MM. Vincent Eblé et André Gattolin, rapporteurs spéciaux

PREMIÈRE PARTIE :
ANALYSE GÉNÉRALE DE LA MISSION « CULTURE » EN 2016

I. UNE MISSION QUI BÉNÉFICIE D'UN TRAITEMENT FAVORABLE AU REGARD DE LA PLUPART DES MISSIONS BUDGÉTAIRES

A. UNE BUDGÉTISATION 2016 FAVORABLE QUI CONFIRME ET AMPLIFIE LA TENDANCE INITIÉE EN 2015

2,79 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 2,75 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) sont demandés, au titre de la mission « Culture », dans le projet de loi de finances pour 2016, soit une hausse dynamique de 4,4 % (hors mesure de périmètre liée à la budgétisation de la RAP - cf. infra ).

Cette évolution confirme et amplifie la tendance observée l'année dernière, après deux années de forte attrition des crédits entre 2012 et 2014 1 ( * ) .

La loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2014-2019 2 ( * ) prévoyait initialement une très légère hausse des crédits sur l'ensemble du triennal 2015-2016.

À la suite des annonces du Premier ministre en mai 2015 3 ( * ) , puis en juillet 2015 4 ( * ) , cette trajectoire a été infléchie favorablement . Ainsi, hors contribution de la mission au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », les crédits de paiement augmentent de 1,84 % par rapport à la prévision initiale de l'annuité 2016 de la LPFP.

Évolution actualisée des plafonds de la mission « Culture » 2015-2017*

(en millions d'euros, en crédits de paiement)

LFI 2015 au format PLF 2016

LPFP 2016 au format PLF 2016

PLF 2016

LPFP 2017 au format du PLF 2016

CP

2 514

2 501

2 547

2 509

*Montants hors contributions de l'État au CAS « Pensions »

Source : projet annuel de performances de la mission « Culture » annexé au projet de loi de finances pour 2016

En outre, les dépenses de personnel sont en hausse de 0,9 % contre 0,8 % l'an passé , tandis que les autres dépenses croissent respectivement de 5,04 % en AE et de 1,48 % en CP 5 ( * ) , alors qu'elles avaient diminué légèrement l'année dernière.

En valeur absolue, hors mesure de périmètre, la mission « Culture » bénéficie d'une hausse de 46 millions d'euros de son budget par rapport à l'annuité 2016 prévue par la loi de programmation des finances publiques , et de 44,3 millions d'euros 6 ( * ) par rapport à la loi de finances initiale pour 2015.

En 2016, la mission « Culture » bénéficiera donc indéniablement d'un traitement favorable au regard de la plupart des missions budgétaires . Ce budget marque la volonté du Gouvernement d'ériger la culture en priorité, ce qui est clairement inscrit dans l'exposé général des motifs du projet de loi de finances pour 2016 : « les textes financiers pour 2016 (...) confirment les engagements pris pour réduire le déficit public et diminuer les impôts, tout en finançant nos priorités en matière de sécurité, de justice, de culture et d'éducation, grâce à la maîtrise de la dépense publique » 7 ( * ) .

Il convient toutefois de garder en mémoire que, malgré la trajectoire favorable des crédits prévue dans le projet de loi de finances pour 2016, les dépenses de la mission « Culture » ne représentent que 0,73 % des dépenses du budget général en 2016 .

En ce qui concerne la contribution du secteur à l'assainissement des comptes publics, il convient d'inscrire les crédits de la mission « Culture » dans le cadre plus global de l'action menée par le ministère de la culture et de la communication, qui consent une baisse des crédits portant sur la mission « Médias, livre et industries culturelles », à travers la forte réduction de la dotation budgétaire allouée à France Télévisions, qui passe de 160  millions d'euros à 40 millions d'euros.

S'agissant de l'évolution des emplois, en 2016, le schéma d'emplois de la mission « Culture » prévoit une réduction modérée de 30 équivalents temps plein (ETP) , pour un plafond d'emplois de 11 041 ETP . Les suppressions d'emplois représentent ainsi 0,27 % de l'emploi total du ministère de la culture et de la communication. Ce pourcentage s'avère plus faible que pour d'autres missions. Par exemple, les suppressions d'emplois de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », à hauteur de 671 ETP en 2016, représentent 2,18 % des emplois du MEDDE.

La part des emplois de la mission « Culture » hors opérateurs dans l'emploi public total reste très marginale et en diminution . En effet, elle est de 0,217 % en 2014 (contre 0,227 % en 2012 et 0,219 % en 2013), tandis que la part des emplois de la mission « Culture » avec opérateurs dans l'emploi public total s'élève à 0,520 % en 2014 (contre 0,524 % en 2013 et 0,540 % en 2012).

Si l'on considère la nature des dépenses, au niveau global de la mission, seules diminuent les dépenses d'investissement (- 4,2 % en CP), ce qui s'explique notamment par l'achèvement du chantier de la Philharmonie de Paris. Sur le programme 175 « Patrimoines », tous les types de dépenses augmentent en AE comme en CP, sauf les dépenses d'investissement et d'opérations financières qui reculent très légèrement en CP. Sur le programme 131 « Création », seules les dépenses d'investissement diminuent (- 23,54 % en CP), tandis que les dépenses d'intervention se stabilisent en CP (- 0,26 %).

Enfin, sur le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », on constate une baisse de 6 % des dépenses d'investissement en CP, assortie d'une réduction des dépenses d'opérations financières en AE (- 7,3 %).

En ce qui concerne les actions, on relève les évolutions remarquables suivantes :

- seules les actions 07 « Patrimoine linguistique » 8 ( * ) et 06 « Action culturelle internationale » 9 ( * ) connaissent une réduction respective de 0,8 % et 2,6 % de leur dotation en AE comme en CP. Pour mémoire, la première représente 0,1 % des crédits de la mission, et la seconde 0,2 % ;

- le patrimoine monumental (action 01) et le patrimoine des musées de France (action 03) connaissent une stabilisation de leurs crédits de paiement (respectivement - 0,5 % et - 0,1 %) mais une hausse de leurs autorisations d'engagement ;

- il existe un écart significatif entre les AE et les CP de l'action 04 « Patrimoine archivistique et célébrations nationales » (15 millions d'euros) 10 ( * ) , et de l'action 01 « Patrimoine monumental » (25 millions d'euros) 11 ( * ) . Ce décalage est lié aux dépenses d'investissement.

- les crédits de l'action 09 « Patrimoine archéologique » augmentent fortement en AE comme en CP, ce qui s'explique par un effet de périmètre, à travers la rebudgétisation de la redevance d'archéologie préventive (RAP) au profit de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) et du fonds national pour l'archéologie préventive (FNAP) - cf. infra .

B. DES MOYENS SUPPLÉMENTAIRES QUI ONT VOCATION À SOUTENIR DES PRIORITÉS TRANSVERSALES EN COHÉRENCE AVEC L'ACTION DU GOUVERNEMENT

Les crédits supplémentaires proposés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016 ont vocation à financer trois objectifs transversaux portés par le ministère , en cohérence avec les priorités annoncées par le Gouvernement :

- l'accès à la culture de tous les publics , notamment ceux qui sont socialement ou géographiquement éloignés de l'offre culturelle ;

- l'aide à la création et à son renouvellement , avec un effort spécifique en faveur des étudiants de l'enseignement supérieur et de l'enseignement spécialisé dans le domaine culturel ;

- la modernisation des outils d'intervention et des équipements du ministère de la culture et de la communication.

Les 46 millions d'euros supplémentaires par rapport à la trajectoire initiale prévue dans la loi de programmation des finances publiques se répartissent inégalement entre les trois programmes de la mission :

- + 8 millions d'euros sur le programme 175 « Patrimoines » ;

- + 15 millions d'euros sur le programme 131 « Création ;

- + 23 millions d'euros sur le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».

Enfin, le budget 2016 s'inscrit dans un contexte particulier :

- la mise en oeuvre de la réforme territoriale . Ainsi, en application de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe) et du décret n° 2015-510 du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration, les modalités d'action du ministère de la culture et de la communication sur le territoire national sont en voie de mutation .

Dans le cadre des travaux sur la réforme de l'État, la réflexion principale du ministère de la culture et de la communication porte sur la nouvelle organisation de ses services déconcentrés , qui doivent s'adapter pour assurer au mieux l'ensemble de leurs missions sur les nouveaux territoires. Cette réflexion regroupe notamment les aspects suivants : avenir des directions régionales actuelles qui ne se situeront pas au chef-lieu de la nouvelle région, adaptation aux nouveaux territoires de dimensions inédites en nombre de départements (jusqu'à 10 ou 13 départements dans certaines régions), mise en oeuvre d'un management à distance...

Dans cette perspective, le ministère de la culture et de la communication fait savoir que le classement des emplois des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) devra également être revu pour tenir compte des nouveaux périmètres et des enjeux, ce qui nécessitera notamment des mesures d'accompagnement indemnitaire .

- l'examen par le Parlement du projet de loi relatif à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine . Déposé à l'Assemblée nationale le 8 juillet 2015, ce texte vise à garantir la liberté de création, à moderniser la protection du patrimoine et à renforcer les outils existants pour favoriser l'accès de tous à la culture.

Le projet de loi sur la liberté de la création,
l'architecture et le patrimoine

Présenté en conseil des ministres le 8 juillet 2015 et examiné par l'Assemblée nationale au mois de septembre 2015 12 ( * ) , le projet de loi sur la liberté de la création, l'architecture et le patrimoine répond à deux priorités :

- affirmer et garantir la liberté de création ;

- moderniser la protection du patrimoine.

S'agissant du premier objectif, le projet de loi fixe le cadre de la politique publique destinée à garantir la liberté de création, en fournissant pour la première fois un cadre législatif clair à la politique des labels . Le projet de loi modernise également les relations entre acteurs des filières musicales et cinématographiques et institue un médiateur de la musique.

Il clarifie par ailleurs les conditions d'emploi des artistes du spectacle vivant engagés par les collectivités territoriales ou leurs groupements agissant en qualité d'entrepreneur de spectacles vivants. Enfin, il améliore la structuration de l'enseignement supérieur artistique pour mieux former les futurs créateurs.

En ce qui concerne le second objectif, dans un souci de simplification, le texte propose de consacrer sous l' appellation unique de « cité historique » les différents types d'espaces protégés relevant du code du patrimoine. En outre, les enjeux patrimoniaux seront désormais identifiés dans un document unique d'urbanisme « intégré ».

De surcroît, le projet de loi prévoit une meilleure protection des objets mobiliers qui forment des ensembles historiques cohérents , tout en instituant une catégorie d'ensemble immobiliers, les « domaines nationaux », dont la valeur historique est majeure pour l'histoire de notre pays.

En matière d'archéologie préventive, le projet de loi clarifie le rôle des acteurs et consolide les prérogatives de l'État .

Enfin, il énonce une ambition nouvelle pour l'architecture, en rappelant l'enjeu associé à la qualité architecturale et en prévoyant une possibilité de dérogation limitée et encadrée aux règles d'urbanisme pour les projets de création architecturale .

Source : compte-rendu du conseil des ministres du 8 juillet 2015


* 1 Pour mémoire, les crédits de la mission « Culture » ont diminué de 0,8 % en AE et de 3,7 % en CP entre 2012 et 2013, puis de 1,1 % en AE et 2,1 % en CP entre 2013 et 2014.

* 2 Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

* 3 Lors du Festival de Cannes, le Premier ministre a estimé que la baisse du budget de la culture au cours des deux premières années du quinquennat était une « erreur ».

* 4 En déplacement au festival d'Avignon, le Premier ministre a annoncé une hausse du budget de la culture en 2016.

* 5 Hors budgétisation de la redevance d'archéologie préventive (RAP).

* 6 Hors budgétisation de la RAP.

* 7 Source : exposé général des motifs du projet de loi de finances pour 2016, p. 10.

* 8 Cette action avait bénéficié l'année dernière d'une hausse de 11 % de ces crédits.

* 9 Il convient de rappeler que l'effort global du ministère et de ses opérateurs au profit de l'action culturelle internationale est en réalité évalué à 74 millions d'euros par le ministère de la culture et de la communication. En outre, les financements principaux dédiés à l'action culturelle internationale de la France relèvent du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » de la mission « Action extérieure de l'État », pour un montant de 719 millions d'euros en 2016.

* 10 L'écart concerne notamment les crédits dédiés à l'aménagement du site de Pierrefitte-sur-Seine et l'équipement de la partie du site constituant une réserve de stockage à venir.

* 11 L'écart porte sur les dépenses d'investissements en faveur des monuments historiques - État.

* 12 Le texte du projet de loi modifié par l'Assemblée nationale a été enregistré à la Présidence du Sénat le 7 octobre 2015.