MM. François Patriat et Jean-Claude Requier, rapporteurs spéciaux

III. LA LUTTE CONTRE LE CHÔMAGE DES JEUNES : UNE PRIORITÉ GOUVERNEMENTALE RÉAFFIRMÉE

Votre rapporteur spécial constate tout d'abord avec satisfaction que les crédits consacrés aux missions locales sont maintenus à leur niveau de 2015 (188,8 millions d'euros en AE comme en CP, 15 millions d'euros en AE et en CP au titre de l'accompagnement des emplois d'avenir 9 ( * ) et 69,4 millions d'euros en CP au titre de l'accompagnement des bénéficiaires de la garantie jeunes). Votre rapporteur spécial tient à saluer le travail accompli par ces structures dans le suivi des jeunes rencontrant de grandes difficultés d'insertion .

A. UNE MONTÉE EN PUISSANCE DE LA GARANTIE JEUNES ATTESTANT DE SON UTILITÉ DANS LA LUTTE CONTRE LE DÉCROCHAGE ET L'EXCLUSION

La garantie jeunes est issue du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale de 2013. Elle s'adresse aux jeunes de 18 à 25 ans révolus qui ne sont ni étudiants, ni en emploi, ni en formation (NEET) et pour lesquels il existe un risque d'exclusion sociale.

Ce dispositif comporte deux volets :

- un volet formation : le jeune doit pouvoir bénéficier d'une première expérience professionnelle. Il lui est en outre proposé un parcours associant un accompagnement collectif durant les premiers mois, des expériences de mise en situation professionnelle et de formation et un accompagnement individuel tout au long de l'année. Cet accompagnement est assuré par les missions locales ;

- un volet financier consistant en une garantie de ressources : le jeune bénéficie d'une allocation forfaitaire mensuelle d'un montant de 452,21 euros depuis le 1 er janvier 2015, cumulable avec les revenus d'activité jusqu'à 300 euros et dégressive ensuite jusqu'à un niveau équivalent à 80 % du montant du SMIC brut mensuel.

Votre rapporteur spécial se félicite du succès de ce dispositif qui a prouvé son utilité pour les jeunes les plus en difficulté (près de 80 % des bénéficiaires sont faiblement qualifiés et environ 20 % d'entre eux sont issus de zones urbaines sensibles ou de quartiers prioritaires de la politique de villes).

Fin 2015, l'ensemble des régions, 72 départements et 273 missions locales devraient participer à ce dispositif. Au total, ce seront près de 50 000 jeunes qui auront intégré un parcours depuis le début de l'expérimentation.

Évolution du nombre de bénéficiaires de la garantie jeunes

Source : réponse au questionnaire budgétaire

En 2016, l'enveloppe consacrée à la garantie jeunes s'élèvera à 299,43 millions d'euros en AE et 272,83 millions d'euros en CP, soit une augmentation de 63,2 % en AE et de 66,2 % en CP par rapport à 2015 . Ces montants prennent en compte le coût de l'accompagnement par les missions locales 10 ( * ) (96 millions d'euros en AE et 69,4 millions d'euros en CP) et celui de l'allocation (203,4 millions d'euros en AE et CP). L'augmentation des crédits consacrés à la garantie jeunes devrait permettre l'accompagnement de 10 000 bénéficiaires supplémentaires (60 000 contre 50 000 en 2015), un objectif de 100 000 bénéficiaires étant fixé à l'horizon 2017 .

B. LE CONTRAT DE GÉNÉRATION : UN BILAN CONTRASTÉ

Mis en place par la loi du 1 er mars 2013 11 ( * ) , le contrat de génération vise à la fois à augmenter le taux d'emploi et l'insertion durable des jeunes en emploi, en privilégiant les recrutements en CDI, et le maintien en emploi voire le recrutement de séniors.

Le contrat de génération

Le contrat de génération s'adresse à l'ensemble des entreprises et à leurs salariés selon deux modalités différentes d'incitation :

- les entreprises et groupes de moins de 300 salariés peuvent bénéficier d'une aide financière d'un montant de 4 000 euros par an pendant trois ans pour le recrutement en CDI de jeunes de moins de 26 ans (ou moins de 30 ans pour les travailleurs reconnus handicapés) et le maintien dans l'emploi de salariés de 57 ans ou plus (ou recrutés à partir de 55 ans) ou de 55 ans et plus pour les travailleurs reconnus handicapés ;

- les entreprises et groupes de 300 salariés et plus sont invités à négocier un accord d'entreprise reprenant les enjeux du contrat de génération, sous peine de devoir verser une pénalité financière.

L'article 20 de la loi relative à la formation professionnelle, l'emploi et la démocratie sociale du 5 mars 2014 a modifié les dispositions relatives au contrat de génération afin d'en faciliter l'accès :

- s'agissant de l'aide financière, dans le cadre de la transmission d'entreprises de moins de 50 salariés, la limite d'âge maximale pour le jeune a été relevée de 26 à 30 ans ;

- pour les entreprises de 50 à 299 salariés, ou appartenant à un groupe de 50 à 299 salariés, les conditions d'accès direct à l'aide sont désormais identiques à celles prévues pour les entreprises de moins de 50 salariés, sans nécessité de négociation préalable.

Parallèlement, ces entreprises sont incitées à négocier sur le contrat de génération : elles devront être ainsi couvertes par un accord ou plan d'action d'entreprises, ou un accord de branche. Dans ce souci d'élargissement de l'accès à l'aide, le décret n° 2014-1046 du 12 septembre 2014 portant majoration de l'aide accordée au titre du contrat de génération renforce l'incitation à recruter un jeune ainsi qu'un senior puisque l'aide financière est doublée en cas de double recrutement.

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Le bilan du contrat de génération apparaît contrasté . Ainsi, en 2014, les crédits consacrés à ce dispositif ont été significativement sous-consommés. La loi de finances initiale pour 2014 avait prévu une enveloppe de 975 millions d'euros en AE et de 165 millions d'euros en CP. Or la dépense relative aux contrats de génération ne s'est élevée qu'à 256 millions d'euros en AE et 83,6 millions d'euros en CP. Ce faible taux de consommation (26,3 % pour les AE et 50,7 % pour les CP) s'explique par un nombre d'entrées dans le dispositif très inférieur aux prévisions . En effet, sur les 50 000 nouveaux contrats prévus (contrats conclus par les entreprises de moins de 300 salariés et ouvrant donc droit à une aide financière), 18 100 seulement ont été constatés.

Au 20 septembre 2015, 51 768 demandes ont été acceptées en cumul depuis la création du dispositif, sur un objectif initial de 75 000 par an, soit 500 000 en cinq ans . Ces objectifs ont donc été revus à la baisse à hauteur de 40 000 entrées en 2015 et de 20 000 entrées en 2016. Les crédits consacrés à ce dispositif sont également en diminution (cf. supra ).

Selon les informations communiquées par le ministère à votre rapporteur spécial, le volet financier du contrat de génération aurait facilité le recrutement de 40 000 jeunes de moins de 26 ans en CDI et le maintien en emploi ou le recrutement d'un même nombre de séniors .

S'agissant du volet négociation , les engagements semblent encourageants. Ainsi, au 31 décembre 2014, cinq millions de salariés étaient couverts par près de 10 000 accords ou plan d'action d'entreprise ou de groupe fixant un objectif total de 109 100 recrutement de jeunes en CDI et le maintien en emploi de 300 000 séniors sur les trois prochaines années .

Votre rapporteur spécial sera attentif, à l'occasion de l'examen du projet de loi de règlement, au niveau de réalisation de ces objectifs .

C. UN EFFORT EN FAVEUR DE L'APPRENTISSAGE AMPLIFIÉ EN 2016 AVEC LA CRÉATION DE L'AIDE « TPE - JEUNES APPRENTIS »

1. Une politique volontariste en faveur de l'apprentissage qui commence à porter ses fruits

La réforme du financement de l'apprentissage a été engagée par l'article 60 de la loi de finances rectificative pour 2013 qui a procédé à une fusion de la taxe d'apprentissage avec la contribution au développement de l'apprentissage. La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale et l'article 8 de la loi de finances rectificative pour 2014 ont parachevé cette réforme qui est entrée pleinement en vigueur au 1 er janvier 2015.

En parallèle, il a été procédé à une refonte des dispositifs financiers de soutien à l'apprentissage (cf. encadré ci-dessous).

Les dispositifs de soutien à l'apprentissage

Les entreprises recrutant un apprenti bénéficient tout d'abord de l'exonération de certaines cotisations patronales et salariales en fonction de leur taille.

L'article 140 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 a remplacé l'indemnité compensatrice forfaitaire par une nouvelle prime à l'apprentissage versée aux entreprises de moins de onze salariés par les régions et dont le montant ne peut être inférieur à 1 000 euros par année de formation. Un dispositif transitoire a été mis en place pour les contrats d'apprentissage conclus avant le 31 décembre 2013.

Par ailleurs, le crédit d'impôt de 1 600 euros, bénéficiant aux employeurs d'apprentis, est désormais ciblé sur la première année de formation conduisant à un diplôme ou un titre à finalité professionnelle de niveau III (équivalent BTS) ou inférieur.

Enfin, l'article 123 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 a mis en place une aide au recrutement d'apprentis pour les entreprises de moins de 250 salariés . Cette aide, versée par la région, ne peut être inférieure à 1 000 euros. Elle est une incitation au recrutement d'un premier apprenti ou d'un apprenti supplémentaire.

Par ailleurs, depuis le 2 mai 2015, l'autorisation préalable d'embauche d'apprentis pour les travaux dits dangereux est remplacée par une déclaration simplifiée et le régime pour les travaux en hauteur est adapté , sans réduire pour autant le niveau de protection des jeunes qui devront être préalablement formés avant d'être affectés à des travaux réglementés.

Dans une note de juillet 2015, la Dares 12 ( * ) souligne qu'« en 2014, 265 000 nouveaux contrats d'apprentissage ont été comptabilisés dans le secteur privé, soit une baisse de 3 % par rapport à 2013, moindre que les - 8 % observés l'année précédente », 2013 ayant constitué une année « atypique dans l'histoire récente de l'apprentissage » en termes d'apprentissage. Elle constate en outre que « ce sont les très faibles recrutements dans le secteur de la construction qui expliquent le recul des entrées en apprentissage en 2014 ».

Par ailleurs, selon les informations communiquées par le ministère à votre rapporteur spécial, les chiffres de la campagne de recrutements démarrée en juin 2015 seraient particulièrement encourageants, avec 48 500 entrées entre juin et août . En 2016, il est ainsi prévu un nombre de contrats moyen par mois s'élevant à 404 931 dont 277 015 entrées contre 386 754 contrats dont 264 580 entrées en 2015.

Votre rapporteur spécial constate avec satisfaction que les efforts consentis en matière d'apprentissage semblent commencer à produire leurs effets .

2. Un dispositif complété par l'aide « TPE-Jeunes apprentis »

L'augmentation significative des crédits en faveur de l'alternance, qui passeront de 1,3 milliard d'euros en AE comme en CP en 2015 à 1,6 milliard d'euros en AE et 1,5 milliard d'euros en CP, est principalement liée à la mise en place de l'aide « TPE-Jeunes apprentis » qui sera dotée de 308 millions d'euros en AE et 221,84 millions d'euros en CP .

Créée par le décret n° 2015-773 du 29 juin 2015 portant création d'une aide en faveur des très petites entreprises embauchant des jeunes apprentis, cette nouvelle aide, qui complète les dispositifs existants (cf. supra ), s'adresse aux entreprises de moins de onze salariés recrutant en contrat d'apprentissage, à compter du 1 er juin 2015, un jeune de moins de 18 ans à la date de la conclusion du contrat .

Son montant est fixé à 1 100 euros par trimestre d'exécution du contrat . Elle est attribuée dans la limite des douze premiers mois ( soit un total de 4 400 euros ).

D. LES DISPOSITIFS DE LA DEUXIÈME CHANCE : DES INITIATIVES ENREGISTRANT DES RÉSULTATS ENCOURAGEANTS

Deux dispositifs de la deuxième chance sont financés à partir de crédits de la mission « Travail et emploi » : l'établissement public d'insertion de la défense (Épide) et les écoles de la deuxième chance (E2C).

Vos rapporteurs spéciaux ont réalisé un contrôle budgétaire portant sur les écoles de la deuxième chance au terme duquel, considérant que ce dispositif enregistre de bons résultats en matière de lutte contre le décrochage et l'exclusion des jeunes, ils appellent à un maintien de ce dispositif, à une consolidation de ses financements et à une amélioration des outils de suivi et de pilotage .

Aussi, votre rapporteur spécial se félicite du maintien des crédits consacrés à ce dispositif en 2016 à hauteur de 24 millions d'euros en AE comme en CP .

S'agissant de l'Épide, les crédits qui lui seront consacrés s'élèveront en 2016 à 50,81 millions d'euros en AE et en CP, soit une augmentation de près de 6 millions d'euros par rapport à 2015 . En effet, la dotation prévue en 2016 tient compte de l'augmentation de la capacité d'accueil de l'établissement à hauteur de 570 places supplémentaires décidée par le président de la République et actée par le comité interministériel pour l'égalité et la citoyenneté du 6 mars 2015 .

Votre rapporteur spécial estime que l'Épide constitue une réponse originale et efficace aux difficultés rencontrées par certains jeunes (décrochage scolaire, nécessité d'un encadrement renforcé dans le cadre d'un internat, inadaptation des cursus scolaires proposés par l'éducation nationale, etc.). Ainsi, le taux de sorties positives de ce dispositif s'élevait en 2014 à 51 %, soit une augmentation de près de 4 % par rapport à l'année précédente et de 10 % par rapport à 2012.


* 9 En première délibération, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable de la commission des finances et du Gouvernement, deux amendements de notre collègue députée Chaynesse Khirouni visant à augmenter les crédits consacrés aux missions locales à hauteur de 10 millions d'euros au titre de l'accompagnement et de 2 millions d'euros au titre de leur fonctionnement.

* 10 Les missions locales bénéficient d'un soutien financier de l'État permettant d'accompagner les jeunes. Le coût unitaire de l'accompagnement est de 1 600 euros par bénéficiaire pour toute nouvelle entrée. Ce soutien n'est prévu que pour la première année d'accompagnement du jeune. Par ailleurs, comme le rappelle le projet annuel de performances de la présente mission « un cofinancement communautaire par le fonds social européen (FSE) et l'initiative pour l'emploi des jeunes (IEJ) est prévu à hauteur de 17,44 millions d'euros en AE et en CP. Il concerne les seules régions éligibles à l'IEJ, à savoir celles dont le taux de chômage des jeunes était supérieur à 25 % au 31 décembre 2012. Ce cofinancement s'établit sur la base d'un forfait de 3 600 euros par jeune (dont 1 600 euros pour l'accompagnement et 2 000 euros pour l'allocation). Les crédits européens prennent en charge 91,89 % de ce forfait soit 3 308 euros par jeune [...] Le financement communautaire est conditionné à une sortie positive du dispositif et au respect des obligations de reporting en termes de suivi du participant notamment ».

* 11 Loi n° 2013-185 du 1 er mars 2013 portant création du contrat de génération.

* 12 Dares analyses, juillet 2015, n° 057.