MM. Bernard DELCROS et Daniel RAOUL, rapporteurs spéciaux

QUATRIÈME PARTIE :
LE PROGRAMME 147 « POLITIQUE DE LA VILLE »
(RAPPORTEUR SPÉCIAL : DANIEL RAOUL)

Désormais placé sous la responsabilité du Commissaire général à l'égalité des territoires (CGET), le programme 147 « Politique de la ville », figure, pour la deuxième année, dans la mission « Politique des territoires » - et non plus dans la mission « Égalité des territoires et logement ». Il représente plus de 60 % des crédits de la mission .

Soutien des politiques publiques destinées aux habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville , tels que définis par la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, ce programme comprend quatre actions :

- l'action 01 « Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville » comprend les crédits spécifiques de la politique de la ville et consacrés aux actions menées dans le cadre des nouveaux contrats de ville tels que prévus par la loi précitée du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine ;

- l'action 02 « Revitalisation économique et emploi » correspond, d'une part, aux crédits consacrés à la compensation dues aux régimes de sécurité sociale des exonérations de charges sociales applicables en zones franches urbaines (ZFU) et désormais éteint, et d'autre part, la contribution du programme à la subvention pour charge de service public de l'établissement public d'insertion de la défense (EPIDe), lequel est rattaché à titre principal au programme 102 « Aide et retour à l'emploi » de la mission « travail et emploi » ;

- l'action 03 « Stratégie, ressources et évaluation », qui correspond à des crédits destinés à l'animation de la politique de la ville, mise en oeuvre par le CGET au niveau national et les préfets au niveau local ;

- l'action 04 « Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie » , ne comprend que des dépenses d'intervention destinées à la rénovation des collèges les plus dégradés.

I. UN BUDGET 2016 CONFORTÉ MALGRÉ UNE BAISSE OPTIQUE DES CRÉDITS

A. LA HAUSSE DE 4 % DES CRÉDITS DU PROGRAMME HORS COMPENSATIONS D'EXONÉRATION DE CHARGES SOCIALES EN ZFU EN COURS D'EXTINCTION

Le programme 147 se voit attribuer 437,17 millions d'euros en AE et 438,05 millions d'euros en CP pour 2016, soit une baisse de respectivement 2,63 % et 2,68 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2015 26 ( * ) .

Actions du programme

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2015

PLF 2016

évolution

LFI 2015

PLF 2016

évolution

01 Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville

331 819 031

346 974 000

4,57 %

331 819 031

346 974 000

4,57 %

02 Revitalisation économique et emploi

83 348 996

57 637 123

-30,85 %

83 348 996

57 637 123

-30,85 %

03 Stratégie, ressources et évaluation

33 756 978

32 559 910

-3,55 %

34 040 708

32 559 910

-4,35 %

04 Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie

43 000

0

-100,00 %

923 000

880 000

-4,66 %

Total du programme

448 968 005

437 171 033

-2,63 %

450 131 735

438 051 033

-2,68 %

1. Une baisse globale des crédits qui s'explique principalement par l'extinction progressive du dispositif d'exonération de charges sociales dans les ZFU

La baisse globale des crédits de la mission, qui s'élève à 12 millions d'euros , s'explique principalement par l'extinction progressive, depuis le 31 décembre 2014, du dispositif d'exonération de charges sociales en zones franches urbaines. Ainsi, ces exonérations bénéficient encore aux entreprises entrées dans le dispositif avant sa suppression par la loi de finances initiale pour 2015. Toutefois, compensées par l'État auprès des caisses de sécurité sociale, elles ont fait l'objet d'une révision de leur mode de calcul en 2009 qui contribue à en réduire le coût.

Ces exonérations, figurant dans l'action 02, correspondent ainsi à une prévision de dépenses de 31,6 millions d'euros en AE=CP pour 2016, contre 61,2 millions d'euros en 2015 (soit une baisse de 48,4 % équivalent à près de 30 millions d'euros).

En outre, le programme 147 « Politique de la ville » connaît une évolution de périmètre compte tenu de la dissolution effective, au 1 er janvier 2016, de l'ACSé. Le CGET, créé par la loi précitée du 21 février 2014, est destiné à remplacer à la fois l'ACSé, le Secrétariat général du comité interministériel des villes (SG-CIV) et la Délégation à l'aménagement des territoires et à l'attractivité régionale (DATAR).

Conformément à l'article 105 de la loi de finances pour 2015, le transfert des activités de l'ACSé à l'État et la dissolution de l'agence ont toutefois été repoussés d'un an, soit au plus tard au 1 er janvier 2016, afin de sécuriser les circuits de paiement jusqu'à présent assurés par l'agence et concernant les crédits de subvention liés à la politique de la ville, au programme européen URBACT et aux crédits du Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD).

Ainsi, le projet de loi de finances pour 2016 prévoit le transfert de quinze équivalents temps-plein (ETP) du programme 147 « Politique de la ville » au programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » qui regroupe l'ensemble des moyens de fonctionnement du CGET. Ils correspondent à un emploi de directeur général, un agent comptable et treize emplois pour le secrétariat technique du programme européen URBACT.

Il importe que la dissolution de l'ACSé soit bien réalisée avant le 1 er janvier 2016 dans des conditions qui garantissent la fiabilité du système de versement des subventions.

2. Un renforcement des autres crédits, essentiellement en faveur des actions territorialisées et des dispositifs spécifiques de la politique de la ville

Sans tenir compte de la baisse automatique de la dépense liée à ces compensations d'exonération, les crédits du programme 147 « Politique de la ville » augmentent de 17,5 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2016 , soit une hausse de plus de 4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2015.

L'augmentation bénéficie principalement à l'action 01 consacrée aux actions territorialisées et aux dispositifs spécifiques de la politique de la ville qui, avec plus de 15 millions d'euros supplémentaires par rapport à la dotation initiale de 2015, atteignent 347 millions d'euros en AE et en CP.

Ces crédits additionnels sont destinés au financement des actions menées en faveur du lien social et de la participation citoyenne (49,5 millions d'euros en 2016, contre 35,7 millions d'euros en 2015) ainsi que pour le programme de réussite éducative qui bénéficie d'une augmentation d'1,3 million d'euros (pour atteindre 77,3 millions d'euros).

Actions territorialisées et autres dispositifs spécifiques
de la politique de la ville en 2016 (action 01)

(en millions d'euros)

ACTIONS TERRITORIALISÉES DES CONTRATS DE VILLE

195,7

Pilier Emploi et développement économique

46,2

Développement économique, emploi et soutien entrepreneurial

42,7

Écoles de la deuxième chance

3,5

Pilier Cohésion sociale

137,5

Éducation hors dispositif programme de réussite éducative

38,4

Accès à la réussite pour tous

7,8

Autres actions financées dans le volet éducation des contrats de ville

30,6

Santé et accès aux soins

14,5

Ingénierie des ateliers santé ville

6,5

Autres actions financées dans le cadre du volet santé des contrats de ville

8

La culture et l'expression artistique

12,1

Lien social, participation citoyenne

49,5

L'accès aux droits et la prévention des discriminations

14

Accès aux droits et aux services publics

5

La prévention et la lutte contre les discriminations

9

Programme « Ville Vie Vacances »

9

Pilier Cadre de vie et rénovation urbaine

5

Le volet « habitat et cadre de vie » des contrats de ville

5

Pilotage, ingénierie et évaluation des contrats de ville

7

AUTRES DISPOSITIFS FINANCÉS

151,3

Programme de réussite éducative

77,3

Programme adulte-relais

74

TOTAL POUR L'ACTION 1

347

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet annuel de performances pour 2016

L'action 01 représente désormais près de 80 % de l'enveloppe budgétaire de la mission.

Évolution des crédits du programme par actions

Source : commission des finances d'après le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2016

Il convient de noter que la dotation allouée par le programme 147 à l'EPIDe augmente également de 3,9 millions d'euros, pour atteindre 26 millions d'euros en AE=CP (au sein de l'action 02 qui comprend aussi les crédits consacrés aux compensations d'exonération de charges sociales).

Ces moyens supplémentaires visent à permettre la mise en oeuvre des engagements pris par le Gouvernement dans le cadre du comité interministériel à l'égalité et à la citoyenneté 27 ( * ) .

B. UNE MESURE DE LA PERFORMANCE QUI JUSTIFIE LA MISE EN oeUVRE D'ACTIONS CIBLÉES ET AMBITIEUSES

À l'occasion du projet de loi de finances pour 2015, le programme 147 « Politique de la ville » a vu le nombre de ses indicateurs de performance passer de 6 à 4, avec la suppression de trois indicateurs 28 ( * ) et la création d'un nouvel indicateur de mission portant sur l'écart entre le revenu fiscal moyen des ménages habitants dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et leurs agglomérations.

Les objectifs assignés au programme et les indicateurs de performance qui leur sont associés permettent de mesurer l'importance des actions menées dans le cadre de la politique de la ville, compte tenu notamment des écarts enregistrés dans trois domaines : développement économique, social et revenus des habitants.

Si les écarts demeurent importants entre les résultats obtenus dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les autres territoires auxquels ils sont comparés, les indicateurs justifient pleinement la concentration des moyens sur ces quartiers , d'autant plus après le resserrement de la géographie prioritaire opérée par la loi précitée du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

Ainsi, le renforcement de la mixité fonctionnelle se mesure au regard des écarts constatés entre la densité d'établissements exerçant une activité d'industrie et de commerce dans les zones franches urbaines-territoires entrepreneurs et celles de leurs unités urbaines. Les dispositifs fiscaux prévus pour soutenir l'activité économique sont destinés à réduire ces écarts 29 ( * ) .

Indicateur 1.1 - Écart entre la densité d'établissements
exerçant une activité d'industrie et de commerce dans les territoires entrepreneurs et celle constatée dans les unités urbaines correspondantes

(en nombre d'établissements pour 1 000 habitants)

Source : commission des finances d'après le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2016

De même, le taux de réussite au brevet des collèges des élèves scolarisés dans un établissement bénéficiant du réseau d'éducation prioritaire renforcé (REP+) dans un quartier prioritaire de la politique de la ville est 13,7 points inférieur en 2014 à celui des élèves qui ne se trouvent pas dans un tel quartier (indicateur 2.1 qui a d'ailleurs été modifié dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016). L'objectif affiché par le projet annuel de performances est de réduire cet écart à 10 points en 2016 et 7 points en 2017, compte tenu des moyens renforcés en faveur de ces établissements.

Indicateur 2.1 - Évolution des chances de réussite scolaire des élèves scolarisés en collège REP+ dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV)

(en %)

Source : commission des finances d'après le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2016

S'agissant enfin de la lutte contre les « concentrations de pauvreté » , l'indicateur de mission mesure, selon le projet annuel de performances, « l'évolution de la situation sociale des quartiers de la politique de la ville », en retenant le rapport entre le revenu fiscal moyen par unité de consommation des quartiers prioritaires de la politique de la ville et celui des agglomérations auxquelles ils appartiennent.

Si la prévision initiale pour l'année 2015 était fixée à 52,2 % pour les zones urbaines sensibles (ZUS), elle a été revue à la baisse pour atteindre seulement 47,7 % pour les quartiers prioritaires de la politique de la ville qui s'y sont substitués en vertu de la nouvelle géographie prioritaire. L'objectif d'ici à 2017 est d'obtenir un rapport de 50 % entre ces quartiers et leurs agglomérations.

Indicateur 3.1 - Rapport entre le revenu fiscal moyen par unité de consommation des QPV et celui de leurs agglomération

Source : commission des finances d'après le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2016

Enfin, le quatrième indicateur , relatif au taux de couverture des démolitions par des reconstructions, devrait évoluer dans l'avenir afin de tenir compte du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU).


* 26 Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

* 27 Cf . le A du II de la présente quatrième partie.

* 28 Pour mémoire, il s'agissait des indicateurs suivants : efficience de l'allocation de moyens consacrés à la réussite éducative et aux internats d'excellence, part des crédits consacrés aux communes prioritaires et respect du calendrier d'engagement du programme national de rénovation urbaine.

* 29 Cf . le B du II de la présente quatrième partie.