MM. Michel Bouvard et Thierry Carcenac, rapporteurs spéciaux

IV. LE PROGRAMME 218 : CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES ÉCONOMIQUES ET FINANCIÈRES

A. UN PROGRAMME TRANSVERSAL AU PÉRIMÈTRE ÉLARGI

Dans le cadre de la simplification de la maquette budgétaire, le programme 218 « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières » est fusionné avec l'ancien programme 221 « Stratégie des finances publiques et modernisation de l'État », ces deux programmes ayant en commun une forte dimension transversale et le cas échéant interministérielle .

Placé sous la responsabilité du secrétaire général des ministères économiques et financiers, le programme 218 est dorénavant regroupé en quatre actions :

- l'action 1 « État-major et politiques transversales » regroupe notamment les crédits des cabinets ministériels, de certains services du secrétariat général, de la direction des affaires juridiques (DAJ) ou encore du service à compétence nationale TRACFIN ;

- l'action 2 « expertise, audit, évaluation et contrôle » regroupe notamment les crédits de l'inspection générale des finances (IGF), du contrôle général économique et financier (CGEFI), et de structures de régulation et de contrôle tels que l'autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), l'observatoire des jeux (OdJ) et le conseil de normalisation des comptes publics (CNoCP) ;

- l'action 3 « prestations d'appui et de support » regroupe notamment les crédits du secrétariat général liés aux fonctions support et logistiques, l'institut de formation continue des ministères (IGPDE) ou encore le service commun des laboratoires (SCL), qui intervient principalement pour la DGDDI et la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) ;

- l'action 4 « pilotage des finances publiques et projets interministériels » regroupe les crédits de la direction du budget (DB), de la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), du service des achats de l'État (SAE), de l'agence pour l'information financière de l'État (AIFE) et de l'opérateur national de paye (ONP).

B. L'IMPACT MAJEUR DE L'ARRÊT DE L'OPÉRATEUR NATIONAL DE PAYE

Les crédits demandés pour le programme 218 au titre de l'année 2015 s'élèvent à environ 1,1 milliard d'euros en AE et en CP soit, à périmètre constant, une baisse de 0,3 % en AE (3 millions d'euros) et surtout une baisse de 3,7 % (40 millions d'euros) en CP .

Répartition par titre des crédits du programme 218
« Conduite et pilotage des politiques économiques et financières »

(en euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2014

PLF 2015

var.

LFI 2014

PLF 2015

var.

Titre 2 :
personnel

525 976 004

511 148 707

-2,82%

525 976 004

511 148 707

-2,82%

Autres dépenses :

580 136 912

591 749 873

2,00%

581 069 916

555 409 158

-4,42%

Titre 3 :
fonctionnement

475 780 842

515 909 873

8,43%

482 042 795

478 799 158

-0,67%

Titre 5 :
investissement

97 536 070

59 980 000

-38,50%

97 207 121

60 750 000

-37,50%

Titre 6 :
intervention

6 510 000

15 250 000

134,25%

1 510 000

15 250 000

909,93%

Titre 7 :
opérations financières

310 000

610 000

96,77%

310 000

610 000

96,77%

Total P. 218

1 106 112 916

1 102 898 580

-0,29%

1 107 045 920

1 066 557 865

-3,66%

Répartition par action des crédits du programme 218
« Conduite et pilotage des politiques économiques et financières »

(en euros)

Autorisations d'engagement

LFI 2014

PLF 2015

1 - État-major et politiques transversales

380 731 149

404 396 088

6,22%

2 - Expertise, audit, évaluation et contrôle

75 028 338

77 654 023

3,50%

5 - Prestations d'appui et de support

432 884 312

446 488 285

3,14%

7 - Pilotage des finances publiques et projets interministériels

217 469 117

174 360 184

-19,82%

Total pour le programme 218

1 106 112 916

1 102 898 580

-0,29%

Crédits de paiement

LFI 2014

PLF 2015

1 - État-major, médiation et politiques transversales

380 089 585

404 396 088

6,39%

2 - Expertise, audit, évaluation et contrôle

75 766 712

74 754 023

-1,34%

5 - Prestations d'appui et de support

434 689 132

408 337 570

-6,06%

7 - Pilotage des finances publiques et projets interministériels

216 500 491

179 070 184

-17,29%

Total pour le programme 218

1 107 045 920

1 066 557 865

-3,66%

Source : projet annuel de performances, PLF 2015. Hors fonds de concours et attribution de produits.

Le programme est essentiellement marqué par une forte baisse de 38,5 % (en AE) et 37,5 % (en CP) des crédits d'investissement, soit près de 37 millions d'euros. Cette baisse se retrouve dans la diminution de 19,8 % en AE (43 millions d'euros) et 17,3 % en CP (37 millions d'euros) des crédits de l'action 7 « pilotage des finances publiques et projets interministériels ».

Cette baisse brutale tient à la « réorientation » du projet de l'opérateur national de paye (ONP) , annoncée le 10 mars 2014 par le Gouvernement à la suite de la remise du rapport de Jacques Marzin, directeur interministériel des systèmes d'information et de communication (DISIC). Ce projet lancé en 2007 avait pour but de mettre en place un pilotage unifié et centralisé de la paye des 2,5 millions d'agents de l'État (projet SI-Paye), et de proposer un système d'information des ressources humaines (projet SIRH) aux ministères ne souhaitant pas moderniser le leur en vue du raccordement. Comme l'expliquait Jacques Marzin lors de son audition par votre commission des finances le 21 mai 2014 17 ( * ) , le projet s'est cependant heurté à plusieurs obstacles conduisant à l'abandon de son volet SI-Paye 18 ( * ) : « premièrement, la durée du projet : celui-ci devait se terminer en 2016, mais il mais il est apparu qu'il n'aurait pas pu être achevé avant 2023. Or cet horizon 2023 est soumis à des aléas (...). Deuxièmement, le coût : nous avons pour la première fois consolidé l'ensemble des projets - le calculateur et les SIRH. Nous avons pu constater que même en poussant jusqu'à l'horizon 2034, nous arrivions à une rentabilité extrêmement négative, qui s'établit à un milliard d'euros au minimum ».

Si vos rapporteurs spéciaux ne remettent pas en cause la décision d'abandonner le volet SI-Paye de l'ONP compte tenu des difficultés rencontrées, ils s'interrogent toutefois sur le caractère tardif de cette décision - d'autant que les investissements avaient cessé depuis plusieurs mois . Dans leur rapport sur la loi de règlement des comptes de l'année 2013, nos collègues Albéric de Montgolfier et Philippe Dallier, anciens rapporteurs spéciaux, avaient déjà signalé que le taux de consommation des crédits d'investissement était de seulement 62,7 % en 2013 , c'est-à-dire 126 millions d'euros de moins que les 334 millions d'euros prévus en loi de finances initiale.

Surtout, vos rapporteurs spéciaux soulignent que les « économies » réalisées à partir de 2015 sur les crédits d'investissement du programme 218 sont en fait la conséquence d'une perte nette de près de 286 millions d'euros pour l'État, sur la seule période comprise entre 2009 et 2013 , selon les chiffres fournis par Jacques Marzin. Si l'on intègre l'adaptation des huit SIRH ministériels en vue de leur raccordement à l'ONP, le coût total est plus proche du milliard d'euros. Enfin, Le rapport de Jacques Marzin chiffre les économies liées à l'arrêt du projet à 200 millions d'euros pour les quatre années à venir .

Plus généralement, vos rapporteurs spéciaux s'interrogent les choix stratégiques relatifs aux grands chantiers informatiques de l'État : la « réorientation » de l'ONP suit de peu l'arrêt, annoncé le 3 décembre 2013, du logiciel de paye des militaires, Louvois , qualifié de « désastre » par le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian. Quant à Chorus , le système d'information budgétaire, financière et comptable de l'État 19 ( * ) , vos rapporteurs spéciaux ont déjà eu l'occasion, lors de leurs précédents travaux à l'Assemblée nationale 20 ( * ) , d'alerter sur les très importants dérapages financiers du projet. Si le déploiement de Chorus est aujourd'hui terminé, la question du retour sur investissement reste entièrement posée . Il appartient à la direction interministérielle des systèmes d'information et de communication (DISIC), réorganisée par le décret du 1 er août 2014 et maintenue auprès du Premier ministre, d'améliorer considérablement le pilotage des chantiers informatiques de l'État.

C. LA HAUSSE DES AUTRES DÉPENSES DU PROGRAMME

Essentiellement imputable à l'interruption des investissements dans l'ONP, la baisse générale de 3,7 % (en CP) des crédits du programme 218 dissimule en fait des prévisions bien plus contrastés pour l'année 2015 .

Ainsi, en AE, toutes les autres actions du programme 218 sont en hausse : l'action 1 « État-major et politiques transversales » voit ainsi ses crédits augmenter de 6,2 % (24 millions d'euros), l'action 2 « Expertise, audit, évaluation et contrôle » de 3,5 % (2,6 millions d'euros), et l'action 5 « Prestations d'appui et de support » de 3,1 % (14 millions d'euros). L'effort d'économies est plus notable en CP : à l'exception de l'action 1 qui affiche là encore une hausse, les actions 2 et 5 voient leurs crédits diminuer. S'il faut préciser que certaines de ces hausses sont imputables à des opérations immobilières ponctuelles (prise à bail de l'ARJEL, renégociation des baux du service « Environnement professionnel » du ministère), vos rapporteurs spéciaux regrettent, d'une manière générale, que ces changements ne soit pas plus documentés .

Il existe toutefois un effort sur les dépenses de personnel, qui affichent une baisse de 2,8 % en 2015 , correspondant à une suppression de 150 ETP, le plafond passant de 5 824 ETPT en loi de finances pour 2014 à 5 740 ETPT en projet de loi de finances pour 2015. Les marges de manoeuvre sont toutefois restreintes , le programme 218 ne représentant que 4,3 % du total des emplois de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

Vos rapporteurs spéciaux relèvent enfin que les dépenses d'intervention sont presque multipliées par dix en 2015 , passant de 1,5 million d'euros à 15 millions d'euros. Il s'agit pour l'essentiel du financement, par le haut fonctionnaire de défense et de sécurité (HFDS), d'opérations dans le secteur des communications téléphoniques , dont les montants sont par définition très variables.


* 17 Audition conjointe de Olivier Bourges, directeur général adjoint à la direction générale des finances publiques (DGFiP), Marie-Anne Lévêque, directrice générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), Jacques Marzin, directeur de la direction interministérielle des systèmes d'information et de communication (DISIC) et de Valérie Metrich-Hecquet, secrétaire générale du ministère de l'agriculture, sur le projet de l'opérateur national de paye, le 21 mai 2014.

* 18 L'élaboration d'un SIRH unifié à destination des ministères volontaires est en revanche maintenue.

* 19 Chorus succède lui-même au progiciel Accord, lancé en 1996 et abandonné en 2009.

* 20 Cf. Assemblée nationale, rapport n° 3644 de la mission d'information relative à la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances (MILOLF), fait par Michel Bouvard, Jean-Pierre Brard, Thierry Carcenac et Charles de Courson, 12 juillet 2011.