M. Jean-François HUSSON, Rapporteur spécial

PREMIÈRE PARTIE : UN MINISTÈRE QUI CONTRIBUE LARGEMENT À LA RÉDUCTION DES DÉPENSES, AU RISQUE DE FRAGILISER L'ATTEINTE DES OBJECTIFS EUROPÉENS DANS LE DOMAINE ENVIRONNEMENTAL

I. UN MINISTÈRE UNE NOUVELLE FOIS FORTEMENT MIS À CONTRIBUTION POUR LA RÉDUCTION DES DÉPENSES ET DES EFFECTIFS

A. RAPPEL DU CHAMP DE L'ANALYSE DE LA NOTE DE PRÉSENTATION

La présente note de présentation porte sur les programmes de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » (EDMD) hors transports et météorologie 1 ( * ) , ce qui représente 50 % des crédits de paiement (CP) de la mission en 2016 :

- le programme 159 « Information géographique et cartographique » , qui rassemble les moyens consacrés au fonctionnement de l'Institut national de l'information géographique et forestière - IGN (1,34 % des crédits de paiement) ;

- le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » , qui soutient les actions destinées à préserver la biodiversité et à mettre en oeuvre la politique de l'eau, notamment dans le cadre de la mise en oeuvre des directives communautaires régissant ces domaines (3,87 % des crédits) ;

- le programme 181 « Prévention des risques » , qui regroupe les crédits employés dans la lutte contre les risques naturels, technologiques et hydrauliques, ainsi que les moyens alloués au renforcement de la sûreté nucléaire (3,15 % des crédits) ;

- le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » , ensemble hétérogène qui rassemble les ressources consacrées au pilotage de la politique énergétique, à la gestion économique et sociale de l'après-mines 2 ( * ) ainsi qu'à la lutte contre le changement climatique et la pollution de l'air (7,18 % des crédits) ;

- le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » , programme support de la mission qui assure le fonctionnement général des services et porte la masse salariale du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie (MEDDE) ainsi que celle du ministère du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité -MLETR (34,26 % des crédits) ;

Répartition des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » entre les programmes transports et météo et les autres programmes

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet annuel de performances de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » annexé au projet de loi de finances pour 2016

Enfin, le champ de l'analyse porte également sur le compte d'affectation spéciale « Aides à l'acquisition de véhicules propres ».

B. UNE NOUVELLE DIMINUTION MARQUÉE DES CRÉDITS

7,17 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 7,15 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) sont demandés, au titre de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » , dans le projet de loi de finances pour 2016. Cela représente une baisse de 8,6 % en AE et de 1,9 % en CP, qui est plus marquée que ce que prévoyait l'annuité 2016 du triennal 2015-2017, dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 3 ( * ) . En effet, le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie (MEDDE) réalisera de l'ordre de 75 millions d'euros d'économies supplémentaires par rapport au plafond initialement prévu.

Évolution actualisée des plafonds de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » sur la période 2015-2017

(en millions d'euros, en crédits de paiement)

LFI 2015 au format PLF 2016

LPFP 2016 au format PLF 2016

PLF 2016

LPFP 2017 au format PLF 2016

AE

7 144

6 504

CP

6 591

6 526

6 486

6 497

*Montants Hors contribution de l'État au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions »

Hors contribution au CAS « Pensions », les crédits passent de 6,59 milliards d'euros en 2015 à 6,49 milliards d'euros en 2016 .

La baisse plus marquée des autorisations d'engagement que des crédits de paiement est liée au fait que la dotation inscrite en loi de finances initiale pour 2015 sur le programme support intégrait un montant très important d'autorisations d'engagement destiné à permettre la conclusion d'un contrat de crédit-bail pour l'acquisition de la Tour Séquoia, dans le cadre du projet immobilier du ministère.

Il convient par ailleurs d'ajouter au montant des crédits prévus pour 2016 1,59 milliard d'euros de fonds de concours et attributions de produits en AE, contre 1,55 milliard d'euros en CP , principalement attendus sur le programme 203 4 ( * ) « Infrastructures et services de transports ».

Répartition des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » par programme dans le projet de loi de finances pour 2016

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet annuel de performances de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » annexé au projet de loi de finances pour 2016

Globalement, en valeur absolue, le budget du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie baissera d'une centaine de millions d'euros par rapport à 2015, avec un ajustement à la baisse des plafonds de crédits de la plupart des programmes par rapport aux plafonds prévus par l'annuité 2016 de la loi de programmation des finances publiques ( cf. supra ).

Les économies supplémentaires portent pour 10 millions d'euros sur la masse salariale. Ainsi, hors contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », les dépenses de personnel s'établissent à 1 332,9 millions d'euros, contre une prévision de 1 342,9 millions d'euros au titre de l'annuité 2016 de la LPFP.

Les économies portent également sur les dépenses d'intervention, notamment celles de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM), en raison de la baisse démographique de la population concernée, et celles liées aux plans de prévention des risques technologiques (PPRT), en raison de l'étalement plus important que prévu de la réalisation de ces actions.

Enfin, la réduction des crédits concerne aussi les dépenses de fonctionnement . Ainsi, les dépenses du programme 217, hors titre 2, connaissent un écart de 2 millions d'euros par rapport au plafond prévu par l'annuité 2016 de la LPFP. Cela marque un effort important de la part du ministère pour participer à l'effort de redressement des comptes publics, alors que des surcoûts exceptionnels liés à l'opération de regroupement immobilier des services de l'administration centrale dans deux immeubles au lieu de cinq sont attendus au titre de l'année 2016 5 ( * ) . En effet, après l'installation de plus de la moitié des agents des services centraux dans la tour Séquoia en 2014 et son acquisition par crédit-bail en 2015, les travaux de rénovation et de modernisation de la Paroi Sud et du toit de la Grande Arche de la Défense se poursuivront en 2016 , avant sa réoccupation par l'autre moitié des agents en 2017.

La rationalisation des dépenses de fonctionnement passe notamment par un recours accru aux marchés nationaux et des coupes sur divers postes de dépenses comme la reprographie, les frais de déplacement et les frais d'envoi. En outre, le déploiement du réseau interministériel (RIE) de l'État doit permettre de réaliser des économies, et d'absorber ainsi une partie de la baisse de crédits.

Dans ce contexte, seul sera relativement préservé le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité », à travers une hausse de 4 millions d'euros de ces crédits de paiement .

En termes de ressources humaines, les effectifs diminuent en moyenne de 2,5 % sur les différents programmes, à l'exception de la sûreté nucléaire ( cf. infra ).

Écart des plafonds de CP et d'AE prévus par le PLF 2016 (à périmètre courant)
par rapport à ceux de l'annuité 2016 de la LPFP

(en millions d'euros)

LPFP 2016 AE

LPFP 2016 CP

PLF 2016 AE

PLF 2016
CP

Écart AE

Écart CP

P. 113

277,0

276,4

276,4

276,4

-0,6

0,0

P. 159

96,0

96,0

95,8

95,8

-0,2

-0,2

P. 170

202,8

202,8

199,8

199,8

-3,0

-3,0

P. 174

512,4

514,7

510,6

512,9

-1,8

-1,8

P. 181 hors T2

258,2

194,9

244,6

183,2

-13,6

-11,7

P. 181 T2 hors CAS « Pensions »

33,5

33 ,5

33,5

33,5

0,0

0,0

P. 181 T2 CAS « Pensions »

7,9

7,9

8,4

8,4

0,5

0,5

P. 217 hors T2

484,4

513,9

465,6

509,2

-18,9

-4,7

P. 217 T2 hors CAS « Pensions »

1 309,7

1 309,7

1 285,1

1 285,1

-24,5

-24,5

P. 217 T2 CAS « Pensions »

669,2

669,2

654,5

654,5

-14,7

-14,7

217

2 463,3

2 492,7

2 405,2

2 448,8

-58,1

-44,0

203

3 214,6

3 219,8

3 206,8

3206,3

-7,9

-13,5

205

185,0

185,4

185,9

183,4

0,9

-2,1

Mission

7 250,7

7 224,3

7 166,9

7 148,5

-83,7

-75,7

Source : réponses du secrétariat général du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie (MEDDE) au questionnaire de votre rapporteur spécial

De surcroît, des efforts d'économies identiques à ceux réalisés par les services de l'État sont demandés aux opérateurs de la mission, aussi bien s'agissant de leurs effectifs que de leurs subventions de fonctionnement. Ainsi, le montant de leurs subventions pour charge de service public passera de 1,08 milliard d'euros en 2015 à 1,05 milliard d'euros en 2016, soit une baisse globale de 2,29 % .

En outre, les opérateurs connaissent en moyenne une réduction de l'ordre de 3 % de leurs dépenses de personnel , ainsi qu'une diminution du plafonnement de leurs taxes affectées. Le montant de ces dernières passera de 5,7 milliards d'euros en 2015 à 5,2 milliards d'euros en 2016 , soit une baisse globale de 8,1 % .

Cette évolution est principalement due à la baisse du plafond de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) affectée à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), qui passe de 1 139 millions en 2015, à 715 millions en 2016, et à la baisse de 15 % du plafond de la taxe additionnelle à la taxe sur les installations nucléaires de base (INB) affectée à l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA). Il convient enfin de noter le plafonnement global, à compter de 2016, des redevances de l'eau affectées aux agences de l'eau, pour un montant de 2,3 milliards d'euros.

C. LA POURSUITE DE LA RÉDUCTION DES EFFECTIFS À UN RYTHME SOUTENU

Le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie participe également à l'effort de maîtrise des emplois publics . En effet, le schéma d'emplois ministériel s'établit à - 671 équivalents temps plein (ETP), après une baisse de 515 ETP en 2015, tandis que le schéma d'emploi global des opérateurs sera maintenu en 2016 à - 461 ETP, pour un plafond d'emplois de 20 475 ETP, contre 20 929 en 2015.

Le plafond d'emplois du ministère pour 2016, qui porte les effectifs du programme support et de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) imputés sur le programme 181 « Prévention des risques », s'élève donc à 30 722 équivalents temps plein travaillés (ETPT), contre 31 642 ETPT en 2015 .

Le ministère de l'écologie est celui qui, après le ministère de l'économie, devrait perdre le plus d'emplois. La baisse des effectifs devrait notamment affecter les services territoriaux, représentant de l'ordre de 22 000 emplois sur les 30 000 que compte le ministère.

Au total, le schéma d'emplois connaît ainsi une aggravation de 100 suppressions supplémentaires par rapport aux arbitrages du triennal .

L'ensemble de ces efforts permettent au ministère de réaliser une réduction de 1 % de sa masse salariale, performance que l'on peut souligner . Le ministère de l'écologie est ainsi l'un des rares ministères qui parvient à réduire sa masse salariale en valeur absolue .

Dans ce schéma, la masse salariale de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) est néanmoins épargnée compte tenu de l'évolution de ses missions : le projet de loi de finances pour 2016 prend en compte un renforcement des effectifs de l'opérateur par un schéma d'emplois de + 10 ETP 6 ( * ) .

Au niveau du programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables », le plafond des effectifs passe de 31 267 ETPT en 2015 à 30 330 ETPT en 2016 (- 937 ETPT), ce qui représente 1 807 millions d'euros de crédits de personnel, charges sociales comprises. Pour mémoire, entre 2014 et 2015, le programme avait connu une réduction de 735 ETPT, pour un montant de dépenses de personnel de 1 859 millions d'euros.

Le tableau ci-après présente la répartition du plafond d'emplois entre les différents programmes de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Répartition du plafond d'emplois par action dans le projet de loi de finances pour 2015 et le projet de loi de finances pour 2016 sur le programme support

(en ETPT)

Numéro et intitulé de l'action/sous-action

Plafond demandé en 2015

Plafond demandé en 2016

07 - Personnels oeuvrant pour les politiques du programme « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables »

7 675

7 352

08 - Personnels oeuvrant pour les politiques du programme « Infrastructures et services de transports »

10 892

10 613

09 - Personnels oeuvrant pour les politiques du programme « Sécurité et éducation routière »

651

26

11 - Personnels oeuvrant pour les politiques du programme « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture »

2 870

2 834

13 - Personnels oeuvrant pour les politiques du programme « Paysages, eau et biodiversité »

3 031

3 326

16 - Personnels oeuvrant pour les politiques du programme « Prévention des risques »

3 237

3 245

22 - Personnels transférés aux collectivités territoriales

4 189

2 100

23 - Personnels oeuvrant pour les politiques du programme « Énergie, climat et après-mines »

784

775

24 - Personnels oeuvrant dans le domaine des transports aériens

40

40

25 - Commission nationale du débat public

7

7

26 - Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA)

12

12

Total

33 888 7 ( * )

30 330

Source : commission des finances du Sénat, d'après les projets annuels de performances de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » annexés aux projets de lois de finances pour 2015 et 2016

Il convient par ailleurs de rappeler que, en gestion, le schéma d'emplois du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sera mis en oeuvre en commun avec celui du ministère du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.

Les prévisions de départ à la retraite s'établissent à 1 486 au périmètre des deux ministères, soit un taux de non remplacement des départs en retraite de 63 %.

Prévisions de départs à la retraite sur le périmètre du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie (MEDDE)

2014 (constaté)

2015 (prévisions)

2016 (prévisions)

A

256

239

207

B

454

372

365

C

493

485

486

Total

1 203

1 096

1 058

Source : réponses du secrétariat général du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

Schémas d'emplois du MEDDE - exercices 2014 à 2016

(en ETP)

2014

2015

2016

A

-67

-33

-41

B

-183

-196

-214

C

-272

-286

-416

Total

-522

-515

-671

Source : réponses du secrétariat général du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial


* 1 Programmes 203 « Infrastructures et services de transports », 205 « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture », et 170 « Météorologie ».

* 2 Cette politique représente 93,39 % des crédits du programme 174.

* 3 Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

* 4 Respectivement 1,48 milliard d'euros en AE et 1,44 milliard d'euros en CP sur ce programme.

* 5 À compter de 2018, cette opération devrait permettre de réaliser des économies de l'ordre de 8 à 10 millions d'euros par an.

* 6 Le plafond d'emplois de l'ASN, fixé à 375 ETPT en 2015, passe à 392 ETPT en 2016.

* 7 Pour mémoire, ce montant correspond au plafond d'emplois demandé pour 2015, tandis que le plafond autorisé s'est finalement élevé à 31 267 ETPT.