MM. Alain Houpert et Yannick Botrel, rapporteurs spéciaux

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE
VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

Les principales observations de votre rapporteur spécial Alain Houpert

1 - Avec 3,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 2,9 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) le projet de budget 2015 de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » enregistre des évolutions contrastées : une hausse des AE (+ 4,2 %) et une réduction des CP (-- 7,9 %). Cet effet de ciseaux traduit la poursuite de l'application de la nouvelle programmation financière agricole européenne . Votre rapporteur spécial ne peut donc s'associer à la présentation fournie par le Gouvernement selon laquelle le projet de budget manifesterait à la fois un engagement en faveur de l'agriculture et la contribution délibérée du ministère à l'effort de maîtrise des dépenses publiques.

2 - Selon votre rapporteur spécial, Alain Houpert, cette « lecture » est d'autant moins justifiée que :

- d'une part, le compromis agricole européen se traduit par de moindres ambitions pour nos productions agricoles , alors que l'Europe pourrait davantage contribuer aux équilibres alimentaires mondiaux ;

- d'autre part, la réduction des CP , mécanique, touche plus particulièrement les dépenses d'intervention effectivement perçues par nos agriculteurs , celles qui leur sont donc les plus utiles.

3 - Votre rapporteur spécial, Alain Houpert, s'interroge sur la sincérité du projet de budget, dans la mesure où les crédits dédiés aux aléas ne sont pas provisionnés . Tel est le cas des risques climatiques, économiques et sanitaires . Tel est le cas aussi des risques associés aux refus d'apurement communautaires, dont la facture pourrait monter à 1,8 milliard d'euros au total selon la Cour des comptes, mais que le ministre de l'agriculture a évalués à près d'un milliard d'euros, et dont seuls 400 millions d'euros seront pris en charge dans le projet de loi de finances rectificative pour 2014. Enfin, certaines dotations, comme celles destinées à l'assurance-récolte ou aux industries agro-alimentaires , paraissent sous calibrées.

4 - Plus globalement, votre rapporteur spécial, Alain Houpert, s'inquiète des effets concrets des arbitrages budgétaires du Gouvernement, qui ne semblent pas prendre la mesure des difficultés économiques rencontrées par les exploitations et certains territoires .

À ce titre, le recours au programme des investissements d'avenir (PIA) en remplacement de certains crédits budgétaires du ministère, la simple reconduction des aides globales aux filières, l'avenir de la filière sucrière alors que l'heure de sa dérégulation approche, le bouclage financier hésitant du plan annoncé par le Président de la République à Cournon, , la suppression de certains régimes d'exonération de cotisations sociales (dont le contrat « vendanges »), des ponctions sur les fonds de roulement de grands partenaires, en particulier les chambres d'agriculture, sont autant d'inquiétudes. Ces dernières sont redoublées lorsque sont observées les coupes opérées par le Gouvernement à l'Assemblée nationale en deuxième délibération : il s'agit en effet de 26,5 millions d'euros en moins , dont 21,4 millions d'euros sur le seul programme 154 « Économie et développement durable de l'agriculture et des territoires » qui porte les dispositifs d'intervention du ministère. Et le Gouvernement se justifie de telles coupes à l'aveugle par l'argument léger d' « une actualisation des prévisions de dépenses ».

5 - Dans ces conditions, votre rapporteur spécial, Alain Houpert, craint que ne s'accentue la perte de vitalité d'une agriculture qui a déjà subi un recul très préoccupant des surfaces et de ses emplois. Il déplore tout particulièrement que la politique publique en faveur des biocarburants ne se traduise que par la suppression du régime fiscal spécial ménagé à ce secteur, ainsi que les incertitudes associées à la suppression du fond d'incitation et de communication pour l'installation en agriculture (FICIA). Il appelle à ce que l'harmonisation fiscale et sociale en Europe annoncée par le Président de la République avance réellement. Conscient des effets des allègements généraux, fiscaux et sociaux , il souhaite que le coût des normes soit mieux maîtrisé. Enfin, se félicitant de la prise en compte des objectifs de développement agricole durable , il souhaite que les équilibres qui ont permis à l'agriculture de compenser, par des gains de productivité, le recul des terres et de l'emploi agricole ne soient pas perdus de vue.

6 - Votre rapporteur spécial, Alain Houpert, estime que des économies sont possibles pour cette mission mais pas dans le sens retenu par le Gouvernement, par exemple en poursuivant les efforts de rationalisation des ressources humaines du ministère . Concernant ces dépenses de personnel, il indique que les transferts de responsabilité de l'État vers les régions dans le cadre de la nouvelle PAC gagneraient à être accompagnés par les transferts d'emplois nécessaires.

7 - Votre rapporteur spécial insiste pour que le désengagement du budget général ne se traduise pas par une réduction des soutiens à la « Ferme France ». À cet égard, il convient d'être vigilant quant à la mobilisation des enveloppes européennes mises à disposition au titre de la PAC et attentif s'agissant de l' engagement effectif du PIA et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (CASDAR). En ce qui concerne ce dernier, il serait utile de considérer si d'autres formules qu'un compte d'affectation spéciale ne seraient pas plus propices à la continuité du financement du développement agricole et rural, et à la bonne gestion des programmes afférents au CASDAR, tout particulièrement le programme 776 « Recherche appliquée et innovation en agriculture ». Ce dernier reflète ainsi certaines difficultés rencontrées par le Gouvernement à mettre en oeuvre dans les faits, une valorisation économique vecteur de d'activités agricoles plus performantes.

Les principales observations de votre rapporteur spécial Yannick Botrel

Pour ce qui concerne le programme 149 « Forêt », votre rapporteur spécial Yannick Botrel relève que sa dotations s'élève, pour 2015, à 279,31 millions d'euros d'autorisations d'engagement et à 296,68 millions d'euros de crédits de paiement, soit une baisse respective de 11,9 % et de 11,3 % par rapport à leur niveau de 2014 . Cette contraction des crédits fait suite à un exercice 2014 marqué par une augmentation de 11 % en raison de la mise en place d'une nouvelle action consacrée au Fonds stratégique de la forêt et du bois (FSPB) et à l'augmentation de la subvention à l'Office national des forêts (ONF), ce qui permet de parler d' un soutien du Gouvernement à la filière bois qui s'avère stable en réalité .. Le soutien constant à la filière bois est confirmé sur les trois actions du programme :

- grâce à l'Action 11 « Gestion des forêts publiques et protection de la forêt », l'ONF, principal opérateur du programme, bénéficiera en 2015 de subventions de l'État pour un montant total de l'ordre de 202 millions d'euros , dont un versement compensateur en faveur de la gestion des forêts des collectivités territoriales de 140 millions d'euros , ce qui représente 20 millions d'euros supplémentaires par rapport à la dotation figurant dans le contrat pluriannuel d'objectifs et de performances, preuve de l'importance stratégique que revêt cet opérateur pour le Gouvernement ;

- la dotation de l'Action 12 « Développement économique de la filière et gestion durable » s'élève à 50,4 millions d'euros d'autorisations d'engagement et à 52,6 millions d'euros de crédits de paiement . Elle contribue à la poursuite de la mise en oeuvre du plan Chablis qui a fait suite au passage de la tempête Klaus en 2009. Il s'agit donc de parachever la remise en état des parcs forestiers durement éprouvés par le passage de cette tempête ;

- la dotation de l'Action 13, à hauteur de 10,6 millions d'euros en autorisations de paiement et 21,8 millions d'euros de crédits de paiements , assure le financement du Fonds stratégique de la forêt et du bois, dont l'instauration, par la précédente loi de finances, est un gage de cohérence du soutien et de cohérence du Gouvernement à la filière.

De manière générale, il convient de relever que la baisse de la subvention de l'État à l'ONF est sans cesse reportée parce que cet opérateur doit faire face depuis plusieurs années ans à une situation financière difficile qui n'a jamais pu être redressée. Votre commission des finances consacrera des travaux à ce sujet ainsi qu'aux problématiques de la filière forêt-bois puisqu'une enquête sur les soutiens à cette filière a été demandée à la Cour des comptes à la fin de l'année 2013 en application de l'article 58-2° de la LOLF. Ce travail, remis le 7 novembre 2014, devrait faire l'objet d'une audition pour suite à donner en début d'année 2015 ainsi que d'un rapport de vos rapporteurs spéciaux. À ce stade et avant cette échéance, votre rapporteur spécial, Yannick Botrel, estime d'ores et déjà que l'ONF pourrait tirer profit d'une mobilisation de l'ensemble de la filière - amont et aval - autour de l'objectif de valorisation de la ressource bois. Globalement, s'agissant de la politique forestière, il juge pertinent que les soutiens publics à la filière bois - aides budgétaires ou mesures fiscales - soient soumis à la condition d'une gestion effective des forêts par les propriétaires qui en bénéficient .

S'agissant du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », votre rapporteur spécial Yannick Botrel observe que sa dotation attendue pour 2015 s'élève à 512 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement pour 2015 . Elle témoigne à la fois de l'importance capitale de la sécurité et la qualité sanitaires de l'alimentation pour le Gouvernement ; la baisse constatée de (1 %) par rapport au niveau des crédits constatés pour 2014 étant due à des transferts de crédits d'un programme à un autre imputable à une meilleure gestion des programmes.

Davantage, ce budget 2015 permet de mettre en oeuvre les dispositions de la loi n° 2014-1170, du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt qui reconnaît à la sécurité alimentaire la valeur de principe d'action publique . Une telle importance transparaît ainsi dans les principales dotations afférentes à ce programme et à ses actions, à savoir :

- l'action 1 « Prévention et gestion des risques inhérents à la production de végétaux » reçoit 22,56 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement . Votre rapporteur spécial souligne le soutien apporté par le Gouvernement aux Fédérations régionales de défense contre les organismes nuisibles (FREDON) dont les compétences ont été récemment étoffées par la Loi d'avenir sur l'agriculture ;

- l'action 2 « Lutte contre les maladies animales et protection des animaux » , qui reçoit 94,75 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement, assure, au plus juste coût, le suivi des programmes de contrôle et de prévention des principales épizooties qui connaissent d'ailleurs une régression sur le territoire national. Votre rapporteur spécial tient à souligner une hausse des moyens consacrés aux visites sanitaires bovines, aviaires et porcines ; cette augmentation permettant à la Direction générale de l'alimentation du ministère de satisfaire les recommandations émises par la Cour des comptes sur son fonctionnement et ses activités de contrôle ;

- les actions 3 « Prévention et gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires » et 4 « Actions transversales » connaissent une augmentation de leur dotation avec un niveau global de 90,4 millions d'euros , soit une hausse de 1,4 million d'euros par rapport à son niveau de 2014. Votre rapporteur spécial ne peut que souligner qu'une telle augmentation, qui bénéficie notamment aux laboratoires publics d'analyse de référence, reflète la cohérence du Gouvernement dans la mise en oeuvre de ses engagements en matière sanitaire ;

- L'action 6 « Mise en oeuvre de la politique de sécurité et de qualité sanitaire de l'alimentation » reçoit, avec 286,43 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement, une dotation en hausse de 250 000 euros par rapport à l'année passée , afin de tenir compte des ajustements de périmètre budgétaire et des évolutions de l'activité de la Direction générale de l'alimentation du ministère.

En application de l'article 49 de la LOLF, pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires concernant le présent projet de loi de finances, la date limite était fixée au 10 octobre 2014 .

À cette date, seules 55 % des réponses au questionnaire budgétaire étaient parvenues à vos rapporteurs spéciaux . L'effort fourni par les services du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt l'année dernière, avec un taux de 89 %, a donc connu un important relâchement . Vos rapporteurs spéciaux invitent le Gouvernement à renouer avec des taux de réponses élevés.