M. Dominique De Legge, rapporteur spécial

VI. LE PROBLÈME LOUVOIS

A. LE COÛT PERSISTANT DES DYSFONCTIONNEMENTS DE LOUVOIS

Le projet de décret d'avance intervenant pour la fin de la gestion 2014 fait apparaitre un abondement de 160 millions d'euros des crédits de personnel du ministère de la défense, alors que ce dernier avait indiqué dans premier temps à votre rapporteur spécial prévoir un excédent de 67,3 millions d'euros.

Il apparaît que l'excédent était en réalité lié à une contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions » moins élevée que prévue, les crédits correspondant étant par ailleurs destinés à être annulés en fin d'année, et que la prévision ne tenait pas compte des trop-versés provoqués par les dysfonctionnement du système de paie LOUVOIS.

Ces trop-versés, s'ils contribuent sur le moment à accroître le besoin de financement du ministère de la défense sur son titre 2, ne devraient en principe constituer qu'une perte transitoire en trésorerie, les comptables publics compétents ayant l'obligation d'en poursuivre le recouvrement.

En réalité, la récupération de ces versements indus se heurte à des difficultés pratiques et humaines.

Le ministère de la défense est ainsi dans l'incapacité d'assurer la restitution d'une partie importante de ces sommes dans l'année de leur versement, qui deviennent alors de véritables charges budgétaires. Lorsque le recouvrement est confié à la direction générale des finances publiques, le redevable ayant quitté l'armée, les sommes récupérées au-delà de l'exercice ayant vu leur versement indû ne profitent pas au ministère de la défense mais intègrent les recettes du budget général.

Récupération des trop-versés sur solde

« Avec plus de 110 000 personnels concernés, dont une partie n'est plus en activité (rayés des contrôles), l'armée de terre est la plus impactée. Celle-ci a engagé une campagne sur deux ans pour régulariser les écarts de solde de ses administrés.

« La première phase, menée au second semestre 2013, s'est traduite par le traitement prioritaire des trop-versés identifiés pour les années 2011 et 2012 dont la notification devait impérativement intervenir avant la fin de l'année 2013 pour cause de prescription, et par la non-imposition de ces trop-versés pour ne pas léser les militaires frappés par une anomalie de ce type.

« La deuxième partie de la campagne de régularisation est en cours depuis le début de l'année 2014. Elle vise à traiter la totalité des dossiers et des anomalies : il s'agit de calculer et de régulariser, pour chaque administré impacté, le solde entre les paiements qui lui sont dus et les versements qui lui ont été effectués par ou hors LOUVOIS, et de mettre ainsi ses droits à jour.

« Pour faire face à ce chantier, l'armée de terre (DRHAT) a dû s'organiser en renforçant les équipes du Centre expert des ressources humaines et de la solde (CERHS) de Nancy et en « industrialisant » les procédures pour instruire les dossiers. Le recensement et l'analyse des dossiers sont en cours, et les lettres de notification aux administrés, pour les informer du montant qui leur sera remboursé (moins versé) ou dont ils sont redevables (trop versé), sont désormais émises. Ces lettres donnent un bilan détaillé par indemnité et par période, et précisent les modalités de recouvrement (par chèque ou par retenue sur solde selon un échéancier convenu avec l'intéressé) ainsi que pour obtenir des compléments d'information sur le calcul et le contester s'il y a lieu.

« Les enjeux, doubles, de la campagne de régularisation, sont majeurs : d'une part rétablir chaque administré dans ses droits, en lui versant ses dus, et d'autre part préserver les droits de l'État et le budget du ministère en recouvrant les sommes versées indûment. »

Source : ministère de la défense

B. LE REMPLACEMENT DE LOUVOIS

Par décision du ministre de la défense, annoncée par son discours prononcé le 3 décembre 2013 à Varces, le projet de remplacement de LOUVOIS a été confié à la direction générale de l'armement (DGA) pour être conduit « comme un programme d'armement ». Une équipe de programme intégrée a été constituée autour du binôme formé par le directeur de programme, appartenant à la DGA, et l'officier de programme appartenant à la DRH-MD. L'équipe de programme est actuellement composée de 12 ETP (17 en cible 2015) de la DGA et de 17 ETP (23 en cible 2015) de la DRH-MD.

Le projet consiste à fournir un système permettant d'assurer une solde pour tous les militaires 3 ( * ) du ministère de la défense, y compris l'armée de l'air, qui a jusqu'ici conservé son système de solde, et à l'exception de la gendarmerie nationale gérée par le ministère de l'intérieur.

Le calendrier du projet comporte deux étapes essentielles :

- la présentation de prototypes en décembre 2014 (fournis par les candidats au cours du dialogue compétitif)

- le premier déploiement (début de qualification du système) en décembre 2015.

Compte tenu de la complexité du projet, ces deux dates apparaissent particulièrement ambitieuses.

La procédure de passation de marché est un dialogue compétitif, débuté par la publication de l'avis d'appel public à candidatures (AAPC) le 1er février 2014. Le dossier de consultation des entreprises (DCE) a été envoyé le 18 avril aux trois candidats admis au dialogue.

L'objectif est de réaliser trois tours de dialogue. Le premier a eu lieu du 13 juin au 24 juillet. Le suivant aura lieu au quatrième trimestre 2014 et les offres finales sont attendues début 2015, pour une notification au premier semestre 2015.

Au mieux, la première bascule pourrait intervenir au premier janvier 2017 après une large période de solde en double, durant laquelle LOUVOIS et son remplaçant opèrent simultanément à des fins de comparaison. Contrairement à la manière dont LOUVOIS avait malheureusement été mis en production, cette période de solde en double ne devrait se terminer que lorsque le nouveau système aura prouvé sa robustesse.

Interrogé par votre rapporteur spécial sur les aspects financiers du marché, le ministère de la défense a simplement indiqué que « la sensibilité de la procédure de dialogue compétitif en cours conduit à limiter la publicité des montants budgétés et l'identité des prestataires admis au dialogue qui, eux-mêmes, ne communiquent pas sur ce sujet. Le marché sera conclu pour une période de dix ans et comprendra une tranche ferme, couvrant la réalisation du système et sa mise en service, et des tranches conditionnelles couvrant la maintenance du système et les évolutions nécessaires pour rester en phase avec les évolutions de la réglementation. »

En parallèle, a été amorcé un chantier de simplification du dispositif indemnitaire des militaires, comme le recommandait d'ailleurs la Cour des comptes. La complexité de l'actuel régime, qui comporte plus de 170 primes différentes, est en effet considérée comme une des causes des dysfonctionnements de LOUVOIS et des difficultés à les résoudre.


* 3 Exceptés ceux dont la solde est préliquidée par le système Alliance.