répartition des crédits du CAS « Pensions » en 2014

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données du projet annuel de performances du CAS « Pensions » pour 2014)

Conformément à l'article 21 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), « le total des dépenses engagées ou ordonnancées au titre d'un compte d'affectation spéciale ne peut excéder le total des recettes constatées ». Ainsi, les dépenses du CAS « Pensions » doivent être strictement équilibrées par des recettes provenant des cotisations des salariés et des ministères employeurs, des transferts entre administrations publiques et régimes de retraite, ainsi que des versement réalisés par les agents au titre, par exemple, des validations de service ou de la prise en compte des périodes d'études.

Lors d'une précédente mission de contrôle budgétaire 13 ( * ) , votre rapporteur spécial a constaté que la création du CAS « Pensions » a marqué une étape importante vers une meilleure transparence des dépenses de pensions de l'État . Dans le cadre de l'examen du présent projet de loi de finances, votre rapporteur spécial a porté une attention particulière au perfectionnement de cet outil.

I. LE POIDS DES PENSIONS DANS LE BUDGET DE L'ÉTAT

A. UN RALENTISSEMENT DE LA PROGRESSION DES CHARGES DE PENSIONS EN 2014

Au total, les crédits du CAS « Pensions » augmentent en 2014 d'environ 382 millions d'euros, pour s'établir à 56,5 milliards d'euros , soit une hausse de 0,7 % .

Cette progression est moins importante que les années passées : en 2013 et 2012, les dépenses de pensions retracées dans le CAS avaient augmenté respectivement de 2,7 % et de 3,9 %. En moyenne, entre 1990 et 2012, les dépenses de pensions des fonctionnaires civils et militaires de l'État ont augmenté de 4,6 % par an en raison du rythme soutenu de progression de la pension moyenne (+ 2,7 % par an) et de celui des effectifs de retraités (+ 1,8 % par an).

Ainsi, on peut évaluer qu' entre 2006 et 2012, 26 % de la progression des dépenses du budget général de l'État est dû à l'accroissement du besoin de financement des pensions des fonctionnaires de l'État (soit 7 milliards d'euros).

Graphique n° 9 : Évolution des dépenses de pensions de la fonction publique d'État entre 1990 et 2012

(base 100 en 1990)

Source : rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique, annexé au projet de loi de finances pour 2014

Le moindre dynamisme des dépenses de pensions en 2014 s'explique à la fois par la diminution du nombre de départs à la retraite et par la révision à la baisse de l'hypothèse d'inflation pour 2013, en fonction de laquelle sont revalorisées les pensions ( cf. infra ).

Malgré ce ralentissement, les dépenses de pensions continuent de représenter une part substantielle du budget de l'État (15 % en 2014) et ont une dynamique spontanée qu'il convient de compenser par des économies sur les autres dépenses . En effet, la norme « zéro valeur » ne s'applique pas aux charges de la dette et aux pensions.

B. UNE CONTRIBUTION DE L'ÉTAT AU CAS « PENSIONS » CONFORME À LA PROGRAMMATION TRIENNALE 2013-2015

Dans le présent projet de loi de finances, la contribution du budget général au CAS « Pensions » s'établit à 45,4 milliards d'euros , en hausse de 0,4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2013 (au format du projet de loi de finances pour 2014).

Ce montant de contributions au CAS respecte la programmation fixée par la loi de programmation des finances publiques pour la période 2012-2017 14 ( * ) .

Tableau n° 10 : Évolution des contributions de l'État * au CAS « Pensions »

(en milliards d'euros)

2012

2013

2014

2015

Progression 2012-2015

LPFP 2012-2017

42,28

45,2

46,4

48,3

14,2 %

LFI

37,7

45,2

45,4

-

-

* Au titre des pensions des fonctionnaires de l'État et de ses opérateurs.

Source : commission des finances (d'après le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 et le présent projet de loi de finances)

La programmation triennale 2013-2015 prévoit en effet une évolution très dynamique de la contribution de l'État au CAS « Pensions », de l'ordre de 14,2 % entre 2012 et 2015 . Toutefois, cette estimation a été réalisée selon une hypothèse de progression de l'inflation de 1,75 % par an. Or, en 2013, l'inflation effective devrait être nettement inférieure (de l'ordre de + 0,8 %), tandis que la prévision d'inflation retenue par le présent projet de loi de finances pour 2014 s'établit à + 1,3 % 15 ( * ) . Par conséquent, les dépenses de pensions et les contributions de l'État au CAS devraient croître à un rythme moins soutenu qu'initialement prévu en 2014.

C. DES ENGAGEMENTS DE RETRAITE EN HAUSSE MAIS UNE DIMINUTION DU BESOIN DE FINANCEMENT ACTUALISÉ

1. Les engagements de l'État au titre des retraites

Le calcul des engagements de retraite portés par l'État est un moyen d'estimer l'effort financier de long terme que l'État devra supporter en matière de retraites , en évaluant la valeur actualisée des pensions qui seront versées aux actuels retraités et aux actifs. Les pensions futures des actifs sont évaluées sur la base de leur évolution de carrière probable, au prorata des années de services effectuées à la date de l'évaluation sur le nombre d'années de service au moment du départ à la retraite.

Au 31 décembre 2012, les engagements de retraite des fonctionnaires civils de l'État et des militaires se situaient dans une fourchette de 1 097 milliards d'euros à 1 498 milliards d'euros , selon le taux d'actualisation 16 ( * ) retenu. Les engagements de retraite des ouvriers des établissements industriels de l'État se situaient quant à eux entre 30,9 milliards d'euros et 39,2 milliards d'euros .

Tableau n° 11 : Montant des engagements de retraite en fonction du taux d'actualisation retenu au 31 décembre 2012

(en milliards d'euros 2012)

Taux d'actualisation

0,35 %

1,00 %

2,00 %

Engagements de retraite au titre des fonctionnaires de l'État

Dont retraités

961

867

750

Dont actifs

537

449

347

Total

1 498

1 316

1 097

Engagements de retraite au titre des ouvriers de l'État

Dont retraités

27

25

22

Dont actifs

12

11

9

Total

39

36

31

Total fonctionnaires de l'État et ouvriers

1 537

1 352

1 128

Source : rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique, annexé au projet de loi de finances pour 2014

Il est important de noter la forte baisse du taux d'actualisation , en raison de la baisse des taux de rendement obligataires. En retenant le taux d'actualisation de 0,35 %, le montant total des engagements directs de retraite de l'État pour les fonctionnaires civils et militaires s'élève à 1 498 milliards d'euros fin 2012. Ceci correspond à une augmentation de 306 milliards d'euros par rapport à fin 2011 . Néanmoins, à taux d'actualisation inchangé - c'est-à-dire 1,62 % - le montant des engagements de retraite au titre des fonctionnaires de l'État diminuerait de 19 milliards d'euros.

2. Le besoin de financement à long terme

Le « besoin de financement actualisé » mesure les réserves qui seraient en théorie nécessaires aujourd'hui , en étant placés au taux d'intérêt du marché, pour faire face à l'ensemble des décaissements nécessaires pour combler les déficits anticipés . Il permet ainsi d'appréhender les efforts supplémentaires à réaliser pour faire revenir le régime à l'équilibre.

Les hypothèses de calcul sont similaires à celles utilisées par le Conseil d'orientation des retraites (COR) ; elles se fondent sur la masse des prestations et des cotisations anticipées à législation constante, sur la base de taux de cotisations inchangés. Néanmoins, l'exercice de projection impose de choisir un ensemble d'hypothèses démographiques et macroéconomiques nécessairement sujettes à incertitude.

Comme dans le cas des engagements de l'État, la valeur du « besoin de financement actualisé » du régime des fonctionnaires de l'État est très sensible au taux d'actualisation retenu, comme le montre le tableau ci-après.

Tableau n° 12 : Évaluation du besoin de financement actualisé
du régime de la fonction publique d'État

(en milliards d'euros 2012)

Taux d'actualisation

0,35 %

1,00 %

2,00 %

Horizon 2112

Horizon 2050

Horizon 2112

Horizon 2050

Horizon 2112

Horizon 2050

Fonctionnaires de l'État

431

190

322

166

219

137

Ouvriers des établissements industriels de l'État

-

44

-

39

-

33

Source : rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique, annexé au projet de loi de finances pour 2014

Sur la base d'un taux d'actualisation médian de 0,35 %, le besoin de financement, actualisé à cent ans 17 ( * ) , s'élève à 431 milliards d'euros au 31 décembre 2012 , en diminution de 74 milliards d'euros par rapport au besoin de financement actualisé au 31 décembre 2011 , lequel s'élevait à 505 milliards d'euros. La révision à la baisse du besoin de financement s'explique par l'augmentation du taux de la contribution employeur de l'État, de 68,59 % en 2012 à 74,28 % en 2013 . En effet, le dernier taux de contribution employeur est utilisé pour toute la durée de projection.

Pour le régime spécial des ouvriers d'État, le besoin de financement actualisé s'élève à 44 milliards d'euros à l'horizon 2050, sur la base d'un taux d'actualisation de 0,35 %.

Le graphique ci-après illustre l'évolution annuelle de la masse des prestations, pour le régime des fonctionnaires civils et militaires de l'État , et décompose son financement entre les cotisations salariales et les contributions des employeurs, à droit constant, ainsi que le besoin supplémentaire de financement annuel. Il indique également le besoin de financement actualisé cumulé sur la période de projection 2013-2112. Les effets de la hausse du taux de contribution employeur de l'État sont nettement visibles. Tandis que la projection du besoin de financement effectuée l'année passée indiquait un montant de contribution employeur fluctuant autour de 35 milliards d'euros, celui-ci dépasse désormais les 40 milliards d'euros.

Tableau n° 13 : Besoin de financement actualisé des retraites du régime des fonctionnaires civils et militaires de l'État

Source : rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique, annexé au projet de loi de finances pour 2014


* 13 Rapport d'information n° 652 (2011-2012) sur le compte d'affectation spéciale « Pensions » fait par Francis Delattre au nom de la commission des finances du Sénat.

* 14 Loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour la période 2012-2017.

* 15 La revalorisation des pensions pour 2014 est prévue à + 0,9 %, correspondant à + 1,3 % de prévision d'inflation pour 2014 et - 0,4 % de rattrapage au titre de la surévaluation de la revalorisation effectuée eu 1 er avril 2013.

* 16 Le taux d'actualisation est utilisé pour déprécier des flux futurs et déterminer leur valeur actuelle.

* 17 Par hypothèse, l'horizon de l'évaluation découle de la date maximale présumée au décès du plus jeune ayant cause participant au système actuel (100 ans).